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Allocations sociales : les Français n’y comprennent pas grand-chose
Une
C’est un rapport dont les tenants du choc de simplification devraient s’inquiéter. La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) dresse un constat assez embarrassant dans son étude «Prestations sociales: les personnes éligibles sont-elles les mieux informées?». Il apparaît en effet que non seulement certaines allocations pourtant courantes, sont à peu près inconnues du grand public, mais que même les plus connues sont loin d’être bien comprises. Pire encore: une partie non négligeable des allocataires ne saisissent pas exactement l’objectif de l’allocation qu’ils perçoivent.
Notoriété trompeuse
L’étude commence pourtant «bien» si on s’attache à la transparence du système social français auprès du grand public. Des allocations comme le RSA, les allocations familiales, la CMU les aides au logement ont un taux de notoriété entre 90% et 99%. Par contre, ce taux chute pour des prestations comme l’Allocation personnalisée d’autonomie (la moitié des sondés n’en ont jamais entendu parler). Quant à l’Aide médicale d’Etat (AME) ou l’Aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS), deux tiers des Français n’ont pas la moindre idée de quoi il s’agit.
Et l’affinage des résultats est plus embarrassant encore. Lorsque l’enquête demande aux sondés s’ils «savent assez précisément qui peut en bénéficier», les chiffres chutent, y compris pour les prestations les plus connues. Si les allocations familiales, dispositif assez simple, sont épargnées (71% des personnes interrogées connaissent bien le système), ce taux n’est plus que de 51% pour le RSA et de 34% pour la Prime pour l’emploi (remplacé depuis par la prime d’activité) alors qu’elle est pourtant incitative au retour à l’emploi.
Et de fortes disparités émergent selon les différents groupes sociaux. L’étude montre en effet que les jeunes et les personnes âgées de plus de 70 ans sont les moins bien informés, même si, dans toutes les catégories, les femmes ont un meilleur niveau de connaissance. Le niveau d’étude est aussi un facteur fort: l’obtention d’un diplôme va souvent de pair avec une bonne compréhension du système. Un paradoxe, puisque les plus intégrés étant par définition ceux ayant le moins de chances d’avoir besoin de la solidarité nationale, ils devraient être moins enclins à s’y intéresser. A l’autre bout de l’échelle, la catégorie la moins informée est ainsi celle des jeunes ouvriers.
Pire encore: l’ignorance des conditions précises d’attribution, et donc de l’objectif, d’une allocation sociale concerne y compris… les allocataires. Seuls 27% des bénéficiaires de l’Allocation, personnalisée d’autonomie (APA) affirment bien connaître les publics ciblés par cette prestation et 19% des titulaires du RSA déclarent «ne pas savoir du tout» ou «pas très bien» à qui s’adresse un dispositif qui les concernent eux, ainsi que de 2,5 millions de foyers français.
La complexité, encore
Comment expliquer un tel déficit de compréhension de l’arsenal allocataire, alors que les autorités ne cherchent pas spécialement à cacher les informations et qu’il existe de nombreux relais sur le terrain pour sensibiliser les publics concernés? «C’est bien sûr une question de complexité issue de la manière dont on gère l’empilement de prestations depuis des décennies. Au début de la IVe République, il n’y avait que deux dispositifs: les allocations familiales et l’allocation de salaire unique. On doit être facilement à une cinquantaine aujourd’hui si on considère tout ce qui existe. On préfère maintenant rajouter un dispositif, une rustine, pour répondre à un besoin identifié plutôt que de penser une réforme en profondeur. C’est finalement assez simple puisque pour créer une allocation, il suffit de faire voter une simple loi, voire même un décret» explique Jacques Bichot économiste et membre honoraire du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Qui rappelle de plus que «les législateurs sont par nature assez pressés, et qu’ils sont conseillés par des personnes qui n’ont pas forcément intérêt, pour garantir leur position, à ce que la législation soit simple».
