La réforme territoriale de 2014-2015 entraine des conséquences importantes pour les politiques de solidarité. Afin d’analyser les enjeux de cette réforme et formuler des propositions d’adaptation dans le contexte des fusions opérées par les associations régionales, la FNARS a élaboré un guide à destination de son réseau. Un séminaire a également été consacré à ce sujet en novembre 2016..
MONTÉE EN PUISSANCE DES RÉGIONS ET DES INTERCOMMUNALITÉS
Les régions disposent à présent de compétences stratégiques en matière de développement économique et d’aménagement du territoire. Elles pourront aussi se voir déléguer par l’État la mission de coordonner les acteurs de la politique de l’emploi sur leur territoire. Les métropoles pourront récupérer, par transfert ou par délégation, des compétences étendues appartenant aux communes, aux départements, aux régions et à l’État. Parmi ces compétences figurent des missions capitales telles que la gestion du fonds de solidarité logement, du fonds d’aide aux jeunes, la garantie du droit opposable au logement, l’attribution des aides à la construction, la veille sociale, ou encore l’accueil et l’hébergement des personnes défavorisées.
NOUVELLE DONNE POUR LES DÉPARTEMENTS ET L’ÉTAT
Le département peine à jouer son rôle de chef de file de l’action sociale. Son action est doublement limitée: d’une part, le poids croissant des prestations légales, de moins en moins couvertes par l’État, obère ses marges de manoeuvre pour conduire des politiques d’insertion; d’autre part, il ne dispose pas de moyens juridiques contraignants pour coordonner l’action des autres acteurs. À cet égard, les conventions territoriales d’exercice concerté des compétences, introduites par la loi NOTRe, constituent une avancée importante. L’État adapte également son organisation pour tenir compte de la réforme territoriale: fusion et réorganisation des services régionaux, nouveaux pouvoirs confiés aux préfets de région, redéfinition des arrondissements des sous-préfectures, etc.
SUR LES DOMAINES D’ACTION DE LA SOLIDARITE
Les politiques du logement et de l’hébergement seront fortement impactées par les nouveaux pouvoirs des métropoles. L’insertion par l’activité économique pourrait tirer parti de la montée en puissance des conseils régionaux dans les domaines du développement économique, de l’emploi et de la formation professionnelle. L’accès aux soins des personnes défavorisées dans les territoires devrait en principe être facilité par les dispositions de la récente loi de modernisation de notre système de santé. Enfin, plusieurs évolutions touchent à la mise en oeuvre territoriale des politiques d’aide aux jeunes et d’accès aux services publics.
DES ENJEUX CRUCIAUX POUR LES ACTEURS DE LA SOLIDARITÉ
Dans tous ces domaines, le guide FNARS propose des pistes de réflexion et d’action. La FNARS et ses adhérents devront d’abord identifier les transferts de compétences et favoriser le décloisonnement des dispositifs et des territoires. Face aux nombreuses compétences optionnelles des intercommunalités, un modèle de cartographie des compétences sera proposé dans le guide diffusé au réseau. La montée en puissance des métropoles risque aussi d’exacerber la fracture entre les territoires métropolitains, qui concentreront de nombreuses compétences et des moyens importants, et les espaces périurbains et ruraux, où les compétences sociales resteront dispersées et où l’accès aux services publics constitue déjà un enjeu prégnant. La stratégie d’influence et de communication devra aussi évoluer pour s’adapter aux nouvelles compétences des collectivités territoriales, notamment en investissant les instances adéquates et en renforçant la communication régionale. Enfin, la réforme constitue une occasion de réfléchir, avec l’ensemble du réseau FNARS, aux moyens d’animation à mettre en place dans des régions élargies.
La Pologne renonce à l’aberration. Après une journée de mobilisation et de grève générale des femmes polonaises, le gouvernement a annoncé sa décision de renoncer à interdire totalement l’avortement dans le pays. Jaros?aw Gowin, le ministre des Sciences et de l’éducation supérieure a déclaré que cette mobilisation avait amené le gouvernement à réfléchir et lui avait “appris l’humilité”.
