L’Egypte oubliée

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Compétition documentaire. Tuk-tuk, Romany Saad nous invite à une plongée dans les quartiers populaires du Caire.

La sélection des huit films documentaires en compétition consacrés au cinéma de toutes les rives de la Méditerranée propose un riche programme qui tisse un lien avec un réel différent souvent éloigné de nos regards.

Avec Tuk-tuk, le réalisateur égyptien Romany Saad nous fait pénétrer dans les petites rues populaires du Caire où circulent des milliers de petits véhicules à trois roues. « J’habite dans les quartiers où les Tuk-tuk se sont multipliés depuis la révolution, explique le réalisateur présent à Montpellier. Il suffit d’une  simple licence pour rouler. Du coup, ils sont conduits par des gosses qui ont l’âge de mon fils. Au fond, je crois que c’est cela qui m’a décidé à réaliser ce film.»

Le réalisateur suit le quotidien des jeunes chauffeurs, montre les problèmes d’agressions, le rackettage par les autorités, et les responsabilités qui pèsent sur leurs épaules. Il pénètre dans les familles pauvres cairotes laminées par la crise et oubliées par le pouvoir qui poussent leurs enfants à la rue pour subvenir aux besoins primaires et rembourser leurs crédits. Tandis que notre président rend hommage à la gloire de Sissi et des Rafales.

JMDH

Source :  La Marseillaise 30/10/2015

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Didier Castino. L’usine qui m’a choisi…

Un premier roman intense qui brosse la chronique de la France ouvrière des années 60-70

Un premier roman intense qui brosse la chronique de la France ouvrière des années 60-70

Auteur. Didier Castino a présenté son premier roman « Après le silence », une révélation, à la Librairie Le Grain des mots.

Didier Castino vit à Marseille, il est professeur de lettres dans un lycée du centre-ville depuis presque dix ans. Auparavant, il enseignait dans les quartiers Nord et s’y sentait bien. Il vient de publier son premier roman, Après le silence aux éditions Liana Levi. Invité par la librairie Le Grain des mots, il est venu parler à Montpellier de ce récit intime sur la vie d’ouvrier.

Sur la couverture de son roman il y a l’usine, dans le sud de la France, qui a toujours fait partie de la vie de Louis Castella. Elle était là dès sa petite enfance et l’on comprend que Louis, c’est un peu comme s’il venait d’elle. L’usine, elle lui colle à la peau comme une tache de naissance. Il y est entré à 13 ans. Elle lui a permis de devenir un homme.

« En apprenant à travailler, j’apprends aussi, je comprends plutôt, que le travail me choisit et non le contraire, je peux très vite devenir en trop dans une usine, je le comprends je t’assure, dès cette époque, j’ai conscience qu’il faut accepter les règles. C’est le travail. »

Aux Fonderies et Aciéries du Midi, les journées sont longues, interminables. Louis se révèle syndicaliste, un peu par la force des choses. Le temps en famille en est d’autant plus compté. A la maison, on ne gaspille rien, surtout pas le peu de disponibilité qui nous reste pour ceux qu’on aime. On gueule quand tout fout le camp mais on y croit, on économise pour les vacances et pour acheter une maison, un jour.

Le 16 juillet 1974, Louis Castella meurt à 43 ans, écrasé par un moule de plusieurs tonnes, mal accroché. C’est à un accident du travail qu’il doit sa libération. Le travail tue. L’usine a tout pris. Sa femme Rose et ses trois fils poursuivent sans le père.

Le plus jeune des enfants  décide de donner la parole au père, en lui offrant des mots. Le cadet dialogue avec lui, sans pouvoir oublier, qu’il est le fils de l’ouvrier écrasé. On ne va pas refaire la vie, hein, même si on est devenu petit propriétaire.

