L’audience du procès en diffamation que le groupe Bolloré intente à Bastamag se déroulera le jeudi 11 février, à la 17ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris, à partir de 13h. L’audience sera publique. Ce procès pose plusieurs questions essentielles sur la liberté d’informer, en particulier sur les activités des multinationales.
L’audience du procès en diffamation que le groupe Bolloré intente à Bastamag se déroulera le jeudi 11 février, à la 17ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris, à partir de 13h. L’audience sera publique.
Le groupe Bolloré estime diffamatoire pas moins de huit paragraphes – ainsi que le titre et le surtitre – d’un article de synthèse publié par Bastamag en octobre 2012 et consacré à la question de l’accaparement des terres, ces appropriations de terres à grande échelle par des fonds d’investissements ou des multinationales, principalement en Afrique et en Asie.
S’appuyant sur des rapports des Nations unies et d’organisations internationales, cet article dressait un état des lieux du mouvement d’accaparement de terres en Afrique, en Amérique latine et en Asie, et des grandes entreprises françaises qui y sont impliquées. L’article mentionne ainsi les activités du groupe Bolloré, via une holding luxembourgeoise, la Socfin, dans lequel le groupe possède de fortes participations. La Socfin possède de multiples filiales qui gèrent des plantations d’hévéas et d’huile de palme en Afrique et en Asie.
En plus de trois journalistes de Bastamag (Nadia Djabali, Agnès Rousseaux, Ivan du Roy), de son directeur de publication de l’époque (Julien Lusson), cette plainte en diffamation vise également le site Rue 89 et son directeur de publication, Pierre Haski, pour avoir cité l’article dans sa revue de presse signalant « le meilleur du web », ainsi que quatre personnes ayant partagé l’article sur leurs blogs (Thierry Lamireau, Dominique Martin-Ferrari, Laurent Ménard et Guillaume Decugis).
Ce procès pose plusieurs questions importantes :
L’accaparement des terres serait-il devenu un sujet impossible à évoquer sans risquer une longue procédure judiciaire ? Informer sur les mises en cause de la Socfin, dont plusieurs entités du groupe Bolloré sont actionnaires, par des organisations internationales et des communautés locales serait-il tabou ?
Plus généralement, est-il encore possible d’évoquer les activités du groupe Bolloré et leurs impacts sociaux et environnementaux ? Le groupe Bolloré a déjà, par le passé, attaqué en justice plusieurs médias, dont France Inter suite à la diffusion d’un reportage sur ses activités au Cameroun. Ce procès contre Bastamag intervient dans un contexte où les pratiques de la Socfin au sein de plantations qu’elle possède, en particulier en Afrique de l’Ouest et en Asie du Sud-est, sont toujours pointées du doigt par des organisations de la société civile. Des paysans cambodgiens ont d’ailleurs porté plainte en juillet contre le groupe Bolloré devant le Tribunal de grande instance de Nanterre pour violation des droits de l’Homme et du droit de l’environnement. Au Sierra Leone, six leaders de communautés locales en conflit avec la filiale locale de la Socfin viennent d’être incarcérés.
Ce procès intervient également dans un contexte où il est toujours question d’instaurer un « secret des affaires » au niveau européen. Cette disposition, si elle entrait en vigueur, entraverait durement toute information critique à l’égard des grandes entreprises et nuirait gravement au nécessaire débat démocratique sur leurs activités.
Enfin, le fait que plusieurs personnes ou médias qui n’ont aucunement participé à la rédaction et à la publication de cet article soient mises en examen repose la question du statut juridique d’un lien hypertexte, d’une revue de presse ou du partage d’un article via un réseau social ou un agrégateur. Ce sont les fondements du fonctionnement du web qui sont ici remis en cause : les liens hypertextes et le partage de contenus en constituent la principale richesse.
