Les exilés du monde maîtres de notre imaginaire collectif

Printemps des Comédiens. La Tempête – Le Songe d’une nuit d’été

 

Dans le cadre du Printemps des Comédiens, Interstices & La Bulle Bleue présentent au CDN de Montpellier un diptyque shakespearien revigorant. La mise en scène signée Marie Lamachère associe une équipe de comédiens fraîchement sortis du conservatoire à la troupe de La Bulle Bleue, pour nous entraîner dans une odyssée peuplée des personnages du Songe d’une nuit d’été et de La Tempête. Deux pièces où le dramaturge mine tout rapport « normal » ou « naturel » à la réalité. Fantastique occasion saisie pour ouvrir la voie à d’autres régimes de perception et venir sensiblement enrichir les mille et une versions du répertoire.

 

Le bal s’ouvre avec turbulence dans La Tempête. Qu’on se le dise, cette adaptation renouvelée emporte dans son tourbillon toute velléité du spectateur à suivre un déroulement linéaire. Une intension qui serait du reste parfaitement incongrue en plein déchaînement des éléments. Dans cette version tumultueuse, ce qui pique notre intérêt et embrasse l’ampleur de l’œuvre de Shakespeare, c’est justement la diversité de la vie que l’on peut y trouver. Un catalogue dans lequel le dramaturge intègre volontiers le comique et le grotesque.

Si la tempête était une allégorie de notre époque nous serions bien inspirés d’infléchir nos attentes, pour faire appel à tous nos sens et mieux nous adapter au contexte du moment…C’est dans cette nouvelle disposition d’intérêts que l’on glisse vers des contours mal identifiés, aux frontières du flou et pourtant reconnaissables dans le regard de l’autre.

Avec La Tempête, Marie Lamachère retranscrit l’univers des bannis, un peu à la manière de Didi et Gogo, les deux vagabonds d’En attendant Godot, de Beckett. L’univers de la marge que n’a pas choisi Prospero, et moins encore sa fille Miranda, est celui de l’errance. Ce sont aux exilés du monde malgré eux à qui il est donné de conquérir notre imaginaire collectif.

La scénographie joue sur une superposition de niveaux adaptée à une mise en scène en patchwork où les morceaux colorés dessinent un grand tout. À l’avant scène, l’île est symbolisée par un plateau carré avec une cabane, espace intime partagé par le Duc légitime de Milan et sa fille. Des captations vidéos nous transportent sur les rivages de la Méditerranée occidentale et l’arrière du plateau ouvre sur une sorte de hors-champ, espace de transition du troisième type qui achève la déconstruction de l’unité de temps. Ou du moins qui ouvre sur une poétique du temps où se rejoignent le temps qui est passé et le temps qu’il fait. Mais pour Marie Lamachère c’est le mouvement qui compte, celui qui sans cesse déplace les lignes et défait les contours.

Ce dispositif privilégie les registres de théâtralité d’une équipe de vingt comédiens occupant de très vastes territoires. Hier dispersés et invisibles, les comédiens brûlent les planches de la scène au sein d’une troupe où ils incarnent une solide figure collective. La force des liens qui les unissent emporte le spectateur. Quand Le Songe d’une nuit d’été succède à La Tempête, on réalise vraiment la qualité du travail mené par cette équipe. Le jeu est vigoureux. Les variations subtiles entre comédie et poésie, extravagance et contrôle, gravité et philosophie s’enchaînent et délivrent un récit qui s’abreuvent aux sources shakespeariennes, en donnant de grandes latitudes au jeu d’acteur.

Après s’être déplacée notre curiosité se ravive ; quelle nouvelle histoire a fait irruption sur la scène et qu’est-elle en train d’inscrire sous nos yeux, rejoignant même à certain moment la question que s’est longtemps posée Shakespeare : Qui suis je ?

On rit de bon cœur. Sur scène le comique de situation alterne avec l’angoisse comique qui s’exprime dans le sentiment des uns et des autres de n’avoir plus prise sur le réel, plus particulièrement dans Le Songe où l’amour est sorcellerie. La langue s’apprivoise à travers différentes approches se rattachant toujours à la loi commune de libération et respect de l’individu, et dans ce mouvement de recomposition l’œuvre du dramaturge trouve l’occasion d’un nouveau voyage qui pénètre les âmes.

Jean-Marie Dinh

 

Miranda dans l’orage, de John William Waterhouse.

La Tempête – Le Songe d’une nuit d’été jusqu’au 11 juin au Théâtre des treize vents, à Montpellier.

