Boualem Sansal : du totalitarisme de Big Brother à l’islamisme radical

 Boualem Sansal


Boualem Sansal Photo DR


Dans son nouveau livre, 2084, La fin du monde, Boualem Sansal imagine l’avènement d’un empire planétaire intégriste. L’auteur redoute la montée en puissance de l’islamisme dans une version «totalitaire et conquérante».

Boualem Sansal est un écrivain algérien censuré dans son pays d’origine à cause de sa position très critique envers le pouvoir en place. Son dernier livre 2084, la fin du monde vient de paraître au éditions Gallimard.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

Votre nouveau livre s’intitule 2084 en référence au 1984 de George Orwell. De Jean-Claude Michéa à Laurent Obertone, de Alain Finkielkraut à Christophe Guilluy en passant par un comité de journaliste emmené par Natacha Polony, l’écrivain britannique est partout. En quoi son œuvre fait-elle écho à notre réalité?

Boualem Sansal: L’œuvre de George Orwell fait écho à notre besoin d’éclairer l’avenir, d’indiquer des caps, d’avoir une vision large et longue. Face à l’urgence de la crise, la dictature de l’immédiateté est en train d’écraser toute réflexion profonde et stratégique. Celle-ci se fait notamment dans les universités, mais ces dernières sont coupées du grand public et des acteurs politiques. La littérature est un moyen efficace de porter cette réflexion longue sur la place publique et de mobiliser les opinions. Dans 1984, Orwell avait prédit que le monde serait divisé en trois gigantesques empires Océania, Estasia et Eurasia, qui se feraient la guerre en permanence pour dominer la planète. Aujourd’hui, les Etats-Unis, l’Europe occidentale et la Chine se disputent le pouvoir mondial. Mais un quatrième concurrent décidé et intelligent émerge et progresse de manière spectaculaire. Il s’agit du totalitarisme islamique.

Pour imaginer l’empire intégriste de 2084, vous êtes-vous inspiré de l’actualité en particulier de la progression de l’Etat islamique?

Mon livre dépasse l’actualité et notamment la question de Daech car l’islamisme se répand dans le monde autrement que par la voie de cette organisation qui, comme dans l’évolution des espèces, est une branche condamnée. Cet «État» sème la terreur et le chaos, mais est appelé à disparaître. En revanche, l’islamisme, dans sa version totalitaire et conquérante, s’inscrit dans un processus lent et complexe. Sa montée en puissance passe par la violence, mais pas seulement. Elle se fait également à travers l’enrichissement des pays musulmans, la création d’une finance islamique, l’investissement dans l’enseignement, les médias ou les activités caritatives. L’Abistan est le résultat de cette stratégie de long terme.

L’Abistan, l’empire que vous décrivez, fait beaucoup penser à l’Iran …

L’Abistan est contrôlé par un guide suprême et un appareil qui sont omniprésents, mais invisibles, tandis que le peuple a été ramené à l’état domestique. Entre les deux, une oligarchie qui dirige. Un peu comme en Iran où on ne voit pratiquement pas l’ayatollah Khamenei, guide suprême de la Révolution. L’Iran est un grand pays, qui a planifié un véritable projet politique tandis que Daech est davantage dans l’improvisation et le banditisme. L’État islamique est trop faible intellectuellement pour tenir sur la durée. L’Iran a l’habileté de se servir du terrorisme pour détourner l’attention et obtenir des concessions des pays occidentaux comme l’accord sur le nucléaire qui vient d’être signé avec les Etats-Unis. L’Iran chiite pourrait détruire Daech et ainsi passé pour un sauveur auprès des sunnites majoritaires qui lui feraient allégeance. Selon moi, l’État islamique est une diversion. La Turquie, dernier califat, est aussi dans un processus mental très profond de reconstitution de l’empire Ottoman. Il y aura probablement une compétition entre Ankara et Téhéran pour le leadership du futur empire. Cependant la position géographique de l’Iran est un atout. L’Iran est situé en Asie, entre l’Irak, à l’ouest, et l’Afghanistan et le Pakistan, à l’est. Il a également des frontières communes, au nord, avec l’Azerbaïdjan et le Turkménistan. Ces pays riches en matières premières pourraient être les satellites de l’Abistan à partir desquels il poursuivra son expansion.