Et au niveau de la base, alors qu’une information simplifiée et accessible pourrait suffire à l’ayant-droit, le compte n’y est pas non plus A commencer par le premier vecteur d’informations pour le grand public: les sites web. «Quand vous allez sur ces sites, vous vous demandez s’ils sont conçus pour informer ou pour chanter la gloire du système, tant l’information précise est noyée sous une présentation ou le message passé est “tout est très bien”» se désole Jacques Bichot. Un petit tour sur le site du ministère des Affaires sociales suffit d’ailleurs pour s’en convaincre… Une méconnaissance générale qui pose un vrai problème d’accès du citoyen à l’information, et qui renforce un peu plus la camp des partisans du revenu universel.
Source Le Figaro 16/03/2016
Voir aussi : Actualité France, Rubrique Société, Logement, Santé, Travail, Pauvreté, rubrique Economie, rubrique Education, rubrique Politique, Comment Valls s’attaque aux prestations sociales,
La pauvreté et l’exclusion sociale menacent 125 millions d’Européens
S’acheter
Eurostat publiait le 16 avril les tout premiers chiffres de la pauvreté en Europe de 2014. Seules les statistiques de trois pays ont pour l’instant été dévoilées : celles de l’Autriche, de la Hongrie et de la Lettonie. Pour les deux derniers, les nouvelles semblent plutôt bonnes. Le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale y a baissé de 2,4 points de pourcentage. Mais il reste malgré tout très élevé. Plus d’un tiers de la population serait ainsi concerné. En 2013, dans toute l’Europe, la moyenne était à 24,5%, le pays le plus touché étant la Bulgarie et ses 48%, et le moins touché l’Islande, avec 13%.
Un cinquième de la population en situation de privation
Derrière ces chiffres se cache une réalité souvent méconnue. Celle de 125 millions d’Européens qui vivent dans une situation de risque de pauvreté ou de privation matérielle sévères. Parmi eux, on trouve surtout des femmes, de jeunes adultes, des étrangers, des chômeurs, ou des personnes peu éduquées. D’autres facteurs jouent aussi, comment le nombre d’enfants dépendants du foyer, ou la situation familiale. Ainsi, d’après un rapport d’Eurostat publié il y a quelques mois, plus de la moitié des personnes vivant dans un foyer unipersonnel ou monoparental, avec des enfants dépendants serait touchée par ce risque.
Ce même rapport révèle que nous sommes encore loin des objectifs fixés par l’Union Européenne dans son opération « Europe 2020 ». Depuis son instauration il y a cinq ans, le programme qui devait mettre 20 millions d’habitants à l’abri du risque de pauvreté n’a pas vraiment fait avancer les choses. Pire encore, dans la plupart des États membres, le risque a augmenté entre 2008 et 2013.
Pour mieux rendre compte de la situation de ces populations démunies, Eurostat a mené toute une série d’études statistiques sur le terrain. L’agence y a avant tout étudié le rapport aux privations matérielles. Un peu moins d’une dizaine de critères ont été retenus, parmi des produits jugés très utiles voire indispensables au bien-être par la plupart des Européens. Un cinquième de la population serait considérée en situation de privation d’après l’étude, qui se focalise sur l’Union Européenne.
Le logement et la santé, deux priorités
La qualité de l’habitation regroupe plusieurs des critères. Eurostat a cherché à évaluer « la capacité des gens à s’offrir un habitat adapté, de qualité décente, et dans un environnement sûr ». Les résultats sont pour le moins éloquents. 17% de la population vivrait actuellement dans des logements surchargés par exemple. Le taux le plus faible revient à la Belgique, avec 1,6%. Lorsque la maison n’est pas trop petite, elle est malheureusement bien souvent de mauvaise qualité. Le problème le plus fréquent serait lié à l’isolation : fuites dans la toiture, humidité sur les murs, les sols, pourriture autour des portes. 15,1% des personnes interrogées ont cité cet aspect en premier lieu. Viennent ensuite les problèmes liés à l’environnement, comme les nuisances sonores ou l’insécurité. Sur le point du logement, il y a de quoi se montrer optimiste. Depuis 2008, ces chiffres baissent constamment (même si 2,7% des logements ne sont toujours pas équipés de toilettes). Globalement, en dépit des problèmes, les Européens se disent très majoritairement satisfaits de leur chez-soi. Les personnes âgées seraient d’ailleurs les premières à le revendiquer.
