La pauvreté et l’exclusion sociale menacent 125 millions d’Européens

1904655S’acheter une voiture, faire réparer les fuites de son toit ou aller chez le dentiste : pour des millions d’Européens, ces dépenses sont difficiles, voire impossibles à assumer.

Eurostat publiait le 16 avril les tout premiers chiffres de la pauvreté en Europe de 2014. Seules les statistiques de trois pays ont pour l’instant été dévoilées : celles de l’Autriche, de la Hongrie et de la Lettonie. Pour les deux derniers, les nouvelles semblent plutôt bonnes. Le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale y a baissé de 2,4 points de pourcentage. Mais il reste malgré tout très élevé. Plus d’un tiers de la population serait ainsi concerné. En 2013, dans toute l’Europe, la moyenne était à 24,5%, le pays le plus touché étant la Bulgarie et ses 48%, et le moins touché l’Islande, avec 13%.

Un cinquième de la population en situation de privation

Derrière ces chiffres se cache une réalité souvent méconnue. Celle de 125 millions d’Européens qui vivent dans une situation de risque de pauvreté ou de privation matérielle sévères. Parmi eux, on trouve surtout des femmes, de jeunes adultes, des étrangers, des chômeurs, ou des personnes peu éduquées. D’autres facteurs jouent aussi, comment le nombre d’enfants dépendants du foyer, ou la situation familiale. Ainsi, d’après un rapport d’Eurostat publié il y a quelques mois, plus de la moitié des personnes vivant dans un foyer unipersonnel ou monoparental, avec des enfants dépendants serait touchée par ce risque.

Ce même rapport révèle que nous sommes encore loin des objectifs fixés par l’Union Européenne dans son opération « Europe 2020 ». Depuis son instauration il y a cinq ans, le programme qui devait mettre 20 millions d’habitants à l’abri du risque de pauvreté n’a pas vraiment fait avancer les choses. Pire encore, dans la plupart des États membres, le risque a augmenté entre 2008 et 2013.

Pour mieux rendre compte de la situation de ces populations démunies, Eurostat a mené toute une série d’études statistiques sur le terrain. L’agence y a avant tout étudié le rapport aux privations matérielles. Un peu moins d’une dizaine de critères ont été retenus, parmi des produits jugés très utiles voire indispensables au bien-être par la plupart des Européens. Un cinquième de la population serait considérée en situation de privation d’après l’étude, qui se focalise sur l’Union Européenne.

Le logement et la santé, deux priorités

La qualité de l’habitation regroupe plusieurs des critères. Eurostat a cherché à évaluer « la capacité des gens à s’offrir un habitat adapté, de qualité décente, et dans un environnement sûr ». Les résultats sont pour le moins éloquents. 17% de la population vivrait actuellement dans des logements surchargés par exemple. Le taux le plus faible revient à la Belgique, avec 1,6%. Lorsque la maison n’est pas trop petite, elle est malheureusement bien souvent de mauvaise qualité. Le problème le plus fréquent serait lié à l’isolation : fuites dans la toiture, humidité sur les murs, les sols, pourriture autour des portes. 15,1% des personnes interrogées ont cité cet aspect en premier lieu. Viennent ensuite les problèmes liés à l’environnement, comme les nuisances sonores ou l’insécurité. Sur le point du logement, il y a de quoi se montrer optimiste. Depuis 2008, ces chiffres baissent constamment (même si 2,7% des logements ne sont toujours pas équipés de toilettes). Globalement, en dépit des problèmes, les Européens se disent très majoritairement satisfaits de leur chez-soi. Les personnes âgées seraient d’ailleurs les premières à le revendiquer.

Vient ensuite le problème de la santé. Au quotidien, l’alimentation pose toujours problème. Parmi les personnes en risque de pauvreté, un quart se disent incapables d’avoir un repas comportant une viande, un poisson ou un équivalent végétarien tous les deux jours. En Europe de l’Est, ce chiffre grimpe très vite, pour atteindre souvent la moitié de cette population. A titre d’exemple, si le taux n’est qu’à 3,7% au Luxembourg, il atteint des sommets en Bulgarie, avec 82,7%.

Autre difficulté, celle à se soigner. Du côté des enfants, à partir de l’âge de trois ans, les taux sont plutôt bons, c’est-à-dire supérieurs à 80% en moyenne. Au niveau de la population globale, les résultats sont en revanche très contrastés. Le taux d’insatisfaction peut atteindre 23,9% chez les plus de 65 ans. Ce sont principalement des femmes qui se plaignent de leur état de santé et de leur accès aux soins. Cependant, comme le rappelle Eurostat dans son rapport, il faut rester méfiant vis à vis de ces chiffres, qui pourraient aussi trouver une explication dans l’augmentation de l’espérance de vie. Les coûts élevés des soins restent une barrière rédhibitoire pour 2,2% des Européens, et pour 4,6% d’entre eux lorsqu’il s’agit de soins dentaires. Là encore, ces chiffres varient beaucoup en fonction des pays, et surtout, des systèmes de remboursement des soins de santé qui y sont mis en place.

Les jeunes plus exposés au risque de pauvreté

Le rapport révèle aussi que près de 40% des personnes risquant la pauvreté ou l’exclusion sociale seraient incapables de faire face à certaines dépenses financières. Pour les femmes vivant seules, le pourcentage grimpe jusqu’à 50%. Dans les foyers monoparentaux, on atteint même 68%. Se payer des vacances loin de chez soi, une semaine par an, est alors devenu impossible pour près de la moitié de ces Européens. Un dixième d’entre eux ne peut s’acheter une voiture, un vingtième un ordinateur, un centième une machine à laver. 0,3% n’espèrent pas non plus pouvoir se munir d’un téléviseur couleur.

Globalement, les jeunes sont plus touchés par ces problèmes que les personnes âgées, exception faite de quelques pays dont fait partie la Belgique. Cela pourrait expliquer qu’ils soient toujours plus nombreux à rester vivre chez leurs parents, jusqu’à plus de trente ans parfois. Ils seraient toujours 48,2% âgés de 18 à 34 ans à privilégier ce mode de vie, par choix, mais aussi bien souvent par obligation. Un taux largement boosté par la Slovaquie, où 95,8% des 18/24 ans dorment toujours sous le toit familial.

La crise économique n’a rien arrangé à ces chiffres, et l’exemple de la Grèce est à ce titre révélateur. 73,1% de sa population estimait au moment de l’enquête avoir quelques ou beaucoup de difficultés à joindre les deux bouts. La moyenne européenne, elle n’excédait pas les 30%… Il reste donc encore un peu de travail d’ici 2020.

Source Eurostat.17/04/2015