Ruffin, Robin des bois des classes

 Affluence au Diagonal

Affluence au Diagonal

Avant-première. Le fondateur du journal Fakir présente son film « Merci patron » au cinéma Diagonal à Montpellier.

La grande salle de 400 places du cinéma Diagonal était archi pleine lundi pour accueillir François Ruffin venu présenter en avant première son dernier film Merci Patron. La majorité de jeunes composant le public, et l’accueil franc et enthousiaste durant et après la projection du film sont de nature à faire remonter le moral des chaussettes au cerveau pour mieux se retrousser les manches.

Le film part d’un bon sentiment. Il met en scène une action sociale pour réinsérer le grand manitou de LVMH Bernard Arnault. L’homme qui, avec l’accord du gouvernement Fabius, promettait en 1983 de redresser le groupe Boussac et de sauver des emplois. Il est vrai qu’il a construit sa fortune sur l’exploitation de la vallée picarde en se débarrassant de la partie industrielle de l’empire Boussac laissant 23 000 salariés sur le carreau après avoir empoché une subvention d’un milliard de francs du gouvernement socialiste. Mais la réussite n’est pas toujours facile à vivre. Pour des raisons fiscales, en 2012 Bernard Arnault demande la nationalité belge et subit une violente charge médiatique. C’est à ce moment que le fondateur du journal Fakir décide de rétablir la justice et de réconcilier la France d’en bas et d’en haut.

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Fakir, un cailloux dans la chaussure.

La mémoire des travailleurs

François Ruffin, retourne alors dans la région sinistrée avec son camion I love Bernard. Sur place, il rencontre Jocelyne et Serge Klur, un couple licencié du groupe LVMH criblé de dettes qui risque de perdre leur maison. L’occasion rêvée pour toucher le coeur de la 4e fortune mondiale à l’occasion de l’assemblée des actionnaires de son groupe. Faire un petit geste ne pouvait mieux tomber pour Bernard qui venait de se faire épingler en train de fuir à Bruxelles comme Louis XVI l’avait fait en rejoignant Varenne. Mais parfois les choses simples empruntent un parcours un peu complexe et s’avèrent très drôles…

Désacralisation du pouvoir pris à son propre jeu, rénovation de l’action syndicale dépolitisée et ramenée à sa fonction originelle, rétablissement d’un rapport de force entre le capital et le travail que la gauche a abandonné, ce film fait du bien et redonne du sens à l’action. L’auteur des Petits soldats du journalisme mais aussi de La guerre des classes combat le mécanisme structurel de la domination de classe avec conviction en partant de réalités concrètes. Une lucidité qui ne l’empêche pas d’être drôle et efficace. Lorsqu’il se livre à une analyse politique de son film, Ruffin se définit lui-même comme un petit bourgeois, et en tant que tel, un maillon intermédiaire devant rallier la classe populaire pour contraindre les classes les plus hautes au changement. « Le véritable enjeu c’est de restaurer un rapport de force », explique-t-il à la salle restée pleine pour le débat.

JMDH

Merci Patron sur les Ecrans le 24 février 2016

Source : La Marseillaise 03 01 2016

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Les 62 personnes les plus riches au monde possèdent autant que les 3,5 milliards les plus pauvres

1786985_3_23bd_deux-decennies-apres-margaret-thatcher_3f2c2bbf1670f90292e9e45992892c31Le patrimoine cumulé des 1 % les plus riches du monde a dépassé l’an dernier celui des 99 % restants, selon une étude de l’ONG britannique Oxfam réalisée à l’approche du forum économique mondial de Davos (Suisse), et publiée lundi 18 janvier.

« L’écart entre la frange la plus riche et le reste de la population s’est creusé de façon spectaculaire au cours des douze derniers mois », constate l’ONG dans son étude :

« L’an dernier, Oxfam avait prédit que les 1 % posséderaient plus que le reste du monde en 2016. Cette prédiction s’est en fait réalisée dès 2015 : un an plus tôt. »

Illustration du creusement spectaculaire des inégalités ces dernières années, l’ONG a calculé que « 62 personnes possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale », alors que « ce chiffre était de 388 il y a cinq ans ».

Mettre fin aux paradis fiscaux

Selon l’ONG, « depuis le début du XXIe siècle, la moitié la plus pauvre de l’humanité a bénéficié de moins de 1 % de l’augmentation totale des richesses mondiales, alors que les 1 % les plus riches se sont partagé la moitié de cette hausse ».