Vient ensuite le problème de la santé. Au quotidien, l’alimentation pose toujours problème. Parmi les personnes en risque de pauvreté, un quart se disent incapables d’avoir un repas comportant une viande, un poisson ou un équivalent végétarien tous les deux jours. En Europe de l’Est, ce chiffre grimpe très vite, pour atteindre souvent la moitié de cette population. A titre d’exemple, si le taux n’est qu’à 3,7% au Luxembourg, il atteint des sommets en Bulgarie, avec 82,7%.
Autre difficulté, celle à se soigner. Du côté des enfants, à partir de l’âge de trois ans, les taux sont plutôt bons, c’est-à-dire supérieurs à 80% en moyenne. Au niveau de la population globale, les résultats sont en revanche très contrastés. Le taux d’insatisfaction peut atteindre 23,9% chez les plus de 65 ans. Ce sont principalement des femmes qui se plaignent de leur état de santé et de leur accès aux soins. Cependant, comme le rappelle Eurostat dans son rapport, il faut rester méfiant vis à vis de ces chiffres, qui pourraient aussi trouver une explication dans l’augmentation de l’espérance de vie. Les coûts élevés des soins restent une barrière rédhibitoire pour 2,2% des Européens, et pour 4,6% d’entre eux lorsqu’il s’agit de soins dentaires. Là encore, ces chiffres varient beaucoup en fonction des pays, et surtout, des systèmes de remboursement des soins de santé qui y sont mis en place.
Les jeunes plus exposés au risque de pauvreté
Le rapport révèle aussi que près de 40% des personnes risquant la pauvreté ou l’exclusion sociale seraient incapables de faire face à certaines dépenses financières. Pour les femmes vivant seules, le pourcentage grimpe jusqu’à 50%. Dans les foyers monoparentaux, on atteint même 68%. Se payer des vacances loin de chez soi, une semaine par an, est alors devenu impossible pour près de la moitié de ces Européens. Un dixième d’entre eux ne peut s’acheter une voiture, un vingtième un ordinateur, un centième une machine à laver. 0,3% n’espèrent pas non plus pouvoir se munir d’un téléviseur couleur.
Globalement, les jeunes sont plus touchés par ces problèmes que les personnes âgées, exception faite de quelques pays dont fait partie la Belgique. Cela pourrait expliquer qu’ils soient toujours plus nombreux à rester vivre chez leurs parents, jusqu’à plus de trente ans parfois. Ils seraient toujours 48,2% âgés de 18 à 34 ans à privilégier ce mode de vie, par choix, mais aussi bien souvent par obligation. Un taux largement boosté par la Slovaquie, où 95,8% des 18/24 ans dorment toujours sous le toit familial.
La crise économique n’a rien arrangé à ces chiffres, et l’exemple de la Grèce est à ce titre révélateur. 73,1% de sa population estimait au moment de l’enquête avoir quelques ou beaucoup de difficultés à joindre les deux bouts. La moyenne européenne, elle n’excédait pas les 30%… Il reste donc encore un peu de travail d’ici 2020.
Source Eurostat.17/04/2015
En savoir plus sur: Union européenne, Eurostat , seuil de pauvreté
Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique UE, rubrique Société, Pauvreté,
Un plan d’austérité injuste, dangereux et illégitime
Blocage des rémunérations des fonctionnaires, gel des retraites et des prestations sociales, mesures d’économies sur les pauvres : Manuel Valls détaille un plan d’austérité de 50 milliards d’euros d’une violence à laquelle même la droite n’a pas eu recours. À croire que la France a été placée sous la tutelle de la Troïka européenne.
La rupture de François Hollande avec la gauche est décidément consommée ! Après avoir décidé d’organiser un plan d’allègements fiscaux et sociaux d’une ampleur historique en faveur des entreprises sans leur demander la moindre contrepartie ; après avoir nommé à Matignon le premier ministre le plus à même de mettre en œuvre cette politique néolibérale, en l’occurrence Manuel Valls, il a donné son imprimatur, mercredi 16 avril, au cours du conseil des ministres, à l’un des plans d’austérité les plus violents que la France ait connus depuis la Libération, de même nature que ceux de 1982 ou 1983.
