Deux pièces ayant trait à la France d’aujourd’hui étaient données à Montpellier la semaine dernière par deux compagnies qui partagent un désir intuitif et un goût pour l’improvisation théâtrale intégrée dans le processus d’écriture.
Nathalie Garraud et Olivier Saccomano (nommés directeurs du CDN de Montpellier à partir de janvier 2018) et la cie Du Zieu, présentaient le second opus du triptyque La beauté du geste au Théâtre La Vignette. L’instant Décisif, nous plongeait dans la genèse d’une pièce en suivant les premiers pas de l’acteur sur le plateau. Dans À mains levées, (le second opus), il ne s’agit plus de la plongée du comédiens dans la lumière publique mais du maintien de l’ordre publique, vu de l’intérieur, d’une compagnie de CRS.
La scénographie reste basée sur un dispositif bi-frontal. Depuis sa place, le spectateur suit des yeux le jeu des CRS, leur long et répétitif entraînement. Puis ils se mettent en situation, en faction et ils s’emmerdent. Pour contenir ils doivent aussi se contenir. A certains moments, on capte des états de leur conscience, mais l’on peine à cerner le coeur du propos.
jusqu’à dans vos bras
Comme la cie Du Zieu, Des chiens de Navarre entretiennent un rapport tendu entre l’action théâtrale et l’action politique. La pièce Jusque dans vos bras, mis en scène par J-C Meurisse se propose n’y plus ni moins de psychanalyser la France. Les deux représentations font salles combles à hTh. Un fait nouveau qui mérite d’être souligné : les français osent désormais se regarder dans le miroir que leur tend une troupe hyper présente sur le plateau. Du moins les jeunes qui étaient pour une fois largement majoritaires.
La colonisation, l’identité française, les conflits entre communautés, l’accueil des réfugiés tous ces thèmes, que l’on évite soigneusement d’aborder dans les repas de bonne famille, s’enchaînent dans une succession de tableaux hilarants. On rit, on se décrispe tout en évoquant des sujets tabous et irrésolus. C’est déjà ça, même si manque le zeste d’ ambiguïté pourtant si français. Mais qui peut-on, la France est en morceaux !
Procédures à suivre, erreurs à ne pas commettre, sanctions possibles: l’ONG Transparency international France a publié jeudi un guide pratique, premier outil de ce type, pour venir en aide aux lanceurs d’alerte et les aider à « se défendre ».
« Il y a un an, la France s’est dotée d’un régime de protection des lanceurs d’alerte parmi les plus avancés en Europe », avec la loi dite Sapin 2, souligne dans un communiqué Transparency, pour expliquer cette publication.
Mais « bien souvent, ne sachant à qui s’adresser », les citoyens « n’ont pas les bons réflexes et s’exposent à des risques majeurs », comme le licenciement ou les poursuites pour diffamation, ou bien « se taisent par peur des représailles », ajoute l’ONG.
Le guide, mis en ligne sur le site de l’organisation, détaille sur une soixantaine de pages la procédure à suivre et les conditions à remplir pour lancer une alerte en bénéficiant des protections garanties par la loi.
Le document propose également un résumé des jurisprudences et des conventions internationales signées par la France, susceptibles d’aider les lanceurs d’alerte « dans la constitution de leur dossier ».
L’objectif, c’est de donner aux citoyens « les clefs pour agir », et leur permettre de révéler en toute sécurité les « failles et dysfonctionnements de nos Etats, de nos économies, de nos systèmes politiques et financiers », assure l’ONG.
Plusieurs lanceurs d’alerte ont été visés ces dernières années par des procédures judiciaires, à l’image d’Antoine Deltour, condamné en appel à six mois de prison avec sursis et à 1.500 euros d’amende par la justice luxembourgeoise dans l’affaire des LuxLeaks.
La loi Sapin 2, adoptée fin 2016, a renforcé la protection des salariés contre les représailles, en leur permettant de bénéficier de l’appui du Défenseur des droits.
A partir du 1er janvier 2018, elle obligera par ailleurs les entreprises de plus de 50 personnes, les communes de plus de 10.000 habitants et l’administration à mettre en place des procédures de recueil des alertes.
Vous souhaitez comprendre la nouvelle procédure d’accès à l’université ? 10 minutes, c’est le temps que vous prendra la lecture de la formidable « Lettre ouverte d’un oncle universitaire à son frère parent ». A diffuser largement. Parallèlement 8 syndicats de la FSU lancent une alerte en s’adressant aux lycéens et à leurs responsables.
