Comprendre le systeme monétaire pour les nuls.

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 D’ou vient l’argent : quand on se pose la question, on pense que c’est le gouvernement qui fait l’argent. C’est faux. Le gouvernement aujourd’hui ne fait pas d’argent et se plaint continuellement de n’en avoir pas. S’il en faisait on n’aurait pas une dette nationale colossale

Notre niveau de vie, dans un pays où l’argent manque, est réglé non pas par les biens, mais par l’argent dont on dispose pour acheter les biens.

Deux sortes d’argent

L’argent, c’est tout ce qui sert à payer, à acheter; ce qui est accepté par tout le monde dans un pays en échange de choses ou de services.

Actuellement, on a deux sortes d’argent

: de l’argent liquide, fait en métal et en papier; de l’argent de livre, fait en chiffres.

L’argent liquide est le moins important; l’argent de livre est le plus important.

L’argent de livre, c’est le compte de banque.

Toutes les affaires marchent par des comptes de banque.

Avec un compte de banque, on paie et on achète sans se servir d’argent liquide.

On achète avec des chiffres.

J’ai un compte de banque de 40 000 €. J’achète une auto de 10 000 €

. Je paie par chèque.

Le marchand dépose le chèque à sa banque.

Le banquier touche deux comptes: d’abord celui du marchand, qu’il augmente de 10 000 €; puis le mien, qu’il diminue de 10 000 €. Le marchand avait 500 000 €; il a maintenant 510 000 € . Moi, j’avais 40 000 €, il y a maintenant 30 000 € écrit dans mon compte de banque.

L’argent de papier n’a pas bougé pour cela dans le pays. J’ai passé des chiffres au marchand. J’ai payé avec des chiffres. Plus des neuf dixièmes des affaires se règlent comme cela.

C’est l’argent de livres qui est l’argent moderne; c’est le plus abondant

Epargne et emprunt

L’argent de chiffres, comme l’autre, a un commencement.

Puisque l’argent de chiffres est un compte de banque, il commence lorsqu’un compte de banque commence

sans que l’argent diminue nulle part, ni dans un autre compte de banque ni dans aucune poche.

On fait, ou on grossit, un compte de banque de deux manières: l’épargne et l’emprunt.

Le compte d’épargne est une transformation d’argent.

Je porte de l’argent liquide au banquier; il augmente mon compte d’autant.

Je n’ai plus l’argent de poche, j’ai de l’argent de chiffres à ma disposition.

Je puis réobtenir de l’argent de poche, mais en diminuant mon argent de chiffres d’autant. Simple transformation.

Mais nous cherchons ici à savoir où commence l’argent.

Le compte d’épargne, simple transformation, ne nous intéresse donc pas pour le moment.

Le compte d’emprunt est le compte avancé par le banquier à un emprunteur. Je veux établir une manufacture nouvelle.

Il ne me manque que de l’argent. Je vais à une banque et j’emprunte 100 000 €

Va-t-il me passer 100 000 € en papier? Je ne veux pas. Trop dangereux d’abord.

Puis je suis un homme d’affaires qui achète en bien des places différentes et éloignées, au moyen de chèques. C’est un compte de banque de 100 000 € que je veux et qui fera mieux mon affaire.

Le banquier va donc m’avancer un compte de 100 000 €. Il va placer dans mon compte 100 000 €, comme si je les avais apportés à la banque. Mais je ne les ai pas apportés, je suis venu les chercher.

Est-ce un compte d’épargne, fait par moi? Non, c’est un compte d’emprunt bâti par le banquier lui-même, pour moi.

Le fabricant d’argent

Ce compte de 100 000 € n’est pas fait par moi, mais par le banquier.

Comment l’a-t-il fait? L’argent de la banque a-t-il diminué lorsque le banquier m’a prêté 100 000 €? Questionnons le banquier:

— Monsieur le banquier, avez-vous moins d’argent dans votre tiroir après m’avoir prêté 100 000 €?

— Mon tiroir n’est pas touché.

— Les comptes des autres ont-ils diminué?

— Ils sont exactement les mêmes.

— Qu’est-ce qui a diminué dans la banque?

— Rien n’a diminué.

— Pourtant mon compte de banque a augmenté. D’où vient cet argent que vous me prêtez?

— Il vient de nulle part.

— Où était-il quand je suis entré à la banque?

— Il n’existait pas.

— Et maintenant qu’il est dans mon compte, il existe. Alors, il vient de venir au monde?

— Certainement.

— Qui l’a mis au monde, et comment?

— C’est moi, avec ma plume et une goutte d’encre, lorsque j’ai écrit 100 000 € à votre crédit, à votre demande.

— Alors, vous faites l’argent?

— La banque fait l’argent de chiffres, l’argent moderne, qui fait marcher l’autre en faisant marcher les affaires.