Vous écrivez: «La religion peut faire aimer Dieu mais elle fait détester l’homme et haïr l’humanité.» Toutes les religions ont-elles un potentiel totalitaire ou l’islam est-il spécifiquement incompatible avec la démocratie?

Toute religion qui sort de sa vocation de nourrir le dialogue entre l’homme et son créateur et s’aventure dans le champ politique recèle un potentiel totalitaire. Par le passé, l’Église catholique a fait et défait des royaumes, marié les princes et éradiqué des populations entières comme en Amérique du Sud. Dans le cas de la religion catholique, il s’agissait d’une dérive. Contrairement à l’islam qui se situe par essence dans le champ politique. Le prophète Mahomet est un chef d’Etat et un chef de guerre qui a utilisé sa religion à des fins tactiques et politiques. Par ailleurs, les textes eux-mêmes ont une dimension totalitaire puisque la charia (loi islamique), qui se fonde sur les textes sacrés de l’islam que sont le Coran, les hadiths et la Sunna, légifère sur absolument tous les aspects de la vie: les interactions avec les autres, l’héritage, le statut social, celui de la femme, celui des esclaves. Il n’y a rien qui ne soit pas encadré et défini dans le détail y compris la manière dont le croyant doit aller faire pipi! Un robot a plus de degré de liberté qu’un musulman qui appliquerait sa religion radicalement. Malheureusement, l’islam ne laisse théoriquement aucune place à l’interprétation des textes. Au XIIe siècle, il a été décidé que le Coran était la parole incréée de Dieu et qu’aucun humain ne pouvait le discuter. Il s’agissait d’une décision purement politique prise par les califes de l’époque qui voyaient leur légitimité contestée. Le prophète lui-même prônait le débat contradictoire autour des textes. La perte de cette tradition dialectique après le XIIe siècle a coïncidé avec le déclin de civilisation orientale.

Dans Le village de l’Allemand (Gallimard, 2008) vous faites le parallèle entre nazisme et islamisme radical. Quel est le point commun entre ces deux idéologies?

Nazisme et islamisme sont deux totalitarismes fondés sur le culte du chef charismatique, l’idéologie érigée en religion, l’extinction de toute opposition et la militarisation de la société. Historiquement, les frères musulmans, qui sont les premiers théoriciens de l’islamisme, se sont ouvertement inspirés de l’idéologie nazie à travers leur chef de l’époque, le grand mufti de Jérusalem, Haj Mohammad Amin al-Husseini. Celui-ci a noué une alliance avec Hitler et a participé activement à la guerre et à la Shoah en créant notamment des bataillons arabes nazis. Lors de sa rencontre avec le chancelier allemand, le 28 novembre 1941, et dans ses émissions de radio, Hadj Amin al-Husseini affirme que les juifs sont les ennemis communs de l’islam et de l’Allemagne nazie. Depuis cette période, l’extermination des juifs, qui ne figure pas dans le Coran, est devenu un leitmotiv de l’islamisme aggravé par le conflit israélo-palestinien.

Le totalitarisme décrit par Orwell est matérialiste et laïque. Plus encore que l’islamisme, le danger qui guette l’Occident n’est-il pas celui d’un totalitarisme soft du marché, de la technique et des normes qui transformerait petit à petit l’individu libre en un consommateur docile et passif?

Oui, c’est le monde que décrit Orwell dans 1984, très proche de celui que nous connaissons aujourd’hui où les individus sont domestiqués par la consommation, par l’argent, mais aussi par le droit. Ce dernier domine désormais les politiques, mais aussi le bon sens populaire. Le but est de conditionner l’individu. Cependant, ce système fondé sur l’alliance entre Wall Street et les élites technocratiques arrive à épuisement en même temps que les ressources naturelles. Dans cinquante ans, il n’y aura plus de pétrole et le problème de la répartition des richesses sera encore accru. Il faudra mettre en place un système encore plus coercitif. Une dictature planétaire, non plus laïque mais religieuse, pourrait alors de substituer au système actuel qui devient trop compliqué à cause de la raréfaction des ressources.

