Les exilés du monde maîtres de notre imaginaire collectif

Printemps des Comédiens. La Tempête – Le Songe d’une nuit d’été

 

Dans le cadre du Printemps des Comédiens, Interstices & La Bulle Bleue présentent au CDN de Montpellier un diptyque shakespearien revigorant. La mise en scène signée Marie Lamachère associe une équipe de comédiens fraîchement sortis du conservatoire à la troupe de La Bulle Bleue, pour nous entraîner dans une odyssée peuplée des personnages du Songe d’une nuit d’été et de La Tempête. Deux pièces où le dramaturge mine tout rapport « normal » ou « naturel » à la réalité. Fantastique occasion saisie pour ouvrir la voie à d’autres régimes de perception et venir sensiblement enrichir les mille et une versions du répertoire.

 

Le bal s’ouvre avec turbulence dans La Tempête. Qu’on se le dise, cette adaptation renouvelée emporte dans son tourbillon toute velléité du spectateur à suivre un déroulement linéaire. Une intension qui serait du reste parfaitement incongrue en plein déchaînement des éléments. Dans cette version tumultueuse, ce qui pique notre intérêt et embrasse l’ampleur de l’œuvre de Shakespeare, c’est justement la diversité de la vie que l’on peut y trouver. Un catalogue dans lequel le dramaturge intègre volontiers le comique et le grotesque.

Si la tempête était une allégorie de notre époque nous serions bien inspirés d’infléchir nos attentes, pour faire appel à tous nos sens et mieux nous adapter au contexte du moment…C’est dans cette nouvelle disposition d’intérêts que l’on glisse vers des contours mal identifiés, aux frontières du flou et pourtant reconnaissables dans le regard de l’autre.

Avec La Tempête, Marie Lamachère retranscrit l’univers des bannis, un peu à la manière de Didi et Gogo, les deux vagabonds d’En attendant Godot, de Beckett. L’univers de la marge que n’a pas choisi Prospero, et moins encore sa fille Miranda, est celui de l’errance. Ce sont aux exilés du monde malgré eux à qui il est donné de conquérir notre imaginaire collectif.

La scénographie joue sur une superposition de niveaux adaptée à une mise en scène en patchwork où les morceaux colorés dessinent un grand tout. À l’avant scène, l’île est symbolisée par un plateau carré avec une cabane, espace intime partagé par le Duc légitime de Milan et sa fille. Des captations vidéos nous transportent sur les rivages de la Méditerranée occidentale et l’arrière du plateau ouvre sur une sorte de hors-champ, espace de transition du troisième type qui achève la déconstruction de l’unité de temps. Ou du moins qui ouvre sur une poétique du temps où se rejoignent le temps qui est passé et le temps qu’il fait. Mais pour Marie Lamachère c’est le mouvement qui compte, celui qui sans cesse déplace les lignes et défait les contours.

Ce dispositif privilégie les registres de théâtralité d’une équipe de vingt comédiens occupant de très vastes territoires. Hier dispersés et invisibles, les comédiens brûlent les planches de la scène au sein d’une troupe où ils incarnent une solide figure collective. La force des liens qui les unissent emporte le spectateur. Quand Le Songe d’une nuit d’été succède à La Tempête, on réalise vraiment la qualité du travail mené par cette équipe. Le jeu est vigoureux. Les variations subtiles entre comédie et poésie, extravagance et contrôle, gravité et philosophie s’enchaînent et délivrent un récit qui s’abreuvent aux sources shakespeariennes, en donnant de grandes latitudes au jeu d’acteur.

Après s’être déplacée notre curiosité se ravive ; quelle nouvelle histoire a fait irruption sur la scène et qu’est-elle en train d’inscrire sous nos yeux, rejoignant même à certain moment la question que s’est longtemps posée Shakespeare : Qui suis je ?

On rit de bon cœur. Sur scène le comique de situation alterne avec l’angoisse comique qui s’exprime dans le sentiment des uns et des autres de n’avoir plus prise sur le réel, plus particulièrement dans Le Songe où l’amour est sorcellerie. La langue s’apprivoise à travers différentes approches se rattachant toujours à la loi commune de libération et respect de l’individu, et dans ce mouvement de recomposition l’œuvre du dramaturge trouve l’occasion d’un nouveau voyage qui pénètre les âmes.

