Comédie du Livre. Pratique égalitaire de la distribution du pouvoir

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La démocratie directe exigeait que le pouvoir politique soit citoyen. Photo dr

Paulin Ismard, Maître de conférence en histoire grecque à la Sorbonne évoque son essai  La Démocratie contre les experts. Présentation  Bernard Travier  aujourd’hui à 17h Auditorium du Musée Fabre.

Supposons un instant que le dirigeant de la Banque de France, le directeur de la police et celui des Archives nationales soient des esclaves, propriétés à titre collectif du peuple français. Imaginons, en somme, une République dans laquelle certains des plus grands serviteurs de l’État seraient des esclaves. Le Maître de conférence en histoire grecque à la Sorbonne Paulin Ismard questionne l’expérience de la lointaine Athènes avec l’idée  qu’elle pourrait nous aider à affronter, ici et maintenant, notre malheur politique.

En Grèce, laboratoire de la nouvelle gouvernance et d’une nouvelle « doctrine du cho c», le peuple  a de quoi réfléchir à cette absence d’alternative qui constitue désormais en Europe le mode de gouvernance néo-libéral. Il peut  dénoncer le chantage par lequel il s’exerce. Les modalités sont diverses selon les pays, les situations, les histoires, bien qu’il soit aisé de retrouver une certaine constance comme la façon par lesquelles l’extrême-droite européenne a été systématiquement promue, mise en avant, instrumentalisée, et parfois validées et reprises par les tenants de l’élite néo-libérale.

Dans la crise de la langue politique que nous traversons Paulin Ismard  s’attache au grand mot que demeure : La Démocratie, « aux contours incertains, mais qui s’offre à nos yeux à la fois comme un principe d’action et une aspiration indémodable, précise l’auteur,  qui  nous replonge dans l’Athènes de l’époque classique. « Ils étaient archivistes, policiers ou vérificateurs de la monnaie : tous esclaves, quoique jouissant d’une condition privilégiée, ils furent les premiers fonctionnaires des cités grecques. En confiant à des esclaves de telles fonctions, qui requéraient une expertise dont les citoyens étaient bien souvent dénués, il s’agissait pour la cité de placer hors du champ politique un certain nombre de savoirs spécialisés, dont la maîtrise ne devait légitimer la détention d’aucun pouvoir

La démocratie directe, telle que la concevaient les Grecs, impliquait que l’ensemble des prérogatives politiques soit entre les mains des citoyens. « Le recours aux esclaves assurait que nul appareil administratif ne pouvait faire obstacle à la volonté du peuple. En rendant invisibles ceux qui avaient la charge de son administration, la cité conjurait l’apparition d’un État qui puisse se constituer en instance autonome et, le cas échéant, se retourner contre elle

Une des manifestations du déni quotidien de l’idée démocratique ne tient-il pas dans l’exaltation du règne des experts ? Que la démocratie se soit construite en son origine contre la figure de l’expert gouvernant, mais aussi selon une conception de l’État qui nous est radicalement étrangère, voilà qui devrait nous intriguer.

JMDH

La démocratie contre les experts, Seuil (2015) 20 euros.

Rencontre avec Jean Claude Michéa.  Notre ennemi le capital

Jean-Claude Michéa Photo dr

Jean-Claude Michéa Photo dr

Dans un essai stimulant, Notre ennemi le capital, le philosophe montpelliérain prophétise la fin proche et souhaitable du libéralisme. Et établit Podemos en modèle pour la gauche européenne. « Il est aujourd’hui plus facile d’imaginer la fin du monde que celle du capitalisme. » Avec Notre ennemi, le capital (Climats), le philosophe Jean-Claude Michéa poursuit son travail de clarification et de démolition entrepris avec des livres aussi importants que Orwell, anarchiste Tory, L’empire du moindre mal ou La double pensée. Mais est-il encore possible de « rassembler la grande majorité des classes populaires autour d’un programme de déconstruction graduelle du système capitaliste » L’essayiste est devenu un auteur reconnu, notamment pour ses travaux sur George Orwell. Mais aussi, en raison d’une thèse qui pose le libéralisme économique comme indissociable du libéralisme politique.