Source altermidi 10 juin 2023

 

Marie Lamachère évoque sa création
La Tempête – Le Songe d’une nuit d’été

 

« Shakespeare fait honneur à la capacité de métamorphose »

 

Le Songe d’une nuit d’été, mis en scène par Marie Lamachère dans le cadre du Printemps des Comédiens, au Théâtre des Treize Vents.

 

 

Shakespeare libère les instincts, notamment à travers les deux pièces que vous avez choisies. D’où provient ce choix ?

J’ai travaillé sur Shakespeare comme actrice à un moment donné et je sais que pour les acteurs, arpenter Shakespeare est un endroit où on trouve des ressources pour jouer parce que c’est une sorte de machinerie théâtrale, une machine à inventer. C’est très joueur, très libre et aussi une sacrée aventure de se plonger dans ce genre de texte qui a été mille fois jouer. Je souhaitais partager cela avec les acteurs de La Bulle Bleue qui n’avaient jamais monté de classiques. Arpenter les textes classiques du répertoire c’est aussi prendre pied dans l’histoire commune du théâtre. Avec Shakespeare on partage une culture théâtrale et on se dit humblement “qu’est ce que je vais apporter à cette histoire commune ?”. D’une certaine façon, pour moi c’est aussi une manière de dire : « Vous n’êtes pas juste à la marge, même si la marge peut avoir sa beauté, vous n’êtes pas juste tolérés dans le champ artistique, vous y prenez vraiment part et vous allez l’enrichir.

 

Qu’avez-vous privilégié dans le travail avec les acteurs ?

Des choses très différentes parce que c’est une équipe très hétérogène. Il y a dix acteurs de La Bulle Bleue et dix jeunes acteurs qui ont fait des écoles. J’ai un plateau très hétérogène, c’est précisément ce qui m’intéresse. J’ai privilégié un sentiment de liberté, quelque chose de très ludique dans le travail et l’hétérogénéité de plateau, c’est-à-dire des registres de théâtralité différents. Il y a les dimensions ludiques, le fait que les joueurs ne sont pas sérieux, et il y a des thématiques importantes qui sont celles de la pièce en termes de sujets traités, d’intensité émotionnelle, mais par contre du point de vue de la forme ce n’est pas sérieux.

 

Quelle place a pris l’imprévu ?

Il y a une part d’imprévu à certains endroits, sur certaines scènes. Dans son écriture j’ai toujours l’impression que Shakespeare rend hommage aux acteurs. Dans Le Songe on voit des comédiens en répétition, dans La Tempête il y a un personnage d’acteur ou metteur en scène. Il y a un jeu de théâtre dans le théâtre, comme ça, qui est permanent. Shakespeare fait honneur à la capacité de métamorphose et rend hommage aux acteurs et aux actrices. J’ai voulu ouvrir une sorte de possibilité pour les acteurs de se rendre visibles, d’exprimer des qualités de jeu et des possibilités de théâtre différentes. La pièce est une espèce de collage infernal, exactement comme dans un rêve.

 

Les rêves et les métamorphoses nous entraînent dans un monde aux lois différentes du nôtre. Quels repères avez-vous donnés à l’équipe dans ce corpus plein de résonance sur la condition humaine ?

C’est d’abord les acteurs et les actrices de La Bulle Bleue qui avaient envie de monter ces textes. En travaillant avec eux j’ai eu l’impression de pouvoir relire Shakespeare. C’est une espèce de métaphore d’allégories comme si on entrait dans le crâne de quelqu’un avec des images. J’ai l’impression d’arpenter ces pièces comme on arpente les idées dans un crâne. Les artistes de La Bulle Bleue ont une pratique théâtrale quotidienne profonde. En partie lié à leur trajectoire de vie, pour trouver des chemins ils ont dû s’accepter en tant qu’eux-même et être acceptés par la société. Ce sont des personnes qui vivent des aventures intenses. Je les vois un peu comme les Ulysse de notre époque. Je pense qu’il y a une densité d’expériences chez certains de ces artistes qui amène une intelligence d’acteur singulière.

 

Comment avez-vous travaillé l’intensité émotionnelle et dramatique ?

En ce moment je suis en discussion avec eux pour mesurer à quel point ils font de la comédie. Même si La Tempête est assez sombre à certains endroits, il y a une dimension de comédie. Il ne faut pas tirer vers le mélodrame, et en même temps la beauté de l’écriture de Shakespeare, c’est qu’il y a une intensité émotionnelle qu’il faut prendre, entre guillemets au sérieux, c’est-à-dire qu’il ne faut pas être sérieux dans la forme mais l’être dans l’intensité, dans le mouvement de vie, dans l’élan… notamment sur la question du désir ou de l’amour dans Le Songe. De même dans La Tempête, si on reste sur l’aspect magique de Prospero on peut manquer le silence qu’il a entretenu sur les origines de sa fille. Miranda apprend la vérité sur sa propre histoire douze ans après, c’est quand même un profond trauma’… et donc si on n’arrive pas à saisir un peu de cette intensité, quelque part on noie la vitalité de l’œuvre et sa capacité à transposer théâtralement les aventures humaines.

