Uhuru Kenyatta, le Président du Kenya vient de remporter une manche de sa confrontation contre la Cour Pénale Internationale (CPI) qui l’accusait de crime contre l’humanité.
Uhuru Kenyatta, le Président du Kenya vient de remporter une manche de sa confrontation contre la Cour Pénale Internationale (CPI) qui l’accusait de crime contre l’humanité. La Procureure de la Cour Pénale Internationale (CPI) a annoncé, vendredi 5 décembre 2014, l’abandon des charges contre le Président du Kenya, Uhuru Kenyatta. Ce dernier était accusé de crime contre l’humanité à la suite des violences post-électorales survenues dans les années 2007-2008 au Kenya.
Cette décision intervient deux jours après que les juges aient refusé de reporter indéfiniment le procès, comme le demandait la procureure. Il y a 4 ans, l’affaire fut le théâtre d’un puissant bras de fer politico judiciaire entre le Kenya et la CPI.
La Cour pénale internationale (CPI) vient d’écrire l’épilogue de l’affaire Kenyatta. Dans un courrier adressé aux juges vendredi matin, la procureure Fatou Bensouda a annoncé qu’elle retirait les charges portées contre le président kényan. Une décision qui intervient deux jours après que les juges aient lancé un ultimatum, lui donnant une semaine pour fournir des preuves solides contre le président kényan, ou à défaut, retirer les charges portées contre lui.
Depuis plus d’un an, la procureure explique ne pas avoir de preuves suffisantes pour ouvrir le procès. Mais « dans l’intérêt de la justice » et du procès équitable, les juges ont refusé de reporter indéfiniment les audiences. Une défaite pour l’accusation alourdie par le refus des juges de dénoncer le Kenya à l’Assemblée des Etats parties (AEP), une sorte de Parlement où siègent les 122 pays membres de la Cour. Depuis plusieurs mois, la procureure dénonce les obstructions de Nairobi à ses enquêtes.
Vérité impossible
Tout en reprochant au Kenya de faire obstruction, ruinant selon eux la possibilité d’établir la « vérité » sur les violences qui ont ensanglanté le pays fin 2007 et début 2008, les juges ont refusé de dénoncer l’absence de coopération de Nairobi à cette Assemblée. En filigrane, les magistrats critiquent la qualité de l’enquête menée par Fatou Bensouda depuis plus de quatre ans. Sur les six accusés ciblés, quatre ont déjà bénéficié d’un non-lieu, dont Uhuru Kenyatta. Seuls le vice-président kényan, William Ruto, et un animateur radio, Joshua Sang, sont aujourd’hui sur le banc des accusés.
Un débat sur la conduite du procureur
La procureure a annoncé sa décision à trois jours de l’ouverture, le 8 décembre, de l’Assemblée des Etats membres de la CPI qui se réunira à New York pour élire de nouveaux juges, voter le budget de la Cour et débattre. Mi-octobre, bien avant que les juges décident de ne pas reporter le procès Kenyatta, le Kenya lançait une nouvelle offensive diplomatique contre la Cour.
Les autorités kényanes demandaient une session spéciale sur «la conduite de la Cour et du bureau du procureur», auquel, parmi de nombreux griefs, il reprochait de maintenir ouverte l’affaire Kenyatta tout en reconnaissant ne pas avoir de dossier solide contre lui, d’appliquer des standards judiciaires moins élevés que ceux des tribunaux kényans, et de placer le Kenya en procès, alors que les accusés, président et vice-président, sont poursuivis par la Cour à titre individuel.
Pour finir, Nairobi prône ni plus ni moins qu’une révision du statut de la Cour devant permettre de sanctionner les manquements du procureur. En réponse, le président, le greffier et Fatou Bensouda ont demandé à l’Assemblée de ne pas ouvrir un tel débat, les alertant du risque d’ingérence dans les affaires judiciaires de la Cour.