Une proposition de loi, poussée par la puissante Église catholique, visait à interdire totalement l’IVG en Pologne. Elle n’y était pourtant autorisée qu’en cas de viol, d’inceste ou de risque grave pour le foetus ou la mère, l’une des des législations les plus restrictives d’Europe en la matière. La Pologne risquait de devenir le premier pays de l’Union européenne à revenir sur le droit à l’avortement (l’Irlande et Malte ne l’ont pas, mais ne l’ont jamais autorisé). Mais, comme l’Espagne en 2014, la Pologne s’est rétractée suite à la mobilisation nationale et internationale.
Lundi, des milliers de femmes ont répondu à l’appel d’organisations féministes. Elles se sont mis en grève et ont manifesté, vêtues de noir, sous la pluie dans les rues de Varsovie.
À Paris, une manifestation était également organisée en soutien aux Polonaises. Juliette Binoche s’est également prononcée contre ce projet de loi depuis Cracovie.
SelonTheIndependant, dès lundi, la Première ministre polonaise Beata Szydlo s’était distanciée du projet de loi, assurant que le ministère de la Justice ne travaillait absolument pas sur une modification du droit à l’avortement. Elle tentait de calmer les esprits, alors que dans les rues de Varsovie on hurlait contre une loi “médiévale” et “barbare”.
En parlant de loi médiévale, la République d’Irlande est toujours sous le coup d’une loi datant de 1861 qui punit l’avortement par une peine de prison, pouvant aller jusqu’à la perpétuité. SI elle n’est plus appliquée, la prison avec sursis est toujours de circonstance pour les femmes qui tentent d’avorter. En réponse, comme le relatait Marie Claire en juin dernier, des associations féministes comme Alliance for choice, Rosa Labour Alternative et Women on Waves se sont alliées pour mener des opérations de livraison par drone de pilules abortives. Selon le Planning Familial, 47 000 femmes meurent chaque année des suites d’un avortement clandestin.
Du Forum économique de Davos à la Silicon Valley en passant par les assemblées du mouvement Nuit debout en France, le revenu de base est sur toutes les lèvres depuis quelques mois. La Finlande affirme vouloir l’instaurer ; les Suisses ont voté sur le sujet en juin. Mais, entre l’utopie émancipatrice que portent certains et la réforme limitée que veulent les autres, il y a un monde…
Parler d’instaurer un revenu garanti sans préciser ce que l’on entend par là revient à discuter de l’adoption d’un félin sans dire si on pense à un chaton ou à un tigre », remarque M. Olli Kangas, directeur de recherche de Kela, l’institut finlandais de protection sociale (1). Or, depuis quelques mois, l’idée rencontre de plus en plus d’écho en Europe et au-delà ; et ses partisans de la première heure ne peuvent se défendre de l’impression de voir des chatons, des tigres et diverses créatures hybrides bondir en tous sens devant leurs yeux ahuris.
Certes, sur une définition minimale du revenu de base, tout le monde s’entend. Chaque individu recevrait de la collectivité, de sa naissance à sa mort, sans condition ni contrepartie, une somme régulière, cumulable avec ses autres revenus, dont ceux tirés d’un travail. Dans les versions de gauche, on imagine un montant proche du salaire minimum (2), assez élevé pour couvrir les besoins de base (autour de 1 000 euros), ce qui permettrait de refuser un emploi jugé inintéressant, nuisible et/ou mal payé (3). Il s’agit de reconnaître les diverses formes que peut prendre la contribution de chacun à la société : travail rémunéré ou non, formation — avant l’entrée dans la vie active ou pour une reconversion —, aide à ses proches, investissement associatif, création, etc. L’un des défenseurs actuels de cette version en France (4), Baptiste Mylondo, l’associe à des mesures drastiques de réduction des inégalités : impôt sur le revenu fortement progressif, taxe sur le patrimoine, instauration d’un revenu maximum (avec une échelle de un à quatre) (5).
