Entretien Philippe Saurel « Il faut batîr Montpellier destination culture »

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Dans le milieu de la culture, il faut laisser de l’autonomie liée à l’identité du fonctionnement

Entretien
Montpellier terre de toutes les cultures, c’est le défi que lance le maire et président de la Métropole Philippe Saurel qui s’en explique ici.

Montpellier et sa Métropole bénéficient d’une croissance démographique soutenue, d’une densité universitaire et d’une mobilité internationale importante sur un territoire qui rencontre des difficultés socio-économiques. Sur quoi repose votre vision de la politique culturelle ?
Il faut bâtir  le hashtag #MontpellierDestination Culture. Pour y parvenir nous avons les ingrédients que vous avez cités, la croissance de la ville, sa jeunesse, le caractère universitaire « d’une ville monde ». C’est-à-dire une ville dans laquelle se reflètent tous les visages de la planète.

Parmi les faits nouveaux vous affirmez la volonté de développer les arts plastiques…
Nous mettons l’accent sur l’art contemporain. Un maillon de la chaîne qui était un peu défaillant et que nous allons traiter de manière originale. Nicolas Bourriaud  en assure la direction artistique à la tête d’un EPPC qui comprendra la Panacée, à laquelle viendra s’ajouter le MoKo un nouveau Centre d’Art. Ces deux lieux seront liés à l’école des Beaux Arts. Ce triptyque doit maintenant s’ adosser à une fondation pour faire venir les collections et éventuellement financer des projets. Nous sommes en cours de réflexion pour trouver la personne idoine qui présidera l’EPPC, comme Aurélie Filippetti préside le Cinemed et donne son éclat au festival du cinéma Méditerranéen. La notion d’enseignement avec  les Beaux Arts pourrait s’étendre à l’Ecole nationale d’architecture,  et la Faculté des lettres et sciences humaines. Nous travaillons actuellement à la rédaction d’un protocole d’accord sur la culture entre La Métropole et Montpellier 3.

Votre champ opérationnel s’est élargi avec le transfert de compétences du Département …
En effet, par le truchement du  transfert de compétences, nous avons reçu en legs le Domaine D’O,  le Printemps des Comédiens,  Folie d’O et Arabesques. Trois grands festivals qui viennent compléter le dispositif prestigieux dont nous disposions déjà.

Qu’en est-il pour le festival jeune public Saperlipopette ?
Je pense que Saperlipopette devrait rester sous l’égide départementale. Si ce n’était pas le cas on le conservera.  C’est un très bon festival.

Les 25 agents transférés doivent-ils s’attendre à un changement de culture ?
Le transfert s’est opéré à partir de la signature début janvier 2017. A ce jour, on ne voit toujours pas le logo de la Métropole sur le Théâtre Jean-Claude Carrière. Nous nous sommes donnés un an pour faire le transfert et discuter avec tous les acteurs. En 2017 c’est le Département qui reste maître d’ouvrage sur la programmation et le financement du Théâtre d’O.

Quelles perspectives à moyen terme?
D’après la délibération jointe à la signature du contrat, tant que nous gardons le festival, le Département s’engage à le financer. Il n’y a donc aucun problème sur la pérennité des festivals.

Quelle est votre vision de la construction de la coopération concernant les structures et les hommes ?
Parlons des hommes. Je leur laisse une totale liberté. Jean-Paul Montanari, Valérie Chevalier,  Nicolas Bourriaud, font ce qu’ils veulent.

Il peut apparaître des contradictions entre une vision internationale et une programmation culturelle qui répond aux attentes.  Cela s’est illustré avec Rodrigo Garcia.
Je n’ai eu aucun problème avec Rodrigo Garcia. Sa programmation artistique est magnifique. Elle ne concerne pas tous les publics mais je l’ai défendue. Nicolas Bourriaud peut répondre à la  contradiction que vous soulevez. Le projet qu’il conduit dispose des deux dimensions. Il a collé au ventre, la soif de montrer que Paris  est contournable et que l’on peut développer une programmation internationale à Montpellier. Il faut que l’art décape !