Pour faire face à cette croissance des inégalités, Oxfam appelle notamment à mettre un terme à « l’ère des paradis fiscaux ». « Nous devons interpeller les gouvernements, entreprises et élites économiques présents à Davos pour qu’ils s’engagent à mettre fin à l’ère des paradis fiscaux qui alimentent les inégalités mondiales et empêchent des centaines de millions de personnes de sortir de la pauvreté », explique Winnie Byanyima, la directrice générale d’Oxfam International, qui sera présente à Davos.

L’an dernier, plusieurs économistes avaient contesté la méthodologie utilisée par Oxfam. L’ONG avait défendu l’instrument de mesure utilisé dans cette étude : le patrimoine net, c’est-à-dire les actifs détenus moins les dettes.

Source Le Monde AFP 18/01/2016

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Finance, rubrique Politique économique, rubrique Société , Pauvreté,

Flasback. Des dirigeants d’un magasin Leclerc sont jugés pour la séquestration de salariés

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Trois articles sur une affaire révélatrice de la justice de classe.

Quelques remarques. La dimension factuelle reste anecdotique. Elle reflète surtout l’ état d’esprit du grand patronat français qui règne de manière coloniale sur les salariés.

Le temps de la justice n’est visiblement pas le même pour les patrons voyous. On laisse toujours aux puissants le temps de s’organiser même quand l’Etat est impliqué.

Lorsqu’il s’agit de mesure restrictives et sécuritaires, la justice ou les législations sont rendues et votées dans l’urgence. Dans le cas des délits économiques, on laisse retomber l’émotion.

La nature des peines sont incomparables. La logique du droit rendu justifie économiquement toutes les malversations, fraudes, crimes, délits et abus de bien sociaux…

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Des dirigeants d’un magasin Leclerc sont jugés pour la séquestration de salariés et travail dissimulé

Les patrons sont parfois séquestrés, les salariés, très rarement. C’est pourtant un tel fait qui a mené des dirigeants du supermarché Leclerc de Montbéliard (Doubs) devant le tribunal correctionnel de la ville, jeudi 14 novembre. Ils sont accusés d’avoir séquestré, en 2006, une cinquantaine de salariés durant environ une heure dans une réserve afin de les soustraire au contrôle inopiné de l’inspection du travail. La CGT s’est portée partie civile. Une vingtaine de salariés ont demandé le paiement d’heures supplémentaires ainsi que des dommages et intérêts pour leur enfermement dans la réserve.

L’audience a duré treize heures, le temps d’essayer d’éclaircir de nombreux points de cette affaire exceptionnelle. Le 30 juin 2006, vers 21 h 45, le magasin est en plein inventaire quand arrivent des agents de l’inspection du travail, de l’Urssaf et des policiers. L’inspection enquête sur une comptabilisation suspecte des heures supplémentaires depuis plusieurs mois après des plaintes de salariés. Une partie de ces heures n’étaient ni comptabilisées ni payées. Une ancienne employée a confié, dans L’Est Républicain du 17 novembre 2011, qu’elle avait établi de faux relevés d’heures, mentionnant 37,5 heures par semaine alors que des salariés en faisaient 50 à 60.

A la vue des inspecteurs, le directeur du magasin Leclerc ordonne à une chef de département de cacher une cinquantaine de salariés. Ceux-ci sont conduits dans une réserve. Ils se retrouvent dans le noir, avec interdiction de parler, sans savoir pourquoi ils sont là. « Quand j’ai vu les enquêteurs et la police sur le parking, j’ai paniqué, je savais qu’on ne respectait pas les amplitudes horaires » légales, a reconnu le directeur à la barre. « J’aurais dû réagir mais je ne l’ai pas fait, a admis, de son côté, la chef de département. J’ai suivi [les ordres] sans comprendre les enjeux. »

DIFFÉRENTES VERSIONS POUR UNE « FRAUDE MASSIVE »

Comment s’est passé la séquestration ? L’enfermement aurait duré de 20 à 60 minutes. Certains salariés ont affirmé que le local avait été fermé à clé, la chef de département disant, elle, qu’elle a maintenu la porte avec son pied. « C’était comme si on nous faisait passer pour des travailleurs clandestins », a souligné une salariée dans L’Est Républicain du 17 novembre 2011, ajoutant avoir été « suivie par une psychologue » ensuite.

