Krach boursier : une comparaison entre la Chine et les Etats-Unis

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? Après le krach de lundi, notre bureau de Pékin nous a envoyé une question désespérée : « Qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on conseille aux investisseurs de tenir bon ? »

Les Chinois sont néophytes, en termes d’investissement. Le capitalisme de marché n’a été autorisé qu’en 1979. Depuis, les investisseurs chinois n’ont connu que la hausse. Si on voulait faire fortune grâce aux actions, ces 35 dernières années, il suffisait de conserver.

En Occident, au moins, il reste quelques vétérans qui se souviennent de périodes plus anciennes — entre 1968 et 1982, par exemple, avant que la partie ne soit truquée — où les actions ne grimpaient pas toujours. Et il demeurait toujours quelques doutes concernant les vraies raisons du grand boom et comment il pourrait se terminer.

En Chine, cependant, personne ou presque n’a jamais vu de marché baissier ou de récession. Les Chinois sont tous convaincus (pour autant que nous puissions en juger) que la Chine va continuer à se développer — économiquement et militairement — jusqu’à dominer le monde.

C’est peut-être encore vrai — mais les Chinois découvrent en ce moment que même lorsqu’on grimpe d’un bon pas, on peut toujours se tordre la cheville et s’écorcher le genou.

Aux Etats-Unis, en revanche, le boom est arrivé par étapes. La première étape a commencé en 1982 ; elle était saine et raisonnable. Elle a duré jusqu’en 1987. Les taux d’intérêt et l’inflation ont chuté, les actions ont grimpé.

Ensuite est arrivé le krach de 1987, au cours duquel les marchés ont enregistré leur plus grande chute de tous les temps — une baisse de 22% en un seul jour. Par la suite, Alan « Bulles » Greenspan a fait clairement comprendre qu’il ne jouerait plus le rôle de gardien honnête de la devise du pays et d’observateur indifférent des marchés. A partir de là, la Fed a été dans la poche de Wall Street… tandis que Wall Street était dans la poche de tout le reste du monde.

? Et puis les choses se sont vraiment gâtées…
Après 1987, la Fed a fourni de l’argent facile en abaissant son taux directeur. L’argent facile est passé par le secteur bancaire — lequel a retenu une commission substantielle au passage — avant d’aller gonfler les prix des actifs, ce qui a profité aux riches. L’un des plus riches parmi les riches est Donald Trump, qui aurait (selon lui-même) 10 milliards de dollars, et se présente désormais aux présidentielles.

La relance monétaire était censée être compensée par un resserrement, mais la Fed n’a pas tardé à stimuler bien plus qu’elle ne resserrait. Cela a été la deuxième étape du boom. L’événement le plus dramatique de cette étape a été le krach du Nasdaq en 2000. Bon nombre des dot.com les plus en vogue ont mis la clé sous la porte ; le Nasdaq lui-même a perdu plus de 70%. Mais le Dow et le S&P 500 n’ont pas tardé à se remettre.

A cette époque, on aurait dit que l’économie s’était mis un sac sur la tête

A cette époque, on aurait dit que l’économie s’était mis un sac sur la tête. Selon le jargon populaire, elle s’était « financiarisée ». Les ventes au détail ont grimpé, les ménages dépensant de l’argent qu’ils n’avaient pas sur des choses qu’ils ne pouvaient pas se permettre et dont ils n’avaient pas besoin. Une bonne partie de cet argent était obtenu en « retirant » de la valeur de leurs maisons. La finance hypothécaire était florissante, tandis que les pratiques de prêt se faisaient plus souples dans le secteur immobilier. Partout aux Etats-Unis se construisaient des centres commerciaux et des complexes immobiliers. Des entreprises, General Electric parmi les plus notables, changèrent de business model pour tirer parti du crédit facile. Et les grandes maisons de Long Island changèrent de mains — passant des rois du commerce et des titans de l’industrie aux banquiers et gestionnaires de hedge funds.

? … Jusqu’à atteindre le grotesque
Cette deuxième étape prit fin en 2008 avec l’explosion de la bulle immobilière. Commença alors une phase encore plus grotesque. Durant la troisième étape, la rivière de crédit facile coulant aux Etats-Unis s’est muée en tsunami, soulevant les valeurs US jusqu’à 300% plus haut que ce qu’elles avaient été au creux du krach et aggravant la pourriture rongeant l’économie. Les revenus des ménages chutèrent. Et le principal acheteur d’actions d’entreprises US devint… les entreprises US elles-mêmes.

C’est à ce moment-là que la Fed a abandonné toute apparence de politique monétaire équilibrée et sensée. Elle a préféré mettre son taux directeur proche de zéro et l’y a laissé pendant six ans.

Cette phase n’est pas terminée… mais la fin doit être en chemin. Quand ? Eh bien… nous ne le savons pas.

La chute des derniers jours n’était qu’un avertissement. Il est plus probable que nous assisterons à quelques errements… un rebond… et de la nervosité, mais pas de panique. Les experts expliqueront qu’il n’y a pas à s’inquiéter… que nous avons déjà vu de telles « corrections »… la meilleure chose à faire est d’acheter et de conserver. Cela a toujours fonctionné par le passé et fonctionnera à nouveau, etc.

Et soudain, nous verrons quelques jours durant lesquels le Dow clôturera en baisse de 1 000 points. Ce sera la fin de cette troisième phase.

Et ensuite ? Eh bien c’est à ce moment que Sainte Janet arrivera à la rescousse. Nous pouvons presque voir la couverture du TIME : Sainte Janet sur un cheval blanc… les rênes dans la main gauche et une bannière dans la main droite.

Sauf que… cette fois-ci, ce ne sera pas aussi facile. Les taux sont déjà à zéro ; que va-t-elle faire ? Les mettre sous le zéro ? Assouplir les critères de marge ? Nous interdire de faire des commentaires « négatifs » ? Accorder un crédit d’impôt aux Américains pour qu’ils puissent dépenser de l’argent ? Introduire le QE 4, où la Fed n’achètera plus seulement des obligations… mais aussi des actions !

Pour l’instant, c’est le cash, le cash, le cash… Le Cash est Roi. Cela changera quand la Fed entrera en action. Ce sera la quatrième et dernière étape du grand boom — quand les zombies et les compères contre-attaqueront… avec une gigantesque salve d’inflation. Tenez-vous bien !

* Bill Bonner est le fondateur et président d’Agora Inc., une maison d’édition publiant des lettres d’information confidentielles – probablement l’une des plus brillantes au monde. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450.000 lecteurs… ), il intervient également dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning.

Source : La Chronique Agora 26/08/2015

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