Jean-Marie Dinh

 

Miranda dans l’orage, de John William Waterhouse.

La Tempête – Le Songe d’une nuit d’été jusqu’au 11 juin au Théâtre des treize vents, à Montpellier.

Source altermidi 10 juin 2023

 

Marie Lamachère évoque sa création
La Tempête – Le Songe d’une nuit d’été

 

« Shakespeare fait honneur à la capacité de métamorphose »

 

Le Songe d’une nuit d’été, mis en scène par Marie Lamachère dans le cadre du Printemps des Comédiens, au Théâtre des Treize Vents.

 

 

Shakespeare libère les instincts, notamment à travers les deux pièces que vous avez choisies. D’où provient ce choix ?

J’ai travaillé sur Shakespeare comme actrice à un moment donné et je sais que pour les acteurs, arpenter Shakespeare est un endroit où on trouve des ressources pour jouer parce que c’est une sorte de machinerie théâtrale, une machine à inventer. C’est très joueur, très libre et aussi une sacrée aventure de se plonger dans ce genre de texte qui a été mille fois jouer. Je souhaitais partager cela avec les acteurs de La Bulle Bleue qui n’avaient jamais monté de classiques. Arpenter les textes classiques du répertoire c’est aussi prendre pied dans l’histoire commune du théâtre. Avec Shakespeare on partage une culture théâtrale et on se dit humblement “qu’est ce que je vais apporter à cette histoire commune ?”. D’une certaine façon, pour moi c’est aussi une manière de dire : « Vous n’êtes pas juste à la marge, même si la marge peut avoir sa beauté, vous n’êtes pas juste tolérés dans le champ artistique, vous y prenez vraiment part et vous allez l’enrichir.

 

Qu’avez-vous privilégié dans le travail avec les acteurs ?

Des choses très différentes parce que c’est une équipe très hétérogène. Il y a dix acteurs de La Bulle Bleue et dix jeunes acteurs qui ont fait des écoles. J’ai un plateau très hétérogène, c’est précisément ce qui m’intéresse. J’ai privilégié un sentiment de liberté, quelque chose de très ludique dans le travail et l’hétérogénéité de plateau, c’est-à-dire des registres de théâtralité différents. Il y a les dimensions ludiques, le fait que les joueurs ne sont pas sérieux, et il y a des thématiques importantes qui sont celles de la pièce en termes de sujets traités, d’intensité émotionnelle, mais par contre du point de vue de la forme ce n’est pas sérieux.

 

Quelle place a pris l’imprévu ?

Il y a une part d’imprévu à certains endroits, sur certaines scènes. Dans son écriture j’ai toujours l’impression que Shakespeare rend hommage aux acteurs. Dans Le Songe on voit des comédiens en répétition, dans La Tempête il y a un personnage d’acteur ou metteur en scène. Il y a un jeu de théâtre dans le théâtre, comme ça, qui est permanent. Shakespeare fait honneur à la capacité de métamorphose et rend hommage aux acteurs et aux actrices. J’ai voulu ouvrir une sorte de possibilité pour les acteurs de se rendre visibles, d’exprimer des qualités de jeu et des possibilités de théâtre différentes. La pièce est une espèce de collage infernal, exactement comme dans un rêve.

 

Les rêves et les métamorphoses nous entraînent dans un monde aux lois différentes du nôtre. Quels repères avez-vous donnés à l’équipe dans ce corpus plein de résonance sur la condition humaine ?

C’est d’abord les acteurs et les actrices de La Bulle Bleue qui avaient envie de monter ces textes. En travaillant avec eux j’ai eu l’impression de pouvoir relire Shakespeare. C’est une espèce de métaphore d’allégories comme si on entrait dans le crâne de quelqu’un avec des images. J’ai l’impression d’arpenter ces pièces comme on arpente les idées dans un crâne. Les artistes de La Bulle Bleue ont une pratique théâtrale quotidienne profonde. En partie lié à leur trajectoire de vie, pour trouver des chemins ils ont dû s’accepter en tant qu’eux-même et être acceptés par la société. Ce sont des personnes qui vivent des aventures intenses. Je les vois un peu comme les Ulysse de notre époque. Je pense qu’il y a une densité d’expériences chez certains de ces artistes qui amène une intelligence d’acteur singulière.