Lettre ouverte d’un oncle universitaire à son frère parent
Le 29 octobre 2017
Cher Baptiste, mon très cher frère,
Je t’écris aujourd’hui longuement, car c’est un jour assez particulier… Demain, nous aurons les annonces du gouvernement sur l’avenir du système universitaire français, et notamment les nouvelles règles pour y accéder… Je suis navré, mais cette lettre ne sera pas rigolote… J’ai vraiment peur pour Agathe et Mathilde, tes fiertés, et même si je ne les vois pas souvent, elles sont un peu la mienne aussi. En tous cas, je m’en sens responsable. Et ça m’empêche de dormir.
Je suis navré aussi que cette lettre soit si longue… Mais certaines choses sont un peu compliquées, et ont besoin de temps pour être expliquées… Et puis l’avenir de tes enfants, de notre jeunesse, de leur société, vaut bien les quelques dizaines de minutes que tu passeras à me lire.
Mathilde découvre à peine l’école, et ce n’est déjà pas l’école que nous avons connue… Des années de politique irresponsable l’ont ravagée, et je pèse mes mots. Je ne vais pas t’assommer d’indicateurs, mais c’est très simple : ils sont tous au rouge. A tel point que l’Education nationale n’arrive même plus à recruter, et se retrouve à relancer un concours de recrutement un mois après la rentrée, à grand coup de campagne de pubs, pour essayer de combler les trous, avec une seule obsession : recruter n’importe qui, du moment que les parents puissent déposer leurs enfants à l’école et aller bosser. Éviter la colère, éviter la prise de conscience, c’est la seule chose qui leur importe.
Alors, tu as de la chance, dans ton village ça se passe encore pas trop mal… Mais un jour, Agathe et Mathilde voudront sans doute faire des études supérieures, peut-être pour avoir un boulot qui leur convient, peut-être pour apprendre quelque chose qui leur tient à cœur.
Et ça, c’est maintenant que ça se joue.
Demain, il va y avoir des annonces et du blablabla politicard. La petite musique bien rodée par les communicants donnera le vernis habituel. Ce vernis qui fait que le doute ou la certitude que ces décisions ne sont pas à notre avantage ne se transformeront pas en colère, en resteront au stade de l’incompréhension.
Alors, même si les annonces ne sont pas encore faites, elles sont cousues de fil blanc… Et quelque part, c’est ma responsabilité d’oncle universitaire de te permettre de les comprendre, pour que tu puisses assumer ta responsabilité de parent, dont je ne peux qu’imaginer le poids.
Si vous n’étiez pas totalement déconnectés cet été avec Anne-Lise, vous avez entendu que le taux de réussite à l’Université était catastrophique et que des tirages au sort ont eu lieu par manque de places… Que l’Université était “à bout de souffle” (genre là, là, là ou là). Comme si répéter inlassablement quelque chose finissait par le rendre vraie. Il s’agissait pour les idéologues qui nous dirigent de préparer le changement.
Demain, tu vas entendre des choses contradictoires : les universités pourront sélectionner, c’est à dire choisir leurs étudiants, mais les étudiants pourront décider et auront tous une place… Tu vas aussi entendre qu’on va mieux articuler secondaire (avant le BAC) et le supérieur (après le BAC). Et tu ne vas rien comprendre.
Alors je vais t’expliquer concrètement ce qu’il va se passer.
Concrètement après le bac
A l’Université, nous allons établir des “profils” étudiant pour chaque formation. Des “profils”, des “pré-requis”, ou de “l’orientation”… Le nom change tout le temps, ce qui en dit long sur la confusion de ceux qui décident, juste parce qu’ils n’ont pas le courage d’utiliser le bon mot : la sélection. On va tout simplement décider que telle ou telle personne pourra ou ne pourra pas aller dans telle ou telle formation, même à l’Université.
Pour faire ça, on va utiliser nos supers indicateurs : 90% des Mathilde réussissent dans la filière “soufflage de bougie”, alors que 95% des Agathe y échouent. Il paraît donc bien naturel que Mathilde puisse y entrer, et qu’on évite à Agathe d’y perdre son temps et quelques plumes (et du précieux pognon universitaire, mais chut…).
Oui, mais voilà : ces indicateurs sont justes, mais ils ne disent rien sur ta Mathilde et ton Agathe. Ta Mathilde peut aussi bien être dans les 90% des Mathilde qui réussissent, que dans les 10% qui échouent. Et ton Agathe peut aussi bien être dans les 95% des Agathe qui échouent, que dans les 5% qui réussissent.
En réalité, ton Agathe peut bien avoir 100% de chance de réussir, aucun dossier, aucun critère, aucun entretien ne pourra jamais le prouver.
Crois-en l’expérience d’un gars qui se tape depuis bientôt 10 ans des dizaines de dossiers de lycéens qui veulent entrer à l’IUT chaque année, et qui a expérimenté différentes manières de les sélectionner : on ne sait pas prédire la réussite d’un individu. L’humain est ainsi fait qu’il ne cesse de nous surprendre. Le plus assidu des étudiants peut bien craquer et tout plaquer pour parcourir le monde. Le plus cancre de tous peut bien trouver sa voie et se révéler. Et c’est très bien ainsi.