En quoi l’islamisme se nourrit-il du désert des valeurs occidentales?

Plus que la perte des valeurs, c’est la peur qui mène vers la religion et plus encore vers l’extrémisme. Depuis la naissance de l’humanité, la peur est à la source de tout: des meilleures inventions mais aussi des comportements les plus irrationnels. Face à la peur, des individus éduqués et intelligents perdent tout sens critique. La situation de désarroi dans laquelle se trouve l’Occident tient à la peur: peur du terrorisme, peur de l’immigration, du réchauffement climatique, de l’épuisement des ressources. Devant l’impuissance de la démocratie face à ces crises, la machine s’emballe. Il faut noter que le basculement dans l’islamisme ne touche plus seulement des personnes de culture musulmane. D’anciens laïcs ou d’anciens chrétiens sont de plus en plus nombreux à se convertir puis à se radicaliser.

Existe-t-il un chemin à trouver entre ce que Régis Debray appelle le «progressisme des imbéciles» et l’archaïsme des ayatollahs?

Dans l’histoire, l’humanité a toujours trouvé des solutions à ses problèmes, même ceux qui paraissaient les plus insolubles. Dans certains cas, la peur provoque des éclairs de génie. Hitler semblait avoir gagné la Seconde guerre mondiale, mais la peur que l’hitlérisme se répande partout dans le monde a provoqué un réveil salvateur. C’est l’intelligence qui a vaincu l’hitlérisme. Quand les Américains sont entrés en guerre, ils devaient fournir aux combattants européens armes et ravitaillements. Les cinq-cents premiers navires ont tous été coulés par les sous-marins allemands. L’Europe paraissait fichue et les Américains ont compris que sans celle-ci, ils étaient eux-mêmes morts. Alors, ils ont accéléré la recherche sur la bombe atomique et surtout ils ont inventé la recherche opérationnelle en mathématique qui a permis aux bateaux d’arriver à destination. Dans 1984, le héros d’Orwell, Winston Smith, meurt. Dans 2084, j’ai choisi une fin plus optimiste. J’offre la possibilité à mon héros, Ati, de s’en sortir en échappant à son univers. En traversant la frontière, qu’elle soit réelle ou symbolique, un nouveau champ des possibles s’ouvre à lui.

Dans Le Village de l’Allemand, Malrich, le personnage principal, prophétise: «A ce train, la cité sera bientôt une République islamique parfaitement constituée. Vous devrez alors lui faire la guerre si vous voulez seulement la contenir dans ses frontières actuelles.» La France a-t-elle fait preuve de naïveté à l’égard de l’islam radical?

Tout le monde a fait preuve de naïveté à l’égard de l’islamisme, y compris les pays musulmans. Dans Gouverner au nom d’Allah, je raconte la montée de l’islamisme en Algérie dans les années 80. Les premiers jeunes qui portaient des tenues afghanes nous faisaient sourire. Puis le phénomène a pris une ampleur inimaginable notamment dans les banlieues dans lesquelles nous ne pouvions plus entrer, pas même les policiers ou les militaires. Nous sommes le premier pays au monde à avoir interdit le voile islamique dans les lieux publics en 1991. Celui-ci «poussait» dans tous les sens et était devenu un signe symbolique de reconnaissance. J’ai été auditionné lors du vote de la loi sur le port de signes religieux à l’école en 2004. J’ai apporté aux députés français les coupures de la presse algérienne de 1991. Le débat était le même aux mots près.