 

Pourquoi avoir choisi d’élargir la troupe de La Bulle Bleue en invitant d’autres jeunes comédiens ?

J’avais envie d’une expérience partagée avec des rencontres. Parce que m’étant moi-même extrêmement enrichie au contact des artistes de La Bulle Bleue1, je désirais que d’autres artistes les rencontrent, parce que cela en vaut vraiment la peine. Les acteurs de La Bulle Bleue sont d’une éthique professionnelle vraiment impressionnante, très pro’, très exigeants vis-à-vis d’eux-mêmes et très précis dans leur rapport à leur art. Cela fait des artistes immédiatement engagés dans ce qu’ils ont à faire, ce qui simplifie beaucoup de choses dans la rencontre avec des jeunes artistes qui commencent pour la plupart dans leur chemin de travail. Ce ne sont pas du tout les mêmes univers, et du coup ça apporte. C’est très complémentaire, certains sont dans un énorme appétit de théâtre parce qu’ils commencent et d’autres sont dans un énorme goût du théâtre parce que c’est un élément fondamental de leur existence. C’est très riche humainement et artistiquement.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

 

Source altermidi 10 juin 2023

«Culture près de chez vous», mais sans nous ?

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Visiblement soucieux de la disparité d’offre culturelle sur le territoire, le ministère de la Culture lançait le 29 mars son plan «Culture près de chez vous». Une façon de répondre au problème du centralisme par encore plus de centralisme, tempête l’association des Centres dramatiques nationaux.

Créer, partager, transmettre l’Art ne se pense pas en régions ou en banlieues dans les mêmes termes qu’à Paris. L’inégalité territoriale, pointée par Madame la ministre de la Culture lors de son discours du 29 mars, est bien réelle. Si la situation n’est pas nouvelle, elle n’est pas non plus sans conséquence sur la gestion des établissements publics. La politique culturelle de l’Etat est centralisée. Ses moyens sont concentrés. Il était temps de le reconnaître. Mais il serait surtout temps d’agir en conséquence. Prioritairement en apportant la reconnaissance qu’elles méritent aux équipes qui font vivre les projets des théâtres en province et en renforçant leurs missions et leur fonctionnement. Le plan «Culture près de chez vous», présenté par notre ministre, ne répond en aucun cas aux problématiques qui traversent nos lieux et préoccupent nos équipes. Au contraire, ces nouvelles mesures occultent savamment les enjeux de développement de ces lieux ressources et alimentent significativement le déficit de reconnaissance du travail mené par les personnels des théâtres publics en régions et en banlieues.

Une fois encore les «déserts culturels», les «zones blanches» sont regardées d’un point de vue surplombant et aérien. Quant à nos établissements, chevilles ouvrières de la structuration d’une véritable politique culturelle décentralisée sur le territoire, ils sont une nouvelle fois laissés sans perspectives et sans considération.

Rhétorique  habile

En témoignent les mots de ce discours à la rhétorique habile mais dont le raisonnement n’est qu’un syllogisme qu’il nous faut ici démasquer. Ainsi, le ministère évoque la concentration des moyens sur Paris et le centralisme de la politique culturelle, dresse le constat que pour chaque euro investi par habitant en province, dix euros sont investis à Paris, et en guise de conclusion, imagine s’appuyer sur les grands équipements culturels publics nationaux, dont la quasi-totalité se trouvent à Paris intra-muros, pour mieux diffuser l’art et la culture sur les territoires.

Ce qui est énoncé en préambule de ce discours aurait dû être un électrochoc, une prise de conscience, et aurait pu aboutir à une prise de parole gouvernementale remarquable : «nous avons trop concentré nos moyens sur Paris», «nous avons négligé les régions, les banlieues et leurs habitants et nous allons réagir en conséquence pour rééquilibrer nos investissements entre les équipements à Paris et les établissements labellisés en province».

Voilà qui aurait été une position responsable pour un Etat Français réellement soucieux de l’équité sur ses territoires.