Les pressions du groupe Bolloré à l’encontre de journalistes sont régulièrement au cœur de l’actualité. Le collectif Informer n’est pas un délit, qui regroupe une cinquantaine de journalistes ainsi que l’association Reporters sans frontières, s’interroge sur la censure et la déprogrammation de plusieurs documentaires qui devaient être diffusés récemment par la chaîne Canal+, dont Vincent Bolloré est devenu le principal actionnaire.
Nous rappelons également que Bastamag fait l’objet d’une seconde plainte en diffamation de la part du groupe Bolloré, pour un petit article évoquant en octobre 2014 une rencontre entre des représentants du groupe Bolloré et des délégués de communautés locales africaines et cambodgiennes en conflit avec la Socfin.
Actoral. Le festival des écritures contemporaines se clôture ce soir. Les blessures intimes deviennent des langues à hTh.
L’escale montpelliéraine du Festival Marseillais Actoral dédié aux écritures contemporaines se conclut ce soir à hTh avec le poète sonore Anne-James Chaton et l’artiste de musique électronique Alva Noto dans le cadre de Analogie / digital. Flaubert, Jules Verne, mais aussi Descartes, Napoléon, Freud… sont convoqués à prendre un sacré coup de jeune.
Cette soirée clôture un festival captivant que l’on doit à la passion tenace d’Hubert Colas pour les écritures contemporaines. Depuis le 14 janvier le CDN est une terre d’aventure où se croisent des artistes d’horizons différents qui ont pour point commun d’être en prise avec de nouvelles formes de langage. « Ce ne sont pas des artistes doucereux qui viennent à Actoral », avait prévenu Hubert Colas. Il n’a pas menti.
A l’instar du drame patriotique international Grinshorn & Wespenmaler de l’autrichienne Margret Kreidl mis en espace par Marlène Saldana et Jonathan Drillet qui rend un vibrant et décalé hommage à l’Autriche d’Haider, le leader bronzé de l’extrême droite autrichienne, qui trouva la mort en sortant d’un club gay, ivre au volant de sa Volkswagen Phaeton.Le public qui est venu pour découvrir, perçoit et participe au rapport délicat entre la création et le monde insensé dans lequel il vit. En pleine dérive extrémiste, l’absurde reprend du poil de la bête.
L’inhumanité ordinaire
La société hyper sécurisée et tellement insécurisante inspire les artistes d’aujourd’hui qui baignent dans cette inhumanité ordinaire. Tous les domaines artistiques, sont concernés et notamment la littérature contemporaine. On a goûté au rationalisme irrationnel de Thomas Clec qui met trois ans à parcourir les 50 m2 de son appart parisien pour faire de l’autofiction un inventaire politique (Intérieur ed. L’arbalète/Gallimard).
On a zoomé avec Camera (ed, Pol) d’Edith Azam et sa véhémence nerveuse qui se rend à l’évidence du désespoir et n’existe que par la résistance du langage. On a entendu par les yeux et l’émotion le manifeste physique et tragique du jeune danseur chorégraphe croate Matija Ferlin. Ces rencontres surprenantes entre auteurs, metteurs en scène, chorégraphes, et publics se sont croisés dans l’espace de manière inédite, inspirant d’innombrables prises de positions.
Elles sont ce qui émerge. L’exceptionnelle tension et la passion qui en découlent demeurent le champ des appropriations de la langue. Cette approche des écritures semble découler de l’exploration de cet univers polémique dans lequel chacun se sent investi d’une mission, celle du CDN semble en tout cas bien ravivée.
Diagonal. L’instrumentalisation de l’art et de la culture au service des promoteurs.
A l’invitation des Amis du Monde Diplomatique et du cinéma Diagonal le réalisateur marseillais Nicolas Burlaud est venu présenter à Montpellier son film La fête est finie. Ce documentaire réalisé avec très peu de moyens, se saisit de l’exemple marseillais pour évoquer l’angle aveugle du développement urbain.