Vous avez vécu le traumatisme de la guerre civile en Algérie. Peut-on vraiment comparer la situation de l’Algérie et celle de la France comme vous le faite?Notre héritage historique est totalement différent …

Si l’on regarde de près la situation française, l’islamisme s’est d’abord développé dans des banlieues majoritairement peuplée de musulmans: des «little Algérie» comme il y a un little Italy à New-York. Quand je suis allé dans certaines banlieues françaises pour les besoin de l’écriture du Village de l’Allemand, j’étais en Algérie: les mêmes cafés, les mêmes commerces, les mêmes tissus, la même langue. Dans un contexte de mondialisation et de pression migratoire, les équilibres nationaux sont bouleversés. Il y a un siècle ou deux l’Algérie était un horizon lointain. Aujourd’hui Alger est à deux heures d’avion de Paris. L’Algérie est devenue la banlieue de la France. Enfin, le web et les chaînes satellitaires ont accéléré le processus. Plus besoin de prédicateur pour répandre «la bonne parole», il suffit d’une connexion internet. L’islamisme gagne du terrain à une vitesse spectaculaire.

Source : Le Figaro Vox 04/09/2015

Voir aussi : Rubrique Livre, Littérature, Littérature Arabe,

La plupart des migrants ne se réfugient pas en Europe

AUFRUHR, AUFSTAND, BEVOELKERUNGSAUFSTAND, REGIERUNGSKRISE, KRISEImmigration Sur 60 millions de réfugiés ou demandeurs d’asile dans le monde, l’Europe en accueille 4 millions. La majorité s’établissent au Moyen-Orient, en Afrique ou en Asie.

L’Europe fait face à un afflux de réfugiés sans précédent cette année. Selon FranceInter, près de 200 000 demandes d’asile ont été déposées sur le Vieux Continent depuis le début de l’année. Amnesty international juge toutefois que le mouvement migratoire actuellement en cours est le plus important depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et provoque des «situations humanitaires dramatiques» dans les centres d’accueil.

En dépit de l’inquiétude grandissante en Europe et de la récupération politique de la thématique migratoire, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) rappelle que seule une minorité de réfugiés tentent véritablement de s’établir dans un pays européen. Selon la RTS qui relaye les chiffres du HCR, la plupart des requérants d’asile s’établissent dans un pays voisin du leur, c’est-à-dire dans la région limitrophe d’une zone de conflit.

Ainsi, le programme de l’ONU estime que, sur un total de 60 millions de réfugiés à l’échelle mondiale, 26 millions s’établissent en Asie, 18 en Afrique, 7 en Amériques et 4 en Europe. La Turquie (1,6 million), le Pakistan (1,5) et le Liban (1,2) en abriteraient le plus. Par ailleurs, aucun pays européen ne figure dans la liste des 10 premiers qui recueillent le plus de personnes en cours de procédure d’asile.

De forts contrastes

Les statistiques mettent par ailleurs le doigt sur la densité de requérants d’asile par rapport à la population résidente. Si, dans le petit Liban, un quart des habitants sont des réfugiés, les données du continent européen reflètent, pour leur part, une densité minime se rapprochant d’un pour cent. C’est notamment le cas en Suisse où, dans le détail, 48’000 personnes étaient en cours de procédure d’asile en 2014 sur un total de plus de 8 millions d’habitants.

Concernant le conflit syrien, il est également relevé que la majorité des réfugiés s’établit en Turquie et au Liban et que seule une minorité tentent la traversée vers l’Europe (voir le graphique du HCR ci-dessous concernant la proportion de réfugiés syriens par pays).

A l’échelle mondiale, la répartition des demandeurs d’asile est donc particulièrement forte dans les pays pauvres. Si les centres d’accueil européens débordent actuellement en Italie et Grèce selon LeMonde.fr, les camps de réfugiés des pays pauvres seraient d’une toute autre échelle. La ville de Dadaab au Kenya peut, à elle-même, symboliser cette forte différence de grandeur. La ville située à quelques kilomètres de la frontière somalienne accueille près de 500’000 réfugiés. A titre de comparaison, près de 350’000 migrants ont rejoint un pays européen en traversant la mer Méditerranée depuis le début de l’année selon l’Organisation internationale pour les migrations.

Benjamin Fleury

Source : La Tribune de Genève 03/09/2015

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Politique, Politique de l’immigration, Rubrique Europe,

L’insoutenable pression mondiale sur la société civile

ap_452198600993_spip-81c07

Selon un nouveau rapport, six personnes sur sept vivent dans des pays où les libertés civiques sont menacées, alors que les organisations qui les défendent connaissent des difficultés financières et font l’objet de pressions politiques et d’autres formes de harcèlement.