Ce plan d’austérité, dont Manuel Valls a décliné les grandes lignes en milieu de journée, présente la triple caractéristique d’être économiquement dangereux, socialement injuste et démocratiquement illégitime.
Voici ci-dessous les deux documents qui permettent de découvrir les détails de ce plan d’austérité. Le premier document est l’allocution que Manuel Valls a prononcée à l’issue du conseil des ministres, pour présenter ces mesures. Le second document a été publié dans la foulée par ses services pour présenter le détail des dispositions.
* Un plan d’austérité injuste
À l’examen de ce plan, qui n’est encore guère détaillé, le premier constat qui saute aux yeux est, de fait, son caractère socialement injuste. Portant sur 50 milliards d’euros d’économies qui devront être réalisées en 2015, 2016 et 2017, à hauteur de 18 milliards sur le budget de l’État, 11 milliards sur les collectivités locales, 10 milliards sur l’assurance maladie et 11 milliards sur les autres dépenses de protection sociale, il vise en somme à faire financer par les salariés modestes, les fonctionnaires, ou encore les retraités les cadeaux de plus de 36 milliards d’euros (30 au titre du « pacte de responsabilité », auxquels s’ajoutent d’autres baisses d’impôt) qui viennent d’être annoncés en faveur des entreprises.
C’est cela, la principale injustice de ce plan : il vise à organiser le plus gigantesque transfert de revenus qui ait jamais eu lieu en France des ménages, notamment les plus pauvres, vers les entreprises, y compris les plus riches.
Ce plan, qui ressemble strictement en tous points à celui qu’aurait pu présenter en des circonstances identiques un François Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy, comporte, ensuite, quand on l’examine poste par poste, de nombreuses autres injustices.
– 18 milliards d’euros d’économies sur l’État. Ce premier volet du plan d’austérité, ce sont les 5,2 millions de fonctionnaires qui vont en faire les frais puisque leurs rémunérations de base vont continuer à être bloquées. « Nous confirmons le gel du point d’indice », a en effet déclaré Manuel Valls. Ce gel a commencé en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy et devrait donc se poursuivre. Jusqu’à quand ? Jusqu’en 2017 ? La formulation utilisée par le premier ministre est assez ambiguë pour le suggérer.
Cette disposition sera socialement très lourde de conséquences, puisque les rémunérations de base des trois fonctions publiques sont bloquées continûment depuis plus de quatre ans. Ce gel va contribuer à un effondrement du pouvoir d’achat de catégories sociales dont les revenus sont souvent faibles. À titre d’indication, l’Insee vient de publier une étude (<a>elle est ici</a>) qui révèle que les salaires net moyens des trois fonctions publiques ont baissé en euros constants en 2012.
Explication de l’institut : « Dans la fonction publique de l’État (FPE), ministères et établissements publics confondus, le salaire net moyen en équivalent-temps plein (EQTP) a augmenté de 1,1 % en euros courants entre 2011 et 2012. Compte tenu de l’inflation, il a baissé de 0,8 % en euros constants. Il atteint en moyenne 2 460 euros net par mois en 2012. Dans la fonction publique territoriale (FPT), l’évolution entre 2011 et 2012 est de + 1,4 % en euros courants, soit – 0,5 % en euros constants. Le salaire net moyen en EQTP est de 1 850 euros par mois en 2012. Dans le secteur hospitalier public (SHP), le salaire net moyen croît de 1,3 % en euros courants entre 2011 et 2012 et baisse de 0,6 % en euros constants. Le salaire net moyen en EQTP est de 2 240 euros par mois en 2012. »
Les fonctionnaires, qui ont très majoritairement voté pour François Hollande au second tour de l’élection présidentielle, vont donc payer un lourd tribut au plan d’austérité. L’Élysée et Matignon n’ont, toutefois, pas osé aller au-delà, en mettant en application une autre mesure sulfureuse qui avait été aussi mise à l’étude dans le groupe de réflexion constitué autour de François Hollande : un blocage des mesures de promotion ou d’avancement dans la fonction publique.