Le chef de l’Etat ne sera pas blanchi
Seule courte victoire de la procureure dans cette affaire: les juges ont d’ores et déjà annoncé qu’ils ne prononceraient pas d’acquittement, comme le demandaient les avocats d’Uhuru Kenyatta. Une subtilité juridique qui laisse ouverte la possibilité, pour l’accusation, de lancer une nouvelle affaire contre le président du Kenya. La procureure sauve donc un peu sa mise : Uhuru Kenyatta ne sera pas innocenté. Fatou Bensouda aura choisi de ne pas conduire un procès perdu d’avance.
Auréolé de sa victoire contre la Cour, le président kényan pourrait gagner des points sur le plan intérieur et retrouver une marge de manœuvre diplomatique entachée par les poursuites de la CPI. Les grandes perdantes de cette affaire resteront donc les victimes des violences de 2007.
Invitée dans le cadre des grands débats à Montpellier, Susan George évoque dans son dernier livre « Les Usurpateurs » (Seuil) la prise de pouvoir des transnationales.
Votre ouvrage pose ouvertement la question du pouvoir illégitime des entreprises qui mine les fondements de notre démocratie représentative. Sur quels constats?
Tout le monde est conscient de l’action des entreprises auprès de tous ceux qui font les lois pour défendre leurs intérêts. Mon livre donne des détails sur ces lobbys et lobbyistes « classiques » mais s’intéresse bien plus à leur capacité à se regrouper par branche – agro-alimentaire, chimie, pharmaceutique etc. – dans des institutions aux noms bien anodins comme les conseils, fondations ou instituts. Ces organisations sont beaucoup plus subtiles dans leurs techniques de communication et de persuasion. Elles parviennent à biaiser la législation dans la santé publique, l’environnement ou la consommation. Je consacre une grande partie du livre à ces usurpateurs qui pénètrent, souvent sur invitation, dans les institutions nationales et supranationales comme les Nations-Unies.
Comment évaluer l’ampleur actuelle du lobbying ?
Le Congrès des USA dispose d’un registre assez complet et plutôt contraignant. Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, vient d’annoncer que l’enregistrement sera aussi obligatoire auprès des institutions de l’UE. C’est tout à son crédit et déjà les plus grandes banques internationales comme Goldman Sachs ou HSBC s’enregistrent. On trouve aussi de bons outils d’information sur Internet. Mon livre en donne un résumé aussi complet que possible. Il s’adresse au lecteur dit généraliste, ce pourquoi j’ai souhaité privilégier l’urgence et non pas faire quelque chose d’universel. Je donne des pistes pour continuer ce travail de dévoilement.
Où situez-vous l’urgence ?
Le plus urgent c’est le Traité entre les Etats-unis et l’UE dit TAFTA ou TTIP. Ce traité est actuellement négocié à huis-clos. Si nous n’arrivons pas à l’arrêter avant qu’il soit ratifié, ce sera un véritable coup d’État contre la démocratie et contre les citoyens qui sera perpétré. C’est la raison pour laquelle je traite le sujet sur le plan international. Actuellement les entreprises des deux cotés de l’Atlantique s’unissent pour obtenir gain de cause.
De quels moyens dispose la justice face à des personnes qui gouvernent sans gouvernement ?
Si le TAFTA passe, la justice aura de moins en moins de moyens. Avec le système de règlement des différends dit « de l’investisseur à Etat », l’entreprise pourra porter plainte contre un gouvernement dont une mesure quelconque aura entamé ses profits actuels ou même futurs. Le texte prévoit le jugement par un tribunal privé composé de trois arbitres issus des très grands cabinets d’avocats d’affaires internationaux, sans appel et à huis-clos.
Pourquoi le noyautage des institutions politiques internationales, nationales, régionales ne provoque-t-il pas une réaction de la sphère politique légitime ?