Dans son rapport sur l’état de la société civile (2015 State of Civil Society Report), CIVICUS, une alliance mondiale d’organisations de la société civile, estime que partout dans le monde, les organisations de la société civile ont également été touchées par les attaques portées à la liberté d’expression, poussant son directeur exécutif, Dhananjayan Sriskandarajah, à qualifier la situation « d’insoutenable ».

Mandeep Tiwana, responsable des politiques et du plaidoyer chez CIVICUS, a expliqué aux journalistes d’Equal Times que, ces dernières années, des organisations de la société civile – qui comprennent des organisations non gouvernementales, des syndicats et des groupes confessionnels – se sont battus en première ligne lors de nombreuses urgences humanitaires, y compris à l’occasion de la crise d’Ebola et des bombardements à Gaza.

« Alors que les organisations de la société civile n’ont eu de cesse de prouver leur valeur lors de crises mondiales, notamment lors d’actions humanitaires à la suite de catastrophes, dans la résolution de conflits, dans les phases de reconstruction après un conflit et pour combler l’important déficit démocratique dans le monde, le secteur de la société civile tout entier connaît de graves problèmes de moyens », explique-t-il.

« Il s’agit d’une insuffisance de fonds, surtout pour les petites organisations de la société civile qui en ont besoin pour garantir leur pérennité à long terme, mais aussi d’environnements réglementaires restrictifs qui empêchent la mobilisation de ressources au niveau national comme international. »

Le rapport s’inquiète également du faible niveau de financement public consacré à la société civile : sur les 166 milliards de dollars US destinés à l’aide publique au développement par les principaux pays bailleurs de fonds en 2013, seulement 13 % – soit 21 milliards de dollars US – ont été attribués à la société civile.

Plus de fonds pour les dissidents

Pour certains défenseurs des droits humains, l’une des raisons de la situation est que les gouvernements veulent affaiblir les organisations de la société civile exprimant une opinion différente et faisant campagne pour un changement de politiques, et réduire leur financement.

Dans un essai intitulé The Clamp-down on Resourcing (Coup de frein aux ressources), Maina Kiai, le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion et d’association pacifiques, écrit : « Couper les ressources financières est une façon facile pour un gouvernement de réduire au silence une organisation de la société civile qui se montre un peu trop critique. »

Maina Kiai donne l’exemple de l’Éthiopie où les autorités ont adopté une loi en 2009 qui interdit aux organisations de la société civile qui travaillent dans les domaines de l’égalité et des droits des enfants de recevoir plus de 10 % de leur financement de sources étrangères.

Des actes similaires ont également eu lieu au Pakistan, en Turquie et en Russie, où, plus tôt dans l’année, Amnesty International a critiqué le président russe, Vladimir Poutine, qui avait introduit une loi qualifiant d’indésirables les organisations étrangères représentant une menace pour la « sécurité de l’État » ou « l’ordre constitutionnel ».

Pour Marta Pardavi, une prééminente défenseuse des droits humains hongroise, les conclusions de CIVICUS sont cohérentes avec ce que vivent les organisations en Hongrie.

« Le secteur des ONG indépendantes, qui comptent sur des financements étrangers et qui adoptent souvent des positions critiques envers les politiques gouvernementales, subit des contrôles sans précédent de la part des autorités, comme des enquêtes fiscales, et est victime d’insinuations politiques dévalorisantes », explique-t-elle.

« Réagir à toutes ses attaques, aux critiques non fondées et aux actions en justice constitue une charge de travail supplémentaire pour nombre d’ONG, les empêchant de mener à bien leurs projets et les entraînant dans une politisation d’activités essentiellement non partisanes. »

Dhananjayan Sriskandarajah estime que cette réaction violente à l’échelle mondiale contre la société civile est très inquiétante.

« Malgré le travail incroyable que mène la société civile, elle est toujours attaquée. Rien qu’en 2014, nous avons prouvé de graves atteintes à “l’espace civique” – libertés d’expression, syndicale et de réunion – dans pas moins de 96 pays du monde entier », poursuit-il.