JMDH

Source: La Marseillaise 21/10/2015

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La plupart des migrants ne se réfugient pas en Europe

AUFRUHR, AUFSTAND, BEVOELKERUNGSAUFSTAND, REGIERUNGSKRISE, KRISEImmigration Sur 60 millions de réfugiés ou demandeurs d’asile dans le monde, l’Europe en accueille 4 millions. La majorité s’établissent au Moyen-Orient, en Afrique ou en Asie.

L’Europe fait face à un afflux de réfugiés sans précédent cette année. Selon FranceInter, près de 200 000 demandes d’asile ont été déposées sur le Vieux Continent depuis le début de l’année. Amnesty international juge toutefois que le mouvement migratoire actuellement en cours est le plus important depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et provoque des «situations humanitaires dramatiques» dans les centres d’accueil.

En dépit de l’inquiétude grandissante en Europe et de la récupération politique de la thématique migratoire, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) rappelle que seule une minorité de réfugiés tentent véritablement de s’établir dans un pays européen. Selon la RTS qui relaye les chiffres du HCR, la plupart des requérants d’asile s’établissent dans un pays voisin du leur, c’est-à-dire dans la région limitrophe d’une zone de conflit.

Ainsi, le programme de l’ONU estime que, sur un total de 60 millions de réfugiés à l’échelle mondiale, 26 millions s’établissent en Asie, 18 en Afrique, 7 en Amériques et 4 en Europe. La Turquie (1,6 million), le Pakistan (1,5) et le Liban (1,2) en abriteraient le plus. Par ailleurs, aucun pays européen ne figure dans la liste des 10 premiers qui recueillent le plus de personnes en cours de procédure d’asile.

De forts contrastes

Les statistiques mettent par ailleurs le doigt sur la densité de requérants d’asile par rapport à la population résidente. Si, dans le petit Liban, un quart des habitants sont des réfugiés, les données du continent européen reflètent, pour leur part, une densité minime se rapprochant d’un pour cent. C’est notamment le cas en Suisse où, dans le détail, 48’000 personnes étaient en cours de procédure d’asile en 2014 sur un total de plus de 8 millions d’habitants.

Concernant le conflit syrien, il est également relevé que la majorité des réfugiés s’établit en Turquie et au Liban et que seule une minorité tentent la traversée vers l’Europe (voir le graphique du HCR ci-dessous concernant la proportion de réfugiés syriens par pays).

A l’échelle mondiale, la répartition des demandeurs d’asile est donc particulièrement forte dans les pays pauvres. Si les centres d’accueil européens débordent actuellement en Italie et Grèce selon LeMonde.fr, les camps de réfugiés des pays pauvres seraient d’une toute autre échelle. La ville de Dadaab au Kenya peut, à elle-même, symboliser cette forte différence de grandeur. La ville située à quelques kilomètres de la frontière somalienne accueille près de 500’000 réfugiés. A titre de comparaison, près de 350’000 migrants ont rejoint un pays européen en traversant la mer Méditerranée depuis le début de l’année selon l’Organisation internationale pour les migrations.

Benjamin Fleury

Source : La Tribune de Genève 03/09/2015

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L’insoutenable pression mondiale sur la société civile

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Selon un nouveau rapport, six personnes sur sept vivent dans des pays où les libertés civiques sont menacées, alors que les organisations qui les défendent connaissent des difficultés financières et font l’objet de pressions politiques et d’autres formes de harcèlement.

Dans son rapport sur l’état de la société civile (2015 State of Civil Society Report), CIVICUS, une alliance mondiale d’organisations de la société civile, estime que partout dans le monde, les organisations de la société civile ont également été touchées par les attaques portées à la liberté d’expression, poussant son directeur exécutif, Dhananjayan Sriskandarajah, à qualifier la situation « d’insoutenable ».

Mandeep Tiwana, responsable des politiques et du plaidoyer chez CIVICUS, a expliqué aux journalistes d’Equal Times que, ces dernières années, des organisations de la société civile – qui comprennent des organisations non gouvernementales, des syndicats et des groupes confessionnels – se sont battus en première ligne lors de nombreuses urgences humanitaires, y compris à l’occasion de la crise d’Ebola et des bombardements à Gaza.