Le banquier fabrique l’argent, l’argent de chiffres, lorsqu’il prête des comptes aux emprunteurs, particuliers ou gouvernements. Lorsque je sors de la banque, il y a dans le pays une nouvelle base à chèques qui n’y était pas auparavant. Le total des comptes de banque du pays y est augmenté de 100 000 €. Avec cet argent nouveau, je paie des ouvriers, du matériel, des machines, j’érige ma manufacture. Qui donc fait l’argent nouveau? – Le banquier.

Le destructeur d’argent

Le banquier, et le banquier seul, fait cette sorte d’argent: l’argent d’écriture, l’argent dont dépend la marche des affaires. Mais il ne donne pas l’argent qu’il fait. Il le prête. Il le prête pour un certain temps, après quoi il faut le lui rapporter. Il faut rembourser.

Le banquier réclame de l’intérêt sur cet argent qu’il fait. Dans mon cas, il est probable qu’il va me demander immédiatement 10 000 € d’intérêt. Il va les retenir sur le prêt, et je sortirai de la banque avec un compte net de 90 000 €, ayant signé la promesse de rapporter 100 000 € dans un an.

En construisant mon usine, je vais payer des hommes et des choses, et vider sur le pays mon compte de banque de 90 000 €.

Mais d’ici un an, il faut que je fasse des profits, que je vende plue cher que je paie, de façon à pouvoir, avec mes ventes, me bâtir un autre compte de banque d’au moins 100 000 €.

Au bout de l’année, je vais rembourser, en tirant un chèque sur mon compte accumulé de 100 000 €. Le banquier va me débiter de 100 000 €, donc m’enlever ce 100 000 € que j’ai retiré du pays, et il ne le mettra au compte de personne. Personne ne pourra plus tirer de chèque sur ce 100 000 €. C’est de l’argent mort.

L’emprunt fait naître l’argent. Le remboursement fait mourir l’argent

Et le système est tel que le remboursement doit dépasser l’emprunt; le chiffre des décès doit dépasser le chiffre des naissances; la destruction doit dépasser la fabrication.

Cela paraît impossible, et c’est collectivement impossible. Si je réussis, un autre fait banqueroute; parce que, tous ensemble, nous ne sommes pas capables de rapporter plus d’argent qu’il en a été fait. Le banquier fait le capital, rien que le capital.

Personne ne fait l’intérêt, puisque personne d’autre ne fait l’argent.

Mais le banquier demande quand même capital et intérêt. Un tel système ne peut tenir que moyennant un flot continuel et croissant d’emprunts.

D’où un régime de dettes et la consolidation du pouvoir dominateur de la banque.

La dette publique

Le gouvernement ne fait pas d’argent.

Lorsqu’il ne peut plus taxer ni emprunter des particuliers, par rareté d’argent, il emprunte des banques.

L’opération se passe exactement comme avec moi. La garantie, c’est tout le pays.

La promesse de rembourser, c’est la débenture. Le prêt d’argent, c’est un compte fait par une plume et de l’encre.

Et la population du pays se trouve collectivement endettée pour de la production que, collectivement, elle a faite elle-même! C’est le cas pour la production de guerre. C’est le cas aussi pour la production de paix: routes, ponts, aqueducs, écoles, églises, etc.

Le vice monétaire

La situation se résume à cette chose inconcevable. Tout l’argent qui est en circulation n’y est venu que par la banque. Même l’argent de métal ou de papier ne vient en circulation que s’il est libéré par la banque.

Or la banque ne met l’argent en circulation qu’en le prêtant et en le grevant d’un intérêt. Ce qui veut dire que tout l’argent en circulation est venu de la banque et doit retourner à la banque quelque jour, mais y retourner grossi d’un intérêt.

La banque reste propriétaire de l’argent. Nous n’en sommes que les locataires. S’il yen a qui gardent l’argent plus longtemps, ou même toujours, d’autres sont nécessairement incapables de remplir leurs engagements de remboursements.

Multiplicité des banqueroutes de particuliers et de compagnies, hypothèques sur hypothèques, et croissance continuelle des dettes publiques, sont le fruit naturel d’un tel système.

Source Huffington Post 25/09/2008

Voir aussi : Rubrique Education, rubrique Finance, rubrique Economie, rubrique Société, Consommation, rubrique Histoire, Chronologie économique mondiale XX siècle, Mésopotamiens, qui n’avaient pas de monnaie, pratiquaient le prêt à intérêt, rubrique Rencontre, La voix de Polanyi toujours actuelle ?,

Éradiquer Facebook pour sauver la démocratie

Richard Stallman a lancé le mouvement du logiciel libre.. Photo: François Guilllot AFP

Richard Stallman a lancé le mouvement du logiciel libre..
Photo: François Guilllot AFP

Richard Stallman, le père des logiciels libres, appelle les citoyens à reprendre le contrôle de leur vie

Pour le fondateur du mouvement du logiciel libre, Richard Stallman, impossible de vivre libre dans des environnements où la socialisation et où l’informatique sont assujetties à des entreprises privées qui balisent les activités humaines avec des logiciels privateurs ou avec des services dont les codes et leurs intentions sont gardés secrets.