Alliances transpartisanes
À l’autre extrémité du spectre, dans la version libérale — théorisée par l’économiste américain Milton Friedman (1912-2006) (6) —, le montant est trop faible pour que l’on puisse se passer d’emploi. Au lieu de renforcer le pouvoir de négociation des salariés, le revenu de base fonctionnerait alors comme une subvention aux employeurs, qui seraient tentés de baisser les salaires. Et il ferait office de « solde de tout compte » en se substituant aux prestations sociales existantes (assurance-maladie, chômage, famille, vieillesse). En somme, l’outil peut être mis au service de visions du monde et de projets de société aux antipodes les uns des autres. « On nous traite tantôt de libéraux, tantôt de communistes », soupirent Mme Nicole Teke et M. Yué Yin, membres du Mouvement français pour un revenu de base (MFRB), fondé en 2013 et fort de quelque neuf cents adhérents.
Vers lequel de ces pôles le débat penche-t-il aujourd’hui ? Curieusement, les analyses divergent : certains ne voient que des chats, et d’autres, que des tigres. À droite, l’ingénieur Marc de Basquiat, l’un des principaux théoriciens de l’idée en France, observe : « Deux sondages réalisés à un an d’intervalle parmi les militants des partis politiques montrent que l’idée est de plus en plus connotée “de gauche”. C’est très ennuyeux, car si elle est perçue comme une lubie de gauchistes, il sera encore plus difficile de la faire progresser. » Les assemblées de Nuit debout, qui ont abondamment débattu du revenu de base et de ses mérites comparés avec le salaire à vie théorisé par Bernard Friot (7), n’ont pas arrangé ses affaires…
Même contrariété, mais pour des raisons opposées, chez Mme Corinne Morel Darleux, membre du secrétariat national du Parti de gauche (PG). Elle a découvert le revenu garanti il y a environ huit ans, avec Mylondo, au sein du Mouvement Utopia (transversal aux Verts et au PG) : « Pour moi, cela reste l’idée la plus subversive du champ politique. Sauf qu’aujourd’hui, je la vois reprise partout sous une forme qui la vide de son sens. » De fait, les expérimentations très médiatisées mises en chantier aux Pays-Bas et en Finlande, par exemple, n’ont rien de révolutionnaire. Dans la vingtaine de villes néerlandaises qui l’envisagent, il s’agit plutôt de « réformes de l’aide sociale inspirées par certains principes du revenu de base », indique l’économiste Sjir Hoeijmakers.
À Helsinki, le Parti du centre, au pouvoir depuis avril 2015, a fait campagne en faveur du revenu de base. Il y voit un moyen d’améliorer l’efficacité de la protection sociale dans un contexte d’austérité et de relancer l’activité en poussant les bénéficiaires de l’aide sociale vers le marché du travail. Cumulable avec un emploi, le revenu de base permettrait de supprimer les trappes à inactivité, c’est-à-dire le risque que la reprise d’un travail rémunéré aboutisse à une baisse de revenus en faisant perdre des prestations sociales. Le principe est largement soutenu par la population, ainsi que par les Verts et l’Alliance de gauche. Un rapport définitif doit permettre de lancer début 2017 une expérimentation de deux ans, mais les premiers éléments rendus publics montrent que l’ambition a été revue à la baisse. Le projet-pilote ne prévoit qu’un revenu de 550 euros, cumulable avec l’aide au logement et versé à dix mille personnes. « L’esprit est très différent de celui du référendum suisse [lire « En Suisse, un débat sans précédent »] », insiste l’économiste Otto Lehto, membre de la section finlandaise du Basic Income Earth Network (Réseau mondial pour le revenu de base, BIEN). « Il n’est question ni de lutter contre la pauvreté ni d’instaurer un droit au revenu, et encore moins de se libérer de l’emploi. »