Pour Sébastien Bender, avocat du directeur du magasin et de la directrice des ressources humaines (DRH), qui a plaidé leur relaxe, on ne peut pas vraiment parler de séquestration. « Le directeur n’a pas donné l’ordre d’enfermer les salariés mais de les cacher. Et personne ne s’est opposé à aller dans le local », affirme-t-il. Mais peut-on s’opposer aux ordres de son patron ? M. Bender a une autre explication : « Certains salariés ont dit qu’ils avaient pensé qu’ils allaient faire l’inventaire de la réserve, d’autres qu’il y avait le feu. Même dans la réserve, personne n’a demandé à en sortir. »

Des salariés ont pourtant indiqué s’être sentis « oppressés » dans le local. Mais M. Bender a un doute. « Une personne a déclaré avoir joué au foot dans la réserve. Il n’y a pas deux versions identiques. » De même, il y a plusieurs versions de la libération des salariés. Etait-ce après le départ des inspecteurs ? Ou bien, comme le dit M. Bender, « au bout d’un quart d’heure, quand le directeur a donné l’ordre de remettre les salariés dans les rayons par petits groupes », après avoir réalisé qu’il avait « fait une bêtise » ? Le tribunal devra trancher.

En tout cas, « c’est la première fois qu’on arrive à prouver une fraude massive, a souligné la direction du travail dans Libération du 20 octobre 2006. Mais à côté de ça, il y a quantité d’affaires qui n’aboutissent pas faute de preuves et parce que les gens qui viennent se plaindre d’heures sup non payées veulent rester anonymes. Les heures sup, c’est la grande plaie du secteur de la grande distribution (…). Il y a une chape de silence. »

« LE NERF DE CE DOSSIER, C’EST L’ARGENT »

Après cet épisode, le PDG de la société SAS Montdis, qui gère le magasin, « s’est excusé auprès des salariés, indique M. Bender. Une prime a été versée aux 92 qui avaient été présents ce soir-là, dont les 40 qui étaient dans la réserve ». La chef de département, qui est la fille du PDG, et la DRH n’ont pas été sanctionnées. Le directeur a reçu une mise à pied de dix jours et est toujours à la tête du magasin. Depuis cet incident, une pointeuse a été installée.

« Le nerf de ce dossier, c’est l’argent », a lancé le procureur lors du procès. La séquestration, a-t-il ajouté, « c’est l’aboutissement d’une gestion uniquement tournée vers le profit financier, jamais vers l’humain. » Une vision que conteste M. Bender : « Le magasin gagne autant d’argent, voire plus, maintenant, alors qu’il y a la pointeuse et que 50 salariés ont été embauchés depuis. »

Le procureur a requis 200 000 euros d’amende à l’encontre de la SAS Montdis pour travail dissimulée ; 15 000 à l’encontre le PDG pour travail dissimulé, obstacle à la mission de l’inspection du travail et paiement de salaires inférieurs au minimum conventionnel ; 2 500 euros d’amende à l’encontre la DRH et 6 000 euros à l’encontre le directeur du magasin ; ainsi qu’un mois de prison avec sursis assorti d’une amende de 2 500 euros pour la chef de département pour séquestration et obstacle à la mission de l’inspection. La décision du tribunal sera rendue par le tribunal le 23 janvier 2014.

Francine Aizicovici

Le Monde 16/11/2013

Leclerc/séquestration : procès annulé

Le procès de deux responsables d’un supermarché Leclerc de Montbéliard (Doubs), jugés aujourd’hui devant le tribunal correctionnel pour avoir séquestré en 2006 une cinquantaine de salariés afin de les soustraire à un contrôle de l’Inspection du travail, a été annulé pour vice de procédure. Le président du tribunal a prononcé l’irrégularité de l’arrêt de renvoi, suivant la demande de l’avocat de la défense, Me François de Castro, qui avait soulevé un vice de procédure à l’ouverture des débats.

Le dossier doit désormais retourner chez le procureur de Montbéliard, qui devra à nouveau saisir un juge d’instruction. Le directeur du magasin Leclerc et une chef de département comparaissaient pour « séquestration » et « entrave aux missions de l’Inspection du travail », et encouraient cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende. Le PDG de la SAS Montdis, gérante du magasin, est également poursuivi pour « entrave » et « travail dissimulé ». La CGT et 19 salariés s’étaient portés partie civile.

Le 30 juin 2006, des agents de l’Inspection du travail et de l’Urssaf avaient effectué un contrôle surprise dans le supermarché en plein inventaire, car ils enquêtaient sur une comptabilité suspecte des heures supplémentaires. Une partie de ces heures n’était en effet ni comptabilisée, ni payée. Les responsables du magasin avaient rassemblé à la hâte une cinquantaine de salariés pour les enfermer pendant 45 minutes dans une réserve, dans l’obscurité, leur interdisant de parler afin de cacher leur présence. D’après les salariés, la porte était fermée à clé. Ils avaient été libérés après le départ des inspecteurs. Mais ces derniers, restés autour du supermarché, avaient vu les salariés sortir par petits groupes.