Excellente question ! La réponse est : « Je ne sais pas ». Comment se fait-il que nos gouvernements à tous les niveaux soient si ouverts, si complaisants à l’égard des Transnationales ? Ce ne sont même pas elles qui fournissent les emplois. Les gouvernements prétendent chercher « l’emploi » à tous les coins de rue mais les vrais leviers en Europe sont les PME qui produisent environ 85% des emplois. Celles-ci sont négligées, laissées à la portion congrue. Les banques refusent de leur faire crédit et les États continuent à faire les yeux doux aux entreprises géantes qui réduisent leur personnel chaque fois qu’elles le peuvent pour satisfaire leurs actionnaires.
Sur quels fondements philosophiques et éthiques les citoyens dont la légitimité est bafouée peuvent-ils asseoir leurs revendications ?
Il faut baser notre éthique du refus et de la revendication sur ce que l’Europe a fait de mieux dans son Histoire plutôt salie par les guerres, la colonisation, la Shoah, j’en passe et des meilleurs… Avec les Etats-unis, elle est le berceau des Lumières, des révolutions contre le pouvoir, de l’invention de la démocratie et de la justice en tant qu’institution. C’est un travail toujours à recommencer et aujourd’hui plus que jamais. Je commence mon livre en rappelant ce qui donne sa légitimité au pouvoir, à commencer par le consentement des gouvernés et l’État de droit. Cela, les transnationales s’en fichent comme d’une guigne.
La référence à l’héritage des Lumières n’est-elle pas en partie partagée par les néolibéraux ?
Oui, dans le sens où les néolibéraux ne tiennent pas à gouverner directement. Il y a des subalternes pour ça ! du moment qu’ils peuvent dicter le contenu des politiques, ça leur suffit. Cela nécessite tout de même des lois qui, du point de vue du citoyen – ou de la nature si elle avait les moyens de s’exprimer – sont de très mauvaises lois. Le TAFTA serait un exemple achevé de la manière qu’ont les grandes entreprises de diriger en laissant le sale boulot, les négociations proprement dites, aux fonctionnaires politiques.
Il ne suffit pas de renverser les dictateurs mais d’opposer une résistance constante dites-vous...
Eh oui ! J’espère que mon livre donnera aux citoyens de meilleurs moyens pour résister et exiger de profonds changements. Ceux qui lisent ces lignes peuvent commencer par joindre leur signature* aux centaines de milliers d’autres qui refusent le TAFTA.
Emmanuel Macron prétend que l’aéroport de Toulouse restera contrôlé à 50,1 % par des actionnaires publics. Mediapart publie des fac-similés du pacte d’actionnaires secret qui attestent du contraire : les trois membres du directoire seront désignés par les investisseurs chinois. Et l’État a signé une clause stupéfiante, s’engageant à soutenir par avance toutes leurs décisions.
Dans le dossier de la privatisation de l’aéroport de Toulouse, Emmanuel Macron a décidément pris une incompréhensible posture. Prétendant que la cession aux investisseurs chinois ne portera que sur une part minoritaire du capital, et suggérant du même coup que l’État et les collectivités locales resteront aux commandes de l’entreprise, il s’en est pris, samedi, très vivement aux détracteurs du projet.
Dans le prolongement de notre précédente enquête, dans laquelle nous pointions plusieurs contrevérités énoncées par le ministre de l’économie (lire Privatisation de l’aéroport de Toulouse : Emmanuel Macron a menti), Mediapart est pourtant en mesure de révéler la teneur précise du pacte d’actionnaires qui lie désormais l’État aux investisseurs chinois ayant remporté l’appel d’offres lancé pour la privatisation. Ce document a pour l’instant été tenu soigneusement secret par Emmanuel Macon. Les reproductions que nous sommes en mesure de révéler établissent clairement que le ministre de l’économie a menti.