Prenez-vous en compte la singularité des domaines artistiques ? Le théâtre par exemple en tant qu’art politique…
Le théâtre est à la fois le plus incisif et le plus fragile des secteurs artistiques. Dans les sociétés totalitaires, les régimes politiques durs ont toujours combattu en priorité, le théâtre et le livre. En même temps le théâtre est un vase d’expansion des fresques carnavalesques en passant par le théâtre de rue de Molière. Pendant la guerre en Allemagne et ailleurs, les pièces qui ont commencé à être données sur le ton de la dérision ont rapidement été interdites. C’est un domaine artistique très subtil.

Dans la problématique financière liée aux deux orchestres nationaux métropolitains Montpellier licencie et Toulouse embauche ce qui semble annoncer la fin du lyrique à Montpellier ?
Non, aujourd’hui un expert a été nommé par l’Etat pour rendre un rapport dans les deux mois, sur la situation réelle des finances de l’OONM. En fonction de ce rapport, avec le Drac j’inviterai les actionnaires pour évoquer la situation.

Porter cette réflexion sur la seule dimension financière résume la situation…
C’est le problème principal parce que des dépense non prévues ont fait jour à la fin de l’année. La Métropole est le premier financeur avec 13 M d’euros. Il nous revient de  trouver une issue à cette situation.

Comment miser sur la culture au niveau international et abandonner l’Orchestre ?
Je ne vise pas à l’abandon de l’Orchestre tout au contraire. Mais pour garder l’Orchestre, il faut peut-être revoir un certain nombre de ses fonctionnements internes à l’aune du rapport qui sera rendu. Il faut d’abord sauver l’OONM et après le booster.

Au chapitre de la nouvelle donne de la décentralisation entre Marseille et Toulouse  comment envisagez vous les relations inter-métropolitaines coopération ou concurrence ?
J’entretiens d’excellentes relations avec Toulouse notre capitale régionale. Cela n’empêche pas que le maire de Toulouse joue pour sa ville et le maire de Montpellier également, mais on est capables de se parler et de travailler ensemble. Avec Jean-Claude Gaudin nous avons évoqué le fait de tisser des liens entre les opéras de Marseille et Montpellier. Nous pourrions aussi faire des échanges de musiciens avec l’Opéra de Palerme.

En matière de coopération décentralisée souhaitez-vous raffermir la notion d’identité méditerranéenne ?
De civilisation méditerranéenne, cette idée il est important de la faire ressurgir parce qu’elle génère une forme d’apaisement. Il suffit que l’on visite à Palerme le Palais des Normands pour constater que le plafond de cette chapelle palatine est décoré avec des sourates du Coran.

Privilégiez-vous la gestion particulière des différents lieux ou une gestion commune ?
Dans le milieu de la culture, il faut laisser de l’autonomie liée à l’identité du fonctionnement. En revanche, au niveau des services de la Métropole et de la Ville nous allons créer une direction mutualisée de la culture. Et les organigrammes feront état de fonctions mutualisées ou pas.

Envisagez-vous l’apport de financements privés ?
J’y suis favorable sous toutes ses formes à une seule condition. Que la gouvernance de  la logistique liée à l’exercice de la compétence reste à la Métropole

Quelle place prend la culture dans votre vie quotidienne ?
La culture est omniprésente. Je ne peut pas séparer la culture de la décision politique.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise 23/02/2017

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La symbolique des films algériens mise en regards en Occitanie

Le film le puits de représente l'Algérie aux Oscars 2017

Le film « Le puits » de Lotfi Bouchouchi  représente l’Algérie aux Oscars 2017

La 11e édition de Regards sur le cinéma algérien débute à Montpellier et se poursuivra cette année dans toute la région jusqu’à Toulouse.