Françoise Roy, une des salariés concernée, a expliqué avoir « très mal vécu » la séquestration. « On nous a emmenés dans une réserve textile où seules les lumières de secours étaient allumées, on était pratiquement dans le noir, assis sur du béton. On nous a dit de couper les portables et de pas faire de bruit. On ne nous a rien expliqué du tout », a-t-elle dit lors de la suspension de séance.
« C’était comme si on nous faisait passer pour des travailleurs clandestins », a-t-elle souligné, précisant avoir « été suivie par un psychologue ».

Amanda Thomassin, l’inspectrice qui a participé au contrôle, a expliqué qu’au sortir du magasin « ces salariés étaient en état de stress et affirmaient tous, dans un discours bien cadré, ne pas faire d’heures supplémentaires ». Réinterrogés plus tard, ils avaient alors reconnu avoir fait de fausses déclarations sur ordre de leur direction.
« Certains salariés faisaient plus de 60 heures par semaine et la direction savait qu’elle était en infraction concernant les heures supplémentaires », a souligné la fonctionnaire, citée comme témoin.

Emilie Guichard, une ancienne salariée, a raconté avoir établi de faux relevés d’heures, mentionnant 36,75 heures (conformément au contrat de base), alors que des salariés faisaient 50 à 60 heures. « C’était pratique courante, tous les chefs de rayon dépassaient leur quota d’heures. Pour le patron, il fallait faire des heures supplémentaires si on voulait se faire bien voir ».

Source Le Figaro 17/11/2011

Fortes amendes contre un Leclerc de Montbéliard pour travail dissimulé

Un supermarché Leclerc de Montbéliard (Doubs) et son patron ont été condamnés jeudi par le tribunal correctionnel de la ville à respectivement 75.000 et 15.000 euros d’amende pour avoir mis en place un système de « travail dissimulé », c’est-à-dire d’heures supplémentaires non déclarées.Deux cadres du magasin, poursuivis pour avoir retenu une cinquantaine de salariés en 2006 afin de les soustraire à un contrôle inopiné de l’Inspection du travail, ont par ailleurs été condamnés à 4.000 et 8.000 euros d’amendes pour « entrave aux missions » des inspecteurs. Mais ils ont été relaxés du chef de « séquestration » pour ces faits.Dans la soirée du 30 juin 2006, des agents de l’Inspection du travail et de l’Ursaff, qui enquêtaient sur une comptabilité suspecte des heures supplémentaires, avaient effectué un contrôle surprise dans le supermarché, en plein inventaire.Les responsables du magasin avaient rassemblé à la hâte une cinquantaine de salariés pour les dissimuler pendant 20 à 60 minutes dans une réserve, dans l’obscurité, sans leur dire pour quels motifs et en leur ordonnant de se taire afin de cacher leur présence.D’après une trentaine de salariés, la porte était fermée à clé. Ils avaient été libérés par petits groupes après le départ des inspecteurs.A la barre du tribunal, en novembre dernier, les deux prévenus avaient reconnu les faits, arguant avoir été pris de « panique » lors de l’arrivée des inspecteurs. « Dans les faits, personne n’a été séquestré », a assuré à l’AFP l’avocat d’un des cadres poursuivis, Me Sébastien Bender, qui s’est déclaré « très satisfait » que la justice ait écarté la séquestration. « Il est dommage que l’on ait tenté de ternir l’image du magasin et de son directeur durant toute la période d’enquête et d’instruction qui a duré près de sept ans avec cette qualification », a-t-il ajouté. »Pour moi, c’est une relaxe au bénéfice du doute », a commenté de son côté Me Denis Leroux, défenseur de l’une des salariés concernés. « Certains ont dit qu’ils n’avaient pas été privés de liberté, mais d’autres ont vraiment considéré qu’ils n’avaient pas la possibilité de sortir », a-t-il ajouté.Le directeur avait été mis à pied dix jours, avant de reprendre normalement ses fonctions dans ce supermarché qui emploie environ 300 personnes. »Le nerf de ce dossier, c’est l’argent », avait estimé lors de l’audience le procureur Lionel Pascal. « La séquestration, c’est la partie immergée de l’iceberg, c’est l’aboutissement d’une gestion uniquement tournée vers le profit financier, jamais vers l’humain », avait-il fustigé.L’enquête, déclenchée suite aux révélations d’une ancienne salariée, avait permis d’établir que la direction du magasin ne déclarait pas les heures supplémentaires effectivement travaillées, notamment par les cadres, et qu’elle leur promettait de compenser le manque-à-gagner sous forme de primes annuelles.