Jean-Claude Michéa est l’un des invités de La Comédie du livre de Montpellier du 19 au 21 mai. Il participe à une rencontre ce soir à 19h00 au Centre Rabelais, entretien animé par Régis Penalva, directeur littéraire de la Comédie du Livre. Puis, il dédicacera ses ouvrages sur le Pôle 3 – Littérature française, librairie Sauramps, les 20 et 21 mai 2017.

Source La Marseillaise 19/05/2017

Voir aussi : Rubrique Livre, Essais, rubrique HistoirePoésie, Adonis : « Le problème, c’est la tyrannie théocratique »Hala Mohammad « la vérité et la liberté sont l’oxygène de la paix »,  rubrique Politique, rubrique International, Méditerranée, Montpellier, rubrique Société, Citoyenneté, On Line La Comédie du livre,

Le fascisme ne vient jamais seul. L’exemple Grec

Place Syntagma, Athènes, 29 avril 2012 © DA

Place Syntagma, Athènes, 29 avril 2012 © DA

?Privé de toute véritable réflexion sur les causes sociales de la montée de l’extrême-droite, cet antiracisme-là (celui de SOS Racisme comme des grandes manifestations unitaires des années 90) n’a jamais été qu’une passoire, qu’un crible ne faisant dans le fond barrage à rien — la preuve en est apportée aujourd’hui de la façon la plus critique et, au vrai, la plus dramatique qui soit.?

Opinion

1 Le fascisme est la catastrophe ; une catastrophe qui n’a cependant rien, absolument rien de naturel.

2 Nous sommes sur le fil du rasoir, «nous n’avons pas le choix» mais pouvons réfléchir aujourd’hui à cette absence d’alternative qui constitue désormais en Europe le mode de gouvernance néo-libéral et dénoncer le chantage par lequel il s’exerce — un chantage peut-être plus cruel et plus pervers encore dans la France de 2017 qu’il ne l’a été, en 2015, contre la Grèce.

3 Nous pouvons et devons réfléchir aux modalités (diverses selon les pays, les situations, les histoires) par lesquelles l’extrême-droite européenne a été systématiquement promue, mise en avant, instrumentalisée, à la façon dont ses thèses ont été méthodiquement validées et reprises par les tenants de l’élite néo-libérale, depuis des décennies. En Grèce, laboratoire de la nouvelle gouvernance et d’une nouvelle «doctrine du choc», Antonis Samaras a instrumentalisé l’armée supplétive d’Aube Dorée tout au long de son mandat dans le but de mieux imposer les programmes d’austérité de la troïka aux classes populaires et aux classes moyennes. Le fait que la gauche soit arrivée au pouvoir immédiatement après qu’un coup d’arrêt (judiciaire) ait été porté à la progression de ce parti mafieux et néo-nazi n’est pas dû au hasard (même s’il n’explique évidemment pas tout). Au mois de janvier 2015, l’UE s’est en tout état de cause retrouvée confrontée à un peuple qui n’était plus muselé, tenu ou menacé par l’organisation et la diversion de la haine, un peuple qui n’était plus diverti par le délire fasciste mais parlait un langage de justice, le langage de ses intérêts: on se souvient (ou l’on devrait se ressouvenir d’urgence) du putsch qui s’en est suivi (abrogation dans les faits des procédures et de tous les usages démocratiques, parlementaires, etc.), putsch auquel François Hollande, Manuel Valls, Emmanuel Macron (sans parler de «Libération» ou du «Monde») se sont empressés de prêter main forte. L’instrumentalisation de l’extrême-droite ne fonctionnant plus, on est donc passé sans ciller à la case «coup d’État», en mobilisant notamment les capacités d’étranglement de l’économie grecque dont disposait la Banque centrale européenne. Je me souviens pour ma part très bien de la disparition, de l’effacement du discours fasciste et raciste dans nos quartiers d’Athènes, qui sont parmi les plus populaires et les plus durement frappés par la crise, durant les six mois du premier gouvernement Syriza — ces mois au long desquels nous pensions que le gouvernement que nous avions élu était décidé à porter une politique et un langage de justice. Après avoir été omniprésent (et constamment menaçant) dans ces mêmes quartiers depuis 2012 au moins, le discours d’Aube Dorée n’existait tout simplement plus.