Vendu par les édiles locales de tous bords comme créateur d’emplois, vecteur de progrès et de croissance économique, partout dans le monde, les plans de rénovation urbaine relèguent aux oubliettes la notion même du rôle politique dans la cité. A savoir, les actions possibles, anticipées, par les individus et les groupes sociaux, situés les uns à l’égard des autres en réciprocité de perspectives dans un environnement partagé.
Le film traite de la destruction du Marseille populaire et de l’entrée féroce des promoteurs avec comme cheval de Troie « Marseille Capitale Européenne de la Culture » mise en place par CCI, la ville de Marseille et les fonds d’investissements du grand capital.
Usant des moyens de voyous qu’Audiard décrit dans De battre mon coeur s’est arrêté, les promoteurs déplacent les pauvres de leurs lieux de vie pour développer des zones sous hautes surveillance réservées aux marchands.
L’intérêt du film est aussi d’interroger l’instrumentalisation de la culture et de ses acteurs. Nicolas Burlaud filme sa ville avec amour et nous invite à résister en prenant conscience des liens qui nous unissent.
Marseille est en passe de devenir une ville comme les autres. Sous les assauts répétés des politiques d’aménagement, elle se lisse, s’embourgeoise, s’uniformise. Cette transformation se fait au prix d’une exclusion des classes populaires, repoussées toujours plus au Nord. Son élection en 2013 au titre de «Capitale européenne de la culture» a permis une accélération spectaculaire de cette mutation. Là où brutalité et pelleteuses avaient pu cristalliser inquiétude, résistance et analyses, les festivités nous ont plongés dans un état de stupeur. Elles n’ont laissé d’autre choix que de participer ou de se taire…
Contact : lafeteestfinie@primitivi.org ou 06 62 46 14 06
Trois articles sur une affaire révélatrice de la justice de classe.
Quelques remarques. La dimension factuelle reste anecdotique. Elle reflète surtout l’ état d’esprit du grand patronat français qui règne de manière coloniale sur les salariés.
Le temps de la justice n’est visiblement pas le même pour les patrons voyous. On laisse toujours aux puissants le temps de s’organiser même quand l’Etat est impliqué.
Lorsqu’il s’agit de mesure restrictives et sécuritaires, la justice ou les législations sont rendues et votées dans l’urgence. Dans le cas des délits économiques, on laisse retomber l’émotion.
La nature des peines sont incomparables. La logique du droit rendu justifie économiquement toutes les malversations, fraudes, crimes, délits et abus de bien sociaux…
Des dirigeants d’un magasin Leclerc sont jugés pour la séquestration de salariés et travail dissimulé
Les patrons sont parfois séquestrés, les salariés, très rarement. C’est pourtant un tel fait qui a mené des dirigeants du supermarché Leclerc de Montbéliard (Doubs) devant le tribunal correctionnel de la ville, jeudi 14 novembre. Ils sont accusés d’avoir séquestré, en 2006, une cinquantaine de salariés durant environ une heure dans une réserve afin de les soustraire au contrôle inopiné de l’inspection du travail. La CGT s’est portée partie civile. Une vingtaine de salariés ont demandé le paiement d’heures supplémentaires ainsi que des dommages et intérêts pour leur enfermement dans la réserve.
L’audience a duré treize heures, le temps d’essayer d’éclaircir de nombreux points de cette affaire exceptionnelle. Le 30 juin 2006, vers 21 h 45, le magasin est en plein inventaire quand arrivent des agents de l’inspection du travail, de l’Urssaf et des policiers. L’inspection enquête sur une comptabilisation suspecte des heures supplémentaires depuis plusieurs mois après des plaintes de salariés. Une partie de ces heures n’étaient ni comptabilisées ni payées. Une ancienne employée a confié, dans L’Est Républicain du 17 novembre 2011, qu’elle avait établi de faux relevés d’heures, mentionnant 37,5 heures par semaine alors que des salariés en faisaient 50 à 60.