Et ça, ils le savent pertinemment, mais il n’en ont rien à faire de ta Mathilde et de ton Agathe. Le gouvernement et les patrons d’universités ne souhaitent plus financer l’Université, en tout cas pas celle qui forme notre jeunesse. Les machins prestigieux pour faire un concours de qui a la plus grosse, oui. Mais l’Université tranquille qui pourra former Mathilde et Agathe, non. Ça leur rapporte quoi, à eux, de toute façon, la formation de ta Mathilde et de ton Agathe ?
Donc avec cette sélection, Mathilde va se retrouver avec des Mathilde. Déjà, c’est pas terrible. Ça aurait été mieux qu’elle se mêle un peu à d’autres. Mais bon, au moins elle aura la formation supérieure de son choix, ou du moins une formation supérieure.
Et pour Agathe… Et bien… Tout est prévu. Soit ce sera une formation professionnalisante courte, dans une filière qui a du mal à recruter, et tant pis si ça ne l’intéresse pas. Soit ce sera une année de remise à niveau/préparation/propédeutique. Là aussi nos dirigeants deviennent confus parce qu’ils n’ont pas le courage d’utiliser les bon mots : des filières poubelles, mises en œuvre à la va-vite avec pour seul objectif de permettre à l’Université de remplir son obligation légale d’accueillir tous les bacheliers, et surtout d’éviter une révolte.
On peut même lire des trucs géniaux écrits par nos patrons, du genre “L’accent sera mis sur les transformations pédagogiques, enabandonnant évidemment la logique strictedu « présentiel »pour la notion plus souple d’« équivalent présentiel ».”. Imbitable, hein ? C’est pourtant limpide : si Mathilde ou Agathe ne sont sélectionnées nulle part… l’Université va les accueillir… sur un site web ! Où elles seront livrées à elles-même face à des vidéos et des QCM permettant d’obtenir ces fameux équivalents présentiels. Evidemment, si tu es attaché à la logique stricte du présentiel, c’est-à-dire à la présence d’un prof qui fait bien plus que juste débiter des savoirs, et surtout si tu en as les moyens, tu pourras leur payer la formation de leur choix. N’oublie pas que tout ça n’est qu’une question de moyens. Avec suffisamment de fric, on pourrait former tout le monde à l’Université, comme on l’a toujours fait. Donc avec du fric, tu pourras lui choisir une des écoles privées qui fleurissent un peu partout, à bas bruit, mais de façon spectaculaire. Ou tu pourras l’envoyer loin de la maison, dans une université qui a de la place, en payant le transport, la bouffe et le logement.
Alors, je te le dis Baptiste, mets du pognon de côté. Plein. Parce que ça va coûter les yeux de la tête. Je te passe les statistiques sur les prêts bancaires étudiants, c’est une véritable boucherie.
Mais ce pognon ne sera pas suffisant… Parce que tu te doutes bien que s’il y a de la place dans cette université éloignée, et pas dans les autres, c’est qu’il y a un hic. C’est que cette université est forcément moins bien. Parce qu’à partir du moment où les étudiants ne peuvent plus simplement rentrer dans l’université la plus proche, ils vont essayer de rentrer dans l’université la meilleure. Et ça, ça change tout. Pas seulement pour Agathe, mais aussi pour Mathilde, avec ses bons résultats en soufflage de bougie.
Ce n’est plus seulement la mention, nationale, du diplôme qui va compter, mais l’université qui la délivre. Et ça, ça plaît bien à nos patrons, qui aiment bien se les mesurer, leurs universités. Et pourquoi ils aiment bien ça ? Parce que celui qui a la plus grosse pourra faire payer plus cher ses étudiants, et donc avoir plus de pognon pour faire encore plus de trucs prestigieux qui leur permettent de se la péter (et de briguer un joli fauteuil pour leurs petites fesses à eux, mais chut…).
Dans mon université, les frais d’inscription ont augmenté de 27% en 4 ans. À bas bruit. Bien sûr, les frais de base pour le quidam de base restent les mêmes… Mais les DU, Diplômes d’Université, payants, se sont développés à vitesse grand V, pour ceux qui peuvent se le permettre. Dans certaines filières, le diplôme d’état ne vaut déjà plus rien pour trouver un emploi, s’il n’est pas accompagné du DU qui va bien, avec ses juteux frais d’inscription. Chaque fois que tu entendras parler de “filière d’excellence” ou de “double cursus”, c’est de ça qu’on parle en réalité.