Laurent Mauduit
Avant d’examiner le détail de ce pacte d’actionnaires secrets, reprenons le fil des événements récents pour comprendre l’importance de ce document. Annonçant au journal La Dépêche que l’aéroport de Toulouse-Blagnac allait être vendu au groupe chinois Symbiose, composé du Shandong Hi Speed Group et Friedmann Pacific Investment Group (FPIG), allié à un groupe canadien dénommé SNC Lavalin, Emmanuel Macron avait fait ces commentaires : « Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’une privatisation mais bien d’une ouverture de capital dans laquelle les collectivités locales et l’État restent majoritaires avec 50,01 % du capital. On ne vend pas l’aéroport, on ne vend pas les pistes ni les bâtiments qui restent propriété de l’État. […] Nous avons cédé cette participation pour un montant de 308 millions d’euros », avait dit le ministre de l’économie. Au cours de cet entretien, le ministre appelait aussi « ceux qui, à Toulouse, sont attachés à l’emploi et au succès d’Airbus, [à] réfléchir à deux fois aux propos qu’ils tiennent. Notre pays doit rester attractif car c’est bon pour la croissance et donc l’emploi », avait-il dit.
Dans la foulée, le président socialiste de la région Midi-Pyrénées, Martin Malvy, avait aussi laissé miroiter l’idée, dans un communiqué publié dans la soirée de jeudi, que cette privatisation n’en serait pas véritablement une et que l’État pourrait rester majoritaire. « J’ai dit au premier ministre et au ministre de l’économie et des finances, depuis plusieurs semaines, que si l’État cédait 49,9 % des parts qu’il détient – et quel que soit le concessionnaire retenu –, je souhaitais que la puissance publique demeure majoritaire dans le capital de Toulouse-Blagnac. C’est possible. Soit que l’État garde les parts qu’il possédera encore – 10,1 % – soit que le candidat désigné cède une partie de celles qu’il va acquérir. Emmanuel Macron confirme que le consortium sino-canadien n’y serait pas opposé. Je suis prêt à étudier cette hypothèse avec les autres collectivités locales, la Chambre de commerce et d’industrie et le réseau bancaire régional, voire d’autres investisseurs. Nous pourrions nous réunir au tout début de la semaine prochaine pour faire avancer une réflexion déjà engagée sur la base d’un consortium ou d’un pacte d’actionnaires en y associant l’État », avait-il déclaré.
Invité dimanche soir du journal de France 2, Manuel Valls a, lui aussi, fait entendre la même petite musique lénifiante. L’aéroport de Toulouse, a-t-il fait valoir, « va rester majoritairement dans les mains des collectivités territoriales et de l’Etat (…) il faut assumer que nous vivons dans une économie ouverte », a-t-il déclaré. «Nous, nous avons le droit de vendre des Airbus, d’investir en Chine et les Chinois ne pourraient pas investir chez nous ? Mais dans quel monde sommes-nous ?», s’est-il insurgé, avant d’ajouter : «Il faut assumer que nous vivons dans une économie ouverte et, en même temps, nous préservons bien sûr nos intérêts fondamentaux. Ce que nous faisons pour un aéroport, nous ne le ferons évidemment pas dans d’autres filières, je pense par exemple au nucléaire ».
En somme, le ministre de l’économie, le président socialiste de la région et le premier ministre ont, tous les trois, fait comprendre que l’aéroport de Toulouse resterait entre les mains de l’État et des collectivités locales, l’investisseur chinois ne mettant la main que sur 49,9 % du capital, l’État gardant 10,1 %, la Région, le département et la ville de Toulouse détenant le solde, soit 40 %.
En apparence dans son bon droit, Emmanuel Macron a donc monté encore d’un cran, en prenant très vivement à partie, samedi, tous ceux – et ils sont nombreux, au plan national comme au plan régional – qui s’inquiètent de ce projet de privatisation soi-disant partielle. « Celles et ceux que j’ai pu entendre, qui s’indignent de cette cession minoritaire de la société de gestion de l’aéroport de Toulouse, ont pour profession d’une part d’invectiver le gouvernement et d’autre part d’inquiéter les Français », a-t-il déclaré, en marge du congrès de l’Union nationale des professions libérales.
