Aujourd’hui, quand on part à la pêche aux infos qui viennent du monde, on tombe aussi sur celles des personnes. En naviguant sur la toile ce matin, m’est apparue cette photo du camp de réfugiés de Frakaport en Grèce. La photo publiée sur le blog de Cathy Garcia est accompagnée d’un témoignage poignant mais je ne sais pas pourquoi cette image bouleversante de vérité s’est gravée dans mon esprit. J’ai cherché quelques mots pour dire ce long parcours de souffrance qui ne s’achève pas. Je n’ai rien trouver. Je me suis alors réfugié dans une mini fiction comme si cela était plus efficace pour m’inciter à réfléchir, pour exprimer le sentiment de n’être rien devant cet océan d’indifférence.
Voie fictionnelle
C’était une gentille fille pleine de vie. A son arrivée, ne tenant pas en place, elle pressait sa mère de questions, sur ce qu’ils allaient faire dans cette nouvelle région, combien de temps ils y resteraient, où serait sa nouvelle école, comment seraient ses copines… Et puis, face aux demi-réponses de sa mère, le doute s’était installé. Le jour elle la voyait parfois fondre en larme. Maintenant, elle avait l’impression qu’on la guettait depuis le carré obscure qu’elle voyait de la fenêtre, mais elle ne posait plus de question.
Elle se réveille souvent au milieu de la nuit avec une sensation d’étouffement. Elle voit des flammes courir le long de la tente et ses dessins qui tombent en cendre.
JMDH
Ce qu’ils disent
» Nous sommes ici depuis trois mois. – Avant nous étions à Idomeni, sous des tentes en plein vent. – Les tentes ici sont installées dans un ancien entrepôt. – Nous regrettons Idomeni. – Ici nous sommes totalement isolés, sans contact avec le monde extérieur. – Les Grecs sont aussi pauvres que nous. – Il n’y a pas de travail, rien à faire. – En face il y a une usine d’épuration d’eau et l’air est irrespirable…«
Source témoignage : Blog de Cathy Garcia 14/09/2016
« Il ne reste plus à ceux qui votaient traditionnellement pour [la gauche] qu’à se tourner vers ceux qui s’intéressent (ou font semblant de s’intéresser) à eux et à leurs problèmes » (Photo: les leaders et chefs de gouvernement socialistes européens réunis à Paris en 1999). JACK GUEZ / AFP
Le sociologue Dominique Méda revient à juste titre sur les raisons pour lesquelles la gauche de gouvernement ne devrait pas trop se réjouir du report escompté des voix vers son camp après la victoire de Trump. Il ne s’agit plus de tirer une nouvelle fois les marrons du feux sans rien faire, mais d’assumer et de donner des gages concrets de courage et de responsabilité politique.
Par Dominique Méda, sociologue, professeure des universités
Pourquoi les gauches se font-elles tailler des croupières presque partout dans le monde par des partis qui prétendent mettre au cœur de leurs préoccupations les oubliés, les invisibles, les damnés de la mondialisation, les sans-grade, les déclassés ?
L’énigme semble complète : pourquoi les pauvres et les ouvriers ont-ils voté pour un milliardaire qui ne s’est donné que la peine de naître – un don conséquent de son père lors de son entrée dans la vie adulte lui ayant permis de construire son empire – et non pour la candidate démocrate ?
Pourquoi presque un tiers des Français qui vont voter aux prochaines élections présidentielles, dont de nombreux électeurs issus des classes populaires, s’apprêtent-ils, selon les sondages, à apporter leur suffrage non pas à la gauche, mais à une candidate, Marine le Pen, dont le répertoire idéologique était il y a encore peu aux antipodes de l’anticapitalisme et de la lutte des classes ?
Pourquoi les gauches se font-elles tailler des croupières presque partout dans le monde par des partis qui prétendent mettre au cœur de leurs préoccupations les oubliés, les invisibles, les damnés de la mondialisation, les sans-grade, les déclassés ?
Les droits que nous pensions définitivement acquis
Cela s’explique en grande partie par le fait que la gauche a tout simplement renoncé à mener une politique de gauche et que, dès lors, il ne reste plus à ceux qui votaient traditionnellement pour elle qu’à se tourner vers ceux qui s’intéressent (ou font semblant de s’intéresser) à eux et à leurs problèmes.