L’homme, de passage au Québec cette semaine, où il a été invité par l’Université Laval et par le Collège Dawson à parler de liberté numérique et de logiciel libre, demande d’ailleurs aux gouvernements et aux citoyens de prendre conscience des injustices qui accompagnent ces nombreuses soumissions et appelle même au démantèlement du réseau Facebook, pour sauver la démocratie.

« Il faut éliminer Facebook pour protéger la vie privée», a lancé en entrevue au Devoir le célèbre programmeur américain, président-fondateur de la Free Software Foundation et militant de longue date pour une informatique libre et ouverte. L’homme est, par exemple à l’origine du système d’exploitation GNU/Linux qui, depuis des années, fait la nique aux systèmes informatiques privateurs développés par Apple ou Microsoft. Sans cette vie privée, sans la possibilité de communiquer et d’échanger sans être surveillé, la démocratie ne peut plus perdurer. » Pour M. Stallman, dans un monde où les communications sont surveillées, les possibilités de dénoncer les abus, de savoir ce que l’État fait diminuent forcément, avec à la clé une perte de contrôle du citoyen sur ce même État.

Utiliser ou se faire utiliser ?

Le réseau social numérique de Mark Zuckerberg « utilise bien plus ses usagers que ses usagers ne l’utilisent », dit-il en boutade. « C’est un service parfaitement calculé pour extraire et pour amasser beaucoup de données sur la vie des gens. C’est un espace de contraintes qui profile et fiche les individus, qui entrave leur liberté, qui induit forcément une perte de contrôle sur les aspects de la vie quotidienne que l’on exprime à cet endroit. » Et selon lui, même si le plaisir d’utilisation accentue une certaine dépendance chez plusieurs utilisateurs, les conséquences sociales et politiques ne peuvent être que délétères à moyen ou long terme, surtout si le pouvoir de ce réseau se voit renforcé au fil du temps par les abonnés qui se multiplient en son sein.

« On le voit avec l’informatique privative [celle portée par les Apple et Microsoft de ce monde] qui, depuis des années, ne laisse aucune place à l’alternative de l’informatique libre, résume M. Stallman. Les entreprises qui soumettent les gens avec ces produits gagnent beaucoup d’argent, argent qu’elles utilisent pour amplifier l’inertie sociale qui bloque toutes les portes de sortie. »

Liberté sous surveillance

Et pourtant, une telle domination est néfaste pour les gouvernements assure-t-il. En laissant leurs administrations publiques se placer sous le joug d’entreprises, ils perdent de leur pouvoir tout en ne servant pas très bien les citoyens qu’ils représentent. « Une informatique publique dans l’intérêt du peuple n’est pas une informatique dont le contrôle est dans les mains d’entreprises privées qui cultivent le secret sur leurs codes informatiques, dit cet ancien du Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui pourfend les brevets logiciels et la gestion des droits numériques. Le logiciel privateur surveille ses utilisateurs, décide de ce qu’il est possible de faire avec ou pas, contient des portes dérobées universelles qui permettent des changements à distance par le propriétaire, impose de la censure. Lorsqu’on l’utilise, on se place forcément sous l’emprise de la compagnie qui le vend. Avec ce pouvoir, le propriétaire est tenté d’imposer des fonctionnalités pour profiter des utilisateurs. On ne peut décider librement du code que l’on installe ou pas. On est donc forcément soumis et moins libre. »

À Québec mercredi, lors d’une conférence organisée par l’Institut Technologies de l’information et Sociétés (ITIS) de l’Université Laval, puis à Montréal jeudi, au Collège Dawson, l’homme va d’ailleurs réitérer les appels qu’il lance désormais aux quatre coins du globe à se défaire de ces chaînes numériques pour retrouver la liberté de créer, de partager, de construire des données, loin des contraintes imposées par les géants du numérique. « Les gouvernements ont un rôle important à jouer pour combattre ces injustices en s’échappant des cadres privateurs dans lesquels ils se sont placés, dit-il. Le système scolaire, aussi, doit apporter sa contribution en n’imposant plus la dépendance des élèves à des entités informatiques privées. Il ne devrait enseigner que le logiciel libre. C’est la seule façon de regagner collectivement la liberté perdue et de reprendre le contrôle sur des activités qui nous ont d’ores et déjà échappé », conclut-il.