Et maintenant, tu viens de comprendre ce charabia à propos du grand projet que toutes les universités prennent en exemple : d’un côté les formations prestigieuses payantes, de l’autre… le reste, qui fait ce qu’il peut avec les moyens qu’il a. Y compris dans les établissements publics. Et évidemment, si ça arrive à l’Université, ça se répercutera partout, notamment par une hausse généralisée des frais de scolarité. C’est ce qui est arrivé partout où ont été ces choix ont été faits. C’est inévitable.
Concrètement avant le BAC
Oui, mais alors… Mettons que Mathilde soit arrivée au BAC avec mention très bien, que son dossier scolaire soit parfait, et que tu aies le pognon pour lui faire suivre le double cursus qui va bien… Est-elle pour autant tirée d’affaire ?
Hé bien non… Parce que la sélection aura commencé bien plus tôt, dès le collège. Ouais, sans déconner. Ils sont là, avec leur cartable Dora l’exploratrice et leurs pulls Pokémon… Et on est déjà en train de les sélectionner. Et bien plus encore qu’aujourd’hui. D’ailleurs, tu verras que demain ils vont te parler des profs de lycée qui pourront donner leur avis sur l’orientation.
Il faudra espérer qu’Agathe et Mathilde soient suffisamment mûres dès le collège pour ne pas se tromper de voie.
Parce que, qu’est-ce que ça signifie vraiment ? Ça signifie que si tu n’as pas mis Mathilde dans le bon collège, puis dans le bon lycée, dans ceux qui proposent l’option qui va bien pour rentrer dans la filière qui lui plaît, on va la lui refuser. Quels que soient ses résultats.
Rappelle-toi le début de ma lettre : l’école est ravagée. Le BAC, premier diplôme universitaire national, ne garantit plus rien. Le réparer coûterait de l’argent, il faut donc le remplacer. Tu serais bien fou de croire qu’on va le remplacer par des avis pédagogiques. Non, on va le remplacer par l’établissement qui le délivrera. Nos patrons d’université savent bien que les bacheliers issus des lycées où nous avons été inscrits tous les deux sont bien moins prestigieux que ceux inscrits dans ce qu’on appelait les lycées de bourges.
La sélection à l’Université est la solution proposée au manque de moyens de l’Université. La sélection au collège et lycée sera la solution proposée au manque de moyens des collèges et lycées. Donc il te faudra aussi prévoir du pognon pour leur collège et leur lycée, à Mathilde et Agathe.
Du pognon parce que tu devras sérieusement envisager de les envoyer loin, dans le collège et le lycée qui vont bien. Il te faudra sans doute déménager. Je sais que l’encre du prêt immobilier n’a pas encore séché. Le temps des choix est arrivé. Comme aux États-Unis, dont nos patrons ne cessent de vanter les mérites du système de formation. Jusqu’à l’aveuglement de ce que ça représente pour nous. Jusqu’à l’absurde de ce que ça représente pour la société.
Ou alors du pognon parce que tu devras sérieusement envisager de les envoyer dans le privé. Et tu sais à quel point ça me fait mal de dire ça, parce qu’une société qui n’est pas foutue de permettre à toute sa jeunesse d’accéder à une éducation de qualité, quels que soient les revenus des parents, est une société triste et laide. Mais j’y reviendrai.
Malheureusement, même le pognon ne fera pas tout… Il te faudra la connaissance. La connaissance du système de formation. La connaissance des établissements, des filières et des options. Ce sera un vrai boulot. Du temps et de la sueur. Certains en ont l’eau aux babines. Ne compte pas sur les machins d’information et d’orientation qu’ils vont nous pondre : les filières qui valent vraiment le coup ont toujours été confidentielles, et ça ne fera qu’empirer.
Et il te faudra être très vigilant. Désormais, ce sera sans filet : une baisse de motivation passagère au lycée se paiera cher. La moindre tache dans le dossier, et il faudra baisser vos ambitions.
N’était-ce pas, au final, exactement ce que disait Macron avec “ceux qui ont réussi et ceux qui ne sont rien” ? Macron, qui commence sa scolarité dans un établissement privé, avant de la terminer loin de chez lui, à Paris, dans le prestigieux lycée Henri-IV ?
Donc voilà, j’en ai terminé pour ce qui est du concret… Mets du fric de côté, et prépare-toi à devoir établir un véritable projet de formation pour Mathilde et Agathe, un plan strict d’intégration de l’enseignement supérieur, préparé dès le collège, sur la base d’une véritable stratégie. Leur avenir en dépend vraiment, et aucun cadeau ne leur sera fait dans la grande compétition à la formation supérieure qui se prépare.
A qui la faute ?