Méconnaissance totale

Comment est-il possible, en partant d’un état des lieux aussi lucide, de répondre par encore davantage de centralisme ? Demander aux établissements nationaux parisiens de rayonner davantage dans nos campagnes et autres «zones blanches», en diffusant leurs productions sur ces territoires, relève au mieux d’une méconnaissance totale de la situation, au pire d’une irresponsabilité politique et d’un mépris pour l’ensemble des acteurs culturels. La décentralisation, c’est-à-dire la présence en région d’institutions d’envergure nationale, productrices d’œuvres à rayonnement national, est à l’œuvre depuis soixante-dix ans. N’aurait-il pas été plus intelligent et efficace de s’appuyer sur cette expertise ; plus glorieux, d’agir hautement pour que l’Etat redonne du souffle à cette politique d’ensemencement local et de coaction avec les collectivités territoriales et les opérateurs locaux ?

Les habitant.e.s de ce pays ne sont pas une simple clientèle éloignée de l’offre parisienne ! Ils n’ont pas besoin d’une plus grande diffusion de produits culturels, mais d’une politique publique digne de ce nom qui s’engage pour eux au même titre que pour les habitant.e.s de la capitale. La vitalité de nos territoires passe par davantage d’implantation d’artistes, par une plus juste répartition des moyens au service des projets artistiques et des publics entre Paris et la «province», par un soutien réaffirmé de l’Etat à toutes les structures de création et de diffusion implantées en régions, qu’il s’agisse des Centres dramatiques nationaux dont l’Etat est majoritairement responsable, des scènes nationales ou des scènes conventionnées dont il abandonne trop régulièrement l’existence et les missions essentielles au bon vouloir des collectivités territoriales.

Bon sens

Comment interpréter, dans ce contexte, l’effet d’annonce de mesures nouvelles à hauteur de 6,5 millions d’euros pour soutenir les projets engagés au service des publics les plus éloignés ? 6,5 millions, dont près de la moitié sera consacrée à l’implantation de micro-folies numériques et dont le reste devra se répartir sur plus de 300 structures labellisées et des centaines de compagnies indépendantes ? Une diversion en forme de saupoudrage, alors que dans la même temporalité, on nous annonce un gel de précaution de 3% des budgets confiés aux directions régionales des affaires culturelles (Drac). Cela veut dire que 3% des budgets dédiés à nos établissements et à l’ensemble des équipes de création ne seront pas distribués tant qu’un dégel ne sera pas annoncé par Bercy. 3% des budgets «création», cela représente près de 24 millions d’euros. Qu’on nous explique le bénéfice de gagner quelque 6 millions de mesures nouvelles pour aller à la rencontre des publics tout en perdant 24 millions pour la création ? Il n’y a ni itinérance ni actions artistiques et culturelles possibles, sans création. Là, il ne s’agit plus de mathématiques mais de bon sens.

Et qu’on ne vienne plus nous dire que c’est une question de rigueur budgétaire. Nous avons la preuve ici que c’est une question d’idéologie. Au lieu de renforcer les projets d’établissements qui soutiennent au quotidien la création au service de tous les publics, au lieu de soutenir l’existence des compagnies indépendantes qui meurent à petit feu du resserrement drastique des marges budgétaires des Drac, on préfère investir dans un dispositif nommé «Pass culture», qui offrira aux jeunes un «pouvoir d’achat culturel», dont l’encadrement est mal défini, dont le coût est estimé à 400 millions d’euros et dont une grande partie des retombées profitera aux industries culturelles privées.

Acte II

L’enjeu à peine dissimulé de cette politique est de mieux industrialiser les produits artistiques et culturels dans ce pays pour mieux amortir les investissements centralisés de l’Etat. Il devient clair désormais que la redistribution équitable des moyens sur l’ensemble du territoire n’est pas ici l’objectif du gouvernement. Pourtant ce sont de ces territoires qu’émergent les artistes les plus inventifs et les plus innovants. Ce sont les artistes en création sur ces territoires, les compagnies indépendantes implantées localement, en lien direct ou indirect avec nos lieux, qui forgent la richesse et la diversité de la culture française, qui irriguent toutes les régions de pensées et de rencontres, et nourrissent même l’attraction culturelle de la capitale en y diffusant leurs plus belles créations.

Plus qu’un acte II de la décentralisation, c’est en vérité un acte II de l’industrialisation culturelle qui nous est proposé. Cela ne correspond aucunement à la politique culturelle publique dont nous portons les missions et que nous animons au quotidien sur les territoires. Durant les six derniers mois, l’ACDN, comme toutes les autres associations des scènes labellisées, a travaillé à partager avec les services du ministère de la Culture un état des lieux éclairant sur la cartographie des actions menées par les acteurs artistiques de la décentralisation. Nous imaginions, par ce dialogue constructif, permettre à une politique culturelle ambitieuse de s’appuyer sur l’édifice du Théâtre Public. Nous pensions qu’il était possible de se saisir des immenses perspectives de redéploiement de l’accès aux arts sur le territoire qu’offre cet ensemble inventif, dynamique et structuré. Nous le pensons encore et toujours. C’est même un des enjeux majeurs pour notre pays et nos concitoyens. Mais aucune de nos paroles, de nos idées et de nos propositions ne sauraient se traduire par le plan inconséquent de «la culture près de chez vous».