Aurions-nous vu le Front national (FN) changer radicalement de fond idéologique, s’intéresser à la classe ouvrière, à la valeur du travail, à la faiblesse des salaires, aux régions ruinées par le départ des usines, à la difficulté de boucler les fins de mois, à la mondialisation, si la gauche avait été fidèle à son héritage idéologique, on n’ose dire à ses valeurs ?
Les victimes de la globalisation, ceux qui ont perdu leur emploi ou se trouvent dans des zones de relégation seraient-ils autant tentés par le discours de Marine Le Pen si la gauche avait continué à défendre l’égalité, l’augmentation des salaires, le développement de l’Etat-providence, la coopération, la réduction du temps de travail, le partage ?
A l’évidence, non. A l’évidence nous n’en serions pas là, à trembler pour la paix et le maintien de droits que nous pensions pourtant définitivement acquis, si, en 1983, au lieu d’accepter de se soumettre à une Europe qui ne parvenait pas à devenir politique, la gauche au pouvoir avait continué à défendre l’intérêt du paradigme keynésien.
Nous n’en serions pas là si, en 1985-1986, la gauche n’avait pas cédé aux sirènes de la libre circulation des capitaux et de l’ouverture des marchés financiers dont même le Fonds monétaire international (FMI) reconnaît aujourd’hui qu’ils sont en train de détruire nos sociétés ; nous n’en serions pas là si la gauche française n’avait pas, année après année, accepté les uns après les autres les renoncements à l’héritage de gauche.
Augmentation insupportable du chômage
Souvenons-nous : la fameuse équité promue en 1994 par le rapport Minc encensé par la gauche ; l’orthodoxie budgétaire pleinement revendiquée par l’actuel Président de la République et qui a conduit à une augmentation insupportable du chômage ; l’abandon dans lequel la gauche a laissé les banlieues depuis trente ans tout en prétendant s’en occuper ; l’obsession de l’équilibre comptable érigé en dogme et objet de la plus grande fierté pendant qu’une partie du pays crève ; le désintérêt complet pour les conditions de travail dont la dégradation saute pourtant tous les jours aux yeux ; le glissement progressif de la gauche vers la condamnation de l’assistanat ; l’incompréhension totale à l’endroit du « Moustachu » (Philippe Martinez), considéré dans les plus hautes sphères de l’Etat comme le Diable ; le refus d’obliger les entreprises mères à assumer la responsabilité des actes de leurs filiales ; la soumission au pouvoir des banques…
Et surtout, la conversion complète – parfaitement mise en évidence dès 1994 dans le livre remarquable de Bruno Jobert et Bruno Théret, Le Tournant néolibéral – des soi-disant élites à l’ensemble du bagage théorique néoclassique, et à ses prêtres, qui nous proposent depuis des années des baisses du smic (alors que le moindre de leur « ménage » leur rapporte un smic en quelques heures), des contrats uniques, des licenciements plus rapides, un démantèlement complet des protections du travail, une baisse des allocations-chômage et des minima sociaux pour que les paresseux reviennent plus vite au travail, et tout cela en des termes trompeurs (qu’on se souvienne de la fameuse « sécurisation »).
Des élites converties au discours que l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) asséné depuis les années 1980 ; des élites de gauche, y compris Obama, qui préfèrent conserver auprès d’eux des économistes champions de la dérégulation (comme Larry Summers) tant la discipline économique semble aujourd’hui dépolitisée.
Soupçon généralisé sur les chômeurs
Souvenons-nous : la trahison de Bill Clinton qui, en 1992, assène qu’il faut « To end welfare as we know it » (« en finir avec l’Etat-providence tel que nous le connaissons ») et met en place, en 1996, une réforme qui pousse les allocataires de minima sociaux à reprendre le travail à n’importe quel prix, plongeant dans la misère ceux qui n’en sont pas capables.
Souvenons-nous : le coup de tonnerre qu’a constitué le Manifeste Blair-Schröder de 1999 dans lequel les deux dirigeants « de gauche » en appellent à en finir avec cette « vieille » gauche, dopée aux dépenses publiques, incapable de croire à l’entreprise et à la compétitivité.