Source Le Parisien

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Un produit dangereux dans les foyers : la télé.

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Un livre, nourri de centaines d’études scientifiques, décrit l’impact de la télé sur la société et sur les capacités intellectuelles. Affligeant. La télévision est un fléau, c’est scientifique ! Un chercheur en neurosciences a eu la bonne idée de compiler dans un livre les centaines d’études prouvant les effets toxiques du petit écran, mettant fin au mythe de « la télé, bouc émissaire ».

A la lecture du livre de Michel Desmurget, « TV lobotomie », on se demande comment on peut laisser faire ça. Le constat est tellement accablant que l’on se demande un moment si l’auteur n’est pas de mauvaise foi. Mais au fil des pages, il faut se rendre à l’évidence : l’impact de la télévision est tellement nocif pour la société qu’on se demande pourquoi il n’existe pas un bandeau quand on appuie sur le bouton, du type « la télévision que vous venez d’allumer est dangereuse pour votre santé ».

Des preuves à l’appui du discours, il y en a des centaines dans « TV lobotomie ». C’est justement l’idée de l’auteur, docteur en neurosciences à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) : faire la synthèse des différentes études portant sur la toxicité de la télévision. « Depuis 15 ans, il ne s’est pas passé une semaine sans que j’extraie au moins un ou deux papiers relatifs aux effets délétères de la télévision sur la santé », explique-t-il. Avant d’exposer ces effets, l’auteur veut battre en brèche le mythe de la télévision supplantée par Internet : l’usage des nouvelles technologies ne remplace pas la télé, il s’y additionne. « Un spectateur « typique » de plus de 15 ans passe chaque jour 3h 40 devant son poste de télévision », soit 75 % de son temps libre ! Quant aux enfants, « un écolier du primaire passe, tous les ans, plus de temps devant le tube cathodique que face à son instituteur », soit plus de 2 heures par jour. Pour quelles conséquences ?

Troubles de l’attention

D’abord, l’impact de la petite lucarne sur le développement des enfants et des adolescents. Une « marque » indélébile : « Tous les champs sont touchés, de l’intelligence à l’imagination, en passant par le langage, la lecture, l’attention et la motricité », résume l’auteur (lire ci-dessous). Ces effets s’expliquent notamment par ce que les chercheurs appellent « le déficit vidéo » : passif devant un écran, un enfant pourra apprendre quelque chose, « mais ce quelque chose sera toujours notablement inférieur à ce qu’il aurait appris d’une interaction effective avec son environnement ». Pourquoi ? Parce que l’on ne se construit pas en restant spectateur. « Le cerveau ne s’organise pas en observant le réel, mais en agissant sur lui », rappelle le neurologue. Ainsi, regarder la télévision apparaît comme un moment dépourvu de toute interactivité concrète.

Les effets dévastateurs de la télé se prolongent une fois qu’elle est éteinte. L’enfant prend en effet l’habitude de maintenir son attention par des sollicitations extérieures. Son cerveau, exposé à des séquences courtes, s’habitue à passer du coq à l’âne. Résultat ? Les chercheurs expliquent que le système attentionnel « automatique exogène » (suscité par l’extérieur) s’hypertrophie, au détriment du système « volontaire endogène ». Or, c’est l’attention « volontaire endogène » qui est nécessaire au processus d’apprentissage et de mémorisation.

Sentiment d’insécurité

La télé prescrit aussi, à notre insu, une certaine forme de pensée et d’agir via la publicité, qui est au fondement de son système économique. Et alors ? Elle a des impacts scientifiquement avérés sur les problèmes d’obésité, d’alcoolisme, de dépendance au tabac… Mais pas seulement : l’auteur rappelle qu’elle acculture aussi par les programmes entre les pubs, destinés à retenir l’attention des téléspectateurs coûte que coûte, à « le détendre pour le préparer entre deux messages » publicitaires, selon la célèbre expression de Patrick Le Lay, l’ancien PDG de TF1.

En particulier, Michel Desmurget rappelle que « l’on sait aujourd’hui qu’un individu soumis à des tensions émotionnelles enregistre mieux les messages qui lui sont imposés et s’avère plus aisément conditionnable. S’il s’avère nécessaire, pour favoriser ce dessein, de farcir l’antenne d’un monceau de violence, alors peu importe », écrit-il. Sexe, violence, société de consommation… la télévision ne serait-elle que le reflet de la société ?