Tu as dû remarquer que je parle beaucoup des patrons d’université… Ceux-là mêmes qui rabâchent inlassablement que l’Université est “à bout de souffle”…
C’est faux, bien sûr (tu peux écouter ça par exemple, ça vaut l’euro que ça te demandera). La réalité est plus complexe que leurs annonces, et l’Université plus solide que leurs réformes. En fait, l’Université continue de former un sacré paquet de mômes, et de le faire sacrément bien : pour les connaissances et par les connaissances, avec passion et professionnalisme, malgré des conditions de travail de plus en plus débiles, comme dans tous les services publics.
C’est faux, mais ça permet de justifier le changement. Parce que c’est leur gros truc, à ceux qui nous dirigent, le changement. Et toujours le même changement : moins de dépenses publiques. Et tant pis si ça menace toute notre économie, y compris la plus libérale.
Il est déjà inquiétant que nous, Universitaires, réserve intellectuelle du pays, soyons incapables de leur rappeler ça, inlassablement, quitte à hurler s’ils n’entendent pas, quitte à tout mettre en œuvre pour les destituer s’ils persistent. Mais la réalité est bien pire. Nous appliquons doctement leur idéologie délétère. Et ça en dit déjà long sur le monde qui attend Agathe et Mathilde… Et putain, ça me fout la trouille, la vraie. Je te jure, j’en ai pas dormi, et je suis en train d’en chialer sur mon clavier.
“La Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), la Conférence des grandes écoles (CGE) et la Conférence des présidents d’université (CPU) sont fortement impliquées dans le processus de concertation relative à l’accès dans l’enseignement supérieur et à la réussite étudiante.”
Autant dire que ça ne rigole pas, ils sont tous là, ceux qui nous dirigent. Il est assez rare qu’un tel gratin se mette d’accord sur un unique texte. Je vais te passer les détails, j’ai déjà tout expliqué au-dessus. Mais ces extraits vont te permettre de mieux comprendre de quoi on parle réellement, de quelle idéologie toute cette misère est issue :
“Repenser le système d’information et d’orientation […] en impliquant davantage […] des entreprises”. Pourquoi pas… Même si bon… Mais surtout dans quel but ?
“Il est par ailleurs essentiel que [les compétences qui sont transmises aux étudiants] soient corrélées avec les compétences attendues par les employeurs et donc nécessaires pour uneinsertion professionnelle réussie”…
Il faut sortir un peu du dogme actuel pour comprendre toute l’idéologie que porte cette phrase, et pour comprendre les enjeux qui en découlent.
Une insertion professionnelle réussie ne dépend pas des compétences attendues par l’employeur. Il est dangereux de réduire la réussite de l’insertion professionnelle à la réussite d’un entretien d’embauche. La réussite d’une carrière, d’une vie professionnelle est bien plus que ça. Et elle nécessite des compétences qui dépassent largement celles attendues par les employeurs.
Il faut aller plus loin. La réussite étudiante se mesure-t-elle seulement à l’obtention d’un diplôme puis d’un emploi ? Est-ce que l’insertion professionnelle doit réellement être le seule rôle de l’école ? N’est-ce pas, non seulement s’exposer inutilement à l’obscurantisme, mais aussi prendre le risque de citoyens mal dans leur société ?
Faut-il croire que notre société va si bien d’un point de vue social et démocratique que nous pouvons aujourd’hui nous passer d’un élément essentiel d’émancipation de nos concitoyens ?
Voilà le véritable enjeu aujourd’hui : voulons-nous un système éducatif qui produise et transmette des connaissances pour émanciper, ou un système qui valide les compétences attendues par les employeurs pour « employabiliser » ?
Avons-nous réellement envie que nos enfants vivent dans une société où la connaissance est une marchandise ?
Je ne sais pas toi, Baptiste… Mais moi, ça me colle la trouille. Une vraie trouille. Ça me rappelle cet extrait, que je croyais -à tort- être du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley (en fait, c’est une Prosopopée de Serge Carfantan) :
“Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste.”
Mais est-ce vraiment la faute de ceux qui prennent ces décisions ? Ces décisions les arrangent bien, eux, finalement… Ou est-ce la faute à ceux que ça n’arrange pas, mais qui auront laissé faire ? Notre faute, finalement…
Que faire ?
Alors… Tu es ingénieur… A ce point, tu as dû comprendre que le prix qu’on s’apprête à payer, individuellement et collectivement, les prochaines années, est bien plus élevé que celui qu’il faudrait payer maintenant pour arrêter cette folie.
Mais comment faire ?
Déjà, la première chose à comprendre, c’est que l’Université, l’École, les profs et leurs syndicats sont totalement impuissants. Ce que je t’ai raconté dans cette lettre, tout est déjà connu et écrit depuis longtemps, depuis plus de trente ans. Et nous sommes nombreux à nous battre quotidiennement contre ça. Mais nous avons échoué.