4 Si les cas de figure, les situations, les schémas ou les configurations varient, l’extrême-droite a toujours pour effet, pour fonction, de faire barrage : de faire barrage à une critique sociale, à un langage de justice, à ce que les classes populaires parlent la langue de leurs intérêts. (Les militants d’Aube Doré étaient à l’origine des briseurs de grève au service de quelques armateurs.) Le fascisme ne vient jamais seul.

5 Durant la semaine précédant le premier tour des élections françaises, l’establishment (médias, intellectuels organiques, décideurs, représentants du monde de l’entreprise et du grand patronat, «marchés»), a massivement fait campagne contre la gauche, non contre le FN. C’est ce qu’Emmanuel Macron continue aujourd’hui de faire (avec sa maladresse inimitable, cette bêtise presque gênante, cette diction curieusement hésitante lorsque, en particulier, il s’essaye à parler du «peuple», des «paysans», cette inculture crasse, cette absence totale d’empathie touchant à tout ce qui relève de l’humanité: « J’ai envahi le monde que je ne connais pas », dit la chanson). La singularité de Macron est de ne pas apercevoir que la stratégie qui valait pour le premier tour ne peut que le conduire, dans la perspective du second, à scier la branche sur laquelle il est assis (je parlais de bêtise).

6 Nous sommes en ce moment les témoins et les acteurs d’une recomposition accélérée de la gauche. Il y aura des fractures, des ruptures, des divisions, mais pas uniquement ; peut-être un véritable débat se poursuit-il aujourd’hui dans et à travers ces divisions. Mais il y aura des ruptures, oui. Les intérêts de classe sont une base de rassemblement solide mais ne peuvent être tenus et défendus que par la dissension, la confrontation, la lutte sociale et le combat politique, le courage de la rupture et de l’affrontement — ce courage que le gouvernement grec n’a finalement pas eu.

Source : Blog  de Dimitris Alexakis
dimanche 30 avril 2017

Voir aussi : Actualité internationale, Rubrique Finance, rubrique UE, Grèce,La logique des créanciers, jusqu’au bout de l’absurde2015 le révélateur grec, Varoufakis déplore l’impuissance de la France en EuropeDu traité constitutionnel à Syriza : l’Europe contre les peuples, Rubrique Economie, rubrique Société, Travail,   rubrique Politique, Politique EconomiqueMacron, le spasme du système, rubrique Opinion,

Boutographies : images vécues, construites ou pensées

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Un simple trait à peine perceptible, comme un fil tendu sur lequel la vie des hommes se joue. Kuwajima Ikuru

Les Boutographies débutent leur seizième édition samedi 6 mai au Pavillon Populaire. Ouverte sur le monde, cette manifestation propose un large éventail des pratiques photographiques. La célébration du talent et des formes nouvelles pour percevoir le monde. A découvrir partout en ville jusqu’au 28 mai.

De retour au Pavillon Populaire lieu dédié à la photo après deux années à la Panacée, plus accès sur les arts plastiques, les 16e Boutographies vont sans doute élargir leur angle d’ouverture au public. Ce que permet parfaitement le champs artistique de cette manifestation consacrée aux trois grands genres que sont l’art photographique, le documentaire et l’expérimental. Côté profondeur de champ, ce festival pluridisciplinaire reste intransigeant sur la qualité – la sélection s’opère cette année sur 650 dossiers – et généreux sur la quantité, avec 11 accrochages en provenance d’une vingtaine de pays et 18 expositions en projection. L’équipe reste soucieuse de n’oublier personne en étant consciente que l’accès que peut ouvrir la photographie au monde est une richesse autant qu’une nécessité.