Ce n’est pas un festival mais un panorama sur ce qui se fait aujourd’hui en matière de 7ème art en Algérie. A l’initiative du collectif Regards sur le cinéma algérien, la manifestation poursuit son objectif avec très peu de moyens mais beaucoup de conviction. « Il s’agit de faire connaître le cinéma algérien et favoriser le dialogue entre les cultures. Avec le concours de l’association toulousaine Les amis d’Averroès et la section Coup de soleil de Toulouse, nous étendons cette année notre programmation à la grande région, précise Nadir Bettache , une des chevilles ouvrières de la manifestation, notre travail permet aussi aux réalisateurs algériens de trouver un public car l’absence de salles en Algérie les met dans la situation ubuesque de faire des films sans pouvoir les montrer au public à qui ils s’adressent en premier lieu. »

Depuis plusieurs années, le gouvernement algérien promet de reconstruire le réseau de salles dans le pays, évoquant l’objectif de trois cent cinquante salles, mais ces déclarations restent au stade d’intention. « C’est devenu une forme de mirage, commente le professeur de cinéma et distributeur des Films des deux rives Jacques Choukroun. Ce chiffre de 350 salles correspond aux infrastructures dues avant la décennie noire, à l’époque il y avait 30 millions de spectateurs. Aujourd’hui ils ont disparu et il n’existe plus qu’une vingtaine de salles digne de ce nom en Algérie.»

Voir des films algériens inédits

Mardi était projeté au cinéma Diagonal à Montpellier, Le Puits premier long métrage de fiction de Lotfi Bouchouchi. Le débat à l’issue de la séance a donné lieu à un échange mettant en avant une grande diversité de lectures. L’absence du réalisateur et la revendication affirmée des programmateurs de montrer tous les films algériens d’une certaine tenue sans faire prévaloir de sélection, ajoutait à ce climat d’échange spontané. A partir du ressenti à chaud, la violence et la charge émotive de certaines scènes fit le reste. Si Le puits inscrit son action dans l’histoire de la guerre d’Algérie au début des années 50, le film ne s’apparente pas à un film de guerre mais plutôt à un drame en huit clos proche de la tragédie antique. Un lieu-dit se trouve encerclé par une patrouille de l’armée française à la poursuite de Moudjahidines. Un petit groupe de soldats décide de faire le siège du village en attendant des renforts. Ils prennent position autour du village en faisant savoir qu’ils abattront toute personne qui passe l’enclave des habitations. A l’intérieur la population composée de vieillards, de femmes et d’enfants qui dépérissent assoiffés, tente de trouver une issue.

Une réflexion sur la société

Il n’y a pas de combat mais une situation absurde comme la guerre, qui conduit inévitablement à la mort. On pense aux Sept samouraïs de Kurosawa, sans les samouraïs. Le Puits a reçu le soutien des autorités, il représente l’Algérie aux 89e Oscars. Il peut répondre aux critères valorisant de l’indépendance nationale mais ne s’inscrit pas pour autant dans sa glorification. Tourné en 2015, ce film apporte un regard sur le monde actuel à la lumière de l’histoire.

Sous couvert du respect de la tradition, le réalisateur pose les bases d’une réflexion sur la société. Lotfi Bouchouchi explore des thèmes comme la violence de l’éducation, la force de la détermination, l’émancipation. L’instinct maternel qui apparaît au premier plan sert de levier pour aborder la place des femmes qui tiennent tête aux dignitaires religieux par leur vivacité d’esprit, leur courage et leur capacité d’action. Au-delà même du contexte algérien, Le puits rejoint les problématiques de la femme occidentale dont l’affirmation et la force est souvent mise en sourdine. La métaphore de l’eau polluée dont le poison se répand et d’un lieu de vie n’offrant aucune issue pouvant être extrapolée à bien des situations. Ce film peut aussi être lu comme une leçon de résistance et de liberté face au monde actuel.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise, 07/02/2017

Voir aussi : Rubrique, Cinéma, rubrique Algérie,

Smith & Matthieu Barbin : « De nouvelles formes peuvent exister dans le chaos »

Matthieu Barbin dans Traum, une fiction multidisciplinaire en cours de création.  Photo dr

Matthieu Barbin dans Traum, une fiction multidisciplinaire en cours de création.Photo dr

Entretien
En janvier le centre chorégraphique national ICI accueillait en résidence  la plasticienne et cinéaste  Dorothée Smith et le chorégraphe Matthieu Barbin qui travaillent sur une fiction multidisciplinaire et fragmentaire autour de la métamorphose. «Traum» casse les codes de la narration classique. La résidence a donné lieu à une expo, deux projections et une performance chorégraphique à Montpellier. Le travail se poursuit au Centre national de la danse à Pantin.