« Pour noircir encore le tableau, les organisations ayant le plus besoin de fonds, principalement basées dans l’hémisphère sud, ne reçoivent qu’une partie des milliards de dollars attribués au secteur. C’est une situation insoutenable. Nombre de bailleurs de fonds savent que la société civile accomplit un travail essentiel, mais il faut faire preuve d’encore plus de courage pour garantir la survie de celles et ceux qui se battent en première ligne. »

by Mischa Wilmers

Source : Equal Times 31/08/2015

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique  Politique, Politique Internationale, Société civile, rubrique Société, citoyenneté,

Le Brésil, septième économie mondiale, est entré en récession

Un bureau de changes, le 24 août 2015 à Rio de Janeiro ( AFP / VANDERLEI ALMEIDA )

Un bureau de changes, le 24 août 2015 à Rio de Janeiro ( AFP / VANDERLEI ALMEIDA )

Le Brésil, septième puissance économique mondiale, est entré en récession au deuxième trimestre, à un moment où d’autres grands pays émergents comme la Russie et la Chine connaissent un ralentissement de leur croissance, voire une contraction de leur PIB.

C’est la première fois en six ans, depuis le premier trimestre 2009, que le Brésil se retrouve en « récession technique », qui se caractérise par deux trimestres consécutifs de recul du produit intérieur brut (PIB), a annoncé vendredi l’Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE, public).

Selon les prédictions des analystes, cette période de reflux devrait durer au moins deux ans.

Le PIB du Brésil, première économie d’Amérique latine, a baissé de 1,9% au deuxième trimestre, une chute supérieure à celle prévue par les analystes des banques étrangères et brésiliennes. Au premier trimestre, le produit intérieur brut avait reculé de 0,7%, a rappelé l’IBGE.

Une « forte récession » marquée par « une inflation et des taux d’intérêt en hausse » sur fond de « nécessité d’un ajustement budgétaire qui n’arrive pas. Cela affecte la confiance des investisseurs, des entrepreneurs et des consommateurs », a déclaré à l’AFP Alex Agostini, économiste chef de l’agence de notation brésilienne Austin Rating.

Le tout, a-t-il souligné, « dans une conjoncture politique assez trouble ».

Conjoncture difficile 

La présidente de gauche Dilma Rousseff, 67 ans, pâtit en effet des retombées du scandale de corruption au sein de la compagnie pétrolière publique Petrobras qui éclabousse la coalition de centre gauche au pouvoir.

Elle lutte aussi pour faire passer au Parlement un dur ajustement budgétaire qui lui coûte cher du point de vue politique, même auprès de ses partisans.

Le Brésil a enregistré en juillet un déficit budgétaire primaire de 10 milliards de réais (2,78 milliards de dollars), le plus important depuis qu’il a commencé à être calculé en 2001, a annoncé vendredi la banque centrale. Sur un an, ce déficit (calculé hors service de la dette) représente 0,89% du PIB du pays.

La popularité de Mme Rousseff a dégringolé à 8%, faisant d’elle la dirigeante du Brésil la plus impopulaire en 30 ans, moins de huit mois après sa réélection pour un second mandat de quatre ans. Certains secteurs réclament sa destitution, d’autres, très minoritaires, le retour à la dictature.

Et ce tandis que la conjoncture économique s’annonce de plus en plus difficile, l’inflation frôlant déjà les deux chiffres à 9,56% et le taux directeur de la banque centrale étant à 14,25%, son plus haut niveau en neuf ans.

Le chômage grimpe également et le réal, la monnaie nationale, s’est déprécié de 25% depuis le début de l’année.

« Au moins, nous allons mal pour une bonne cause », se console André Perfeito, du consultant Gradual Investimentos à Sao Paulo, avant d’expliquer : « Le Brésil fait un ajustement très fort pour freiner l’inflation, un ajustement à caractère récessif, qui freine la demande ».