« Nous souhaitons montrer ce que la création photographique la plus contemporaine nous propose. Cela se traduit par une attention particulière à la façon de mettre en images, de représenter, de donner forme à ce qui accompagne et peuple nos vie, plutôt qu’aux événements eux-mêmes, insaisissables par essence. »

Sur trois bonnes semaines, les Boutographies déploient leurs miroirs en divers lieux culturels du centre-ville dans le cadre de Hors les murs qui invite les amateurs à découvrir des photographes émergeants dans des lieux et galerie partenaires tels que, le Centre Art la Fenêtre, les galeries A la Barak, Dynamo, N° 5, St Ravy, Le Bar à Photo… A noter aussi la participation de l’Université Paul-Valéry avec Novo, festival inter-universitaire de la jeune création étudiante.

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ALBAN LÉCUYER The Grand Opening of Phnom Penh

 
Focus sur un là-bas
La programmation n’est pas thématique bien que l’on puisse y distinguer certaines tendances. Si les Boutographies se sont forgées une dimension internationale celles-ci émergent particulièrement cette année en provenance des contrées méridionale, orientale et extrême orientale. L’artiste français  Alban Lécuyer présente The Grand Opening of Pnom Penh avec une série documentaire qui met en lumière l’utopie urbaine à partir de la capitale du Cambodge, cette ville tragiquement vidée de ses habitants par les Kmers rouges en 1975, aujourd’hui livrée en pâture aux promoteurs immobiliers.

Le photographe japonais Kuwajima Ikuru nous entraîne dans les montagnes du Pamir. Il a photographié le chemin millénaire qui longe la rivière Panj marquant la frontière entre le Tadjikistan et l’Afghanistan. Un simple trait à peine perceptible, comme un fil tendu sur lequel la vie des hommes se joue, en équilibre précaire et en danger perpétuel de disparition, d’engloutissement par les éléments naturels.

Olga Stefatou

Olga Stefatou

La Grecque Olga Stefatou retourne dans son île de Cefalonia pour constater l’insupportable et l’inaliénable, le proche et l’incompréhensible. Elle y retrouve des fantômes doux ou sévères élevés en commun que d’aucun ont dû quitter. La Coréenne Eun Chun s’aventure au-delà du visible, dans la vaste sphère de l’image mentale. Dans cet univers qui questionne l’acte de voir, des gants de ménage imbibés de flocons de pomme de terre sont le pas dans la neige, et le mouvement d’un grand parapluie est le vol d’un aigle. Inépuisable inventivité, en accès libre.

JMDH

Infos : www.boutographies.com

Source La Marseillaise 29/05/2017

Voir aussi ;   Rubrique Artrubrique Photo rubrique Exposition, rubrique Montpellier,

Entretien Costa-Gavras : « Z a été comme une étincelle, les gens se sont éveillés »

« Ce qui m’intéresse essentiellement,  ce sont les gens qui résistent au pouvoir. »

« Ce qui m’intéresse essentiellement, ce sont les gens qui résistent au pouvoir. »

A Montpellier Le cinéaste et président de la Cinémathèque française Costa-Gavras était l’invité de la Librairie Sauramps pour la parution de son coffret DVD « Intégrale vol.1 (1965-1983) »  chez Arte éditions.

Vous êtes né à Athènes en février 1933. Très jeune vous optez pour l’exil, dans quelle perspective arrivez-vous en France ?

Je suis arrivé en France en 1955, pour étudier. Je voulais écrire.  Je me suis inscrit en licence de Lettres.  A l’époque,  c’était le seul pays où l’on pouvait entreprendre des études sans avoir d’argent, ce qui était mon cas. Sinon on était plutôt tenté par la belle vie en Amérique, telle qu’elle apparaissait à nos yeux.