Fabien Deglise

Source Ledevoir 14/03/2016

Voir aussi. Actualité Internationale, Rubrique Internet, rubrique Politique, Société civile, rubrique Société, Citoyenneté, Consommation,

Les médicaments innovants sont trop chers : les inégalités de santé vont s’amplifier

Des militants d'Act Up dénoncent le prix du Sofobuvir, à Montpellier le 24 avril  2014 Photo S Thomas AFP

Des militants d’Act Up dénoncent le prix du Sofosbuvir, à Montpellier le 24 avril 2014 Photo S Thomas AFP

Par Daniel Carré

L’accès de tous aux médicaments innovants est-il menacé ? Très coûteux, ces médicaments bénéficient pour l’heure d’un remboursement intégral par l’Assurance maladie. Mais les restrictions budgétaires pourraient bientôt changer la donne, et certains malades ne plus y avoir accès, craint Daniel Carré, membre de la Commission nationale des droits de l’homme (CNCDH).

Depuis un an maintenant, l’explosion du coût de certains médicaments innovants soulève de très nombreuses questions. Un premier cas est celui du Sofosbuvir, commercialisé sous le nom de Sovaldi par le laboratoire Gilead pour un traitement remarquable de l’hépatite C.

Son prix reste de 41.000 euros après négociation par les pouvoirs publics (le prix initial demandé par le laboratoire étant de 57.000 euros). La charge financière actuelle pour l’Assurance maladie est évaluée à 1,2 milliard d’euros par an pour le seul traitement de l’hépatite C par le Sofosbuvir.

Ce chiffre provient le l’étude d’impact du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2015. Il devra être corrigé, dans la mesure où, au-delà de 450 millions de chiffre d’affaires annuel, Gilead devra reverser une partie de ses bénéfices à la Sécurité sociale. Il n’y a à ce jour aucun chiffre de l’assurance maladie concernant le coût global 2015.

Des traitements onéreux

Les « négociations » de prix évoquées plus haut incluent des mesures de rationnement, car seuls les malades à un stade aggravé de la maladie bénéficieront de ce traitement onéreux (fibroses de type 4 et 3). Or il s’agit d’une maladie transmissible. Cette situation empêche de stopper l’épidémie alors que la diffusion du nouveau traitement auprès de tous les malades aurait dû le permettre !

C’est ce que réclament maintenant les hépatologues Français qui s’engageraient à éradiquer l’hépatite C d’ici 2020 si le Sofosbuvir devenait disponible pour tous les malades atteins par l’hépatite C. Leur communiqué ne chiffre pas le coût de cette mesure pertinente qui est attendue par de nombreux malades.

Mais ce n’est qu’un début. Apparaissent en effet sur le marché des traitements des cancers personnalisés par immunothérapie, un coût unitaire de 150.000 dollars ayant été accepté pour Merks par la FDA, l’agence européenne des médicaments (FDA). Ces traitements concernent une population plus large que l’hépatite C. 19 nouvelles indications ont été évoquées aux Rencontres de la cancérologie française de 2015.

L’impact budgétaire est certes l’objet de nombreux débats et il serait estimé par l’Institut national du cancer (INCA) à 4 milliards par an… pour des thérapies qui n’apportent pas toujours de garanties de guérison, mais en général une rémission.

L’accès aux soins remis en cause

Des tarifs qui remettent en cause, aujourd’hui en France, l’accès aux soins : la presse a récemment rapporté des cas de malades cancéreux auxquels les traitements ont été ou vont être refusés en raison de leur coût pour les établissements de santé où ils sont suivis !

Le dernier point qui émerge est l’arrivée des biotechnologies dans le traitement des maladies rares. Ces traitements très spécifiques sont destinés à des affections très nombreuses (plus de 8.000) dont la prévalence est extrêmement faibles (quelques milliers de cas dans le monde). Les coûts là aussi explosent et peuvent atteindre 440.000 dollars par patient et par an.

De son côté, l’industrie pharmaceutique, représentée par le LEEM, justifie notamment le prix de ces traitements innovants en les comparant aux économies qu’ils permettent de faire réaliser au système de santé. Un malade traité par un médicament plus efficace aura en effet besoin de beaucoup de moins de soins par ailleurs, en particulier en termes de jours d’hospitalisation souvent onéreux.

De plus, d’un point de vue comptable, cette évolution conduit à sortir ces traitements de la prise en charge normale des patients à l’hôpital, les médicaments concernés étant inscrits sur la « liste en sus » de la pharmacopée hospitalière

Un défi pour notre protection sociale

L’ensemble de ces constats est d’une très grande importance sur le fonctionnement des mécanismes de solidarité nationale. L’équilibre risque d’être rapidement remis en cause si rien n’est fait pour qu’une régulation du prix de l’innovation en santé permette à la fois la définition de prix soutenable pour le système, l’accès de tous à cette innovation et la juste rémunération de celle-ci.