Pour ce qui concerne l’État, les autres dispositions évoquées par Manuel Valls lors de son allocution, ou dans le document publié par Matignon, restent particulièrement imprécises. Si imprécises qu’il ne faut pas exclure d’autres très mauvaises surprises lorsque le véritable détail du dispositif sera transmis au Parlement et ne pourra plus être entouré de fortes zones d’ombre.
Dans le cas des effectifs de la fonction publique, les 60 000 créations de postes dans l’éducation nationale, qui constituaient la promesse phare du candidat François Hollande, sont-elles ainsi toujours d’actualité ? Ou, comme y a réfléchi secrètement ces dernières semaines l’Élysée, ces créations pourraient-elles être légèrement revues à la baisse, d’environ 15 000 postes ?
Dans son allocution, Manuel Valls est resté très évasif, sans mentionner le moindre chiffre : « Les effectifs des ministères, hors éducation nationale, sécurité et justice continueront de diminuer. Ces diminutions s’accompagneront toutefois de redéploiements afin de préserver nos services publics. » Le communiqué de Matignon est, lui, un tout petit peu plus précis : « Les créations d’emplois prévues dans l’Éducation nationale, la sécurité et la justice seront maintenues, dans le cadre de la priorité donnée à la jeunesse, et à la sécurité des Français. »
Toujours au titre de l’État, le document de Matignon fait cette mention qui n’a pas été remarquée parce qu’elle est très elliptique : « Les interventions de l’État seront également recentrées pour être plus efficaces. » Énoncée de la sorte, la formule passe, effectivement, inaperçue. Mais c’est un tort car il faut avoir à l’esprit que ce que les têtes d’œuf de Bercy, dans leur jargon, appellent « dépenses d’intervention » constitue une immense enveloppe budgétaire de plus de 60 milliards d’euros, soit plus que les recettes de l’impôt sur le revenu, et dans ce montant sont compris de nombreux crédit sociaux. Dans le lot, il y a ainsi ce que l’on appelle les interventions de guichet (minima sociaux, aides au logement, prestations versées aux anciens combattants, bourses scolaires ou universitaires…), mais aussi les subventions d’équilibre aux régimes spéciaux de retraite ou transferts aux collectivités locales…
Même si le gouvernement a démenti depuis plusieurs jours toute suppression des aides au logement pour les étudiants non boursiers, il faudra donc encore attendre pour savoir qui d’autre sera visé par les coupes claires dans ces crédits.
Enfin, dans ce chapitre, une dernière formulation évasive peut susciter une légitime inquiétude et inviter à penser que quelques mauvais coups sont en gestation : « Les opérateurs et autres agences de l’État verront leurs dépenses de fonctionnement et leurs interventions revues à la baisse », peut-on lire dans le document. Dit de la sorte, cela passe aussi inaperçu. Mais il faut avoir à l’esprit que les opérateurs de l’État sont au nombre de 550 et jouent un rôle économique et social souvent décisif.
Un plan avec beaucoup de zones d’ombre
– 11 milliards d’euros d’économies sur les collectivités locales. Ce second volet est encore plus évasif et imprécis que le premier. Lors de son intervention, Manuel Valls n’a guère donné de détails. Et le document de Matignon se cantonne, lui aussi, à des généralités, du genre : « La Dotation Globale de Fonctionnement sera reformée dans le projet de loi de finances (PLF 2015), pour encourager les comportements vertueux et renforcer les mécanismes de solidarité financière entre collectivités riches et défavorisées. »
Mais il est fort probable que dans les semaines et les mois qui viennent, lorsque l’on aura une idée plus concrète de ce qui se trame, on découvrira des mesures lourdes de conséquences. Soit parce qu’elles contribuent à l’asphyxie financière de certaines collectivités, soit parce qu’elles poussent à des dispositions impopulaires.