La formule volontairement féroce contre ceux qui « ont pour profession d’une part d’invectiver le gouvernement et d’autre part d’inquiéter les Français » risque fort, toutefois, de se retourner contre son auteur car la combinaison du mensonge et du dénigrement des opposants est une curieuse vision de l’exercice du pouvoir en démocratie.
Oui, du mensonge ! Le terme n’est pas exagéré. Déjà dans notre précédente enquête, nous avions usé de cette formulation et, pour l’étayer, nous avions révélé quelques courts extraits du pacte d’actionnaires qui va désormais lier l’État français aux acquéreurs – pacte d’actionnaires dont ont eu connaissance certaines des collectivités publiques concernées par le projet et auprès desquelles nous avions obtenu ces informations. Mais comme le ministre de l’économie persiste à dire qu’il s’agit d’une privatisation partielle et suggère que les actionnaires publics gardent la main, nous sommes en mesure de rendre publics les fac-similés des passages les plus importants de ce pacte d’actionnaires secret, qui établissent le mensonge du ministre et que ces mêmes collectivités nous ont transmis.
Dès le premier coup d’œil, on trouve donc la confirmation que le pacte d’actionnaires lie bel et bien l’État, qui conserve pour l’instant 10,1 % du capital, non pas à la Chambre de commerce et d’industrie de Toulouse (25 % du capital), le Conseil général du département (5 %), le Conseil régional (5 %) et la Ville de Toulouse (5 %). Non ! Alors que sur le papier les actionnaires publics restent majoritaires, l’État trahit ses alliés naturels et conclut un pacte d’actionnaires avec l’acquéreur chinois. En clair, les investisseurs chinois sont des actionnaires minoritaires, mais l’État leur offre les clefs de l’entreprise pour qu’ils en prennent les commandes.
Les dispositions prévues par ce pacte d’actionnaires secret pour les règles de gouvernance de la société viennent confirmer que les investisseurs chinois, pour minoritaires qu’ils soient, seront les seuls patrons de la société. Voici les règles de gouvernance prévues.
D’abord, la société sera supervisée par un conseil de surveillance de 15 membres, dont 2 désignés par l’État et 6 désignés par l’investisseur chinois, selon la disposition « 2.1.2 » du pacte. Autrement dit, ces huit membres du conseil de surveillance, liés par le pacte, garantiront aux investisseurs chinois minoritaires de faire strictement ce qu’ils veulent et d’être majoritaires au conseil de surveillance.
Le point « 2.1.3 » du pacte consolide cette garantie offerte aux investisseurs chinois puisqu’il y est précisé que « l’État s’engage à voter en faveur des candidats à la fonction de membres du conseil de surveillance présentés par l’Acquéreur, de telle sorte que l’Acquéreur dispose de six (6) représentants au Conseil de surveillance ».
Mais il y a encore plus grave que cela. Au point « 2.2.2 », l’État donne la garantie quasi formelle à l’investisseur chinois, aussi minoritaire qu’il soit, qu’il pourra décider strictement ce qu’il veut et que la puissance publique française ne se mettra jamais en travers de ses visées ou de ses projets. C’est consigné noir sur blanc – et c’est la clause la plus stupéfiante : « L’État s’engage d’ores et déjà à ne pas faire obstacle à l’adoption des décisions prises en conformité avec le projet industriel tel que développé par l’Acquéreur dans son Offre et notamment les investissements et budgets conformes avec les lignes directrices de cette Offre.»
Qu’adviendrait-il ainsi si l’investisseur chinois décidait d’augmenter le trafic de l’aéroport dans des proportions telles que cela génère de graves nuisances pour le voisinage ? Par un pacte secret, l’État a déjà pris l’engagement qu’il ne voterait pas aux côtés des collectivités locales pour bloquer ce projet, mais qu’il apporterait ses voix aux investisseurs chinois.