A Paris, je fréquentais la Cinémathèque où j’ai découvert des cinéastes  comme Jacques Becker, Erich von Stroheim, Renoir … qui m’ont permis de saisir que l’on pouvait travailler de nouvelles formes d’écriture avec des images. Par la suite j’ai voulu entrer à l’Idhec. Le concours  d’entrée était très difficile. Il y avait un projet d’expo sur le théâtre grec ancien, on s’est adressé moi. Bien que n’étant pas formé – personne n’enseigne le théâtre antique en Grèce, ni la démocratie – je me suis lancé.

Lorsque vous quittez la Grèce  en 1955, période où le pays voit le retour de la monarchie,  le faites-vous aussi pour des raisons politiques ?

Oui, je fuyais la monarchie soutenue par les colonisateurs américains. Mon père était un démocrate anti -royaliste. Il avait fait la guerre en Asie mineure et il avait vu mourir autour de lui tous ses amis pour rien. Ce conflit soutenu par les royalistes, qui rêvaient de reconstruire l’empire byzantin, l’avait marqué profondément.

Après, durant la guerre civile tous ceux qui n’étaient pas conservateurs étaient considérés comme des communistes et ils ne disposaient pas des mêmes droits, leurs enfants n’avaient pas accès aux études.

Vous trouvez donc les moyens d’apprendre le cinéma notamment au côté de René Clément. Dans quelles circonstances réalisez-vous , « Compartiment tueur » votre premier film, sorti en 1965 ?

A l’origine,  j’avais dans l’idée de faire une adaptation, un peu comme un exercice, parce qu’on ne travaillait pas sur les adaptations à l’Idhec. Il s’est trouvé qu’une secrétaire avait lu le livre de Sébastien Japrisot. Elle en a parlé au directeur des studios. Nous en avons  discuté avec lui et il a fini par me dire : faisons un film.

Yves Montand s’est déclaré partant et Simone Signoret m’a dit :  je te fais la vieille actrice. Tout cela était inattendu, après c’est devenu un film d’amis où se sont greffés Trintignant, Piccoli, Charles Denner, Bernadette Lafont… Daniel Gelin est venu faire de la figuration, simplement parce qu’il voulait être de l’aventure.

Le film rencontre un vif succès en France  comme aux Etats-Unis. La critique salue vos talents de réalisateur et lance votre carrière. Comment s’est enclenché «  Un homme de trop « , votre second long métrage ?

Après ce premier succès un  producteur américain m’a demandé de lui proposer un projet je lui ai dit que je voulais adapter La condition humaine. J’ai commencé la préparation avec les acteurs, Piccoli Kremer, Claude Brasseur… et puis le producteur n’a pas donné suite, prétextant que le sujet était trop complexe. Il y avait trop de Chinois dans cette histoire pour les Américains.

A ce moment j’ai appris que Chabrol voulait faire un film sur la Résistance. C’est ainsi qu’on a basculé avec l’équipe sur Un homme de trop. Qui n’a pas bien marché. Chabrol ne voulait pas prendre position, il voulait aborder la Résistance sous l’angle de l’action. Les spectateurs attendaient sans doute autre chose sur ce sujet.

Avec Z, sorti en 1969, vous revenez vers vos origines à un moment clé, un an et demi après le coup d’Etat des colonels, aviez-vous conscience de la portée politique que ce film portait en germe ?

J’ai eu le livre de Vassilis Vassilikos dans les mains avant le coup d’Etat. Le film relate l’assassinat  du député Lambrakis à Athènes en 1963. Nous l’avons écrit avec Jorge Semprun. C’était un peu comme un cri lancé sur un mur pour dire « à bas les colonels » Nous avons tourné à Alger, les acteurs ont accepté d’y participer sans condition. Je me souviens de  Trintignant me disant, je le fais sans être payé.

Le succès  a été immédiat. Le film est resté quarante semaines à Paris. Les gens applaudissaient à la fin. Nous étions sous le coup de la stupéfaction. Z a été une étincelle, les gens se sont éveillés. Il se sont  exprimés  comme l’a fait Melina Mercouri, mais les moments que j’ai vécus le plus intensément, sont liés à l’effet mobilisateur qu’a eu le film sur la population grecque qui avait vécu le coup d’Etat un peu passivement au début.