Si Traum aborde la question de la métamorphose, c’est aussi une création qui semble en mutation permanente. Comment s’est déroulée votre rencontre et qu’a-t-elle transformé ?

Smith. Nous nous sommes rencontrés il y a deux ans. J’étais sur le projet d’écriture du scénario du film. Une fiction futuriste, qui décrit l’amitié de deux cosmonautes dont l’un devient un héros spatial tandis que l’autre narcoleptique, devient l’opérateur du lancement de la fusée. Mais il s’endort et provoque la mort de son ami. Suite à cet accident, il reste hanté par ce souvenir traumatique  au point de perdre son intégrité mentale et corporelle. Au départ il y avait l’idée de situer l’intrigue depuis le point de vue d’un personnage vivant des traumatismes. Celui qui tue, éprouve  des pulsions de retour, des pulsions de mort. On passe d’une réalité à l’autre. Le film joue sur différents registres d’image et de réalité. On est dans un état d’entre- deux lié au sommeil et à la mort.

Dans mon travail , je questionne les médiums . Sur ce projet nous avons cherché à constituer une sorte d’archipel autour de la mutation originale dans un système où s’imbriquent les écritures. Le défi avec Matthieu a été de retraduire et recontextualiser les questions pour les réinjecter hors champs dans le contexte du spectacle vivant. Nous avons opéré des ajustements sur le fond et la forme. Cela nous a permis de revisiter certains endroits, de repenser la notion d’être dedans et dehors.

© SMITH / Spectre Productions / Galerie les Filles du Calvaire 2016

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Où situez-vous la place de la fiction par rapport à l’objet proprement esthétique ?

Smith.A l’état foetal, le projet offre des possibilités de transformation intime, la fiction engendre et modifie la subjectivité des personnages. Elle permet par ailleurs de lier différents centres d’intérêt dans une histoire qui forme une galaxie faisant tenir tous les éléments. J’aimerais que cela soit lu à partir des lunettes du monde dans lequel nous sommes.

Matthieu. La fiction est nécessaire dans les temps troubles. Elle autorise l’extrapolation de principes scientifiques que l’on ne peut pas appliquer à l’échelle humaine comme la physique quantique. La fonction des ondes n’est pas une entité exclusivement symbolique. Le spectacle vivant offre la possibilité d’inclure des outils permettant une expression de cette nature. La narration induit un effet  miroir chez les spectateurs qui sont renvoyés à un signifiant sensible. Il y a le besoin d’un retour à l’histoire pour se mouvoir. Dans la première phase de ce projet, nous avons accumulé beaucoup de matière théorique. Maintenant il faut laisser les choses décanter pour faire émerger la poésie.

Comment se déroule votre collaboration avec les chercheurs ?

Smith. J’aime travailler avec des scientifiques. La Science et l’art ont des langages différents. L’art produit du savoir au même titre que la science. Avec une plus grande liberté pourrait-on penser, mais pas forcément…Les disciplines ont littéralement à apprendre les unes des autres. Nous avons travaillé avec des astrophysiciens pour approcher la physique quantique mais aussi avec des philosophes ou des psychologues cliniciens. C’est une manière d’appréhender le monde de manière différente. A  partir de là, on s’est demandé comment nous pouvions créer. Nous croisons les disciplines et les théories scientifiques. Les chercheurs se servent de notre travail pour enrichir leurs travaux. Dans la phase de création nous invitons des gens qui viennent du monde artistique, technique, théorique à s’impliquer en tant que collaborateur. Nous participons aussi à des rencontres débats qui nous font sortir de la sphère artistique.

th_e73b93a01332ac556c73823f9550a5f4_1467628926SMITH_TRAUM_pictures_019Dans la performance  chorégraphique présentée en sortie de résidence au CCN de Montpellier le corps semble alterner entre conscience et inconscience ?