Souvenons-nous des réformes du chancelier allemand Gerhard Schröder, le soupçon généralisé sur les chômeurs qui refuseraient, par pure paresse, de reprendre des emplois (qui n’existent pas), la fusion de l’allocation-chômage et de l’allocation d’assistance, la politique du « bâton » comme si ceux qui avaient perdu leur emploi et ne parvenaient pas en en retrouver un le faisaient exprès. Et, pendant ce temps, l’explosion des inégalités, les fortunes aussi colossales que rapidement acquises, la consommation ostentatoire, la finance folle.
Presque partout, parvenue au pouvoir, la gauche a adopté le paradigme néolibéral, souvent pour montrer qu’elle était capable d’être une aussi bonne gestionnaire que la droite, souvent aussi parce qu’il aurait fallu renverser la table pour mettre en œuvre une autre politique.
Une Europe n’ayant pour seul idéal que le marché
Chaque époque est singulière. Lors du premier septennat de François Mitterrand, peut-être ne savions-nous pas, ne pouvions-nous pas imaginer, qu’une Europe si mal née, une Europe incapable de s’unir sur des accords politiques, une Europe n’ayant pour seul idéal que le marché, ne pourrait pas survivre.
Mais en 2012, les choses étaient bien différentes. Il aurait fallu, au lieu de vouloir à tout prix exercer le pouvoir, sauvegarder au contraire, comme ce qu’il y a de plus précieux, les valeurs de la gauche. Même au risque d’être moqués, au risque d’être considérés comme de mauvais élèves en économie, comme de piètres gestionnaires, il fallait conserver contre vents et marées comme unique boussole la recherche absolue de l’égalité, l’attention pour les ouvriers, les déclassés, les ségrégués, les oubliés, les dominés, les banlieues, les petits salaires, les privés d’emploi et défendre en conséquence le service public, la solidarité, la redistribution.
Il aurait mieux valu ne pas exercer le pouvoir et conserver intact l’espoir de changer un jour la situation plutôt que de l’exercer en singeant la droite, en récupérant l’héritage, les manières de faire, les comportements, l’idéologie de la droite, ce qui conduit aujourd’hui nos concitoyens abandonnés à se jeter dans les bras des seuls qu’ils n’ont pas encore essayés.
Tant que la gauche n’aura pas renoué avec ses principes fondamentaux, ses (improbables) succès électoraux seront autant de victoires à la Pyrrhus, faisant le lit de la droite et de l’extrême droite.
Le film de Delphine et Muriel Coulin sort aujourd’hui.
Deux jeunes militaires, Aurore et Marine, reviennent d’Afghanistan. Avec leur section, elles vont passer trois jours à Chypre, dans un hôtel cinq étoiles, au milieu des touristes en vacances, pour ce que l’armée appelle un sas de décompression…
La thérapie militaire a plus ou moins de succès selon les individus mais elle a de pratique qu’elle procure un scénario pour accueillir l’expérience de la guerre.
Le « Voir » du titre est bien ironique, indiquent les réalisatrices : non seulement Aurore n’a rien vu du pays où elle est allée, mais elle ne « voit » pas davantage l’essentiel avec les multiples sources d’images qu’on lui propose…«
Le croisement d’images provenant de simulateur, jeux vidéo, et images d’actualité, dessine la version officielle sensée tenir à distance les souvenirs douloureux et les remplacer par des images plus propres.
« Il y a une certaine violence à faire croire à des jeunes qui s’engagent qu’ils vont avoir une vie pleine d’aventure, une situation enviable, et qu’ils vont voir du pays, sans que la guerre ne leur fasse aucun mal. »
Chypre tient à la fois de lieu d’action et de sas de décompression. Les plans dans l’ hôtel cinq étoiles offrent de saisissants contrastes où s’entrechoquent des phases d’une même réalité comme celle du choix d’être femme et soldat, ou celle du contact entre la section revenant du front et les touristes dans une relation troublante, intrigante et inflammable.
« Il y a un lien entre ces guerres que nous avons menées et notre situation actuelle, que nous ne voulons pas voir. » rappellent les réalisatrices.