 

Comment avez-vous travaillé l’intensité émotionnelle et dramatique ?

En ce moment je suis en discussion avec eux pour mesurer à quel point ils font de la comédie. Même si La Tempête est assez sombre à certains endroits, il y a une dimension de comédie. Il ne faut pas tirer vers le mélodrame, et en même temps la beauté de l’écriture de Shakespeare, c’est qu’il y a une intensité émotionnelle qu’il faut prendre, entre guillemets au sérieux, c’est-à-dire qu’il ne faut pas être sérieux dans la forme mais l’être dans l’intensité, dans le mouvement de vie, dans l’élan… notamment sur la question du désir ou de l’amour dans Le Songe. De même dans La Tempête, si on reste sur l’aspect magique de Prospero on peut manquer le silence qu’il a entretenu sur les origines de sa fille. Miranda apprend la vérité sur sa propre histoire douze ans après, c’est quand même un profond trauma’… et donc si on n’arrive pas à saisir un peu de cette intensité, quelque part on noie la vitalité de l’œuvre et sa capacité à transposer théâtralement les aventures humaines.

 

Pourquoi avoir choisi d’élargir la troupe de La Bulle Bleue en invitant d’autres jeunes comédiens ?

J’avais envie d’une expérience partagée avec des rencontres. Parce que m’étant moi-même extrêmement enrichie au contact des artistes de La Bulle Bleue1, je désirais que d’autres artistes les rencontrent, parce que cela en vaut vraiment la peine. Les acteurs de La Bulle Bleue sont d’une éthique professionnelle vraiment impressionnante, très pro’, très exigeants vis-à-vis d’eux-mêmes et très précis dans leur rapport à leur art. Cela fait des artistes immédiatement engagés dans ce qu’ils ont à faire, ce qui simplifie beaucoup de choses dans la rencontre avec des jeunes artistes qui commencent pour la plupart dans leur chemin de travail. Ce ne sont pas du tout les mêmes univers, et du coup ça apporte. C’est très complémentaire, certains sont dans un énorme appétit de théâtre parce qu’ils commencent et d’autres sont dans un énorme goût du théâtre parce que c’est un élément fondamental de leur existence. C’est très riche humainement et artistiquement.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

 

Source altermidi 10 juin 2023

Printemps des comédiens. Un banquet littéraire du Marquis de Sade servi par Isabelle Huppert

photo Marie Clauzade

photo Marie Clauzade

Qui s’intéresse à l’écriture échappe difficilement à l’attraction pour Sade, qui aime les actrices et les comédiennes ne peut être insensible au parcours imprévisible d’Isabelle Huppert. De quoi saisir l’engouement pour cette lecture, étonnement donnée dans les conditions d’un spectacle. A Montpellier, lors d’une soirée de fin de printemps, Isabelle lit Sade dans le grand amphi du Domaine d’O, face à 1 200 spectateurs.

Sa frêle silhouette d’adolescente se dessine sur la grande scène. Elle paraît fragile, dans sa robe légère rouge vermillon. Pourtant,  le rythme sec de ses petits pas, la détermination avec laquelle elle traverse la scène, indiquent que cette pieuse image pourrait être une apparence.

Photo Marie Clauzade

Photo Marie Clauzade

La première de Juliette et Justine, le vice et la vertu a été donnée en janvier 2013 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, depuis  l’actrice  reprend régulièrement le spectacle, comme un souffle, qu’elle intercalerait selon ses désirs entre ses nombreux projets. « Il y a un suspense, une naïveté, commente-t-elle à propos du spectacle. C’est pathétique, bien sûr, mais la chose que je ressens en lisant Sade, c’est l’humour.»