Encore peu nombreux et souvent isolés au sein de leurs milieux ou de leurs formations politiques, les partisans français du revenu de base travaillent ensemble, tout en restant lucides sur ce qui les sépare. « J’aime beaucoup Baptiste [Mylondo], mais c’est un idéaliste, déclare de Basquiat. Et puis, vouloir limiter les écarts de revenus à une échelle de un à quatre, c’est tout de même un grand coup porté aux libertés ! » Ancien proche de M. Nicolas Sarkozy, le député Frédéric Lefebvre (Les Républicains), candidat à la primaire de son parti pour la présidentielle de 2017, raconte comment M. Julien Bayou, porte-parole d’Europe Écologie – Les Verts (EELV), l’a emmené discuter du revenu de base avec un sans-abri hébergé dans un squat de l’association Jeudi noir. En janvier 2016, à l’Assemblée nationale, il a également défendu avec sa collègue socialiste Delphine Batho, dans le cadre de l’examen de la loi pour une République numérique, des amendements demandant au gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur la faisabilité d’un revenu de base. « J’assume totalement l’aspect transpartisan de cette démarche, commente Mme Batho. Les partis ne produisent plus une seule idée nouvelle. L’essentiel se passe en dehors d’eux. Et ce sujet clive autant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais nous devons travailler à créer des majorités d’idées. »
Parmi nos interlocuteurs, aucun ne prône ouvertement un démantèlement de la protection sociale actuelle. Pas même M. Lefebvre ni Gaspard Koenig, fondateur du think tank libéral Génération libre. S’il se veut « ni de droite ni de gauche », le MFRB précise dans sa charte qu’un revenu de base « ne doit pas remettre en cause les systèmes publics d’assurances sociales, mais compléter et améliorer la protection sociale existante ». Il pourrait remplacer certaines prestations du régime de solidarité financé par l’impôt, comme le revenu de solidarité active (RSA), mais personne ne prétend toucher au régime assurantiel financé par la cotisation (retraites, chômage, assurance-maladie). Seules les allocations familiales seraient remplacées par un revenu de base versé à chaque enfant, d’un montant moindre que celui des adultes.
Une exception : dans un rapport publié en mai (8), la Fondation Jean-Jaurès, proche du Parti socialiste (PS), propose trois scénarios de financement qui, inspirés par le souci de « ne pas générer d’endettement supplémentaire », impliquent tous d’éviscérer sans complexes la Sécurité sociale. Le premier prévoit de distribuer à tous les adultes 500 euros par mois, en échange du démantèlement de l’assurance-maladie et de l’assurance-chômage ; le deuxième — jugé le plus crédible par les auteurs —, avec 750 euros, « recycle » aussi les prestations retraite. Le troisième, avec un montant de 1 000 euros, fait de même, mais prévoit des prélèvements supplémentaires. Atterré, Jean-Éric Hyafil, membre du MFRB qui prépare une thèse en économie sur le revenu universel, a dénoncé les « grosses bêtises » contenues dans ce rapport lors d’un débat avec Jérôme Héricourt, coordinateur du groupe de travail de la fondation, dans un café parisien, le 26 mai 2016. « Un revenu de base est parfaitement compatible avec une protection sociale et une dépense publique fortes ! », a-t-il martelé. Embarrassé, Héricourt a répondu que les auteurs du rapport ne voyaient pas dans le revenu de base « la bonne solution aux problèmes du xxie siècle », mais qu’ils n’avaient pas voulu le préciser dans le document, rédigé « dans un esprit de neutralité ». De sorte que leurs scénarios élaborés sans conviction ont été repris dans la presse comme des préconisations…
Une même somme pour chacun, quelle que soit sa situation : tous les partisans du revenu de base s’entendent pour mettre fin à l’intrusion dans la vie privée qu’implique le régime de solidarité actuel, dont les prestations sont soumises à condition (de revenus, de situation familiale…). « Que l’on paie des gens pour aller compter les brosses à dents dans la salle de bains des bénéficiaires du RSA afin de s’assurer qu’ils ne vivent pas en concubinage (9), alors qu’ils veulent juste manger à leur faim, c’est insupportable », estime de Basquiat. Même discours chez Koenig : « Il faut lutter contre la pauvreté de manière plus efficace et moins paternaliste, en donnant aux gens le minimum dont ils ont besoin sans s’immiscer dans leur vie privée ou vérifier leur attachement à la valeur travail. » Les économies que permettrait le passage à l’inconditionnalité contribueraient en outre au financement d’un revenu de base : M. Lefebvre souligne le coût que représentent actuellement « la production des normes, l’accompagnement du public, la vérification, la sanction ». Mais aussi le « cercle vertueux » d’économies qu’engendrerait la mesure : « Moins de délinquance, moins de dépenses de santé, un meilleur niveau d’instruction… » Contrairement aux autres personnalités de droite qui s’en sont emparées, il prône un montant situé dans une fourchette haute, « entre 800 et 1 000 euros », dit-il.