– 10 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie. Ce troisième volet du plan d’austérité entretient, lui aussi, de grandes zones d’ombre sur ce que veut réellement faire le gouvernement. Le document de Matignon indique en effet trois pistes pour réaliser ces économies – mais trois pistes singulièrement floues : « – mieux organiser les parcours de soins, en renforçant les soins de premier recours, en développant la chirurgie ambulatoire, en facilitant le retour à domicile après une hospitalisation, en améliorant le suivi des personnes âgées en risque de perte d’autonomie ; – agir sur la pertinence médicale pour réduire le nombre d’actes et améliorer notre dépense de médicaments, grâce à une consommation plus raisonnée, à un plus grand recours aux génériques et à des prix davantage en adéquation avec l’innovation thérapeutique ; d’interventions inutiles ou évitables. »
Là encore, il faut donc attendre pour savoir ce que cachent ces formulations langue de bois.
– 11 milliards d’euros d’économies sur l’assurance maladie. Ce quatrième paquet du plan d’austérité est, lui, dès à présent un peu plus précis et comprend des mesures qui auront aussi des conséquences sociales graves.
D’abord, les prestations sociales ne seront pas revalorisées pendant un an. Explication du document de Bercy : « Cette stabilité concernera les pensions du régime de retraite de base (1,3 milliard d’euros). Le même effort pourrait être réalisé s’agissant des retraites complémentaires qui relèvent des partenaires sociaux (2 milliards d’euros). Cet effort temporaire épargnera les retraités dont les pensions sont les plus modestes puisque le minimum vieillesse continuera, lui, d’être revalorisé. Le niveau des autres prestations sociales (logement, famille, invalidité) sera également stable jusqu’en octobre 2015 (0,7 milliard d’euros). Cette mesure ne touchera pas les minima sociaux (RSA, ASS, AAH, minimum vieillesse), dont la revalorisation sera garantie. »
Cette décision va donc avoir de très graves répercussions sur les 15 millions de Français qui sont retraités, dont le pouvoir d’achat, de l’avis de tous les spécialistes, risque de s’effondrer, car cette disposition de gel des retraites de base va venir se cumuler avec l’accord survenu entre les partenaires sociaux, prévoyant que les retraites complémentaires (Agirc-Arrco) soient revalorisées d’un point de moins que l’inflation en 2013, 2014 et 2015 (lire <a>L’accord sur les retraites rogne le pouvoir d’achat</a>).
Sus donc aux retraités ! Mais sus aussi aux pauvres… Ne prenant visiblement soin de n’épargner aucune catégorie de Français, même les plus pauvres, François Hollande et Manuel Valls ont décidé que les bénéficiaires du RSA apporteront aussi leur quote-part au plan d’austérité. « Décidés dans le plan pauvreté de janvier 2013, les engagements de revalorisation exceptionnelle pour le RSA, le complément familial et l’allocation de soutien familial sont confirmés. Mais elles seront décalées d’une année », a dit le premier ministre.
Décryptons, pour que cela soit plus clair. Lors de sa campagne, le candidat socialiste avait pris des engagements énergiques pour faire reculer la pauvreté. Et en application de ces promesses, une conférence nationale de lutte contre la pauvreté s’est tenue à Paris les 11 et 12 décembre 2012. C’est à cette occasion qu’un plan avait été présenté, prévoyant toute une série de mesures comme la revalorisation de 10 % du RSA (Revenu de solidarité active) sur cinq ans et la création de 8 000 places d’hébergement d’urgence. Dans la vidéo ci-dessous, on peut visionner Jean-Marc Ayrault résumant les décisions de cette conférence pour le RSA.
En clair, la hausse de 1,3 % du Revenu de solidarité active (RSA) « socle » (revenu minimum pour personnes sans ressources) intervenue au 1er janvier 2014 aurait dû être complétée par une augmentation exceptionnelle de 2 % le 1er septembre 2014. Dans le cadre de ce plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le gouvernement avait en effet décidé une augmentation de 10 % d’ici à la fin du quinquennat.
Au terme du plan d’austérité, c’est donc cette hausse de 2 % qui est finalement annulée. Et du même coup, le plan pauvreté est gravement remis en cause.