Le Brésil n’est pas le seul 

Après une hausse spectaculaire de 7,5% du PIB en 2010 qui avait fait du Brésil un des chouchous des investisseurs au sein des pays émergents, son économie a rapidement commencé à ralentir, enregistrant une croissance de 2,7% en 2011, 1% en 2012, 2,5% en 2013 et de 0,1% seulement en 2014.

Mais le Brésil n’est pas le seul Etat membre du groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à être en difficulté.

La Russie traverse ainsi une profonde récession en raison des sanctions liées à la crise ukrainienne et de la chute des cours du pétrole, qui ont provoqué un effondrement du rouble fin 2014, pénalisant pouvoir d’achat et consommation. La chute du PIB pourrait atteindre 4% cette année, a récemment déclaré le conseiller économique du Kremlin, Andreï Belooussov.

Le ralentissement en Chine pèse par ailleurs particulièrement sur le Brésil. Ce géant asiatique est en effet son premier partenaire commercial dont il importe surtout des matières premières, comme le minerai de fer.

Une relance à court terme de l’économie brésilienne est d’ores et déjà écartée. Le marché prévoit une récession tout le long de cette année, avec une chute du PIB de 2,06%, et celle-ci se prolongerait en 2016, avec une baisse de 0,26%.

« Si cela se confirmait, ce serait le pire résultat de l’économie brésilienne au cours des 85 dernières années puisque la dernière fois que cela est arrivé, c’était en 1930-31 », note l’expert Alex Agostini.

Source : AFP 28/08/2015

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Brésil, rubrique BRICS, rubrique Economie,

Krach boursier : une comparaison entre la Chine et les Etats-Unis

Fotolia_41996796_XS

Par

? Après le krach de lundi, notre bureau de Pékin nous a envoyé une question désespérée : « Qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on conseille aux investisseurs de tenir bon ? »

Les Chinois sont néophytes, en termes d’investissement. Le capitalisme de marché n’a été autorisé qu’en 1979. Depuis, les investisseurs chinois n’ont connu que la hausse. Si on voulait faire fortune grâce aux actions, ces 35 dernières années, il suffisait de conserver.

En Occident, au moins, il reste quelques vétérans qui se souviennent de périodes plus anciennes — entre 1968 et 1982, par exemple, avant que la partie ne soit truquée — où les actions ne grimpaient pas toujours. Et il demeurait toujours quelques doutes concernant les vraies raisons du grand boom et comment il pourrait se terminer.

En Chine, cependant, personne ou presque n’a jamais vu de marché baissier ou de récession. Les Chinois sont tous convaincus (pour autant que nous puissions en juger) que la Chine va continuer à se développer — économiquement et militairement — jusqu’à dominer le monde.

C’est peut-être encore vrai — mais les Chinois découvrent en ce moment que même lorsqu’on grimpe d’un bon pas, on peut toujours se tordre la cheville et s’écorcher le genou.

Aux Etats-Unis, en revanche, le boom est arrivé par étapes. La première étape a commencé en 1982 ; elle était saine et raisonnable. Elle a duré jusqu’en 1987. Les taux d’intérêt et l’inflation ont chuté, les actions ont grimpé.

Ensuite est arrivé le krach de 1987, au cours duquel les marchés ont enregistré leur plus grande chute de tous les temps — une baisse de 22% en un seul jour. Par la suite, Alan « Bulles » Greenspan a fait clairement comprendre qu’il ne jouerait plus le rôle de gardien honnête de la devise du pays et d’observateur indifférent des marchés. A partir de là, la Fed a été dans la poche de Wall Street… tandis que Wall Street était dans la poche de tout le reste du monde.

? Et puis les choses se sont vraiment gâtées…
Après 1987, la Fed a fourni de l’argent facile en abaissant son taux directeur. L’argent facile est passé par le secteur bancaire — lequel a retenu une commission substantielle au passage — avant d’aller gonfler les prix des actifs, ce qui a profité aux riches. L’un des plus riches parmi les riches est Donald Trump, qui aurait (selon lui-même) 10 milliards de dollars, et se présente désormais aux présidentielles.