 

L’association des Centres dramatiques nationaux

Source : Tribune publiée dans Libération Le 23/04/2018

CDN Montpellier. Valeurs de l’hospitalité et de l’accompagnement

Nathalie Garraud et Olivier Saccomano entrent dans leur fonction au CDN.  Photo JMDH

Nathalie Garraud et Olivier Saccomano entrent dans leur fonction au CDN. Photo JMDH

Théâtre
Nommés par Audrey Azoulay dans des conditions un peu tendues de la succession à Rodrigo Garcia au CDN de Montpellier, Nathalie Garraud et Olivier Saccomano présentent un projet innovant et se tournent résolument vers l’avenir.

Nathalie Garraud est metteur en scène, Olivier Saccomano, est auteur dramatique. Ce duo, entré en fonction en janvier, pilote désormais le Centre National Dramatique de Montpellier. Ils sont plutôt jeunes et exposent les idées directrices de leur projet avec une fraîcheur qui semble tenir à la fois de la réflexion et de la spontanéité artistique.

« On travaille en troupe depuis douze ans, explique Nathalie Garraud, La troupe, cela signifie que nous avons développé un processus de création où l’on avance chacun dans notre pratique ensemble, acteur, metteur en scène, auteur, techniciens, plasticiens associés… Nous sommes très heureux d’être ici. Cette notion de troupe est pour nous une pierre angulaire du projet que nous allons mettre en oeuvre au CDN de Montpellier avec les habitants du territoire , les artistes, et tous les partenaires de la région.»

Visiblement, l’expérience a déjà commencé avec l’équipe du CDN de Montpellier. « Les réunions pour clarifier les modes de fonctionnements et les rapports de travail se succèdent dans un climat convivial et collaboratif », confie une membre de l’équipe.

Défendre le travail dans la durée
Un des axes clé du projet, déjà impulsé avec la Compagnie du Zieu qui travaille sur des cycles de création, consiste à rompre avec le rythme du circuit de diffusion théâtrale qui tant à imposer un modèle de consommation de spectacles. Un modèle qui contraint fréquemment les artistes à créer des pièces sans leur permettre de les jouer, et donc de faire connaître leur travail ce qui rend aussi difficile le contact entre public et artiste.

Le projet  de Nathalie Garraud et Olivier Saccomano, entend appréhender cette problématique en usant d’un autre rapport au temps. « Politiquement, la question centrale  à défendre c’est la durée, explique Olivier Saccomano, nous avons conçu le projet afin qu’il permettre un rapport aux oeuvres et à la dimension artistique, qui sera portée par des artistes avec lesquels nous nous associons dans la durée

La saison prochaine la troupe ne proposera pas de création. En revanche elle tournera avec deux spectacles déjà conçus (Othello variation pour trois acteurs et Ceux qui grondent, un spectacle de petite forme jeune public.) sur tout le territoire, dans des théâtres, des Maison pour Tous, et d’autres lieux comme les établissements scolaires, les prisons, les maisons de retraite…

Zone de rencontres
Pour construire cette programmation d’un nouveau genre la troupe du CDN s’appuie sur plusieurs artistes associés qui seront accueillis dans la durée. A raison d’une équipe artistique par mois qui présenteront plusieurs pièces sur deux semaines et s’emploieront à accompagner leur expression sur le territoire en allant à la rencontre du public ou à travers les dispositifs d’éducation artistique.

Parmi les artistes impliqués on attend Marie Lamachère dont le théâtre engagé s’inscrit dans le réel, l’auteur Dieudoné Langouna, Directeur artistique du festival Mantsina sur scène à Brazzaville, Ema Dante, auteur et metteur en scène sicilienne qui pratique un théâtre social d’avant-garde, le collectif théâtral libanais Zoukak, le professeur d’histoire et d’esthétique du théâtre Olivier Neveux, et l’artiste plasticienne chorégraphe Mylène Benoit.

Pour le duo fraîchement nommé à la tête d’un pilier de la politique publique en faveur de l’art dramatique, « la responsabilité est aussi, celle d’inventer

JMDH

Quelle place donnerons nous à la culture en 2018 ?

Concert du Festival de Radio France Montpellier Occitanie place de l’Europe à Montpellier.

Concert du Festival de Radio France Montpellier Occitanie place de l’Europe à Montpellier.