En tout cas, l’approche actuelle des industriels, en termes de retour sur investissement, et de niveau attendu de rentabilité, vont faire exploser la base des valeurs de solidarité de la protection sociale.

Si ces innovations s’imposent, de très grands changements seront alors nécessaires, qui impacteront des choix drastiques concernant les structures de coût et les choix de l’offre de soins et de prise en charge de la maladie. Sinon, des formes de rationnement à l’accès aux médicaments vont durablement s’installer.

Les mécanismes de régulation reposant sur un « rationnement » de l’accès aux médicaments posent des problèmes du respect du droit aux soins, un socle fondateur de notre pacte social qu’il est très dangereux de remettre en cause (article 25 du préambule de notre Constitution).

Vers davantage d’inégalités de santé ?

Des décisions arbitraires vont inévitablement être prises sous la pression de l’équilibre budgétaire. Les passe-droits vont se multiplier et les inégalités de santé s’amplifier. Les plus riches de nos concitoyens accéderont alors aux traitements, éventuellement hors Assurance maladie, ou en bénéficieront en utilisant leurs relations privilégiées dans le système de santé.

Ce très important changement menace l’équilibre de l’équité dans le droit d’être soigné, un des droits de l’homme les plus importants.

 Source L’Obs 23/02/2016

Voir aussi : Rubrique Economie, Convergence des erreurs économiques, rubrique Société, Santé, Consommation, rubrique Politique,

La convergence des erreurs économiques

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par Michel Leis

La forte baisse des indices boursiers ravive dans les médias la crainte d’une récession. Ce n’est pas vraiment une surprise pour les lecteurs du blog de Paul Jorion. Les explications fleurissent, je voudrais ici mettre l’accent sur le télescopage de stratégies entachées d’erreurs d’appréciation, entre les illusions partagées par les entreprises dominantes ou les politiques publiques et des grandes institutions, aveuglées par la « religion féroce ».

Pendant deux décennies, la conversion de l’ancien bloc de l’Est et de la Chine à l’économie de marché, la croissance des pays émergents et le développement en leur sein d’une classe moyenne ont entretenu un mirage. Le succès des entreprises dominantes se mesurait aux parts de marché gagnées dans ces pays. Les clients des États émergents étaient censés se substituer aux clients occidentaux, dont la demande allait en faiblissant. Cette focalisation sur les exportations a été encouragée par quelques pays, bénéficiant d’une industrie à forte image, à l’instar de l’Allemagne. Cette vision est en train de se heurter à des limites qui étaient largement prévisibles.

Dans ces stratégies centrées sur les réussites à l’exportation, les maîtres mots sont compétitivité et profit, une pression importante a été mise sur le coût du travail et la sous-traitance.

Un certain nombre de biens sont restés produits dans les pays d’origine, mais les salaires ont le plus souvent stagné, les prix bas imposés aux sous-traitants reflètent l’intensité des rapports de force. La course à la productivité impacte l’emploi salarié et les budgets sociaux ; les incitants fiscaux pour combattre le chômage se sont multipliés, le tout mettant à mal le budget des États. Le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes, de plus en plus mises à contribution, est impacté en retour. Si les marchés développés sont loin d’être secondaires, la solvabilité des clients occidentaux n’est pas dans le radar des entreprises ayant beaucoup misé sur l’exportation.

Nombre de ces sociétés ont commencé à produire dans les pays émergents, parfois sous la pression du pouvoir local, qui considérait ces implantations comme un ticket d’entrée, parfois guidée par la seule quête du profit, les salaires pratiqués étant bien plus faibles que ceux payés en Occident. Dans ces pays, l’industrie représente une part importante de la richesse créée et de l’emploi. Pourtant, les rapports de forces restent désespérément en faveur des employeurs. En dépit de quelques luttes sociales, les salaires dans la production augmentent peu, la consommation de masse reste limitée à quelques biens manufacturés.

Part-de-lindustrie-dans-le-PIB-des-BRICSPart de l’industrie dans le PIB des BRICS – Source OCDE

Il faut rappeler ici le rôle qu’ont joué dans les Trente Glorieuses la construction de logements et l’achat par les ménages de biens d’équipements, en particulier, l’automobile. Comme en Occident, les classes moyennes et aisées des pays émergents se concentrent surtout dans les grandes villes, qui additionnent aux contraintes physiques des limites financières. Des embouteillages monstres paralysent les mégapoles, certaines ont décidé de limiter l’usage de l’automobile.