La relance monétaire était censée être compensée par un resserrement, mais la Fed n’a pas tardé à stimuler bien plus qu’elle ne resserrait. Cela a été la deuxième étape du boom. L’événement le plus dramatique de cette étape a été le krach du Nasdaq en 2000. Bon nombre des dot.com les plus en vogue ont mis la clé sous la porte ; le Nasdaq lui-même a perdu plus de 70%. Mais le Dow et le S&P 500 n’ont pas tardé à se remettre.

A cette époque, on aurait dit que l’économie s’était mis un sac sur la tête

A cette époque, on aurait dit que l’économie s’était mis un sac sur la tête. Selon le jargon populaire, elle s’était « financiarisée ». Les ventes au détail ont grimpé, les ménages dépensant de l’argent qu’ils n’avaient pas sur des choses qu’ils ne pouvaient pas se permettre et dont ils n’avaient pas besoin. Une bonne partie de cet argent était obtenu en « retirant » de la valeur de leurs maisons. La finance hypothécaire était florissante, tandis que les pratiques de prêt se faisaient plus souples dans le secteur immobilier. Partout aux Etats-Unis se construisaient des centres commerciaux et des complexes immobiliers. Des entreprises, General Electric parmi les plus notables, changèrent de business model pour tirer parti du crédit facile. Et les grandes maisons de Long Island changèrent de mains — passant des rois du commerce et des titans de l’industrie aux banquiers et gestionnaires de hedge funds.

? … Jusqu’à atteindre le grotesque
Cette deuxième étape prit fin en 2008 avec l’explosion de la bulle immobilière. Commença alors une phase encore plus grotesque. Durant la troisième étape, la rivière de crédit facile coulant aux Etats-Unis s’est muée en tsunami, soulevant les valeurs US jusqu’à 300% plus haut que ce qu’elles avaient été au creux du krach et aggravant la pourriture rongeant l’économie. Les revenus des ménages chutèrent. Et le principal acheteur d’actions d’entreprises US devint… les entreprises US elles-mêmes.

C’est à ce moment-là que la Fed a abandonné toute apparence de politique monétaire équilibrée et sensée. Elle a préféré mettre son taux directeur proche de zéro et l’y a laissé pendant six ans.

Cette phase n’est pas terminée… mais la fin doit être en chemin. Quand ? Eh bien… nous ne le savons pas.

La chute des derniers jours n’était qu’un avertissement. Il est plus probable que nous assisterons à quelques errements… un rebond… et de la nervosité, mais pas de panique. Les experts expliqueront qu’il n’y a pas à s’inquiéter… que nous avons déjà vu de telles « corrections »… la meilleure chose à faire est d’acheter et de conserver. Cela a toujours fonctionné par le passé et fonctionnera à nouveau, etc.

Et soudain, nous verrons quelques jours durant lesquels le Dow clôturera en baisse de 1 000 points. Ce sera la fin de cette troisième phase.

Et ensuite ? Eh bien c’est à ce moment que Sainte Janet arrivera à la rescousse. Nous pouvons presque voir la couverture du TIME : Sainte Janet sur un cheval blanc… les rênes dans la main gauche et une bannière dans la main droite.

Sauf que… cette fois-ci, ce ne sera pas aussi facile. Les taux sont déjà à zéro ; que va-t-elle faire ? Les mettre sous le zéro ? Assouplir les critères de marge ? Nous interdire de faire des commentaires « négatifs » ? Accorder un crédit d’impôt aux Américains pour qu’ils puissent dépenser de l’argent ? Introduire le QE 4, où la Fed n’achètera plus seulement des obligations… mais aussi des actions !

Pour l’instant, c’est le cash, le cash, le cash… Le Cash est Roi. Cela changera quand la Fed entrera en action. Ce sera la quatrième et dernière étape du grand boom — quand les zombies et les compères contre-attaqueront… avec une gigantesque salve d’inflation. Tenez-vous bien !

* Bill Bonner est le fondateur et président d’Agora Inc., une maison d’édition publiant des lettres d’information confidentielles – probablement l’une des plus brillantes au monde. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450.000 lecteurs… ), il intervient également dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning.

Source : La Chronique Agora 26/08/2015

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Finance,