A la vue des inspecteurs, le directeur du magasin Leclerc ordonne à une chef de département de cacher une cinquantaine de salariés. Ceux-ci sont conduits dans une réserve. Ils se retrouvent dans le noir, avec interdiction de parler, sans savoir pourquoi ils sont là. « Quand j’ai vu les enquêteurs et la police sur le parking, j’ai paniqué, je savais qu’on ne respectait pas les amplitudes horaires » légales, a reconnu le directeur à la barre. « J’aurais dû réagir mais je ne l’ai pas fait, a admis, de son côté, la chef de département. J’ai suivi [les ordres] sans comprendre les enjeux. »
DIFFÉRENTES VERSIONS POUR UNE « FRAUDE MASSIVE »
Comment s’est passé la séquestration ? L’enfermement aurait duré de 20 à 60 minutes. Certains salariés ont affirmé que le local avait été fermé à clé, la chef de département disant, elle, qu’elle a maintenu la porte avec son pied. « C’était comme si on nous faisait passer pour des travailleurs clandestins », a souligné une salariée dans L’Est Républicain du 17 novembre 2011, ajoutant avoir été « suivie par une psychologue » ensuite.
Pour Sébastien Bender, avocat du directeur du magasin et de la directrice des ressources humaines (DRH), qui a plaidé leur relaxe, on ne peut pas vraiment parler de séquestration. « Le directeur n’a pas donné l’ordre d’enfermer les salariés mais de les cacher. Et personne ne s’est opposé à aller dans le local », affirme-t-il. Mais peut-on s’opposer aux ordres de son patron ? M. Bender a une autre explication : « Certains salariés ont dit qu’ils avaient pensé qu’ils allaient faire l’inventaire de la réserve, d’autres qu’il y avait le feu. Même dans la réserve, personne n’a demandé à en sortir. »
Des salariés ont pourtant indiqué s’être sentis « oppressés » dans le local. Mais M. Bender a un doute. « Une personne a déclaré avoir joué au foot dans la réserve. Il n’y a pas deux versions identiques. » De même, il y a plusieurs versions de la libération des salariés. Etait-ce après le départ des inspecteurs ? Ou bien, comme le dit M. Bender, « au bout d’un quart d’heure, quand le directeur a donné l’ordre de remettre les salariés dans les rayons par petits groupes », après avoir réalisé qu’il avait « fait une bêtise » ? Le tribunal devra trancher.
En tout cas, « c’est la première fois qu’on arrive à prouver une fraude massive, a souligné la direction du travail dans Libération du 20 octobre 2006. Mais à côté de ça, il y a quantité d’affaires qui n’aboutissent pas faute de preuves et parce que les gens qui viennent se plaindre d’heures sup non payées veulent rester anonymes. Les heures sup, c’est la grande plaie du secteur de la grande distribution (…). Il y a une chape de silence. »
« LE NERF DE CE DOSSIER, C’EST L’ARGENT »
Après cet épisode, le PDG de la société SAS Montdis, qui gère le magasin, « s’est excusé auprès des salariés, indique M. Bender. Une prime a été versée aux 92 qui avaient été présents ce soir-là, dont les 40 qui étaient dans la réserve ». La chef de département, qui est la fille du PDG, et la DRH n’ont pas été sanctionnées. Le directeur a reçu une mise à pied de dix jours et est toujours à la tête du magasin. Depuis cet incident, une pointeuse a été installée.
« Le nerf de ce dossier, c’est l’argent », a lancé le procureur lors du procès. La séquestration, a-t-il ajouté, « c’est l’aboutissement d’une gestion uniquement tournée vers le profit financier, jamais vers l’humain. » Une vision que conteste M. Bender : « Le magasin gagne autant d’argent, voire plus, maintenant, alors qu’il y a la pointeuse et que 50 salariés ont été embauchés depuis. »
Le procureur a requis 200 000 euros d’amende à l’encontre de la SAS Montdis pour travail dissimulée ; 15 000 à l’encontre le PDG pour travail dissimulé, obstacle à la mission de l’inspection du travail et paiement de salaires inférieurs au minimum conventionnel ; 2 500 euros d’amende à l’encontre la DRH et 6 000 euros à l’encontre le directeur du magasin ; ainsi qu’un mois de prison avec sursis assorti d’une amende de 2 500 euros pour la chef de département pour séquestration et obstacle à la mission de l’inspection. La décision du tribunal sera rendue par le tribunal le 23 janvier 2014.