Assurément pas, selon l’auteur, qui remarque que la violence et le sexe sont sur-représentées à la télévision par rapport à la réalité. Cela pourrait d’ailleurs expliquer le lien établi par des études entre exposition télévisuelle, et grossesse précoce non désirée par exemple. Le petit écran « travaille » aussi les représentations sur les genres sexuels, plus stéréotypés et inégalitaires à travers son prisme que dans la réalité. Quant au lien entre violence et télévision, Michel Desmurget rappelle qu’il ne fait désormais plus de doute au sein de la communauté scientifique : la télévision rend agressif, c’est presque aussi certain que le lien entre tabac et cancer du poumon.

Caricatural, Michel Desmurget ? 

Aucun chercheur respectable ne suggère que la violence médiatique est « la » cause des comportements violents. La seule chose qu’osent affirmer les scientifiques, c’est que la télévision représente un facteur de violence significatif, et qu’il serait dommage de ne pas agir sur ce levier, relativement accessible en comparaison d’autres déterminants sociaux plus profonds (pauvreté, éducation, cadre de vie, etc.). Michel Desmurget

Non, la télévision n’est pas responsable de tous les maux. Non, la télévision n’est pas seule responsable de l’obésité, ou de la violence. Mais en multipliant les références violentes et anxiogènes pour favoriser l’audience, la télévision rend la société encore plus obèse, encore plus violente. Et parfois, l’influence de la fiction « dépasse la réalité » : le fameux sentiment d’insécurité, qui n’a aucun rapport avec l’évolution des agressions constatées, a par contre un lien avéré avec l’exposition télévisuelle…

Comment la télé éteint l’imaginaire des enfants

Différentes études prouvent que la télévision bride les capacités intellectuelles des enfants, en particulier leur imagination.

La télévision, un média comme un autre qui stimule l’imagination et la créativité ? Si ce discours est tenu, en particulier à la télévision, la réalité est toute autre : différentes recherches, présentées dans le livre de Michel Desmurget (ci-dessus), accréditent la thèse contraire, exprimée en termes simples : la télévision abrutit nos enfants !

Une étude retient particulièrement l’attention du lecteur. Elle a été conduite par deux médecins allemands en 2006, sur une population de près de 2 000 élèves, âgés de 5 et 6 ans. Les médecins ont demandé aux bambins de dessiner un bonhomme. Ils se sont alors aperçu que plus les enfants regardaient la télévision, plus le bonhomme qu’ils dessinaient était simpliste : pas de cheveux, pas d’oreilles, jambes représentées par un trait, etc.

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Les dessins ci-contre, tirés de l’étude, illustrent la différence des représentations imaginaires entre des enfants soumis à la télévision plus de trois heures par jour, et des enfants dont l’exposition est égale ou inférieure à une heure… pas besoin de faire un dessin !

Pour cette étude, Michel Desmurget ne précise pas si les auteurs ont pris en compte d’autres variables : les enfants regardant la télévision ne seraient-il pas aussi ceux qui vivent dans un environnement socio-éducatif moins stimulant ? La différence de richesse de représentation de l’imaginaire pourrait ainsi s’expliquer principalement par des facteurs socio-éducatifs. La télévision ne serait alors qu’une « variable écran ».

1973 au Canada : avant et après l’arrivée de la télé

Mais le doute n’est pas permis pour un autre travail présenté dans « TV lobotomie », dans lequel des chercheurs, dès 1973, ont analysé l’impact de l’arrivée de la télévision (avant, après) dans une ville canadienne de taille moyenne. Ils ont complété leur étude en confrontant les résultats avec des villes comparables ayant déjà la télévision.

L’un des travaux consistait à demander à des jeunes de 9 à 12 ans d’imaginer les différents usages possibles de 5 objets (couteau, chaussure, bouton…). Les résultats montrèrent que les enfants de la ville où la télévision était encore absente (NoTel) mentionnaient 40 % d’usages supplémentaires possibles des objets, par rapport aux jeunes de la ville où la télévision était déjà présente. « Et lorsque l’expérience fut reproduite, sur des sujets d’âge similaire, 2 ans après l’arrivée de la petite lucarne dans les foyers NoTel, plus aucune différence ne fut observée entre les différentes villes » souligne Michel Desmurget, qui conclut, un peu plus loin dans le livre :

La petite lucarne ne rend pas les enfants débiles ou visiblement crétins, mais elle empêche assurément le déploiement optimal des fonctions cérébrales. La vox populi aura évidemment beau jeu de nier l’existence du moindre détriment : voyez, nous dira-t-elle, ils ont regardé la télé et ils ne s’en sont pas mal sortis, ils ne sont pas débiles. Personne cependant ne demandera : cet écran qu’ils ont tant regardé, que leur a-t-il volé ? Michel Desmurget

Fabien Ginisty

Source n°91 de L’âge de faire.