A vrai dire, cette risée silencieuse que la comédienne interprète parfaitement en l’enfouissant profondément en elle,  démasque les fondements de notre savoir. Elle ébranle la norme, l’alliance du trône et de l’autel, du pouvoir et de la croyance…

Tantôt Justine, perdue par la vertu, tantôt Juliette triomphant par le vice, Isabelle nous fait entrer dans l’immensité du texte, dont les extraits sélectionnés par Raphaël Enthoven composent un récit. Les textes choisis se trouvent en position charnière, portant les instances de refoulement de l’oeuvre sadienne, immoralisme, érotisme, folie, littérature, inconscient, font surgir la pensée s’y trouvant enfermée

. Par l’écriture et la fiction, Sade permet au crime de trouver sa voie. C’est l’auteur qui a vaincu le miroir narcissique et se retrouve de fait au coeur de l’actualité contemporaine. Dans la bouche d’Isabelle Huppert, l’écriture méditée de Sade nous traverse corporellement comme une radiographie.

JMDH

Source La Marseillaise 23/06/2017

Voir aussi : Actualité locale, Rubrique Livre, Lecture, rubrique Philosophie rubrique Montpellier, rubrique Festival, rubrique Théâtre,

Premier déplacement en région pour Françoise Nyssen

Philippe Saurel et Françoise Nyssen photo JMDI

Philippe Saurel et Françoise Nyssen photo JMDI

Visite
La nouvelle ministre de la Culture était vendredi à Montpellier où elle s’est dit à l’écoute des territoires.

« C’est pour nous l’occasion de lier un peu plus notre travail avec les services de l’Etat et le ministère de la Culture car seuls, nous existons mais à plusieurs, nous sommes plus forts ». Philippe Saurel, maire de Montpellier, exclu du PS en 2014, aujourd’hui soutien d’Emmanuel Macron, affichait vendredi un large sourire au côté de la ministre de la Culture qui a choisi sa ville pour sa première visite décentralisée.

Après une matinée de rencontre à la DRAC, la ministre qui a «pu (se) rendre compte du travail qui avait été accompli. Non seulement dans son contenu mais aussi pour reconfigurer une grande région, ce qui n’a pas été une mince affaire » a déjeuné avec Philippe Saurel au Centre contemporain la Panacée.

Avant de rejoindre le Printemps des Comédiens, elle s’est rendue à la librairie Sauramps pour porter un soutien symbolique aux salariés victimes d’un redressement judiciaire.

« Ce dossier me touche. Il concerne la notion même de vie culturelle. Il y a le CNL, les organisations professionnelles, les dispositifs locaux qui pourront se mettre en place, mais il faut d’abord un entrepreneur et c’est aussi là où l’on peut mesurer l’importance des entrepreneurs de la culture. Une ville comme Montpellier sans une librairie de cette importance, ce n’est même pas envisageable.»

A la tête de la Maison d’édition Actes Sud à Arles (13), Françoise Nyssen s’est illustrée comme une entrepreneuse avec le Méjean associant  lieu d’exposition librairie, restaurant, hammam et cinéma. « J’ai créé un écosystème, mais au risque de vous décevoir nous ne luttions pas pour la décentralisation. Nous faisions les choses  là où nous nous trouvions. Et nous avons décentralisé notre bureau à Paris » confie la ministre, plus à l’aise sur ce terrain que sur la question de la concentration dans le secteur de la presse.

JMDH

Source : La Marseillaise 03/06/2017

Voir aussi ;   Rubrique Politique culturellePhilippe Saurel « Il faut batîr Montpellier destination culture », rubrique Festival rubrique Art, rubrique Exposition, rubrique Livres, rubrique Rencontre, Nicolas Bourriaud « disposer d’institutions qui ressemblent à leur territoire » rubrique Montpellier,

Montpellier : « Une chambre en Inde » d’Ariane Mnouchkine ouvre le Printemps des Comédiens

Photo Marie Clauzade

Photo Marie Clauzade

Donné à la Cartoucherie, ce spectacle d’Ariane Mnouchkine n’est pas une création, mais à Montpellier, ce fil d’Ariane ouvre le Printemps des Comédiens comme système d’aide à la navigation dans une 31e édition où le théâtre interroge le monde par différents endroits.

Pour Une chambre en Inde, Mouchkine a emmené toute sa troupe du Soleil au Sud de l’Inde, à la découverte d’une tradition théâtrale tamoule populaire. Ce n’est pas pour autant une pièce sur l’Inde, plutôt une tentative d’éclairer les impasses du monde, et la façon dont elles sont vécues en France à la lumière indienne.