Il faut aussi bien comprendre qu’il n’y a rien à attendre du travail parlementaire… Je me rappelle mes larmes de reconnaissance en entendant la députée Isabelle Attard défendre avec passion et justesse le système qui sera détruit demain… Et je me rappelle le mépris et l’incompréhension de ceux à qui elle s’adressait, ceux qui décidaient.
Les seules choses qu’on n’ait pas encore tentées, c’est la mobilisation des parents et l’interpellation directe. Alors voilà, si tu veux essayer d’arrêter ça, je ne vois plus qu’un moyen : interpelle le président de l’Université la plus proche. Interpelle ton député aussi, et ton maire. Demande leur si ce que je raconte est vrai. Dis-leur que tu n’es pas d’accord. Que tu ne laisseras pas passer. Que l’éducation est quelque chose de trop important pour qu’on la laisse se fracasser contre des intérêts particuliers. Demande leur ce qu’ils comptent faire, et ce qu’ils ont fait pour éviter ça, concrètement. Dis-leur que ce n’est pas assez. Et tiens-toi au courant des prochaines manifestations pour l’éducation ou les services publics. Pose un jour de grève et va marcher. Ce sera moins cher que ce que tu t’apprêtes à payer.
Et si ça ne fonctionne pas, que même si on se mobilisent, ils ne reculent pas… Alors il faudra envisager d’être plus durs encore… C’est trop important.
Voilà, j’en ai fini. J’y ai passé ma journée, mais de toute façon il faisait gris.
J’espère vraiment qu’on va s’en sortir, que ça va aller. Mais pour l’instant, tout indique le contraire. Agathe et Mathilde méritent tellement mieux que le monde qu’on est en train de leur préparer…
Je crois qu’aujourd’hui est un jour spécial, parce c’est aujourd’hui que nous arrivons au pied du mur. Et c’est aujourd’hui qu’il nous faut décider de ne plus rien laisser passer.
Et je sais que nous pouvons le faire.
Avec toute mon affection,
Julien
L’auteur de cette lettre est secrétaire-adjoint du SNESUP-FSU de l’Université de Strasbourg et membre du CA de cet établissement.
La lettre a été publiée initialement sur le site du SNESUP-FSU qui propose également un dossier complet sur la sélection.
La solidarité n’est pas un vain mot pour la grande majorité des Français : chaque année la collecte des banques alimentaires est favorablement accueillie, et les Restos du cœur font partie des causes favorites de nos concitoyens. Mais, en même temps, la proportion de ceux d’entre eux qui émettent des réserves à l’égard du revenu de solidarité active (RSA) tend à augmenter. Parce qu’ils estiment que l’aide sociale incite les personnes en situation de pauvreté à tendre la main plutôt qu’à la mettre à la pâte. Derrière la dénonciation de « l’assistanat », il y a l’idée que, si les pauvres sont pauvres, c’est un peu – voire beaucoup – de leur faute.
Les enfants pauvres, des victimes désignées
Supposons un instant que ce soit le cas. Cette accusation ne peut viser que les parents, pas les enfants. Ceux-ci n’ont pas choisi leurs parents, et quand ils viennent au monde, puis grandissent, ils ne portent aucune responsabilité dans la pauvreté qui est celle de leur foyer. La plupart du temps, naître dans une famille pauvre implique par la suite de grandir dans une famille pauvre, car sortir de la pauvreté est relativement assez peu fréquent (en 2015, selon Eurostat, plus des deux tiers des personnes en situation de pauvreté de France l’ont été au moins trois ans durant les quatre années précédentes).
Un peu comme pour l’alcoolisme, lorsque les parents sont pauvres, les enfants trinquent
Les 2,8 millions de jeunes mineurs ou d’enfants vivant dans des familles pauvres se trouvent majoritairement (51 %) dans des familles où au moins un adulte travaille. Mais le plus souvent pas assez (temps partiel), temporairement (intérim, CDD, contrat aidé) ou avec un revenu d’activité trop faible pour assurer aux membres de la famille un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté. Le problème est que la pauvreté, dès lors, risque fort de se transmettre en quelque sorte par héritage culturel. Un peu comme pour l’alcoolisme, lorsque les parents sont pauvres, les enfants trinquent. Car grandir dans une famille pauvre multiplie sensiblement la probabilité d’échec scolaire : dans un quart des cas, les jeunes issus d’une famille dont les parents sont sans diplôme sortent eux-mêmes de l’école en situation d’échec1. Les raisons en sont multiples : logement, faiblesse des revenus, faiblesse du niveau scolaire de la famille, absence d’information sur l’orientation, etc.