Si on prolonge la lecture de ce pacte d’actionnaires pour s’arrêter aux « décisions importantes » pour lesquelles l’État sera contraint d’apporter ses suffrages aux investisseurs chinois, on a tôt fait de vérifier que cela concerne tous les volets de la vie de l’entreprise. Voici en effet, au point « 4 » les « décisions importantes » qui sont en cause :
En clair, les « décisions importantes » concernent tout à la fois « l’adoption du plan stratégique pluriannuel », « l’adoption du plan d’investissement pluriannuel », « l’adoption du budget », etc.
Bref, les investisseurs chinois ont carte blanche pour faire ce qu’ils veulent. Au point « 3 », on en trouve d’ailleurs la confirmation, avec cette autre clause stupéfiante : « Le Directoire sera composé de (3) trois membres. L’État s’engage à voter en faveur des candidats à la fonction de membre du directoire et de Président du directoire présentés par l’acquéreur, étant précisé que ces candidats feront l’objet d’une concertation entre l’État et l’Acquéreur préalablement à la séance du Conseil de surveillance concerné, afin de s’assurer que l’État n’a pas de motif légitime pour s’opposer à la désignation de l’un quelconque des candidats proposés par l’Acquéreur. » En clair, là encore, l’État trahit ses alliés naturels que sont les collectivités locales, pour offrir les pleins pouvoirs aux investisseurs chinois, même s’ils sont minoritaires.
Au passage, l’État donne aussi les pleins pouvoirs aux investisseurs chinois, sans le moindre garde-fou, pour qu’ils pratiquent la politique de rémunération qu’ils souhaitent au profit de ceux qui dirigeront la société. « Les mêmes dispositions s’appliqueront, mutatis mutandis, s’agissant de la détermination de la rémunération de ces mêmes candidats », lit-on à ce même point « 3 ».
Et toute la suite du pacte est à l’avenant. Voici la fin du point « 4 » et les points « 5 » et « 6 » :
Et il est prévu au point « 10 » que ce pacte liera les parties pour une très longue durée. Voici ce point « 10 » :
Le pacte est donc prévu pour une durée de douze ans, reconductible ensuite pour les dix années suivantes.
Alors, avec le recul, les belles assurances ou les anathèmes du ministre de l’économie prennent une bien étrange résonance. Comment comprendre que le ministre de l’économie ait pu jurer, croix de bois, croix de fer, « qu’il ne s’agit pas d’une privatisation mais bien d’une ouverture de capital dans laquelle les collectivités locales et l’État restent majoritaires avec 50,01 % du capital » ? Comment comprendre cette sortie tonitruante contre ceux qui « ont pour profession d’une part d’invectiver le gouvernement et d’autre part d’inquiéter les Français » ? Un mélange de mensonge et de cynisme…
Il y a un « corbeau » qui s’active à la CGT contre le secrétaire général, Thierry Lepaon. Dans son édition du 26 novembre, Le Canard enchaîné révèle le devis du montant des travaux, effectués en début d’année dans le bureau de plus de 50 m2 du patron de la centrale : 62 179,44 euros, dont 21 588 pour le renouvellement complet du mobilier.
Le 4 novembre, lorsqu’il s’était expliqué, sans convaincre, devant le comité confédéral national (CCN) sur le devis des travaux de son logement de fonction (105 000 euros), M. Lepaon avait évoqué, sans précision, ceux réalisés dans son bureau et ceux du secrétariat général. Mardi, ces révélations sont survenues alors que la commission exécutive de la CGT était réunie. M. Lepaon a assuré que depuis plus de quinze ans il n’y avait pas eu de travaux dans les locaux qui lui sont attribués.