Matthieu. On voulait se donner la possibilité de l’impossibilité du corps. Travailler sur son absence. Dans la vie, on fait porter au corps des charges qui ne sont pas les sienne, mais en réalité, il peut s’avérer très utile ou inutile. La pièce dessine des formes sans les arrêter. Elles s’esquissent juste. Le corps est un corps dont on pourrait se débarrasser, pour le remplacer par des poèmes ou des chants. Cette notion était un des enjeux du travail. Le plateau fonctionne comme un système imbriqué d’écritures. Texte, lumière, musique, corps, images, composent cet univers, chacun des éléments pouvant s’effacer. On a quand même eu besoin de  créer des repères. La présence du  texte dans le spectacle permet vraiment cela. C’est en anglais, mais avec des résonances, des répétitions qui balisent un peu. Il y a aussi une porte quantique. Une terre inconnue vers laquelle ont essaye d’attirer les gens.

A propos de résonance, la question de la perte d’identité fait écho à notre monde et peut générer un certain nombre d’inquiétudes or, dans votre travail, elle apparaît plutôt comme une forme de plaisir de la perte. S’ouvrir à de nouvelles formes esthétiques suppose-t-il de s’affranchir des formes critiques ?

Matthieu. Nous traversons une époque  de totale indétermination. C’est un état de fait. Cet état de jouissance de la perte, peut exister,  pas uniquement comme porte possible pour un après…

Smith. Nous ne sommes pas dans un rapport d’épouvante. Cet état participe au processus post-modern. On traverse un moment de déconstruction des identités. Le film évoque un traumatisme qui pulvérise l’identité et qui nous plonge dans le neutre. Cela n’exclut pas une nouvelle création. De nouvelles formes peuvent exister dans ce chaos. Nous tentons de les faire émerger.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

La création Traum devrait voir le jour à l’automne au Théâtre de la Cité à Paris.

Source : La Marseillaise 10/02/2017

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Jim Jarmusch, un grand cinéaste du temps

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Critique de cinéma, journaliste et commissaire de l’exposition Jarmusch, à découvrir à la Galerie de Bruxelles jusqu’au 12 février, Philippe Azoury signe un petit essai qui suit et épouse le cours d’une grande œuvre.

La singuliarité des films de Jim Jarmusch n’a d’égal que celle des francs-tireurs indépendants du septième art, tels David Lynch, John Cassavetes, de ce côté de l’Atlantique, on songe à Godard, Fassbinder, ou Wenders, c’est-à-dire des cinéastes qui ont inventé leur propre langue cinématographique et développé un style propre qui personnalise le cinéma, en se tenant souvent à distance de la cavalerie. Ceux qu’on ne supporte pas ou qui nous font succomber.

Le sens de la narration

Dans le bel hommage que lui rend Philippe Azoury avec son livre, Jim Jarmusch une autre allure (éditions Capricci), le journaliste critique, évoque les premières grandes leçons que retiendra Jim qui vit sa jeunesse les pieds dans le rock, la tête dans la poésie.  » Jim Jarmusch a appris à faire du cinéma dans la rue, Nicholas Ray lui a instruit les rudiments de la bagarre. William S. Burroughs – qu’il allait visiter dans son bunker avec Howard Brookner, son meilleur ami à la fac – lui a montré comment charger une arme dans le respect, au sens politique et poétique du terme. Le punk et la no wave ont fait le reste ».

Jim Jarmusch est né à Akron dans l’Ohio en 1953. Il débute sa carrière au cinéma à 26 ans avec Permanent Vacation. Les première images de son premier film sont des ralentis rappelle Philippe Azoury dont le livre se découpe film par film dans un montage maillé de traces émotives et de réflexions. « Dans Wall Sreet, une armée de zombies avance d’un pas cotonneux et amniotique. Ils vont sans désir et par grappes en direction d’un travail, où invariablement on les exploite. » Les dés ont été jetés le réalisateur va tracer son sillon. On pense à Peterson actuellement sur les écrans où le quotidien répétitif du personnage principal, un chauffeur de bus poète, se révèle passionnant par la qualité de la lenteur du temps qui passe. Les images de Jirmusch font toucher l’éternité à la portée de notre main. La composition allie une retenue émotionnel et une ouverture totale à l’expérience qui nous attend au coin de la rue. La poésie y trouve toujours une place de William Blake à William Carlos Williams en passant par Emily Dickinson.