Quel rapport entretenez-vous avec l’engagement en tant que cinéaste ?


Ce qui m’intéresse essentiellement ce sont les gens qui résistent au pouvoir, d’où ma volonté d’adapter La condition humaine. Pour moi le cinéma est avant tout un spectacle, pas un préau où on fait des discours politiques ou académiques. Mais je n’ai jamais considéré le spectacle comme un amusement. Le cinéma doit parler de la société.

Dans l’Aveu en 1970, vous dénoncez les excès du stalinisme notamment en Tchécoslovaque. Ce film reflète-t-il aussi une désillusion d’une partie des artistes français de gauche ?

Notre génération était très attirée par les propositions soviétiques que nous ne considérions pas comme des ennemis mais comme des alliés. Nous discutions beaucoup avec Montand, Resnais, Chris Marker, Semprun… des vicissitudes de l’histoire mondiale.

A cette époque, on sentait le besoin d’un changement profond. Les communistes italiens nous paraissaient avoir fait un pas important. On sentait que cela pouvait se développer en France. Mais au sein du PCF d’alors aucune critique n’était possible. Certains acteurs avaient refusé de faire le film.

En 1973, avec Etat de siège, vous prenez pour cible la politique des Etats-Unis sur l’Amérique Latine ?


Au Guatemala, j’ai découvert l’existence de spécialistes de la déstabilisation politique. J’ai suivi cette piste  qui m’a conduit  à faire un film sur l’Uruguay dont la réflexion porte sur la violence révolutionnaire.

Après Claire de femme, vous revenez sur la thématique avec Missing ?

Claire de Femme est une adaptation d’un livre de Romain Gary qui interroge sur notre capacité à profaner le malheur avec l’amour.  Pour Missing c’est venu d’une proposition américaine. Comme j’avais rencontré Allende plusieurs fois ça m’intéressait  à la condition de faire la post production en France. Le film a marché.

Quand un film ne marche pas, ça m’est arrivé, c’est qu’on a loupé quelque chose…

Recueillli par Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 17/12/2016

Voir aussi  : Rubrique Rencontre, Jorge Semprun :La crise implique de réinventer la démocratie, rubrique, Cinéma, rubrique Histoire, rubrique Europe, Grèce, rubrique Amérique Latine,

L’allégement de la dette grecque suspendu après l’annonce de mesures sociales

 Le premier ministre grec Alexis Tsipras, au Parlement, le 10 décembre. Le premier ministre grec Alexis Tsipras, au Parlement, le 10 décembre. ANGELOS TZORTZINIS / AFP

Nouvelle illustration de l’abus de pouvoir de la Troïka qui règne en maître sur tous les pays de l’UE. Le tort de Tsipras (qui tente de regagner de la popularité avec des mesurettes sociales) est d’avoir pris ces décisions sans consulter au préalable les créanciers.

« Il est impératif que les mesures ne soient pas décidées de façon unilatéral… » rappelle le puissant ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble.

Une bonne occasion pour Le commissaire européen à l’économie Pierre Moscovici de nous rappeler qu’il est à gauche et au Monde de le souligner avec insistance…

 

Une bonne occasion pour Le commissaire européen à l’économie Pierre Moscovici de nous rappeler qu’il est à gauche et au Monde de le souligner avec insistance…

Aurait-on trop vite tourné la page de la crise grecque ? Le Mécanisme européen de stabilité (MES, principal détenteur de la dette publique grecque) a décidé, mercredi 14 décembre, de suspendre l’application des mesures d’allégement de la dette hellène, pourtant validées lors d’une réunion des ministres des finances de la zone euro, le 5 décembre.

La raison, selon plusieurs sources bruxelloises ? Le puissant ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, aurait mis son veto à cette décision du MES devant se prendre à l’unanimité. Il réagirait à l’annonce faite par le premier ministre grec, Alexis Tsipras, le 8 décembre, de rétablir pour les plus petites pensions de retraite un 13e versement annuel et de reporter la hausse de la TVA sur les îles de l’est égéen, où s’entassent plus de 16 000 migrants et réfugiés, « tant que dure la crise des réfugiés ».