Francine Aizicovici
Le Monde 16/11/2013
Leclerc/séquestration : procès annulé
Le procès de deux responsables d’un supermarché Leclerc de Montbéliard (Doubs), jugés aujourd’hui devant le tribunal correctionnel pour avoir séquestré en 2006 une cinquantaine de salariés afin de les soustraire à un contrôle de l’Inspection du travail, a été annulé pour vice de procédure. Le président du tribunal a prononcé l’irrégularité de l’arrêt de renvoi, suivant la demande de l’avocat de la défense, Me François de Castro, qui avait soulevé un vice de procédure à l’ouverture des débats.
Le dossier doit désormais retourner chez le procureur de Montbéliard, qui devra à nouveau saisir un juge d’instruction. Le directeur du magasin Leclerc et une chef de département comparaissaient pour « séquestration » et « entrave aux missions de l’Inspection du travail », et encouraient cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende. Le PDG de la SAS Montdis, gérante du magasin, est également poursuivi pour « entrave » et « travail dissimulé ». La CGT et 19 salariés s’étaient portés partie civile.
Le 30 juin 2006, des agents de l’Inspection du travail et de l’Urssaf avaient effectué un contrôle surprise dans le supermarché en plein inventaire, car ils enquêtaient sur une comptabilité suspecte des heures supplémentaires. Une partie de ces heures n’était en effet ni comptabilisée, ni payée. Les responsables du magasin avaient rassemblé à la hâte une cinquantaine de salariés pour les enfermer pendant 45 minutes dans une réserve, dans l’obscurité, leur interdisant de parler afin de cacher leur présence. D’après les salariés, la porte était fermée à clé. Ils avaient été libérés après le départ des inspecteurs. Mais ces derniers, restés autour du supermarché, avaient vu les salariés sortir par petits groupes.
Françoise Roy, une des salariés concernée, a expliqué avoir « très mal vécu » la séquestration. « On nous a emmenés dans une réserve textile où seules les lumières de secours étaient allumées, on était pratiquement dans le noir, assis sur du béton. On nous a dit de couper les portables et de pas faire de bruit. On ne nous a rien expliqué du tout », a-t-elle dit lors de la suspension de séance.
« C’était comme si on nous faisait passer pour des travailleurs clandestins », a-t-elle souligné, précisant avoir « été suivie par un psychologue ».
Amanda Thomassin, l’inspectrice qui a participé au contrôle, a expliqué qu’au sortir du magasin « ces salariés étaient en état de stress et affirmaient tous, dans un discours bien cadré, ne pas faire d’heures supplémentaires ». Réinterrogés plus tard, ils avaient alors reconnu avoir fait de fausses déclarations sur ordre de leur direction.
« Certains salariés faisaient plus de 60 heures par semaine et la direction savait qu’elle était en infraction concernant les heures supplémentaires », a souligné la fonctionnaire, citée comme témoin.
Emilie Guichard, une ancienne salariée, a raconté avoir établi de faux relevés d’heures, mentionnant 36,75 heures (conformément au contrat de base), alors que des salariés faisaient 50 à 60 heures. « C’était pratique courante, tous les chefs de rayon dépassaient leur quota d’heures. Pour le patron, il fallait faire des heures supplémentaires si on voulait se faire bien voir ».