Le zoom arrière de Delphine et Muriel Coulin est évocateur. Comme si quelque chose d’inquiétant passait près de vous et la caméra se mettait en marche. Une deux, une…
Voici un an, le remboursement de la dette grecque envers la BCE attirait tous les regards. Cette fois, c’est dans l’indifférence générale que l’Etat grec a remboursé ce 20 juillet 2016 à l’institution de Francfort 2,3 milliards d’euros les obligations rachetées par la BCE sur le marché en 2010-2011 et arrivant à maturité. Un peu moins du tiers des 7,5 milliards d’euros versés par le Mécanisme européen de stabilité (MES) à la fin juin a donc déjà quitté les caisses helléniques pour venir annuler cette créances dans le bilan de la BCE. Les prochains paiements de la Grèce à venir, outre le remboursement des prêts à court terme réalisés sur le marché, sont prévus l’an prochain. Athènes devra encore payer 1,7 milliard d’euros à la BCE et 3,2 milliards au MES.
Une absurdité au regard des priorités de la BCE
Ce paiement conduit inévitablement à s’interroger sur la rationalité de ces remboursements de dettes qui étaient concernées par le défaut de mars 2012 (le fameux plan « PSI »), mais qui ont été maintenus en raison de la qualité « publique » de leur détenteur. La BCE affirme en effet tenter de dynamiser la croissance de la zone euro et s’est donné pour objectif, dans ce cadre, de relancer l’inflation par des rachats massifs d’actifs et, donc, par l’augmentation de son bilan. La Grèce, toujours membre de la zone euro et qui, pour le rester a accepté de grands sacrifices, est en récession depuis trois trimestres et est le pays qui, sans doute a le plus besoin de cette politique. Or, la BCE, qui ne rachète toujours pas d’actifs grecs, exige le remboursement d’une dette qui va contribuer à réduire son bilan. Certes, ces 2,3 milliards d’euros sont une goutte d’eau dans l’océan des 3.248 milliards d’euros du bilan de la BCE. Mais n’est-ce pas précisément une raison pour utiliser autrement cet argent au profit de l’économie hellénique ? Impossible, puisque les « règles » l’interdisent…
De lourds sacrifices
Pour réaliser ce paiement stérile pour l’économie grecque et européenne, le gouvernement d’Alexis Tsipras aura donc dû accepter les sacrifices les plus élevés : un nouveau plan d’austérité de 5,5 milliards d’euros avec des augmentations d’impôts, de cotisations et de TVA, une douloureuse réforme des retraites et une abdication de sa souveraineté budgétaire par l’acceptation de mesures « automatiques » de baisse des dépenses pour atteindre ces objectifs. Une nouvelle ponction qui va encore peser lourd sur une économie dont le PIB trimestriel en volume a reculé de 1,5 % sur un an entre janvier et mars 2016 après trois trimestres consécutifs de baisse. Son niveau, toujours en volume, n’a jamais été si bas depuis le quatrième trimestre 2002, voici donc plus de treize ans. En regard du pic du troisième trimestre 2008, le PIB trimestriel affiche un recul de 30 %.
L’excédent primaire record : un échec financier…
Mais ce n’est pas là le seul élément étrange de la politique économique menée en Grèce. Le budget grec a affiché sur le premier semestre un brillant résultat, un excédent primaire, hors service de la dette, de 2,47 milliards d’euros, soit près de 3 % du PIB semestriel, alors que l’on attendait un seul milliard d’euros. Ce succès laisse cependant songeur. D’abord, parce qu’en raison du poids de la dette grecque, plus de 177 % du PIB à payer pendant plus de 40 ans, ce niveau n’est pas suffisant et contraint la Grèce à demander « l’aide » de ses partenaires européens.