« Alors que les organisations de la société civile n’ont eu de cesse de prouver leur valeur lors de crises mondiales, notamment lors d’actions humanitaires à la suite de catastrophes, dans la résolution de conflits, dans les phases de reconstruction après un conflit et pour combler l’important déficit démocratique dans le monde, le secteur de la société civile tout entier connaît de graves problèmes de moyens », explique-t-il.

« Il s’agit d’une insuffisance de fonds, surtout pour les petites organisations de la société civile qui en ont besoin pour garantir leur pérennité à long terme, mais aussi d’environnements réglementaires restrictifs qui empêchent la mobilisation de ressources au niveau national comme international. »

Le rapport s’inquiète également du faible niveau de financement public consacré à la société civile : sur les 166 milliards de dollars US destinés à l’aide publique au développement par les principaux pays bailleurs de fonds en 2013, seulement 13 % – soit 21 milliards de dollars US – ont été attribués à la société civile.

Plus de fonds pour les dissidents

Pour certains défenseurs des droits humains, l’une des raisons de la situation est que les gouvernements veulent affaiblir les organisations de la société civile exprimant une opinion différente et faisant campagne pour un changement de politiques, et réduire leur financement.

Dans un essai intitulé The Clamp-down on Resourcing (Coup de frein aux ressources), Maina Kiai, le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion et d’association pacifiques, écrit : « Couper les ressources financières est une façon facile pour un gouvernement de réduire au silence une organisation de la société civile qui se montre un peu trop critique. »

Maina Kiai donne l’exemple de l’Éthiopie où les autorités ont adopté une loi en 2009 qui interdit aux organisations de la société civile qui travaillent dans les domaines de l’égalité et des droits des enfants de recevoir plus de 10 % de leur financement de sources étrangères.

Des actes similaires ont également eu lieu au Pakistan, en Turquie et en Russie, où, plus tôt dans l’année, Amnesty International a critiqué le président russe, Vladimir Poutine, qui avait introduit une loi qualifiant d’indésirables les organisations étrangères représentant une menace pour la « sécurité de l’État » ou « l’ordre constitutionnel ».

Pour Marta Pardavi, une prééminente défenseuse des droits humains hongroise, les conclusions de CIVICUS sont cohérentes avec ce que vivent les organisations en Hongrie.

« Le secteur des ONG indépendantes, qui comptent sur des financements étrangers et qui adoptent souvent des positions critiques envers les politiques gouvernementales, subit des contrôles sans précédent de la part des autorités, comme des enquêtes fiscales, et est victime d’insinuations politiques dévalorisantes », explique-t-elle.

« Réagir à toutes ses attaques, aux critiques non fondées et aux actions en justice constitue une charge de travail supplémentaire pour nombre d’ONG, les empêchant de mener à bien leurs projets et les entraînant dans une politisation d’activités essentiellement non partisanes. »

Dhananjayan Sriskandarajah estime que cette réaction violente à l’échelle mondiale contre la société civile est très inquiétante.

« Malgré le travail incroyable que mène la société civile, elle est toujours attaquée. Rien qu’en 2014, nous avons prouvé de graves atteintes à “l’espace civique” – libertés d’expression, syndicale et de réunion – dans pas moins de 96 pays du monde entier », poursuit-il.

« Pour noircir encore le tableau, les organisations ayant le plus besoin de fonds, principalement basées dans l’hémisphère sud, ne reçoivent qu’une partie des milliards de dollars attribués au secteur. C’est une situation insoutenable. Nombre de bailleurs de fonds savent que la société civile accomplit un travail essentiel, mais il faut faire preuve d’encore plus de courage pour garantir la survie de celles et ceux qui se battent en première ligne. »

by Mischa Wilmers

Source : Equal Times 31/08/2015

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Mohamed Ben Saada. « Une démocratie dévoyée »

mohamed_bensaadaUniversité d’été d’Attac

Ce militant des quartiers Nord de Marseille intervenait  dans l’atelier « Quartiers populaires et démocratie ». Interview.