Source Le Figaro 17/11/2011
Fortes amendes contre un Leclerc de Montbéliard pour travail dissimulé
Un supermarché Leclerc de Montbéliard (Doubs) et son patron ont été condamnés jeudi par le tribunal correctionnel de la ville à respectivement 75.000 et 15.000 euros d’amende pour avoir mis en place un système de « travail dissimulé », c’est-à-dire d’heures supplémentaires non déclarées.Deux cadres du magasin, poursuivis pour avoir retenu une cinquantaine de salariés en 2006 afin de les soustraire à un contrôle inopiné de l’Inspection du travail, ont par ailleurs été condamnés à 4.000 et 8.000 euros d’amendes pour « entrave aux missions » des inspecteurs. Mais ils ont été relaxés du chef de « séquestration » pour ces faits.Dans la soirée du 30 juin 2006, des agents de l’Inspection du travail et de l’Ursaff, qui enquêtaient sur une comptabilité suspecte des heures supplémentaires, avaient effectué un contrôle surprise dans le supermarché, en plein inventaire.Les responsables du magasin avaient rassemblé à la hâte une cinquantaine de salariés pour les dissimuler pendant 20 à 60 minutes dans une réserve, dans l’obscurité, sans leur dire pour quels motifs et en leur ordonnant de se taire afin de cacher leur présence.D’après une trentaine de salariés, la porte était fermée à clé. Ils avaient été libérés par petits groupes après le départ des inspecteurs.A la barre du tribunal, en novembre dernier, les deux prévenus avaient reconnu les faits, arguant avoir été pris de « panique » lors de l’arrivée des inspecteurs. « Dans les faits, personne n’a été séquestré », a assuré à l’AFP l’avocat d’un des cadres poursuivis, Me Sébastien Bender, qui s’est déclaré « très satisfait » que la justice ait écarté la séquestration. « Il est dommage que l’on ait tenté de ternir l’image du magasin et de son directeur durant toute la période d’enquête et d’instruction qui a duré près de sept ans avec cette qualification », a-t-il ajouté. »Pour moi, c’est une relaxe au bénéfice du doute », a commenté de son côté Me Denis Leroux, défenseur de l’une des salariés concernés. « Certains ont dit qu’ils n’avaient pas été privés de liberté, mais d’autres ont vraiment considéré qu’ils n’avaient pas la possibilité de sortir », a-t-il ajouté.Le directeur avait été mis à pied dix jours, avant de reprendre normalement ses fonctions dans ce supermarché qui emploie environ 300 personnes. »Le nerf de ce dossier, c’est l’argent », avait estimé lors de l’audience le procureur Lionel Pascal. « La séquestration, c’est la partie immergée de l’iceberg, c’est l’aboutissement d’une gestion uniquement tournée vers le profit financier, jamais vers l’humain », avait-il fustigé.L’enquête, déclenchée suite aux révélations d’une ancienne salariée, avait permis d’établir que la direction du magasin ne déclarait pas les heures supplémentaires effectivement travaillées, notamment par les cadres, et qu’elle leur promettait de compenser le manque-à-gagner sous forme de primes annuelles.
Un livre, nourri de centaines d’études scientifiques, décrit l’impact de la télé sur la société et sur les capacités intellectuelles. Affligeant. La télévision est un fléau, c’est scientifique ! Un chercheur en neurosciences a eu la bonne idée de compiler dans un livre les centaines d’études prouvant les effets toxiques du petit écran, mettant fin au mythe de « la télé, bouc émissaire ».
A la lecture du livre de Michel Desmurget, « TV lobotomie », on se demande comment on peut laisser faire ça. Le constat est tellement accablant que l’on se demande un moment si l’auteur n’est pas de mauvaise foi. Mais au fil des pages, il faut se rendre à l’évidence : l’impact de la télévision est tellement nocif pour la société qu’on se demande pourquoi il n’existe pas un bandeau quand on appuie sur le bouton, du type « la télévision que vous venez d’allumer est dangereuse pour votre santé ».