…un échec économique…
Ensuite parce que le prix à payer pour parvenir à ce résultat a été amer : les dépenses publiques ont reculé de 3,35 milliards d’euros, ce qui est autant qui ne sera pas versé dans une économie en récession. De plus, ce recul s’explique principalement en raison du renoncement de l’Etat à appliquer son programme d’investissement public. Seul 1,3 milliard d’euros a ainsi été dépensé sur les 6,75 milliards d’euros prévus sur l’année. Or, cette absence d’investissement est non seulement pénalisante pour l’activité, il est un problème pour l’avenir dans un pays où le secteur privé, exsangue, n’investit plus. Pour réaliser ces belles performances, on hypothèque donc le présent et l’avenir. D’autant que, selon le troisième mémorandum signé en août 2015, un tiers de cet excédent devra automatiquement être consacré à la réduction de la dette et non à l’économie hellénique. En réalité, compte tenu des échéances et des objectifs, cette proportion sera sans doute supérieure.
…et un échec politique
Enfin, alors que la Grèce est décidément un des pays le plus vertueux d’Europe en matière budgétaire, si l’on exclut le poids de la dette, les créanciers de ce pays refusent toujours de lui faire confiance. Pour preuve, ce mécanisme d’ajustement mécanique prévu pour 2018 si le pays n’est pas dans les clous de l’objectif d’un excédent primaire de 3,5 % du PIB. Et, en visite à Athènes en début de semaine, le commissaire européen Pierre Moscovici a prévenu qu’il ne veut pas rouvrir le dossier sur la pertinence de cet objectif, que le gouvernement grec aimerait bien voir réduit. L’objectif des créanciers, malgré les performances budgétaires, reste donc le même : orienter l’économie grecque non pas vers la croissance, mais vers le remboursement des créanciers. Bref, ce succès budgétaire est en fait un échec financier, économique, social et politique.
Fin de la crise ?
Après l’accord avec les créanciers du mois de juin, le gouvernement grec avait proclamé la fin de la crise en Grèce. Plusieurs éléments peuvent en effet plaider pour un apaisement de la crise. La BCE a à nouveau accepté les titres d’Etat grecs comme collatéraux et une partie du contrôle des capitaux devrait être levée dans les prochains jours. La saison touristique s’annonce aussi bonne, compte tenu du risque pesant sur beaucoup de destinations concurrentes, notamment la Turquie. Ceci pourra compenser, en partie, l’effet négatif sur la confiance des agents économiques. Les indices de climat des affaires tendaient à montrer une certaine stabilisation. Mais l’état de l’économie hellénique demeure encore très préoccupant. Avec des salaires en recul de 24 % au dernier trimestre de 2015 sur six ans et un chômage en recul, mais demeurant à 23,3 % de la population active, la demande intérieure demeure naturellement faible et sera encore soumis aux conséquences de la baisse des dépenses publiques et à la hausse de la TVA.
Du côté des investissements, hautement nécessaire dans un pays qui a connu une telle récession, non seulement pour croître, mais aussi pour reconstituer un équipement productif, il reste très faible. Au premier trimestre, il était en baisse sur un an de 2,7 %. Résultat de ce sous-investissement : les exportations restent peu performantes sur les marchés internationaux, quoique meilleur marché et les importations demeurent élevées, car l’économie intérieure est incapable de répondre à ses propres besoins. Du coup, les déficits commercial et courant, persistent. L’économie est donc sans moteur et soumise en permanence à la politique budgétaire restrictive du gouvernement. Elle peut rebondir légèrement dans l’avenir, mais il est illusoire de penser qu’elle puisse repartir réellement et durablement. Quel investisseur étranger, réformes ou pas, viendrait investir dans un pays soumis à un tel régime budgétaire pour des décennies ?
Les « réformes » comme baguette magique
Plus que jamais, donc, la Grèce a besoin d’un vrai plan de reconstruction économique que pourraient porter les créanciers européens s’ils sortaient de leur logique actuelle : celle qui consiste à imposer de l’austérité contre-productive pour payer eux-mêmes, par l’intermédiaire du gouvernement grec les dettes de la BCE, du MES et du FMI dans un schéma de Ponzi inquiétant. Cet argent, prêté pour relancer l’économie grecque serait sans doute mieux investi. Ou du moins, pas plus mal. Mais la même logique reste à l’œuvre : ce seront les « réformes structurelles » qui devront relancer l’économie grecque. Peu importe que la Grèce, qui selon l’OCDE est le pays le plus « réformé » de l’organisation, n’ait pas vu les bénéfices de ses efforts après six ans. En réalité, derrière ce glorieux vocable de « réformes », les créanciers dissimulent une version purement comptable de la réalité et a un revers : la volonté d’imposer à la Grèce la priorité au remboursement de ses dettes sur son propre développement. Là encore, l’imposition du mécanisme automatique de baisse des dépenses est l’illustration parfaite de cette logique. Pour éviter d’avoir recours à ce mécanisme, le gouvernement grec devra de toutes façons poursuivre la baisse de ses dépenses. Toute richesse grecque sera donc ponctionnée tant qu’il faudra rembourser la dette.