Ce nouveau coup dur pour M. Lepaon, déjà très affaibli, intervient une semaine avant les élections, le 4 décembre, dans les fonctions publiques. Dans une brève déclaration, la CGT réfute les « prétendues révélations » du Canard, ajoutant qu’elle « s’emploie actuellement à faire toute la lumière sur les dysfonctionnements concernant le montant et l’engagement des dépenses de la confédération ». Et elle met en avant « des travaux de mise aux normes handicapés du complexe » de Montreuil. Mais ce texte n’a pas été adopté, comme lors des précédentes révélations, par l’ensemble du bureau confédéral, quatre de ses dix membres – Eric Aubin, Sophie Binet, Valérie Lesage et Mohammed Oussedik – ayant proposé des modifications qui n’ont pas été retenues.
« IL EST STOÏQUE »
Pour les syndiqués de base, cette nouvelle pilule va être dure à avaler, ce devis de près de 62 000 euros représentant 43 fois le montant d’un smic mensuel brut (1 445 euros). « Il y a beaucoup de cartes qui volent actuellement, raconte un dirigeant, sous couvert d’anonymat, et cela a évidemment un impact sur les élections dans les entreprises. » Alors que M. Lepaon avait refusé la création d’une commission du CCN pour examiner les dépenses de la confédération depuis son élection, en mars 2013, laissant opérer la seule commission financière de contrôle et chargeant lourdement Eric Lafont, le trésorier confédéral, ces nouvelles révélations accroissent la suspicion sur ce qu’il pourrait avoir encore à cacher.
A ceux qui l’approchent, M. Lepaon donne l’impression de n’être ni inquiet ni trop affecté. « Tout cela semble glisser sur lui comme si ça ne le perturbait pas, observe un responsable confédéral. Il est stoïque. » Mais, ajoute-t-il, « je crains qu’il y ait d’autres choses qui arrivent derrière ces révélations ». M. Lepaon, qui a reçu individuellement, comme il l’avait annoncé, les neuf autres membres de son bureau confédéral, pour faire plier les « rebelles » – sans résultat –, devra attendre le CCN de février pour y faire entrer deux fidèles. Mais cette réunion du parlement cégétiste s’annonce déjà à hauts risques. Pour l’heure, le trône du patron de la CGT est de plus en plus fissuré.
02 novembre 2014 | Par arié alimi (Avocat des parents de Rémi)
Je ne connaissais pas Rémi Fraisse. Et je ne pensais pas en acceptant de défendre ses parents, en qualité de parties civiles, que j’aurai également à le défendre. Car depuis une semaine, depuis le moment où il s’est effondré, touché par une grenade lancée par un membre de la gendarmerie mobile, il ne se passe pas un moment sans que l’on fasse offense à sa personne et à sa mémoire.
Casseur, djihadiste vert, ecoloterroriste…. Le discours du gouvernement ou de certains syndicats agricoles s’est établi et n’a cessé de monter en puissance. D’abord pour tenter de nier l’existence même des origines de sa mort. Rappelons-nous que dans les premiers moments, on ne parlait que d’un corps découvert dans la foret. On apprendra plus tard que le parquet, la direction de la gendarmerie et le gouvernement savaient déjà ce qu’il s’était passé puisque les gendarmes avaient quelques instants après sa mort ramassé le corps de Rémi.
Alors pourquoi pendant deux jours, ce silence assourdissant, pourquoi cette absence de réaction du parquet, du gouvernement, pourquoi le refus de dire cette vérité que l’on connait depuis le début ? Pourquoi le parquet a-t-il tenté de semer une confusion indécente sur les circonstances de sa mort en ne donnant que des bribes d’informations, en ne parlant lors de la première conférence de presse que d’une explosion, laissant croire à la possibilité d’un décès dû à un Cocktail Molotov, pourquoi avoir lancé de fausses pistes, comme celles du sac à dos disparu, volontairement récupéré par les manifestants, et qui aurait pu contenir des substances explosives ? Simplement pour discréditer un jeune homme pacifiste, militant de la fédération Nature Environnement, botaniste, qui n’a jamais fait usage de violence ou eu maille à partir avec les forces de l’ordre. Salir l’image d’un jeune homme mort qui militait pour l’environnement et pour les générations avenir ?