Cette lumière nous déshabille des jugements préfabriqués qui polluent notre regard en le rendant trouble et incertain. Cette lumière repose sur la confiance et le courage. Elle induit de l’optimisme sans emprunter les chemins de fuite du sécuritaire ou du prêt à consommer. Une chambre en Inde est une transposition loufoque de l’angoisse. On lutte contre le drame en érigeant une névrose… La névrose du bonheur, celle d’être là ensemble, prêt à mourir et à rire.

Jean-Marie Dinh

 Les 2,3,4,7,8,9 et 10 juin . Informations et réservations : www.printempsdescomédiens.com

Source : La Marseillaise

02/06/2017

Voir aussi : Rubrique Théâtre, rubrique Montpellier rubrique Festival,

Entretien Philippe Saurel « Il faut batîr Montpellier destination culture »

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Dans le milieu de la culture, il faut laisser de l’autonomie liée à l’identité du fonctionnement

Entretien
Montpellier terre de toutes les cultures, c’est le défi que lance le maire et président de la Métropole Philippe Saurel qui s’en explique ici.

Montpellier et sa Métropole bénéficient d’une croissance démographique soutenue, d’une densité universitaire et d’une mobilité internationale importante sur un territoire qui rencontre des difficultés socio-économiques. Sur quoi repose votre vision de la politique culturelle ?
Il faut bâtir  le hashtag #MontpellierDestination Culture. Pour y parvenir nous avons les ingrédients que vous avez cités, la croissance de la ville, sa jeunesse, le caractère universitaire « d’une ville monde ». C’est-à-dire une ville dans laquelle se reflètent tous les visages de la planète.

Parmi les faits nouveaux vous affirmez la volonté de développer les arts plastiques…
Nous mettons l’accent sur l’art contemporain. Un maillon de la chaîne qui était un peu défaillant et que nous allons traiter de manière originale. Nicolas Bourriaud  en assure la direction artistique à la tête d’un EPPC qui comprendra la Panacée, à laquelle viendra s’ajouter le MoKo un nouveau Centre d’Art. Ces deux lieux seront liés à l’école des Beaux Arts. Ce triptyque doit maintenant s’ adosser à une fondation pour faire venir les collections et éventuellement financer des projets. Nous sommes en cours de réflexion pour trouver la personne idoine qui présidera l’EPPC, comme Aurélie Filippetti préside le Cinemed et donne son éclat au festival du cinéma Méditerranéen. La notion d’enseignement avec  les Beaux Arts pourrait s’étendre à l’Ecole nationale d’architecture,  et la Faculté des lettres et sciences humaines. Nous travaillons actuellement à la rédaction d’un protocole d’accord sur la culture entre La Métropole et Montpellier 3.

Votre champ opérationnel s’est élargi avec le transfert de compétences du Département …
En effet, par le truchement du  transfert de compétences, nous avons reçu en legs le Domaine D’O,  le Printemps des Comédiens,  Folie d’O et Arabesques. Trois grands festivals qui viennent compléter le dispositif prestigieux dont nous disposions déjà.

Qu’en est-il pour le festival jeune public Saperlipopette ?
Je pense que Saperlipopette devrait rester sous l’égide départementale. Si ce n’était pas le cas on le conservera.  C’est un très bon festival.

Les 25 agents transférés doivent-ils s’attendre à un changement de culture ?
Le transfert s’est opéré à partir de la signature début janvier 2017. A ce jour, on ne voit toujours pas le logo de la Métropole sur le Théâtre Jean-Claude Carrière. Nous nous sommes donnés un an pour faire le transfert et discuter avec tous les acteurs. En 2017 c’est le Département qui reste maître d’ouvrage sur la programmation et le financement du Théâtre d’O.

Quelles perspectives à moyen terme?
D’après la délibération jointe à la signature du contrat, tant que nous gardons le festival, le Département s’engage à le financer. Il n’y a donc aucun problème sur la pérennité des festivals.