En Chine, les plaques d’immatriculation sont tirées au sort ou mises aux enchères, l’achat d’une voiture devient un parcours du combattant où la corruption joue un rôle non négligeable. Le marché immobilier est très tendu. Se loger décemment mobilise une part très importante du revenu, les prix au m2 du tableau ci-dessous, qui concernent les plus grandes métropoles, sont à prendre avec des pincettes, la dispersion des prix est beaucoup plus importante qu’en Europe. Il reste que si l’on considère le revenu médian (il est en France de l’ordre de 27.530 € suivant les mêmes sources), il est probablement nécessaire de gagner 4 ou 5 fois ce montant pour être réellement en mesure d’arbitrer ses dépenses. Les BRICS représentent une population totale de 3 milliards d’habitants, une classe moyenne / aisée qui représenterait 10 % de la population (une estimation souvent retenue) a de quoi aiguiser les appétits. Dans la réalité, la classe moyenne, telle que je la définissais dans un précédent billet (par une capacité d’arbitrage sur ses revenus), pourrait bien être moins nombreuse que dans les prévisions des entreprises.

À l’exception du Brésil, les inégalités ont continué à se creuser ces dernières décennies. Le développement profite avant tout à une poignée de super riches. Pire encore, une corruption généralisée facilite l’accumulation des rapports de forces et la concentration du patrimoine, même dans des pays qui revendiquent un gouvernement fort, comme on peut le voir en Chine. La consommation d’une poignée d’individu ne remplacera jamais pour l’industrie la consommation de masse.

L’Europe est prise en sandwich entre un hypothétique retour à l’équilibre budgétaire, des coûts sociaux croissants et les exigences des entreprises demandant toujours plus pour faire baisser le coût du travail. Les États ont fait porter les efforts directs (les impôts) et indirects (les contributions croissantes des ménages aux dépenses) sur les classes moyennes. La consommation finale reste atone, incapable de soutenir la croissance. Les politiques publiques, imprégnées par la doxa libérale, se refusent à pratiquer des politiques de relance, validant implicitement auprès des entreprises dominantes les stratégies fondées sur l’exportation. Ces stratégies pourraient être assimilées à un jeu à somme nulle. Les rares pays qui ont tiré jusqu’alors leur épingle du jeu cumulent les avantages : excédents commerciaux, emploi, dépenses sociales maîtrisées, budget en excédent primaire. Les autres pays, plus dépendants du marché national et européen, cumulent les inconvénients symétriques.

Du côté des Banques centrales occidentales, on a cru pouvoir surmonter la crise en pratiquant une politique d’argent à taux quasi nul et en injectant des liquidités. Cette politique, se substituant en quelque sorte aux politiques de relance, n’a guère eu d’effet sur la croissance. Dans l’économie réelle, on se heurte à un problème de solvabilité. Celle des classes moyennes ne s’est guère améliorée du fait de la hausse des dépenses pré-engagées, les rapports de forces imposés par les entreprises dominantes plombent les prix pour les sous-traitants et leur rentabilité.

Cette politique a surtout bénéficié à ceux qui ont accès au crédit dans de bonnes conditions, c’est-à-dire les plus riches et les entreprises dominantes. L’abondance de liquidité a entretenu la spéculation et les bulles, les stratégies de profit artificielles (le rachat d’actions), elle a financé les entreprises dans leurs stratégies de conquête des marchés émergents (qui bénéficient très peu à l’Occident). Enfin, les banques pressées de regonfler leurs marges ont accordé des crédits risqués et à haut rendement et joué sur les produits dérivés, tant il est vrai que l’on n’apprend pas de ses propres erreurs.

Les politiques des banques centrales des BRICS sont plus difficilement lisibles, tiraillées entre une mission de maîtrise de l’inflation et des gouvernements qui veulent contrôler la croissance. L’accès au crédit a été plutôt facile, à défaut d’être toujours bon marché en termes réels. Une partie de ces crédits a été vers l’immobilier, entretenant une structure de prix sans rapport avec le revenu réel des ménages. En Chine, il a financé des programmes immobiliers pas toujours cohérents (les villes fantômes), mais aussi des investissements dans la bulle boursière de la part des particuliers qui ont cru pouvoir surmonter le handicap des prix élevés. C’est une configuration qui n’est pas loin de celle de 1929 aux États-Unis. Le coût réel du crédit, plutôt élevé, accentue le risque : il faut des rendements élevés sur les actifs pour pouvoir rembourser, le logement augmente les dépenses pré-engagées des ménages, la dépendance des individus au travail s’accroît, affaiblissant d’autant la position des salariés dans les rapports de forces avec leurs employeurs.