Y a-t-il attitude plus basse et plus veule ?
Pourquoi ne pas assumer ses responsabilités et dire : nous l’avons tué. Notre politique l’a tué. Nous n’avons pas voulu choisir la voie du dialogue, nous avons voulu montrer que nous sommes forts aux yeux des Français, et cela passe par des démonstrations de violences contre ces militants majoritairement pacifistes. Nous les avons harcelés, frappés, nous avons brulé leurs effets personnels, les avons délogés sans autorisations judiciaires, puis nous avons fait usage de Flash balls, de grenades fumigènes et de désencerclement. Et comme ils ne partaient toujours pas, nous avons fait lancer des grenades contenant des explosifs, en les jetant sans sommations, sans respecter les règles élémentaires d’usage de ces grenades, en l’air directement sur les manifestants, ou même dans des lieux clos, comme dans une caravane occupée. Nous les avons blessés, alors qu’ils tentaient simplement de sauver notre patrimoine naturel, eux qui ont cette conscience que nous n’avons plus, à force de vouloir produire et gagner toujours plus.
Je suis désolé de dire cela, je ne suis qu’avocat. Je ne devrais pas parler de ce qui me dépasse, de ce qui dépasse mon champ d’action, le droit. Mais c’est plus fort que moi. Je me dois aujourd’hui de défendre Rémi Fraisse, ou plutôt ce qu’il en reste. Un corps dans une morgue. Un corps au centre d’un conflit de pouvoir. De tous les pouvoirs, politiques, judiciaires, militaires, médicaux, médiatiques. Un corps autopsié, malmené, disséqué par la France entière qui se le déchire, comme Damien supplicié en place publique, objet de la toute-puissance de la souveraineté. Un corps auquel le pouvoir refuse de redonner un nom, une dignité. Un corps que le pouvoir refuse de rendre à ses parents qui à ce jour n’ont toujours pas pu voir leur enfant, auquel ils ont donné naissance, qu’ils ont vu faire ses premiers pas, dire ses premiers mots, crier ses premières révoltes, et qu’ils ne pensaient pas devoir inhumer, envers et contre toute logique générationnelle.
Ce n’est pas qu’un drame ou une tragédie qui s’est nouée autour de Rémi. Il est mort parce qu’il s’est retrouvé par hasard au milieu d’une déflagration de pouvoir et d’expression de la violence publique. Ce qui a tué Rémi Fraisse, ce n’est pas seulement un gendarme jetant une grenade offensive en pleine nuit en direction de jeunes manifestants, quelle que soit la violence de ceux-ci. Ce qui a tué Rémi, c’est la violence Etatique. Un Etat gouverné par des hommes dont la boussole n’est orientée que vers la prochaine échéance électorale, des hommes motivés par leur stratégie de communication, et qui en ont oublié que l’Etat dont ils sont les représentants n’était finalement qu’une simple fiction destinée en premier lieu à protéger ceux qui avaient accepté de se soumettre à sa violence légitime. Mais lorsque la violence n’est plus légitime, lorsque l’on utilise des armes de guerre non pas contre un autre Etat belligérant, mais contre sa propre population, lorsque l’Etat tue ceux qu’il est sensé protéger, alors la question de l’Etat, de son fonctionnement, de ses intérêts et de ses représentants doit inéluctablement être posée. Dimanche à 16H00, je serais devant le mur de la paix, avec une renoncule à feuille d’ophioglosse sur le torse, et je penserai aux parents de Rémi Fraisse, je penserai à Rémi, et à toute cette vie, plus importante que tout le reste, qui s’est en allée. Pour Rémi Fraisse.