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Modernité dans les décombres

Philippe Azoury signe un livre sensible et juste dans lequel les amateurs des films de Jarmusch se retrouvent. Sa filmographie compte une quinzaine d’oeuvres, qui ont toutes connu une carrière internationale. Parmi lesquelles on peut citer, Down by Law (1986), Dead Man (1995), Gosth Dog (1999), Broken FLowers (2005), Only Lovers Left Alive (2013), Paterson (2016). Le cinéaste aime l’élégance Mitelleuropa comme il aime les néons des zones urbaines asiatiques et le monde en général. Un monde toujours ouvert avec lequel il prend des distances pour mieux le réinterpréter. « New-York, ça n’existe pas, Eva. Cela tu dois le savoir. Ce que tu prends pour New York, c’est juste le son d’un moteur d’avion posé sur le terrain vague au milieu de nulle part. » On peut se demander pourquoi ce film, Stranger than Paradise, où les personnages apparaissent comme des atomes perdus dans le vide, a fait un carton ?

Cet étrange ralliement des spectateurs autour de l’oeuvre de Jim Jirmusch tient sans doute au fait que son cinéma s’adresse au sens. Si bien que quand Philippe Azoury évoque ce sentiment d’appropriation de l’univers Jarmuschien, au point de pénétrer dans les rues que le réalisateur dessine avec sa caméra pour s’y établir un espace de survie, on saisit parfaitement de quoi il parle. « J’adore habiter chez Jarmusch quand j’en ai marre d’ici – et je sais trop combien j’en ai marre d’ici. »

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 09/01/2017

Jim Jarmusch une autre allure », Editions Capricci 8,95 euros

Voir aussi : Rubrique Cinéma, The Limits of Control, rubrique Livre,

 

Un an d’arts sur les chapeaux de roues et parfois sur les jantes

Culture Languedoc


2016 fut une année de rebondissements dans le domaine des politiques culturelles impactées par la réforme territoriale. Cette rétrospective se concentre sur l’énergie artistique qui demeure et doit plus que jamais être défendue.

La chorégraphie restitue la dimension comique de l’oeuvre. Photo Marc Ginot

La boite à joujoux. Photo Marc Ginot

Janvier. Fondé sur les écritures contemporaines le festival Marseillais Actoral fait escale à Montpellier à l’invitation de Rodrigo García. Dirigé par Hubert Colas, le festival propose des rencontres inédites et surprenantes entre des auteurs, on retient notamment la performance du jeune chorégraphe croate, Matija Ferlin, celle de Anne-James Chaton à la Panacée et la rayonnante présence de Lydie Salvayre. A l’Opéra Comédie, l’ONM et Montpellier Danse s’associent autour de l’univers onirique de Debussy. Le chorégraphe Hamid El Kalmouse livre une version inédite de La boite à Joujoux.  Invité par la librairie Sauramps, l’auteur américain des Appalaches Ron Rash évoque son oeuvre de roc à Montpellier.

agnes-jaoui-j-ai-tres-envie-que-la-musique-fasse-partie-integrante-de-mes-films,M227098Février. Le Sonambule innove à Gignac avec un BD concert initié par le groupe rock Skeleton Band.  Au théâtre La Vignette à Montpellier la compagnie Moébus, s’attaque à la figure du bouc émissaire avec Pharmakos. Dans La brebis galeuse de Celestini donnée à Béziers et mis en scène par Dag Jeanneret à sortieOuest, Nicola superbement interprété par Christian Mazzuchini rêve de supermarchés merveilleux, de films intergalactiques, de chansons à la guimauve et de femmes dociles. La réalisatrice actrice et chanteuse, Agnès Jaoui interprète son dernier album Nostalgias au Théâtre de Sète.