Tels qu’ils sont présentés par les institutions et les responsables politiques, les intentions et les budgets en faveur de la culture sur le territoire sont au beau fixe. Mais peu d’acteurs s’interrogent sur ce que sous-tend vraiment la notion de culture et de compétence culturelle…

Alors que la Valette (Malte), capitale européenne de la culture en 2018, débute en préambule les festivités avant la cérémonie officielle d’ouverture prévue pour le 20 janvier, les conditions climatiques, politiques, sociales et démocratiques du monde, ne cessent de se dégrader. Si bien qu’on peut s’interroger au niveau global comme local, sur le rôle que pourra bien jouer la culture cette année pour défendre l’ouverture d’esprit, la tolérance, et les idées si nécessaires au savoir vivre ensemble qu’au domaine démocratique.

L’aspect culturel de la construction européenne devrait être un élément essentiel mais le chemin pour y parvenir paraît bien long. L’idée de désigner une capitale européenne de la culture s’inscrit sur le papier avec une volonté affichée de rapprocher les Européens en mettant en avant la richesse et la diversité des cultures du continent. En pratique cette précieuse désignation sert souvent à mettre en oeuvre des plans de rénovation urbaine assez éloignés des objectifs affichés. Ce n’est alors pas la culture qui transforme la ville mais la ville qui se transforme en prenant la culture pour alibi.

Ambitions culturelles
Après Marseille en 2013, le maire Philippe Saurel a annoncé sa volonté de candidater pour que Montpellier soit Capitale Européenne de la culture en 2028. L’idée n’est pas saugrenue et elle a le mérite de se trouver en correspondance avec un axe de développement culturel structurant et constant que les différents maires de Montpellier ont maintenu depuis Georges Frêche.

« Il faut bâtir  hashtag #MontpellierDestination Culture. Nous disposons des ingrédients pour y parvenir, se félicité Philippe Saurel,  la croissance de la ville, sa jeunesse, 30% des habitants ont moins de 30 ans. Le caractère universitaire  d’une ville monde . C’est-à-dire une ville dans laquelle se reflète tous les visages de la planète.» Cette volonté de conforter l’image de Montpellier à la culture se traduit dans les chiffres. Elle représente 64M d’investissement en fonctionnement jusqu’à la fin du mandat de Phillipe Saurel.

Le budget national de la culture sera conforté en 2018. Il avoisine les 10 milliards d’euros. Le ministère de la Culture  fixe « la vie culturelle, la cohésion sociale et le dynamisme économique des territoires» au rang de ses priorités.  En 2018, le ministère de la Culture augmentera la part de ses crédits déconcentrés,  » pour que son action se déploie au plus près des acteurs de terrain» a assuré la ministre de la Culture Françoise Nyssen  lors de sa première visite à Montpellier.  Dans sa profession de foi pour 2018, la ministre de la Culture assure que les collectivités locales, associations, et citoyens bénéficieront d’un montant de 860 M, (en hausse de 6 %) afin de renforcer, sur tout le territoire, l’action publique en faveur de la culture et de lutter contre le sentiment d’abandon qu’exprime une partie des Français.

Une Chambre en Inde d’Ariane Mnouchkine au Printemps des Comédiens 2017.

Une Chambre en Inde d’Ariane Mnouchkine au Printemps des Comédiens 2017.

Zones blanches et paupérisation artistique
Sur le terrain pourtant ce sentiment est bien réel. A travers les différences sociales et territoriales s’expriment les zones blanches de la culture. La perception des inégalités culturelles s’observe à travers le caractère plus ou moins élitaire de la fréquentation des lieux de culture consacrés comme les théâtres et les musées. Mais pas seulement, les études sur le sujet laissent apparaître que la sensibilité aux inégalités culturelles s’inscrit dans une vision critique de la société française et traduit un intérêt marqué pour les questions de justice sociale.

Dans le secteur du spectacle le développement des activités artistiques sur le territoire est en recul. Les artistes subissent une crise qui s’inscrit dans la durée. Le phénomène de paupérisation  artistique est intimement lié à la mutation d’un secteur ou les prescripteurs eux-même peinent à s’y retrouver entre les objectifs de remplissage, et la qualité de l’offre.