Des preuves à l’appui du discours, il y en a des centaines dans « TV lobotomie ». C’est justement l’idée de l’auteur, docteur en neurosciences à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) : faire la synthèse des différentes études portant sur la toxicité de la télévision. « Depuis 15 ans, il ne s’est pas passé une semaine sans que j’extraie au moins un ou deux papiers relatifs aux effets délétères de la télévision sur la santé », explique-t-il. Avant d’exposer ces effets, l’auteur veut battre en brèche le mythe de la télévision supplantée par Internet : l’usage des nouvelles technologies ne remplace pas la télé, il s’y additionne. « Un spectateur « typique » de plus de 15 ans passe chaque jour 3h 40 devant son poste de télévision », soit 75 % de son temps libre ! Quant aux enfants, « un écolier du primaire passe, tous les ans, plus de temps devant le tube cathodique que face à son instituteur », soit plus de 2 heures par jour. Pour quelles conséquences ?
Troubles de l’attention
D’abord, l’impact de la petite lucarne sur le développement des enfants et des adolescents. Une « marque » indélébile : « Tous les champs sont touchés, de l’intelligence à l’imagination, en passant par le langage, la lecture, l’attention et la motricité », résume l’auteur (lire ci-dessous). Ces effets s’expliquent notamment par ce que les chercheurs appellent « le déficit vidéo » : passif devant un écran, un enfant pourra apprendre quelque chose, « mais ce quelque chose sera toujours notablement inférieur à ce qu’il aurait appris d’une interaction effective avec son environnement ». Pourquoi ? Parce que l’on ne se construit pas en restant spectateur. « Le cerveau ne s’organise pas en observant le réel, mais en agissant sur lui », rappelle le neurologue. Ainsi, regarder la télévision apparaît comme un moment dépourvu de toute interactivité concrète.
Les effets dévastateurs de la télé se prolongent une fois qu’elle est éteinte. L’enfant prend en effet l’habitude de maintenir son attention par des sollicitations extérieures. Son cerveau, exposé à des séquences courtes, s’habitue à passer du coq à l’âne. Résultat ? Les chercheurs expliquent que le système attentionnel « automatique exogène » (suscité par l’extérieur) s’hypertrophie, au détriment du système « volontaire endogène ». Or, c’est l’attention « volontaire endogène » qui est nécessaire au processus d’apprentissage et de mémorisation.
Sentiment d’insécurité
La télé prescrit aussi, à notre insu, une certaine forme de pensée et d’agir via la publicité, qui est au fondement de son système économique. Et alors ? Elle a des impacts scientifiquement avérés sur les problèmes d’obésité, d’alcoolisme, de dépendance au tabac… Mais pas seulement : l’auteur rappelle qu’elle acculture aussi par les programmes entre les pubs, destinés à retenir l’attention des téléspectateurs coûte que coûte, à « le détendre pour le préparer entre deux messages » publicitaires, selon la célèbre expression de Patrick Le Lay, l’ancien PDG de TF1.
En particulier, Michel Desmurget rappelle que « l’on sait aujourd’hui qu’un individu soumis à des tensions émotionnelles enregistre mieux les messages qui lui sont imposés et s’avère plus aisément conditionnable. S’il s’avère nécessaire, pour favoriser ce dessein, de farcir l’antenne d’un monceau de violence, alors peu importe », écrit-il. Sexe, violence, société de consommation… la télévision ne serait-elle que le reflet de la société ?
Assurément pas, selon l’auteur, qui remarque que la violence et le sexe sont sur-représentées à la télévision par rapport à la réalité. Cela pourrait d’ailleurs expliquer le lien établi par des études entre exposition télévisuelle, et grossesse précoce non désirée par exemple. Le petit écran « travaille » aussi les représentations sur les genres sexuels, plus stéréotypés et inégalitaires à travers son prisme que dans la réalité. Quant au lien entre violence et télévision, Michel Desmurget rappelle qu’il ne fait désormais plus de doute au sein de la communauté scientifique : la télévision rend agressif, c’est presque aussi certain que le lien entre tabac et cancer du poumon.
Caricatural, Michel Desmurget ?