Usant toujours de la langue de bois, le document de Matignon apporte aussi cette autre précision, un tantinet elliptique : « La modernisation de la politique familiale engagée en 2013 sera poursuivie, en renforçant l’équité des aides aux familles, et en orientant davantage les prestations vers l’emploi des femmes (0,8 milliard d’euros). » Traduction : cette mesure qui vise à renforcer « l’équité » – il faut être gonflé pour oser écrire cela ! – permettra de dégager 800 millions d’euros d’économies. Mais la formule est encore trop tordue pour que l’on puisse comprendre quelle disposition de la politique familiale va être rabotée…
* Un plan d’austérité dangereux
Socialement explosif, ce plan d’austérité est aussi économiquement dangereux, pour de multiples raisons.
D’abord, le gouvernement soumet les fonctionnaires, les retraités ou encore les pauvres à un violent plan d’austérité dans un seul but : trouver les financements nécessaires pour apporter les 36 milliards d’euros de cadeaux annoncés aux entreprises. Sans ces cadeaux, il n’aurait pas eu besoin de soumettre le pays à une telle purge. En clair, le plan d’austérité ne vise en rien à réduire les déficits publics, pour être en conformité avec les engagements pris auprès de Bruxelles.
Or, le gouvernement va offrir ces 36 milliards d’euros aux entreprises sans la moindre contrepartie. Sans obtenir des entreprises des engagements en termes d’emploi ou d’investissement. Il est donc probable que ces cadeaux provoquent surtout des effets d’aubaine et viennent gonfler profits et dividendes au profit des actionnaires. C’est ce que suggérait une étude récente de l’Insee (lire <a>Le choc de compétitivité stimulera d’abord… les profits !</a>).
En clair, le plan d’austérité n’a aucune justification économique. À l’inverse, il risque d’avoir de nombreux effets pervers. Poussant à la baisse le pouvoir d’achat des Français, qui a subi depuis deux ans une chute sans précédent depuis 1984, il risque de replonger le pays dans l’anémie, alors que les signes de reprises sont encore extrêmement ténus.
Il y a donc une forme de dogmatisme de la part du gouvernement, dans la décision qu’il a prise de mettre en œuvre ce plan d’austérité, et dans les modalités. Car, à bien des égards, on sent la patte de la « Troïka » dans ce plan d’austérité : il est très proche de ces fameuses réformes dites structurelles dont raffolent le FMI, Bruxelles et la Banque centrale européenne. Voici donc, en somme, la France en train de suivre une voie assez proche de celle de l’Espagne. Une sorte de cercle vicieux : davantage d’austérité qui conduira à moins de croissance qui conduira à plus de déficits, qui conduira à plus d’austérité…
Ce cercle vicieux, c’est le prix Nobel d’économie Paul Krugman qui l’a le mieux décrit dans <a>l’une de ses chroniques récentes du New York Times</a> : « François Hollande a cessé de m’intéresser dès que j’ai compris qu’il n’allait pas rompre avec l’orthodoxie destructrice de l’Europe et son parti pris d’austérité. Mais maintenant, il a fait quelque chose de vraiment scandaleux. Ce qui me choque, c’est qu’il souscrive désormais aux doctrines économiques de droite, pourtant discréditées. (…) Quand François Hollande est arrivé à la tête de la deuxième économie de la zone euro, nous sommes quelques-uns à avoir espéré qu’il se dresse contre cette tendance. Mais comme les autres, il s’est soumis, soumission qui vire désormais à la faillite intellectuelle. L’Europe n’est pas près de sortir de sa deuxième “grande dépression”. »
* Un plan d’austérité illégitime
C’est la dernière réflexion à laquelle invite ce plan d’austérité : s’il apparaît stupéfiant, c’est aussi parce qu’il est mis en œuvre, comme dans une folle fuite en avant, par un pouvoir qui vient d’être gravement sanctionné, précisément pour avoir ébauché cette politique d’austérité.
Ce plan prend donc des allures de provocation. Alors que la gauche est fracturée comme elle ne l’a jamais été ; alors que la majorité présidentielle vient d’imploser et que les Verts viennent de sortir du gouvernement ; alors que la fronde a gagné jusqu’aux rangs socialistes, avec des députés de l’aile gauche qui refusent de voter la confiance au nouveau gouvernement, François Hollande, plus isolé que jamais, continue, tête baissée, dans son impasse. Pas un geste social en direction des pauvres, pas un geste en direction des députés de son propre parti, il use des pouvoirs exorbitants que lui confèrent les institutions de la Ve République pour faire l’exact contraire de ce que semble vouloir le pays.