Mohamed Ben Saada de l’association « Quartier Nord-Quartiers forts », est manipulateur radio dans la vie. Après plus de deux heures de débat dans l’atelier « Démocratie et quartiers populaires » devant une salle pleine, il a répondu à nos questions.

La Marseillaise. Est-ce qu’il n’y a pas de démocratie dans les quartiers Nord de Marseille ?

Mohamed Ben Saada. Il y a une forme de démocratie complètement dévoyée dont on se contente, je le dis sans aucun détour : une démocratie qui repose sur le clientélisme. Il faudrait trouver un nom spécifique à cette forme parce que quand on veut citer des exemples de dénis démocratique, on a toujours en tête des destinations lointaines. Mais il suffit de regarder la manière dont la vie politique s’organise ici, comment les échéances électorales se déroulent dans nos quartiers. Même de façon périphérique, dans la façon dont les gens continuent à harceler les citoyens qui vont voter, à deux mètres du bureau de vote… Il y a une chape de plomb qui repose sur une relation purement clientéliste. On fait fi de tout ce qui est l’engagement citoyen : les convictions, le fait que l’on soit pour tel ou tel parti, le fait que l’on ait telle ou telle vision du monde. Tout ne repose alors plus que sur : « Si je vote pour toi, tu me donnes quoi ? Un emploi, un appartement… »

La Marseillaise. Mais est-ce que cela ne touche vraiment que ces « quartiers » ?

Mohamed Ben Saada. Cela touche principalement les quartiers populaires dans la vulgarité des procédés. On n’y prend pas de gants. Souvent les médias font référence, lors des élections, à des anomalies dans des bureaux de vote, mais on passe rapidement parce qu’on considère qu’il s’agit de zones où les droits et la démocratie… sont ce qu’ils sont et qu’on y peut rien. Mais ce clientélisme est, à mon sens, le plus abjecte car il repose sur la misère des gens. Après, je suis d’accord. Le clientélisme touche d’autres populations, je ne peux pas dire que cela n’existe pas ailleurs. Dans les quartiers Sud, tout aussi brutalement, le clientélisme prend la forme de promesses du type : « Ne vous inquiétez pas, votez pour moi et il n’y aura pas de logement social ici ».

La Marseillaise. Que faudrait-il faire demain pour réinstaurer une dose de démocratie dans les quartiers ?

Mohamed Ben Saada. Demain, ce n’est pas possible. Le délai est trop court… A mon sens, il faudrait repartir sur des programmes nationaux d’éducation populaire qui soient menés de façon volontariste par les acteurs politiques, les organisations, les syndicats, pour outiller les générations à venir, et faire en sorte que l’éducation populaire, comme elle avait été pensée et organisée en 1947, redevienne ce qu’elle est : le moyen de donner à des jeunes adultes des outils d’appréhension et de compréhension du monde dans lequel ils vivent, pour se forger une opinion.

La Marseillaise. On dit que les services publics ont laissé ces quartiers en friche. Mais pourquoi cette action d’éducation populaire n’existe plus non plus ?

Mohamed Ben Saada. C’est le serpent qui se mord la queue. Tout est lié. Les élus, malgré les promesses qu’ils font, voient vite que sur les territoires où ils sont élus, il n’y a pas beaucoup de votants et ils n’ont donc pas une pression électorale forte. A ces endroits où l’abstention atteint des records, l’engagement et les promesses de service public qui devraient faire partie du contrat social entre les élus et les citoyens, restent donc des chimères… La blague qui court dans nos quartiers, c’est que dès qu’il sont élus ils changent d’opérateur téléphonique.

Propos recueillis par Christophe Casanova

Source ; La Marseillaise, le 28 août 2015

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