3e volet de La France vue d’ici pour la 8e édition du festival sétois . Photo Patrice Terraz

3e volet de La France vue d’ici pour la 8e édition du festival sétois . Photo Patrice Terraz

Mars. La documentaliste néerlandaise Heddy Honigmann, le polonais Jerzy Skolimowski, l’algérien Farid Bentoumi, l’écrivain et réalisateur français Pascal Bonitzer, comptent parmi les invités du Festival de cinéma Itinérances d’Alès qui place le cirque et la musique au coeur de sa 34e édition. Quatre photographes chiliens tirent le portrait de Sète dans le cadre de la 8e édition du festival ImageSingulières. L’équipe célèbre les 30 ans de l’Agence VU à travers un coup de projecteurs sur sept grands photographes espagnols. L’Espagnol Alberto Garcia-Alix et le Suédois Anders Petersen confrontent leur regard. Au Corum, la mise en scène de l’Opéra Bouffe Geneviève de Brabant par Carlos Wagner reconduit sans mignardise l’immédiateté sensible d’Offenbach vers de nouvelles potentialités.

Marlène Monteiros Freitas

Marlène Monteiros Freitas « Jaguar »

Avril. Invité par Montpellier Danse, la chorégraphe Marlène Monteiros Freitas pose  ses valises pour une semaine à Montpellier. Ses figures du grotesque et son esprit subversif et sensible transpercent les murs. Elle  présente Jaguar, à La Vignette et Paradis au CDN hTh. Le plasticien brésilien Mauricio Oliveira fait étape à l’hôpital de Lodève où ses travaux sont exposés. Invitée par la librairie  L’Échappée belle, Patti Smith débarque à Sète pour une lecture de son dernier opus M Train qui dessine la carte de son existence. A Pézenas, la 17e édition du festival de chanson le Printival met à l’honneur la chanson francophone dans toute sa diversité.

L' Orchestre arabo-andalou de Fès

L’ Orchestre arabo-andalou de Fès

Mai. Le 11e festival Arabesques met en lumière la richesse des cultures arabes. Il débute avec la présence exceptionnelle de l’Orchestre arabo-andalou de Fès à l’Opéra Comédie. L’hypnotisante outiste syrienne Waed Bouhassoun, offre un superbe récital. Au Théâtre Jean-Claude-Carrière, elle chante des poèmes d’Adonis, Mansur al-Hajjal, d’al-Mulawwah, et d’Ibn Arabi sur ses propres compositions. Le thème des Vanités revu et corrigé par huit artistes contemporains donne lieu à une expo au musée d’Arts et d’archéologie aux Matelles. La Comédie du Livre de Montpellier convoque les meilleures plumes de l’Italie pour une édition ardente. A Sérignan, le Mrac pousse les murs avec la complicité de l’artiste contemporain, Bruno Peinado.

1376689_506_obj9181828-1_667x333Juin. Le Musée Fabre de Montpellier est à l’initiative d’une rétrospective internationale consacrée à l’une des figures majeures du pré-impressionnisme. L’exposition Frédéric Bazille,  la jeunesse de l’impressionnisme, est organisée avec le musée d’Orsay à Paris et la National Gallery of Art de Washington. Elle présente les travaux de ses contemporains (Delacroix, Courbet, Corot, Manet, Monet, Renoir, Sisley…). François Guérif est l’invité d’honneur du Firn à Frontignan à l’occasion des 30 ans de la collection Rivages/Noir. Autour du thème Mort de rire, cette 19e édition reçoit la participation exceptionnelle de quatre auteurs américains venant pour la première fois en France : Christa Faust, Daniel Friedman J. David Osborne et P.G. Sturges.

« Le Sacre du Printemps », une chorégraphie de Pina Bausch, interprétée par le Tanztheater Wuppertal Pina Bausch dans les Arènes de Nîmes.

« Le Sacre du Printemps », une chorégraphie de Pina Bausch, interprétée par le Tanztheater Wuppertal Pina Bausch dans les Arènes de Nîmes.