Cet entêtement-là, où conduira-t-il ? Depuis de longs mois, François Hollande attise contre lui une colère qu’il fait mine de ne pas entendre. Une colère qui va encore grossir…
Laurent Mauduit
Source : Médiapart 17/04/2014
Voir aussi : Rubrique Politique, Fin de l’indétermination démocratique, Politique locale, Réduire le nombre de régions pour rembourser les banques, rubrique Economie Dette publique , rubrique Société, 40% des SDF sont des CDI, rubrique Mouvement sociaux,
« Bruits et couleurs» une union pour chasser les idées brunes
Mobilisation. A Montpellier un rassemblement festif unit associations, syndicats et partis politiques, à la gauche du PS, contre le racisme.
Le cercle s’est élargi progressivement samedi en début d’après-midi autour des artistes du Cirque Baltazar. A l’initiative de la Ligue des Droits de l’Homme, 200 personnes étaient réunies pour se rassemblement «Bruits et couleurs» contre le racisme, et pour l’égalité des droits. AFPS34, ATMF, DIDF, FCPE, FSU 34, Habiter enfin, LDH, Mala Kurda, MDPL, MRAP, RESF34, CFDT, SAF Montpellier, Sud Solidaires, ULCGT Montpellier, Front de Gauche, NPA, PRG, PCF Montpellier,… les associations syndicats et partis politiques ont donné à cet appel une diversité de couleurs, de circonstance, devant l’accroissement spectaculaire des inégalités qui frappent notre pays et se concentrent comme l’on sait sur les population issues de l’immigration et étrangères.
« A la LDH, cela fait des années que nous luttons contre le racisme et toutes les formes de ségrégations avec d’autres mouvements , confie Sophie Mazas, mais on voit ressurgir dans le débat public hexagonal des choses d’un autre âge. Je pensais qu’on en avait fini avec le racisme de peau comme on l’a vu dans l’affaire Taubira. Les déclarations de Valls sur les Roms démontrent non seulement qu’il a un problème avec la politique mais aussi avec la loi car la Roumanie fait partie de l’UE. La LDH est solide sur ses positions mais l’heure est venue de redescendre dans la rue pour travailler sur les consciences et ne pas laisser le terrain au FN.»
Les choix politiques faits à l’échelon local sont aussi d’une importance capitale pour lutter contre les inégalités. « L’extrême droite ce n’est pas seulement le FN rappelle le secrétaire général de l’ULCGT, Julien Colet, on la retrouve dans les composantes de La Manif pour Tous et différents groupuscules. Lutter contre ce fléau c’est promouvoir une certaine conception du vivre ensemble. Ce n’est pas déployer de manière spectaculaire 190 policiers comme jeudi dernier au plan Cabanes. Pour financer les cadeaux fiscaux faits au MEDEF le gouvernement taille dans les dépenses publiques notamment dans les effectifs de la police de proximité et veut se rattraper à bon compte en organisant des opérations coup de point qui n’ont jamais rien résolu. C’est de la «com» qui surf sur l’insécurité. Nous n’acceptons pas la banalisation de l’état de siège ni la stigmatisation médiatique de quartiers populaires.»
Egalement présent, Le collectif non à l’expulsion des familles Roms s’insurge contre les expulsions de camps de Roms prévues par la préfecture « Cela va réduire à zéro le travail de scolarisation et d’intégration par l’emploi que nous menons avec les familles, sans rien régler. »
Depuis la Marche pour l’égalité minée par la récupération politique et les déceptions consécutives, le monde associatif peine à développer des mouvements organisés et massifs de combat contre le racismes, l’exclusion et les discriminations. Les acteurs présents hier ont bien conscience qu’ils doivent se retrouver pour élargir et construire.
JMDH
Source : L’Hérault du Jour 22 février 2014
Voir aussi : Rubrique Société, Citoyenneté, Mouvement sociaux, rubrique Politique Locale, Dans le Gard la société civile s’engage contre la discrimination, Politique de l’Immigration, rubrique Montpellier,