L’échec scolaire, facteur de chômage et d’exclusion
Cette absence de diplôme est de plus en plus un obstacle pour trouver un emploi durable, parce que les emplois accessibles sans diplôme soit se raréfient (un million d’entre eux a disparu entre 2008 et 2015 alors que les emplois accessibles aux seuls diplômés – cadres, professions intellectuelles ou professions intermédiaires – progressaient dans le même temps de 800 000), soit sont de mauvaise qualité (emplois temporaires ou à temps partiel contraint).
Comme une destinée, la pauvreté se transmet largement des parents aux enfants devenus adultes, par le lien de l’échec scolaire puis du marché du travail
Selon le bilan emploi-formation de l’Insee, en 2015, pour les jeunes sortis de l’école sans diplôme depuis 5 à 10 ans – un laps de temps qui permet de s’intéresser aux évolutions longues, et non pas aux situations conjoncturelles –, 47 % sont en emploi (dont 16 % à temps partiel subi), 23 % au chômage2, et 30 % inactifs, alors que, dans l’ensemble de la population des 25-49 ans qui disposent d’un diplôme, ces proportions sont respectivement de 84 % (emploi), 8 % (chômage) et 8 % (inactivité). Les jeunes non-diplômés qui ne trouvent pas d’emploi glissent peu à peu dans l’inactivité en prenant de l’âge, vivant alors de l’aide sociale ou de la « débrouille ». Bref, comme une destinée, la pauvreté se transmet largement des parents aux enfants devenus adultes, par le lien de l’échec scolaire puis du marché du travail.
L’égalité des chances mise à mal
En d’autres termes, pour les enfants ou jeunes mineurs vivant dans une famille pauvre, la pauvreté risque fort de devenir un héritage. La Déclaration des droits de l’homme proclame que nous naissons libres et égaux. Mais elle n’ajoute pas que, très vite, les nuages s’amoncellent sur ceux des enfants qui naissent dans une famille pauvre et qui deviennent de ce fait de moins en moins égaux aux autres.
En France, 16 % des jeunes de 15 à 34 ans ne sont ni à l’école, ni en emploi, ni en formation, contre 8 % en Suède
Puisque l’égalité des chances est mise à mal, le devoir de la société est de tout faire pour réduire cette inégalité qui risque d’aller en s’accroissant : logement décent, crèche accessible, soutien scolaire, participation des parents, orientation… La France est le pays qui dépense le plus dans le monde pour sa protection sociale (33 % du produit intérieur brut, qui mesure la richesse produite par les travailleurs). Elle devrait donc être celui dans lequel la lutte contre la pauvreté est la plus efficace. Ce n’est pas le cas : 16 % des jeunes de 15 à 34 ans ne sont ni à l’école, ni en emploi, ni en formation3, contre 8 % en Suède. Sur ce terrain, nous occupons la seizième place sur 28 au sein de l’Union européenne. Au Danemark, où la fréquence des familles monoparentales est à peu près de même importance qu’en France, le taux de pauvreté de ces familles est de 19 % contre 35 % en France. En Finlande, pays dont les habitants ont un niveau de vie moyen inférieur au nôtre, l’école permet quasiment à tous de réussir, alors qu’en France 15 % des jeunes en sortent sans rien.
Petite éclaircie en vue
Le nouveau gouvernement a fortement réduit le nombre d’enfants par classe dans les écoles primaires des zones d’éducation prioritaire et mit l’accent sur le soutien scolaire aux élèves en difficulté. C’est un pas en avant bienvenu. En outre, un nouveau délégué interministériel, Olivier Noblecourt, vient d’être nommé, avec comme objectif de veiller à la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Un deuxième pas en avant important, car ce nouveau délégué a fait ses preuves dans ce domaine à Grenoble. Mais, sur le plan budgétaire, l’effort principal du gouvernement consiste à gâter les riches à la fois pour qu’ils investissent et pour que leur réussite incite d’autres à se lancer dans l’innovation et la croissance. Ce faisant, il met les pauvres et leurs enfants à l’arrière-plan, alors qu’ils sont pourtant, eux aussi, sources de richesse potentielle… à la condition qu’ils disposent des atouts nécessaires.
Ne pas mettre en œuvre tout ce qui est possible pour que les enfants pauvres sortent par le haut de la nasse dans laquelle ils se trouvent, ne serait ni juste, ni intelligent. Emile Durkheim, le fondateur de la sociologie moderne, nous donne la clé de ces choix implicites. En 1893, il écrivait : « (…)Pour que les hommes se reconnaissent et se garantissent mutuellement des droits, il faut d’abord (…)que, pour une raison quelconque, ils tiennent les uns aux autres et à une même société dont ils fassent partie4.» Au fond, l’explication de ce peu d’intérêt porté jusqu’ici aux enfants pauvres s’explique sans doute parce qu’une partie de notre société ne tient pas aux pauvres, perçus comme des profiteurs et des fainéants. Olivier Noblecourt pourra-t-il changer cette donne ? On le souhaite de tout cœur, mais il aura vraiment fort à faire…
1. Voir la récente publication de l’Insee, France, Portrait social, https://www.insee.fr/fr/statistiques/3197289. Le lien entre niveau de formation et pauvreté est fort : moitié des plus de 15 ans en situation de pauvreté sont dépourvus de tout diplôme (excepté le brevet des Collèges).
