S’il est une chose que les dérèglements climatiques ne chamboulent pas, c’est bien le froid piquant de décembre et la pluie fine, à la limite de la neige, qui transpercent les vêtements et congèlent la peau. Et c’est pendant l’hiver que la pauvreté de celles et ceux qui vivent dans la rue, sans toit ni hébergement, nous paraît le plus insupportable – même si non, la misère n’est pas moins pénible au soleil, les épisodes caniculaires se traduisant par des poussées de mortalité chez les SDF les plus fragiles. Il y a une constance, dans le froid ou sous le soleil, la rue tue. On estime à environ 47 ans l’espérance de vie des personnes sans domicile fixe (contre plus de 80 ans pour la population générale).
Malgré cela, les gouvernements successifs semblent avoir consciencieusement laissé de côté ce pan peu reluisant de notre modèle de développement. Et c’est particulièrement vrai ces dernières années, qui ont vu les inégalités sociales augmenter. Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre de janvier 2017, le nombre de SDF a augmenté de 50 % ces dix dernières années en France, et le nombre de mal-logés (logement insalubre, mal insonorisé, passoire énergétique, etc) atteint le chiffre faramineux de 4 millions de personnes. Sans compter les réfugiés, les Roms et toutes ces populations invisibles qui restent les grandes oubliées des politiques publiques. Or on le sait, le logement – et sa qualité – est la base pour la santé, le travail, la scolarisation des enfants, bref pour se réapproprier ses choix de vie.
Emmanuel Macron lui-même l’a d’ailleurs dit, il ne veut plus personne à la rue d’ici la fin de 2017. Beau projet (Lionel Jospin l’avait déjà évoqué alors qu’il était Premier Ministre il y a maintenant 20 ans !), mais qui tarde à se traduire en moyens (comme d’habitude). Et encore, quand les projets de centres d’hébergement ne rencontrent pas d’opposition des riverains eux-mêmes, comme ce fut le cas dans le 16ème arrondissement de Paris, qui avait vu voler en 2016 les insultes de certains habitants pour empêcher la création d’un centre (sic) qui, depuis, fonctionne pourtant très bien.
Face à la lenteur de la réaction et aux concerts des resto du cœur qui avive l’attention de l’opinion publique, chaque hiver donc, c’est la même chose : on pallie à l’urgence. Pour la seule Ile-de-France, l’Etat a mis à disposition plus de 10 000 places d’hébergements d’urgence pour la capitale, et 30 000 pour la région entière. Et Paris y ajoute des gymnases, transformés en dortoirs pour parer au plus urgent. Mais on est encore très loin du compte. Des centaines de personnes dorment dans les rues de Paris – avec dans certains cas, la présence d’enfants ! – et pour cause, le fameux 115, qu’il faut appeler pour obtenir une place, ne répond pas. En effet, seul un tiers des appels entraîne un hébergement.
Incroyable situation dans une région qui compte pas moins de 5 millions de m2 de bureaux vides (chauffés et pour certains gardés pour éviter les intrusions, ce qui coûte de l’argent pour rien) ! C’est là où le bât blesse. Car pour permettre l’hébergement de toutes et de tous, nous devrions pouvoir réquisitionner ces m2 aujourd’hui parfaitement inutiles (sauf à tendre encore un peu plus le marché immobilier et à faire monter les prix déjà très élevés). L’utilisation de ce type de surfaces de manière temporaire est possible : nous l’avons déjà expérimenté pour des bâtiments publics en attente de travaux ou de réhabilitation, par exemple à Porte de la Chapelle, avec l’installation d’un centre d’accueil pour les migrants ou encore dans le 19ème arrondissement, avec la transformation du lycée Jean-Quarré en centre d’accueil temporaire. Pour des coûts de mise aux normes très faibles. Pour des bénéfices humains incommensurables.
David Belliard
Source Blog de Belliard 04/12/2017
Voir aussi : Actualité France Rubrique Politique,rubrique Société, Logement, Pauvreté, On Line voir le site du collectif des morts de la rue.