Aux Arènes de Nîmes, la chorégraphe Pina Bausch s’offre un triomphe posthume avec la reprise de Café Müller et  du  Sacre du printemps accompagnés par un orchestre de 100 musiciens. The Encounter, première française de l’auteur britannique Simon Mc Burney embarque le public du Printemps des Comédiens au fin fond de la forêt amazonienne pour y vivre une expérience onirique qui frappe à la porte du réel. Proposé par hTh, Nowhere, la performance en solo du  chef Marino Formenti, ouvre un espace musical urbain de sept jours où le temps s’abolit.

Albert Ibokwe Khoza dans une chorégraphe performance de Robyn Orlin

Albert Ibokwe Khoza dans une chorégraphe performance de Robyn Orlin

Juillet. Avec Du désir d’horizons présentée au Festival Montpellier Danse, Salia Sanou approche l’indicible et l’absurde condition de vie d’un camp de réfugiés. La rencontre inévitable entre le performer Albert Ibokwe Khoza et la chorégraphe sud africaine Robyn Orlin nous transporte dans la radicalité de l’histoire. La 26e édition du Festival de Thau qui mixe cultures musicales de la planète et conscience écologique affirme sa singularité. La programmation  s’affiche avec une forte présence africaine doublée d’une thématique sur les femmes engagées à l’image des Amazones d’Afrique. Cent poètes traversent les rives tels des prophètes de la paix, pour investir la ville de Sète à l’occasion du Festival Voix Vives en Méditerranée. Le Festival de Radio France défie la peur sur le thème Voyage en Orient, à l’instar de la soirée d’ouverture Mille et quelques nuits réunissant Lambert Wilson, Karine Deshayes, Michael Schønwandt et l’Orchestre national de Montpellier autour des secrets de Shéhérazade.

Ballake Sissoko & Vincent Ségal

Ballake Sissoko & Vincent Ségal

Août. Fiest’A Sète poursuit le défrichage des musiques du  monde associant fraîcheur et pertinence musicale inédites comme la rencontre entre le Libanais Bachar Mar-Khalife et la sublime Natacha Atlas où celle entre Ballake Sissoko & Vincent Ségal.

Patrick Boucheron aux Chapiteaux du livre

Patrick Boucheron aux Chapiteaux du livre

Septembre. A sortieOuest, la rentrée culturelle se fête en lecture avec Les Chapiteaux du Livre. Les auteurs invités à Béziers s’emparent de l’histoire contemporaine pour la mettre en débat, s’y retrouvent notamment Patrick Boucheron, Chloé Delaume, Jean-Hugues Oppel.

Au Cinemed Jo sol Antigone D'or 2016

Au Cinemed Jo sol Antigone D’or 2016

Octobre. Avec une vingtaine de films projetés, le Cinemed consacre cette année une large place à l’émergence cinématographique tunisienne. Présidé par Laetitia Casta, le jury  de  la 38ème  édition du Cinemed attribue le prix de l’Antigone d’or à Vivre et autres fictions  de Jo Sol.

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Hearing de Koohestani au Théâtre La Vignette

Novembre. Le pôle culturel de l’université Paul-Valéry et le Théâtre La Vignette reçoivent le dramaturge iranien Amir Reza Koohestani pour deux jours. Le Rockstore fête ses 30 ans. A cette occasion la salle de concert mythique de Montpellier concocte une programmation béton et éclectique sur un mois complet.

Dave Clarke I love Tecno

Dave Clarke I love Techno

Décembre. Laurent Garnier,   Dave Clarke, Ben Klock, Marcel Dettman… Les plus grands noms de la techno se retrouvent au Parc Expo de Montpellier pour I Love Techno Europe. Le cinéaste Costa-Gavras évoque la première partie de sa carrière à Montpellier à la Médiathèque Fellini.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 30 /12/2016

Voir aussi ; Culture Hérault 2015 Rétrospective #2  Rubrique Théâtre, rubrique Festival, rubrique Cinéma, rubrique Artrubrique Photo, rubrique Danse, rubrique Exposition, rubrique Livres, Littératures, rubrique Musique, rubrique Politique culturelle,