Maillage culturel du territoire
Dans un contexte de baisse des dotations publiques, pour renforcer l’égalité d’accès à la culture et maintenir un aménagement culturel équilibré du territoire, la Région Occitanie a adopté un budget (96,1M) en augmentation de 12% pour la culture et le patrimoine. Le Conseil Départemental de l’Hérault maintient lui aussi une politique volontariste en matière culturelle. Il versera 4,8 M à la Métropoles de Montpellier pour le maintient des festivals sur le Domaine d’O dont de la partie Nord relève depuis le début de l’année de La Métropole. Les festivals Arabesques, Folie Lyriques ; Nuits d’O, le Printemps des comédiens et Saperlipopette seront donc pérennisés ainsi que la saison d’hiver du Domaine d’O. Plus à l’Ouest, l’institution départementale projette de lancer cette année un vaste projet sur le Domaine départemental de Bayssan à Béziers. Un Théâtre en dur va remplacer le chapiteau et un amphithéâtre de plein air verra le jour.

Aux volontés politiques affirmées de  la Région, du département et de la Métropole s’ajoute l’initiative volontariste des villes comme Sète, Frontignan ou Lodève qui ont fait de la culture un axe de développement.

Difficile maillage culturel du territoire
La multiplicité des acteurs publics naguère à l’origine des financements croisés qui pouvaient bénéficier aux acteurs et aux structures artistiques a été remise en question. Par la réduction des budgets publics, d’une part, notamment celle de l’Etat qui garantissait une certaine qualité de l’offre artistique, et par la réforme territoriale d’autre part. On peut le mesurer avec la menace qui plane sur l’Opéra Orchestre national de Montpellier depuis la création de la grande Région Occitanie. Les économies d’échelle impactent par ailleurs les mécanismes de la gouvernance des politiques culturelles comme on le constate à l’échelle de la Métropole de Montpellier dans la redistribution des postes et des fonctions en dépit de l’expérience acquise.

L’aspect culturel sous-tend la notion d’appartenance commune et de lien à cultiver. Universalité des valeurs et diversités des expressions sont les deux faces d’une même monnaie qui ne peut sonner au fond d’un tiroir caisse.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 20/01/2018

Voir aussi : Actualité locale, rubrique Politique, Politique culturelle, rubrique Montpellier,

Culture. Temps forts 2017 et influence durable de la création en Languedoc-Roussillon

Baba Zula soirée Balkans Express Fiest' A Sète

Un coup d’œil en Languedoc sur une riche année en dépit de la crise, merci aux artistes sans lesquels nous serions bien pauvres.

 

Janvier

Begin the Beguine, écrite en 1987, la dernière pièce du cinéaste culte John Cassavetes a été montée par Jan Lauwers dans une première version au Burgtheater de Vienne. A l’invitation de la fondation Cassavetes de N.Y. Le directeur du CDN de Montpellier Rodrigo Garcia reconduit cette invitation en proposant au metteur en scène flamand de créer une nouvelle version de ce texte peu connu où s’expose la vie déchue des hommes seuls.

Nicolas Bourriaud en charge du futur Centre d’art contemporain de Montpellier lance à La Panacée le premier cycle d’expositions. Avec Retour sur Mulholland Drive, on explore l’univers lynchien sous toutes les coutures une vingtaine d’artistes insufflent une puissance d’évocation singulière.

Dans Opus 14, le hip hop est graphique, spectaculaire et virtuose. Les danseurs apprennent à faire du sol un véritable partenaire. Au Théâtre de Sète Kader Attou écrit une des pièces charnières de l’histoire du hip hop français de création !

Février

Camille de Toledo s’empare du drame d’Utøya où Anders Behring Breivik, le terroriste norvégien d’extrême droite débarque sur l’île pour décimer des dizaines de jeunes militants. Un mythe obscur où la crise politique contemporaine et ses répercussions sociales s’exposent sur la scène du théâtre universitaire La Vignette.

A Nîmes, le Théâtre Christian-Liger reçoit Ubu Roi Vrout par la cie Les Lubies qui donne un supplément de folie à un texte piquant et déjanté .

A Sète l’artiste Nicolas Fenouillat investit le Crac (Centre régional d’art contemporain) avec trois propositions où l’art contemporain agrège l’univers musical.

Nicolas Fenouillat ou le retour des héros contemporains. photo dr

Nicolas Fenouillat ou le retour des héros contemporains. photo dr

Mars

Après une année d’incertitude, le conseil départemental de l’Hérault et la métropole de Montpellier signent un accord garantissant le maintien des festivals du Domaine d’O. Au-delà du calendrier politique, l’ambition culturelle demeure une priorité dans l’Hérault et à Montpellier. Ce qui constitue un véritable atout pour les territoires et leur développement.

Le Festival de cinéma Itinérances d’Alès est à l’initiative d’une riche série d’expositions à l’occasion de sa 35e édition. On y découvre 14-18 vue par la BD.

Concert légendaire de Magma au Sonambule à Gignac.