Pour en finir avec ce « péonage » de la dette, une relance alliée à une restructuration de la dette est donc nécessaire. On en est loin. D’ici à la fin de l’année, on devrait avoir de la part des créanciers une promesse d’étalement des remboursements. Mais dans la situation actuelle, cette mesure ne sera pas réellement efficace : elle maintiendra un poids énorme sur le budget grec qui pénalisera la croissance. Il faut donc couper sans la dette ou pratiquer une restructuration sans objectif d’excédent primaire. Des solutions proposées par le FMI, mais toujours refusées par les créanciers européens.
Le gouvernement impuissant
Le gouvernement grec, lui, ne peut plus guère agir. L’épisode de ce printemps a montré les limites de son action et sa dépendance vis-à-vis des créanciers. Il a dû accepter le « storytelling » des créanciers, faisant de l’action du gouvernement Tsipras I le responsable des déboires actuels du pays, alors même que le gouvernement Samaras refusait aussi les conditions des créanciers et que les faits prouvent que l’analyse sur la nécessité d’une relance de l’économie et de la restructuration de la dette n’était pas si absurde qu’on a bien voulu le dire. Désormais, Alexis Tsipras doit adhérer au discours des créanciers et compter sur les « réformes ». Sa marge de manœuvre est quasi-nulle, comme l’a montré la rebuffade de Pierre Moscovici sur l’objectif d’excédent primaire pour 2018… La Grèce est donc condamnée à aller jusqu’au bout de la logique de ses créanciers. Et à en payer le prix élevé.
« Still life », légende contemporaine du peuple européen. Crédit DR
Avec Still Life, le chorégraphe Dimitris Papaioannou fait décoller l’Opéra Berlioz de Montpellier pour deux soirs célestes
Le fil rouge méditerranéen de cette 36e édition du festival devient fil d’Ariane avec Dimitris Papaioannou qui nous embarque avec Still Life dans une odyssée plastique et chorégraphique d’une classe infinie.
Sur le plateau, la nature brute de la roche où se traîne l’humanité est surplombée d’une sphère massive, globe suspendu emplie de gaz, qui circule comme le fond les nuages et les courants liquides sur la planète. Dans la beauté de l’espace se rejoue le mythe de Sisyphe que le chorégraphe assimile à « des héros de la classe ouvrière ».
C‘est la première fois que Dimitris Papaioannou est invité à Montpellier. Il a étudié aux Beaux-Arts d’Athènes, travaillé auprès du peintre grec Yannis Tsarouchis, puis dansé avec Eric Hawkins et le chorégraphe butô, Min Tanaka, à New York. Au début des années 1990, il suit de près certains spectacles de Bob Wilson.
En 2004, on est venu le chercher dans un squat où il travaillait avec des artistes depuis dix sept ans pour mettre en scène les cérémonies d’ouverture et de clôture des JO d’Athènes. Depuis il créé librement et rencontre succès et reconnaissance sans changer ses habitudes.
Still Life enchaîne les tableaux de l’existence dans une recherche constante d’équilibre qui s’effrite. L’utilisation de matériaux brutes et d’huile de coude renvoie aux efforts et aspirations constantes du peuple face à un monde hors sol qui s’impose comme une fatalité.
Les Sisyphe de Still Life s’évertuent à avancer, à construire des remparts avec leurs corps pour repousser la catastrophe. Se laissant parfois aller aux chimères absurdes du moment, ils renouent par défaut avec le sens et la pensée européenne dans un élan candide et poétique qui semble plus que jamais à l’ordre du jour.