Son tort est d’avoir pris ces décisions sans consulter au préalable les créanciers. « Il est impératif que les mesures ne soient pas décidées de façon unilatérale ou annulées sans préavis », a déclaré M. Schäuble, mercredi. « Les institutions [les représentants des créanciers] ont conclu que les actions du gouvernement grec semblent ne pas être en ligne avec nos accords », a réagi Michel Reijns, le porte-parole du président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. « Quelques Etats membres le voient aussi de cette façon et [il n’y a] donc pas d’unanimité désormais pour mettre en place les mesures » d’allégement de la dette, ajoute-t-il.

Pierre Moscovici contre cette suspension

Ce contretemps n’est pas du tout du goût du commissaire européen à l’économie, Pierre Moscovici, qui refuse que la Commission endosse la responsabilité du veto. « On ne peut pas dire que cette décision [de suspension] a été prise sur le fondement d’une évaluation de la Commission [sur les mesures décidées par Tsipras], puisque cette évaluation n’est pas achevée, affirme l’ex-ministre des finances du gouvernement Ayrault au Monde. Ceux qui souhaitent la suspension des mesures de court terme doivent endosser leurs responsabilités. »

Pour M. Moscovici, les mesures sur la dette ne doivent pas être remises en cause. Leur principe avait été agréé par les dix-neuf ministres des finances de l’eurozone, fin mai. « Cet accord sur la dette grecque reste robuste, puisque les engagements sur les mesures de court terme reposaient sur la clôture de la première revue du plan d’aide [cette clôture a eu lieu cet automne] », explique le commissaire.

Même si elles n’avaient rien de radical, les mesures sur la dette visent pourtant à alléger de manière substantielle l’énorme fardeau grec (180 % du produit intérieur brut). Il est vrai qu’elles avaient été acceptées du bout des lèvres par M. Schäuble, qui a souvent répété qu’elles n’étaient pas nécessaires.

« Une application des règles sans indulgence »

Depuis que le troisième plan d’assistance financière à la Grèce a été validé (86 milliards d’euros, à l’été 2015), Alexis Tsipras a pourtant fait passer la plupart des nouvelles mesures d’austérité exigées par les créanciers, dont une énième révision à la baisse des retraites grecques, au printemps. Et de nombreuses hausses de TVA.

« De façon pas toujours spontanée mais constante, les Grecs ont respecté le programme d’aide, et les efforts qu’ils ont fournis sont considérables. Alors quand ils remplissent leur part du contrat, les autres doivent aussi remplir la leur », martèle M. Moscovici. « La Commission plaide pour une application des règles sans indulgence, mais qui permette un progrès partagé. On ne peut pas opposer l’allégement de la dette grecque à la justice et la cohésion sociale, que le peuple grec attend », ajoute le socialiste.

La délégation socialiste française au Parlement européen a très vivement réagi à la suspension des mesures sur la dette, mercredi. « Trop c’est trop, nous disons basta à M. Schäuble. Faites preuve d’un minimum de sens politique, et d’humanité, tout simplement, ont-ils fait savoir dans un communiqué. La Grèce renoue avec la croissance depuis deux trimestres, il est légitime qu’un chef de gouvernement redistribue là où il y a urgence sociale. L’Union européenne doit envoyer un signal social positif. Ne laissons pas la Grèce s’épuiser et le peuple grec sans espoir. »

Cette suspension semble avoir renforcé la détermination de M. Tsipras. Mercredi, il a dit qu’il allait proposer ses mesures sociales dès jeudi devant son Parlement. « Nous allons respecter intégralement notre accord avec les créanciers, mais nous allons aussi défendre de toutes nos forces la cohésion sociale », avait-il affirmé le 8 décembre. Les tensions, qui, entre Grecs et créanciers, s’étaient si fortement apaisées ces derniers temps, sont-elles reparties pour durer ?

Cécile Ducourtieux

Source Le Monde 14/12/2016

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