2. Ce qui représente donc un taux de chômage de 33 % puisque ce dernier se calcule en rapportant les chômeurs aux seuls actifs (chômeurs + en emploi), soit ici : 0,23/(0,47+0,23).
3. Ce qu’on appelle les « NEET » d’après les termes anglais (not in education,, employment and trading).
4. Dans De la division du travail social, PUF, 1991, page 90.
S’il est une chose que les dérèglements climatiques ne chamboulent pas, c’est bien le froid piquant de décembre et la pluie fine, à la limite de la neige, qui transpercent les vêtements et congèlent la peau. Et c’est pendant l’hiver que la pauvreté de celles et ceux qui vivent dans la rue, sans toit ni hébergement, nous paraît le plus insupportable – même si non, la misère n’est pas moins pénible au soleil, les épisodes caniculaires se traduisant par des poussées de mortalité chez les SDF les plus fragiles. Il y a une constance, dans le froid ou sous le soleil, la rue tue. On estime à environ 47 ans l’espérance de vie des personnes sans domicile fixe (contre plus de 80 ans pour la population générale).
Malgré cela, les gouvernements successifs semblent avoir consciencieusement laissé de côté ce pan peu reluisant de notre modèle de développement. Et c’est particulièrement vrai ces dernières années, qui ont vu les inégalités sociales augmenter. Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre de janvier 2017, le nombre de SDF a augmenté de 50 % ces dix dernières années en France, et le nombre de mal-logés (logement insalubre, mal insonorisé, passoire énergétique, etc) atteint le chiffre faramineux de 4 millions de personnes. Sans compter les réfugiés, les Roms et toutes ces populations invisibles qui restent les grandes oubliées des politiques publiques. Or on le sait, le logement – et sa qualité – est la base pour la santé, le travail, la scolarisation des enfants, bref pour se réapproprier ses choix de vie.
Emmanuel Macron lui-même l’a d’ailleurs dit, il ne veut plus personne à la rue d’ici la fin de 2017. Beau projet (Lionel Jospin l’avait déjà évoqué alors qu’il était Premier Ministre il y a maintenant 20 ans !), mais qui tarde à se traduire en moyens (comme d’habitude). Et encore, quand les projets de centres d’hébergement ne rencontrent pas d’opposition des riverains eux-mêmes, comme ce fut le cas dans le 16ème arrondissement de Paris, qui avait vu voler en 2016 les insultes de certains habitants pour empêcher la création d’un centre (sic) qui, depuis, fonctionne pourtant très bien.
Face à la lenteur de la réaction et aux concerts des resto du cœur qui avive l’attention de l’opinion publique, chaque hiver donc, c’est la même chose : on pallie à l’urgence. Pour la seule Ile-de-France, l’Etat a mis à disposition plus de 10 000 places d’hébergements d’urgence pour la capitale, et 30 000 pour la région entière. Et Paris y ajoute des gymnases, transformés en dortoirs pour parer au plus urgent. Mais on est encore très loin du compte. Des centaines de personnes dorment dans les rues de Paris – avec dans certains cas, la présence d’enfants ! – et pour cause, le fameux 115, qu’il faut appeler pour obtenir une place, ne répond pas. En effet, seul un tiers des appels entraîne un hébergement.
Incroyable situation dans une région qui compte pas moins de 5 millions de m2 de bureaux vides (chauffés et pour certains gardés pour éviter les intrusions, ce qui coûte de l’argent pour rien) ! C’est là où le bât blesse. Car pour permettre l’hébergement de toutes et de tous, nous devrions pouvoir réquisitionner ces m2 aujourd’hui parfaitement inutiles (sauf à tendre encore un peu plus le marché immobilier et à faire monter les prix déjà très élevés). L’utilisation de ce type de surfaces de manière temporaire est possible : nous l’avons déjà expérimenté pour des bâtiments publics en attente de travaux ou de réhabilitation, par exemple à Porte de la Chapelle, avec l’installation d’un centre d’accueil pour les migrants ou encore dans le 19ème arrondissement, avec la transformation du lycée Jean-Quarré en centre d’accueil temporaire. Pour des coûts de mise aux normes très faibles. Pour des bénéfices humains incommensurables.