Aucun chercheur respectable ne suggère que la violence médiatique est « la » cause des comportements violents. La seule chose qu’osent affirmer les scientifiques, c’est que la télévision représente un facteur de violence significatif, et qu’il serait dommage de ne pas agir sur ce levier, relativement accessible en comparaison d’autres déterminants sociaux plus profonds (pauvreté, éducation, cadre de vie, etc.). Michel Desmurget
Non, la télévision n’est pas responsable de tous les maux. Non, la télévision n’est pas seule responsable de l’obésité, ou de la violence. Mais en multipliant les références violentes et anxiogènes pour favoriser l’audience, la télévision rend la société encore plus obèse, encore plus violente. Et parfois, l’influence de la fiction « dépasse la réalité » : le fameux sentiment d’insécurité, qui n’a aucun rapport avec l’évolution des agressions constatées, a par contre un lien avéré avec l’exposition télévisuelle…
Comment la télé éteint l’imaginaire des enfants
Différentes études prouvent que la télévision bride les capacités intellectuelles des enfants, en particulier leur imagination.
La télévision, un média comme un autre qui stimule l’imagination et la créativité ? Si ce discours est tenu, en particulier à la télévision, la réalité est toute autre : différentes recherches, présentées dans le livre de Michel Desmurget (ci-dessus), accréditent la thèse contraire, exprimée en termes simples : la télévision abrutit nos enfants !
Une étude retient particulièrement l’attention du lecteur. Elle a été conduite par deux médecins allemands en 2006, sur une population de près de 2 000 élèves, âgés de 5 et 6 ans. Les médecins ont demandé aux bambins de dessiner un bonhomme. Ils se sont alors aperçu que plus les enfants regardaient la télévision, plus le bonhomme qu’ils dessinaient était simpliste : pas de cheveux, pas d’oreilles, jambes représentées par un trait, etc.
Les dessins ci-contre, tirés de l’étude, illustrent la différence des représentations imaginaires entre des enfants soumis à la télévision plus de trois heures par jour, et des enfants dont l’exposition est égale ou inférieure à une heure… pas besoin de faire un dessin !
Pour cette étude, Michel Desmurget ne précise pas si les auteurs ont pris en compte d’autres variables : les enfants regardant la télévision ne seraient-il pas aussi ceux qui vivent dans un environnement socio-éducatif moins stimulant ? La différence de richesse de représentation de l’imaginaire pourrait ainsi s’expliquer principalement par des facteurs socio-éducatifs. La télévision ne serait alors qu’une « variable écran ».
1973 au Canada : avant et après l’arrivée de la télé
Mais le doute n’est pas permis pour un autre travail présenté dans « TV lobotomie », dans lequel des chercheurs, dès 1973, ont analysé l’impact de l’arrivée de la télévision (avant, après) dans une ville canadienne de taille moyenne. Ils ont complété leur étude en confrontant les résultats avec des villes comparables ayant déjà la télévision.
L’un des travaux consistait à demander à des jeunes de 9 à 12 ans d’imaginer les différents usages possibles de 5 objets (couteau, chaussure, bouton…). Les résultats montrèrent que les enfants de la ville où la télévision était encore absente (NoTel) mentionnaient 40 % d’usages supplémentaires possibles des objets, par rapport aux jeunes de la ville où la télévision était déjà présente. « Et lorsque l’expérience fut reproduite, sur des sujets d’âge similaire, 2 ans après l’arrivée de la petite lucarne dans les foyers NoTel, plus aucune différence ne fut observée entre les différentes villes » souligne Michel Desmurget, qui conclut, un peu plus loin dans le livre :
La petite lucarne ne rend pas les enfants débiles ou visiblement crétins, mais elle empêche assurément le déploiement optimal des fonctions cérébrales. La vox populi aura évidemment beau jeu de nier l’existence du moindre détriment : voyez, nous dira-t-elle, ils ont regardé la télé et ils ne s’en sont pas mal sortis, ils ne sont pas débiles. Personne cependant ne demandera : cet écran qu’ils ont tant regardé, que leur a-t-il volé ? Michel Desmurget