Avril

Opéra participatif pour petits et grands sous la direction de Jérôme Pillement, mise en scène Marie Ève Signeyrole. En forme de fresque mythologique, Le Monstre du Labyrinthe revisite de manière libre le mythe de Thésée à l’Opéra Berloz de Montpellier.

Au moment où notre société s’interroge sur le « vivre ensemble », le dernier Par du Centre chorégraphique national ICI : questionne l’engagement politique et citoyen des jeunes générations. Le jeune chorégraphe syrien Mithkal Alzghair, propose un club de danse.

Pour l’exposition Mirabilia La Maison des Consuls se transforme en cabinet de curiosités contemporain aux Matelles.

Quartier Croix d’argent, à Montpellier, la onzième Zone artistique temporaire (ZAT) confirme son succès en rassemblant dans Parc Montcalm la population dans toute sa diversité autour de propositions artistiques innovantes.

Myra Le monstre du labyrinthe

Myra Le monstre du labyrinthe

Mai

La 32e édition de La Comédie du livre met la Grèce et l’ensemble de la Méditerranée à l’honneur. La programmation sculpte dans la matière littéraire et reste en veille sur les écritures émergentes. Pour cette 12e édition, le Festival Arabesques, célèbre à Montpellier les grandes dames du monde arabe d’hier et d’aujourd’hui.

Juin

Ariane Mnouchkine ouvre Le Printemps des Comédiens avec Une chambre en Inde. La 31e édition du festival interroge le monde. Roméo Castellucci y donne son dernier spectacle Democracy in America

Pour ses vingt ans, le Festival International du Roman noir de Frontignan enclenche une fiesta du polar autour du chiffre 20.

Le capitaine du Pavillon noir Angelin Preljocaj, pose une ancre new-yorkaise au 37e Festival Montpellier Danse qui déroule une riche programmation dédiée à la danse contemporaine

" Angelin Preljocaj "La Stavaganza"

 » Angelin Preljocaj « La Stavaganza »

Juillet

A l’occasion des dix ans de la réouverture du musée Fabre et des 40 ans du Centre Pompidou, Montpellier accueille un choc artistique inédit entre Françis Bacon et Bruce Nauman.

Impressions fortes, l’estampe en 100 chefs d’œuvre, l’exposition d’été du Musée de Lodève se glisse sur les pas de l’étonnante histoire de cet art multiple.

La 33e édition du Festival de Radio France Montpellier Occitanie invite l’ensemble des radios publiques à se pencher sur le thème des Révolutions, en particulier celle de 1917.

L’exposition William Gedney prolonge la saison américaine du Pavillon Populaire avec une ouverture sur la photographie documentaire de 1955 à 1984.

Au festival de poésie de Sète, la regrettée Syrienne Fadwa Suleimane enflamme le public de Voix Vives qui fête sa 20e année.

 

Kentucky, 1964 et 1972.  William Gedney

Kentucky, 1964 et 1972. William Gedney

Août

L’édition 2017 de Fiest’A Sète fait la part belle à la musique africaine avec un mémorable tribute to Fela Kuti réunissant Roy Ayers Seun Kuti ou encore les concerts de Joe Bataan, et des sénégalais de Orchestra Baobab .

Le Festival Barjac m’enchante, rend hommage à l’œuvre du poète chanteur Jean Vasca.

Septembre

Les amoureux des livres et de la lecture de l’Ouest héraultais se retrouvent à Béziers, SortieOuest pour la 10e édition des Chapiteaux du livre.

A Sète, Les Journées Paul-Valéry permettent de découvrir l’ensemble de la correspondance échangée entre Valéry et Mallarmé publiée chez Fata Morgana.

Octobre

Le chorégraphe Boris Charmatz ouvre la saison de Montpellier danse avec sa pièce Danse la nuit. Une proposition insolite et risquée, conçue pour être donnée de nuit dans la rue.

Le Cinemed 2017 invite la jeune garde du cinéma algérien à se retrouver au Corum pour débattre du présent et de l’avenir.

Novembre

Prenez garde à Fassbinder ! est la 1ère création mise en scène par Jacques Allaire d’un travail au long court mené par trois metteurs en scène avec une compagnie professionnelles en situation de handicap. Au chai de la Bulle Bleue.

Décembre

A l’Arena s’ouvre Art Montpellier, la première édition de la Foire méditerranéenne des arts contemporains.

Au même endroit se tient la seconde édition de I love Techno Europe avec des artistes reconnus de Jeff Mills à Étienne de Crécy.

Foire méditerranéenne des arts contemporains

Foire méditerranéenne des arts contemporains

JMDH

Source La Marseillaise 29/12/2017

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Retros Culture Hérault 2015 Rétrospective #2, Retro Arts et culture 2016,