TV lobotomie Michel Desmurget  editions J’ai lu

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Le camp de Grande-Synthe, enfer et contre tout

La cabane où les réfugiés prennent des repas, le 23 décembre.. Photo Aimée Thirion

La cabane où les réfugiés prennent des repas, le 23 décembre.. Photo Aimée Thirion

La municipalité et MSF cherchent à rendre plus vivable le pire camp de réfugiés de France. Mais les autorités craignent de pérenniser la situation.

C’est un camp de boue froide et glissante. A certains endroits, on s’enfonce jusqu’à la cheville, on se retient aux branches des arbres pour ne pas tomber. Il faut slalomer sur le bois des palettes, sur les morceaux de tôle, des matelas et des couvertures imbibés. Sur ce qui était une pelouse entourée de charmes, il n’y a plus un brin d’herbe, mais des tentes fatiguées, à perte de vue. On n’est qu’à quelques centaines de mètres du centre-ville de Grande-Synthe, près de Dunkerque, non loin de Decathlon, de Jardiland, et de l’autoroute A 16. Bienvenue dans le pire des camps français de réfugiés.

Pourquoi ici, dans le quartier du Basroch de Grande-Synthe ? Parce qu’invisible depuis le camp, la station-service et l’aire d’autoroute, tenue par des passeurs kurdes, sert de marchepied vers l’Angleterre. La municipalité EE-LV et Médecins sans frontières (MSF) veulent déménager ce camp pour en construire un vivable, avec tentes chauffées, sanitaires, et surtout un sol en macadam pour échapper à la boue. La ville et l’ONG ont rencontré la préfecture mercredi, laquelle a repoussé la décision à lundi.

Près de 2 500 personnes

Deux problèmes se posent à l’Etat. D’abord, il craint que le camp ne soit mal placé : les exilés vont être tentés de traverser les voies à pied, comme ils le font à Calais, pour rejoindre l’aire d’autoroute. La ville et l’ONG se sont engagées à revoir leur copie pour garantir la sécurité des lieux. Ensuite, et c’est plus flou, l’Etat et la ville refusent que malgré son plus grand confort, le camp devienne pérenne, qu’il serve de plateforme aux passeurs et augmente sa capacité. Pour l’instant, personne n’a de solution à ce problème : le lieu est tenu par des passeurs depuis environ dix ans. Et si rien ne change pour un meilleur accueil des réfugiés en Europe, cela pourrait encore durer aussi longtemps.

En attendant, dans le camp du Basroch, la vie continue. Ici, on parle le kurde, le persan et l’arabe. Il y a des Kurdes d’Irak surtout, quelques Arabes irakiens, quelques Syriens et une forte minorité d’Iraniens, tous candidats à l’asile outre-Manche. Les tentatives des autorités pour suggérer aux personnes de demander l’asile ici ont fait chou blanc. «Quand on voit comment on est reçu, soupire un Iranien. Je me suis fait tabasser à Calais il y a deux mois par des policiers, je n’ai qu’une envie, c’est de partir.»

Né après la fermeture du centre de Sangatte par Nicolas Sarkozy, le camp faisait partie depuis une dizaine d’années de ces discrètes «jungles» dispersées dans le Nord et le Pas-de-Calais, près des aires d’autoroute qui mènent aux ports de Calais et de Dunkerque. Bon an mal an, il s’y trouvait en permanence entre 40 et 80 personnes – souvent des familles. En quelques semaines cet été, on est passé de 80 à 400, puis à 1 600 fin octobre lors de la visite du ministre de l’Intérieur à Calais, pour arriver à 2 500 aujourd’hui, selon les chiffres officiels. Parmi eux, 230 enfants et une dizaine de bébés. Les gamins connaissent quelques mots d’anglais : «blanket» pour réclamer une couverture, parfois «wood» pour le bois qui servira aux parents pour faire la cuisine. Il y a seulement 32 toilettes : il en faudrait quatre fois plus pour répondre aux standards humanitaires de base. Et il n’y a que deux points d’eau.