Quelle est votre vision de la construction de la coopération concernant les structures et les hommes ?
Parlons des hommes. Je leur laisse une totale liberté. Jean-Paul Montanari, Valérie Chevalier,  Nicolas Bourriaud, font ce qu’ils veulent.

Il peut apparaître des contradictions entre une vision internationale et une programmation culturelle qui répond aux attentes.  Cela s’est illustré avec Rodrigo Garcia.
Je n’ai eu aucun problème avec Rodrigo Garcia. Sa programmation artistique est magnifique. Elle ne concerne pas tous les publics mais je l’ai défendue. Nicolas Bourriaud peut répondre à la  contradiction que vous soulevez. Le projet qu’il conduit dispose des deux dimensions. Il a collé au ventre, la soif de montrer que Paris  est contournable et que l’on peut développer une programmation internationale à Montpellier. Il faut que l’art décape !

Prenez-vous en compte la singularité des domaines artistiques ? Le théâtre par exemple en tant qu’art politique…
Le théâtre est à la fois le plus incisif et le plus fragile des secteurs artistiques. Dans les sociétés totalitaires, les régimes politiques durs ont toujours combattu en priorité, le théâtre et le livre. En même temps le théâtre est un vase d’expansion des fresques carnavalesques en passant par le théâtre de rue de Molière. Pendant la guerre en Allemagne et ailleurs, les pièces qui ont commencé à être données sur le ton de la dérision ont rapidement été interdites. C’est un domaine artistique très subtil.

Dans la problématique financière liée aux deux orchestres nationaux métropolitains Montpellier licencie et Toulouse embauche ce qui semble annoncer la fin du lyrique à Montpellier ?
Non, aujourd’hui un expert a été nommé par l’Etat pour rendre un rapport dans les deux mois, sur la situation réelle des finances de l’OONM. En fonction de ce rapport, avec le Drac j’inviterai les actionnaires pour évoquer la situation.

Porter cette réflexion sur la seule dimension financière résume la situation…
C’est le problème principal parce que des dépense non prévues ont fait jour à la fin de l’année. La Métropole est le premier financeur avec 13 M d’euros. Il nous revient de  trouver une issue à cette situation.

Comment miser sur la culture au niveau international et abandonner l’Orchestre ?
Je ne vise pas à l’abandon de l’Orchestre tout au contraire. Mais pour garder l’Orchestre, il faut peut-être revoir un certain nombre de ses fonctionnements internes à l’aune du rapport qui sera rendu. Il faut d’abord sauver l’OONM et après le booster.

Au chapitre de la nouvelle donne de la décentralisation entre Marseille et Toulouse  comment envisagez vous les relations inter-métropolitaines coopération ou concurrence ?
J’entretiens d’excellentes relations avec Toulouse notre capitale régionale. Cela n’empêche pas que le maire de Toulouse joue pour sa ville et le maire de Montpellier également, mais on est capables de se parler et de travailler ensemble. Avec Jean-Claude Gaudin nous avons évoqué le fait de tisser des liens entre les opéras de Marseille et Montpellier. Nous pourrions aussi faire des échanges de musiciens avec l’Opéra de Palerme.

En matière de coopération décentralisée souhaitez-vous raffermir la notion d’identité méditerranéenne ?
De civilisation méditerranéenne, cette idée il est important de la faire ressurgir parce qu’elle génère une forme d’apaisement. Il suffit que l’on visite à Palerme le Palais des Normands pour constater que le plafond de cette chapelle palatine est décoré avec des sourates du Coran.

Privilégiez-vous la gestion particulière des différents lieux ou une gestion commune ?
Dans le milieu de la culture, il faut laisser de l’autonomie liée à l’identité du fonctionnement. En revanche, au niveau des services de la Métropole et de la Ville nous allons créer une direction mutualisée de la culture. Et les organigrammes feront état de fonctions mutualisées ou pas.

Envisagez-vous l’apport de financements privés ?
J’y suis favorable sous toutes ses formes à une seule condition. Que la gouvernance de  la logistique liée à l’exercice de la compétence reste à la Métropole

Quelle place prend la culture dans votre vie quotidienne ?
La culture est omniprésente. Je ne peut pas séparer la culture de la décision politique.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Source : La Marseillaise 23/02/2017

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