Un mélange d’audace et de frilosité
On doit au philosophe belge Philippe Van Parijs la réactivation du concept en Europe, sous le nom d’« allocation universelle », au début des années 1980. Lui-même ancien adhérent dans son pays du parti Écolo, il estime que la possibilité laissée à chacun d’organiser sa vie et son travail bouscule les habitudes de pensée à la fois de la droite et de la gauche. « Lors d’une intervention devant le Parti libéral flamand, raconte-t-il, j’ai demandé : “Qui pense que la liberté est une valeur centrale ?” Tout le monde a levé la main. J’ai ajouté : “Maintenant, qui pense qu’elle devrait être réservée aux riches ?” Inversement, une rencontre avec des militants grecs, espagnols et italiens de Syriza, Podemos et Rifondazione Comunista à Bari, dans les Pouilles, a été l’occasion de se demander si la gauche n’avait pas tort de se cantonner à la défense de l’État et de l’égalité, et d’abandonner la liberté à la droite. »
Évidemment, des différences fondamentales demeurent : Koenig et de Basquiat, qui ont élaboré un projet commun, cherchent à lutter contre la pauvreté, mais pas contre les inégalités (10). Ils prônent un impôt négatif (allocation) de 450 euros par adulte et 225 euros par enfant, financé par un impôt à taux unique de 23 % sur tous les revenus (11). Pour limiter l’effet antiredistributif de ce type d’impôt, ils envisagent un renforcement des prélèvements sur le patrimoine, la fin des exonérations sur les revenus fonciers et financiers… « Cela ne changerait quasiment pas l’équilibre actuel de la redistribution en France, explique de Basquiat. Les riches toucheraient un tout petit peu moins et les pauvres, un tout petit peu plus. Mais on rationaliserait le système ; on mettrait fin à la stigmatisation et au paternalisme ; on supprimerait les effets de seuil et de trappe ; et on lutterait efficacement contre la grande pauvreté. » Ils se fondent sur une définition « absolue » et non « relative » de la pauvreté, laquelle, estime Koenig, serait une définition « jalouse » : « Cela ne devrait pas vous importer que d’autres deviennent très riches, tant que vous avez le sentiment de bien vivre. »
Quels autres arguments justifieraient l’instauration d’un revenu de base ? Tous nos interlocuteurs invoquent le nombre d’emplois appelés à disparaître du fait de l’automatisation et de la numérisation. En Suisse, les auteurs de l’initiative « Pour un revenu de base inconditionnel » ont défilé dans les rues déguisés en robots clamant leur désir de travailler à la place des humains. Un récent rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) tempère toutefois les conclusions d’études antérieures qui prédisaient un « chômage technologique » massif : il estime que seuls 9 % des emplois « présentent un risque élevé d’automatisation », tout en prévenant que « les travailleurs moins instruits » sont les plus exposés (12).