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Évolution des taux d’intérêt des banques centrales et dernier taux d’inflation. Sources : Global rates

En Occident, les stratégies des entreprises dominantes et les politiques publiques convergent dans la mauvaise direction : entre recherche de compétitivité et mesures d’austérité, la consommation finale est en panne. Dans les pays émergents, les contraintes physiques et l’envolée des prix immobiliers se sont conjuguées avec des politiques salariales d’entreprise trop occupées à maximiser leur profit, elles ont laissé à d’autres, autant dire à personne, la responsabilité de développer une clientèle solvable. Les pays émergents ne remplissent plus le rôle que leurs ont assignés les entreprises dominantes, il n’y a plus de marchés de substitution. L’économie réelle est dans une impasse.

Si les pays émergents plongent dans la crise, les entreprises qui ont tout misé sur l’exportation vont voir leur situation se dégrader rapidement. L’industrie automobile allemande est très exposée aux marchés émergents et à la Chine en particulier. Le risque ne se limite pas à des profits en dessous des attentes, l’emploi et les sous-traitants pourraient à nouveau en faire les frais. Les États qui ont soutenu ces politiques pourraient bien connaître à leur tour d’importantes difficultés, notamment budgétaires, auxquelles ils avaient échappé jusqu’alors.

La politique monétaire des Banques centrales ne peut tenir lieu de politique de relance. Les liquidités bon marché incitent les banques à prendre des risques, les marges élevées ont un attrait irrésistible, le risque est négligé. Les plans de sauvetage des crises précédentes, accordés quasiment sans contreparties, sont de bien mauvais exemples. Ces liquidités abondantes contribuent à la déformation de la structure du prix des actifs, qui divergent des réalités économiques (les actions), des possibilités des ménages (l’immobilier), elles orientent une partie du revenu arbitrable des classes moyennes et aisées vers des placements à haut rendement sans avoir conscience du risque. La politique des Banques centrales a été contre-productive, le risque de contrepartie évoqué par Pierre Sarton du Jonchay dans un billet récent est important.

Il y a bien sûr d’autres explications à la situation actuelle. La baisse des cours du pétrole est souvent citée. Combinée avec l’embargo, l’économie de la Russie est frappée de plein fouet. Le Brésil qui misait beaucoup sur les découvertes pétrolières au large de ses côtes ne peut plus compter dessus au vu des coûts d’exploitation, les cours du charbon qui suivent la même tendance que ceux du pétrole asphyxient cette source de devise pour l’Afrique du Sud ainsi que l’industrie du carburant synthétique. L’exploitation du pétrole non conventionnel est en péril, faisant naître des craintes sur les banques américaines.

Ce que souligne cette situation, c’est la convergence des erreurs d’appréciation, c’est une approche étroite des problèmes : les Banques centrales pratiquent une politique monétaire, mais ne se préoccupent pas ou peu du prix des actifs, les entreprises développent des stratégies mondiales en oubliant les mécanismes de base de la création de clientèle, les États ne se préoccupent que de l’équilibre budgétaire, ils soutiennent, sans en apprécier les risques, les stratégies de court terme menées par certaines entreprises. À l’heure où l’on veut multiplier les traités de libre-échange, c’est pourtant d’une Gouvernance mondiale dont on a besoin, à même de dépasser le simple cadre de la croissance et du profit.

Source :  Blog de Paul Jorion 12/02/2016

Voir aussi : Rubrique Economie, rubrique Finance, rubrique Politique, Politique Economique, rubrique Société, Consommation, Emploi,

Données personnelles : le virulent réquisitoire de la CNIL contre Facebook

La CNIL a listé ce qu'elle estime être des infractions à la loi française sur les données personnelles. Joel Saget / AFP

La CNIL a listé ce qu’elle estime être des infractions à la loi française sur les données personnelles. Joel Saget / AFP

La Commission nationale informatique et liberté (CNIL), l’autorité chargée de la protection des données personnelles, a annoncé avoir mis en demeure Facebook, lundi 8 février, lui reprochant de nombreux manquements à la loi française sur la protection des données personnelles. Un long réquisitoire, contre la manière dont Facebook collecte et exploite les données de ses 30 millions d’utilisateurs français, que la CNIL a décidé de publier.

Que reproche-t-elle à Facebook ? La liste est longue.

  • Une charge contre la publicité ciblée

La CNIL estime que Facebook combine les données personnelles de ses usagers pour proposer de la publicité ciblée sans aucune base légale. Pour la CNIL, aucun consentement direct n’est donné par l’internaute, contrairement à ce qu’exige la loi française. La question de la combinaison des données personnelles en vue de la publicité est bien évoquée dans les conditions d’utilisation du réseau social, ce texte qui définit ce que peut faire ce dernier avec les données. Pour la CNIL, c’est insuffisant : la combinaison de différentes données n’est pas strictement prévue par ce « contrat » entre l’usager et le réseau social, et nécessite donc une approbation distincte de l’internaute.