La loi des passeurs

A Grande-Synthe, la nouveauté, c’est le nombre de personnes présentes, mais la vie y est difficile depuis longtemps. Le 25 février 2009, Glara, une petite fille kurde d’Irak, est morte quelques heures après sa naissance prématurée, dans le froid. L’hiver suivant, pour protéger les exilés de températures négatives, le maire avait fait installer des tentes chauffées. On se souvient d’une neige cauchemardesque à l’hiver 2010 et déjà, il y avait des familles et des bébés. Le camp a toujours eu une réputation d’efficacité et de dureté. Efficace parce que d’ici, on passait en Angleterre plus vite, pour peu qu’on ait de l’argent. En 2010, c’était 2 000 euros le passage, aujourd’hui c’est 6 000 et les traversées continuent, au compte-gouttes, malgré le discours officiel sur l’étanchéité. Dur ensuite, parce qu’ici, les passeurs font la loi, avec brutalité, et ils se font servir. Il y a quelques mois, quand la municipalité a installé des douches, les passeurs les ont fracturées et en ont fait payer l’accès. Désormais elles fonctionnent sans eux et MSF en offre 200 par jour. Les passeurs «ont des armes à feu», glisse un Iranien, en baissant la voix.

En juin, à Calais, un Syrien racontait : «Ce camp-là, j’y suis resté dix minutes et je me suis sauvé. J’ai vite compris que ce serait l’enfer. Dès que j’ai posé ma veste, un passeur l’a prise et a refusé de me la rendre, il est parti en ricanant. Juste après, quand j’ai vu que d’autres lorgnaient mon smartphone en se parlant à voix basse, j’ai dit « c’est bon, je repars ».» A l’époque, il avait refusé qu’on raconte ces simples faits dans le journal par peur de représailles. Désormais, il est en Angleterre.

La police démantèle les réseaux, huit à neuf mois d’enquête à chaque fois, et un autre se forme illico. Le passage est lent désormais : on croise des gens qui sont là depuis six mois, neuf mois. Il y a quelques années, quatre mois c’était long. Ça n’empêche pas l’humour. Au bord de la forêt, Touana, un Kurde, embrasse le nez un peu tordu de Shkar, pendant que lui embrasse son menton. «C’est pour me porter bonne chance, dit l’homme, pour passer en Angleterre.» On regarde Shkar. Ça marche ? Il rigole : «Aucun n’est revenu !»

La peur de l’avenir

Autour, ses voisines kurdes de Souleimaniye, en Irak : Hanar, 6 ans, et Havin, 4 ans, pipelettes. Leur père est un ancien peshmerga, un combattant kurde. C’est lui qui cuisine au-dessus du feu de bois, d’une main. De l’autre, il retient sa troisième fille, Tsia, 18 mois, en équilibre sur une chaise de jardin en plastique. Ils sont là depuis un mois et demi. Dans une grande tente blanche au milieu de camp, des bénévoles suisses de l’association Rastplatz cuisinent du matin au soir avec le sourire, et offre du thé à volonté. Les migrants viennent s’y réchauffer et bavarder. On croise Saman, 30 ans, là depuis quatre mois. Ce Kurde d’Iran était trafiquant d’alcool à la frontière irako-iranienne. «Oui, contrebandier, c’était mon métier. Deux heures à cheval dans les montagnes. Je vendais de la bière, du whisky, de la vodka, du champagne. Tout ce que tu veux. Je me suis fait coincer par la police iranienne pendant une livraison. J’ai laissé la voiture et je suis parti en courant. Il y avait tous mes papiers. J’ai pris trente ans de prison par contumace !» Et puis il y a le désespoir. On croise Fatima, seule dans son manteau rose. Elle est divorcée et a laissé son fils de 11 ans en Syrie. Elle passe en premier, il la rejoindra ensuite, par la voie légale du regroupement familial. «Je lui ai dit que j’étais partie faire des études. Je ne veux pas qu’il sache ce que je vis en ce moment, il serait terrifié.» Elle laisse couler une larme.

Comment sera le futur camp ? «S’il faut laisser ses empreintes digitales, si c’est comme une prison, je n’irai pas, dit Kourosh, électricien, Kurde d’Iran. J’ai fait de la prison dans mon pays, et je ne supporterai pas.» MSF garantit qu’il n’y aura rien de tel, qu’on pourra aller et venir. L’ONG reconnaît aussi qu’il a fallu parler avec les passeurs, seul moyen de convaincre les exilés de déménager. A priori, rien n’est prévu pour faire baisser le nombre de personnes dans le camp et, a fortiori, pour ne pas qu’il augmente. A part croiser les doigts pour qu’ils acceptent de demander l’asile en France ou… qu’ils passent en Angleterre.

Haydée Sabéran

Voir aussi : Actualité France,  Rubrique Politique, Politique de l’immigration,