La CNIL remarque que Facebook pourrait s’affranchir de ce consentement explicite en arguant, conformément à la loi, que l’affichage de publicité est fait dans l’intérêt de l’usager. Selon la CNIL, cet intérêt est trop faible et la collecte de données trop intrusive pour que Facebook se dispense d’un consentement.

  • Des données collectées trop sensibles

Dans certains cas, Facebook réclame des copies de documents permettant d’identifier l’utilisateur (afin, notamment, d’éviter qu’il se fasse passer pour quelqu’un d’autre). Parmi ces pièces, l’internaute peut soumettre un dossier médical : la CNIL estime que ce document est trop sensible et que le réseau social ne doit plus l’accepter.

Tout utilisateur de Facebook peut aussi renseigner, sur son profil, sa sympathie politique et ses préférences sexuelles. La CNIL juge que pour se conformer à la loi, Facebook devrait indiquer précisément ce qu’il compte faire de ces informations, compte tenu de leur sensibilité et de leur nature particulière que leur confère la loi française.

  • Un manque de transparence

La CNIL critique aussi vertement la manière dont Facebook explique à ses utilisateurs ce qui va être fait de leurs données personnelles. Pour la Commission, il faudrait que le réseau social les informe clairement dès le formulaire d’inscription à Facebook, conformément aux textes français, et non pas dans un texte séparé.

La CNIL juge aussi que les utilisateurs de Facebook ne sont pas suffisamment informés sur le fait que leurs données sont transférées aux Etats-Unis.

  • Utilisation illicite du Safe Harbor

Au sujet du transfert des données vers les Etats-Unis, la CNIL reproche aussi à Facebook de s’appuyer sur l’accord Safe Harbor. Ce dernier prévoyait que les données puissent librement être transférées, par des entreprises comme Facebook, vers les Etats-Unis, au motif que ce pays apportait des garanties suffisantes en matière de protection des données. En octobre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne en a décidé autrement et l’a invalidé, au motif notamment que les Etats-Unis ne protégeaient pas suffisamment les données des Européens. La CNIL demande donc à Facebook de cesser de se baser sur cet accord pour transférer de l’autre côté de l’Atlantique les données de ses utilisateurs français.

  • Problèmes de cookies

Comme son homologue belge et la justice de Bruxelles avant elle, la CNIL reproche à Facebook son utilisation du cookie « datr ».

Un cookie est un fichier qui peut être stocké sur l’ordinateur ou le téléphone d’un internaute lorsqu’il visite un site Web : il sert à mémoriser certaines informations (comme un mot de passe par exemple) ou à le reconnaître lorsqu’il visite à nouveau le même site. Facebook dépose le cookie « datr » y compris sur les appareils d’internautes qui n’ont pas de compte Facebook, lorsque ces derniers se rendent sur des pages Facebook accessibles à tous. De plus, le cookie mémorise toutes les visites de l’internaute sur les pages Web dotées par exemple du bouton « J’aime », soit la majeure partie des sites Web communément visités par les internautes français.

Facebook a fait valoir auprès la CNIL les mêmes arguments qu’il avait opposés aux autorités belges : ce cookie est destiné à reconnaître les utilisateurs « normaux » de Facebook – pour notamment empêcher le spam ou la création massive de compte – et aucun « pistage » des internautes non-inscrits à Facebook n’est effectué. Pour la CNIL, cette raison, valable, n’est pas suffisante : elle réclame à Facebook de mieux informer les utilisateurs de l’utilisation de ce cookie et des données qu’il mémorise.

La CNIL reproche aussi à Facebook de stocker trop longtemps les adresses IP – un numéro qui identifie la connexion utilisée par l’internaute pour se connecter à Internet – de ses utilisateurs.

La Commission, dans sa mise en demeure, fait de la loi de 1978 sur les données personnelles une lecture très littérale. Elle estime par exemple que Facebook y déroge en ne réclamant pas à ses utilisateurs, lorsqu’il s’inscrit, de mot de passe suffisamment compliqué. La Commission pointe qu’elle a pu s’inscrire sur le réseau social avec le mot de passe « 123456a », particulièrement faible car facile à deviner. Pour la Commission la loi impose à Facebook de prendre toutes les mesures pour protéger les données de ses membres, y compris, donc, en réclamant des mots de passe sûrs. Cette application pointilleuse devrait inquiéter de nombreuses entreprises du Web dont les pratiques sont similaires à celle du plus grand réseau social du monde.

Le réseau social dispose désormais de trois mois pour pallier les manquements repérés par la CNIL, ou demander une extension de ce délai. À l’issue de cette période, la CNIL pourra, si elle estime que Facebook n’a pas suffisamment modifié ses pratiques, entamer une procédure de sanction.

Martin Untersinger

Source Le Monde 09/02/2016

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