« Neuf pour cent, ce serait déjà énorme, commente Hyafil. Surtout ajouté à notre niveau de chômage actuel ! Pour autant, je ne crois pas aux discours sur la “fin du travail”. La transition écologique, par exemple, crée beaucoup d’emplois. Comme le dit l’économiste Jean Gadrey, viser moins de croissance n’implique pas forcément moins d’emplois, au contraire ! Mais il faut pouvoir se soucier de leur qualité, et non de leur quantité. Et, même avec le plein-emploi, il nous faudrait un revenu de base pour que chacun puisse choisir son travail et non le subir. » Le pamphlet de l’anthropologue américain David Graeber, figure du mouvement Occupy Wall Street, contre les bullshit jobs (les « boulots à la con », sans intérêt ni utilité sociale), a connu un retentissement significatif (13). Autre partisan du revenu de base, l’ancien ministre des finances grec Yanis Varoufakis juge la possibilité de refuser un travail « essentielle à la fois pour une société civilisée et pour un marché de l’emploi qui fonctionne bien (14) ».
Il s’agit aussi de sécuriser les parcours de vie à l’heure de la précarité généralisée. Avec le risque d’entériner le déséquilibre de la répartition des richesses entre salaires et profits. C’est flagrant quand M. Lefebvre cite en exemple l’Earned Income Tax Credit, par lequel, aux États-Unis, l’État complète les revenus de certains travailleurs pauvres. Autre écueil : que le revenu de base laisse libre cours au démantèlement du droit du travail et des conquêtes salariales entamé par des entreprises comme Uber (15). « Il faut construire un nouveau compromis social, plus adapté à notre époque que celui hérité de la Libération, sans pour autant que le revenu de base devienne la béquille de l’uberisation », résume Mme Batho. Mais comment s’en assurer ?
Tout dépend du pouvoir de négociation que donnerait aux travailleurs le montant de leur revenu garanti, ainsi que des prélèvements et de la redistribution des richesses opérés par ailleurs. Or, sur ces sujets, la frilosité de nombreux partisans du revenu de base contraste avec l’audace de l’idée qu’ils portent. Van Parijs plaide pour une instauration progressive, en commençant par un montant faible ; mais, objecte Mylondo, « rien ne garantit qu’un montant bas serait augmenté par la suite ». Le MFRB vante les mérites émancipateurs de la mesure, le « changement de paradigme » qu’elle permettrait, mais se félicite de tous les projets, y compris ceux qui préconisent un montant faible — autour du RSA actuel. L’association a même travaillé avec la très conservatrice Christine Boutin, présidente du Parti chrétien-démocrate, lorsqu’elle proposait un revenu de base de 400 euros. Un positionnement cohérent avec l’apolitisme revendiqué du mouvement, mais rédhibitoire pour Mylondo, qui n’y a jamais adhéré. Plutôt « rien du tout qu’un revenu de base au rabais » : « Je ne suis pas un inconditionnel du revenu inconditionnel », dit-il. Mme Morel Darleux, elle aussi, se défend de tout « fétichisme ».
S’agissant du financement, l’argument du « réalisme » et du « pragmatisme » traduit un certain fatalisme face à l’état du rapport de forces social et politique. Le MFRB participe à la campagne « Quantitative Easing (“assouplissement quantitatif”) pour le peuple », qui milite pour que la Banque centrale européenne (BCE) mette son initiative de création monétaire directement au service des citoyens plutôt qu’à celui des banques privées. Il y voit l’occasion de jeter les bases d’un revenu universel européen. La BCE n’écarte d’ailleurs pas un tel recours à la « monnaie hélicoptère », déversée sur tous pour relancer la consommation. Mais le MFRB se montre beaucoup plus prudent sur le front des inégalités. Hyafil juge inutile de « taper sur les plus riches », sous peine d’accroître encore l’évasion fiscale, et revendique une approche « consensuelle », « centriste », dans le souci de rassembler. « À la Libération, les patrons faisaient profil bas parce qu’ils avaient collaboré ; ce n’est plus le cas ! », remarque Mme Martine Alcorta, vice-présidente EELV du conseil régional d’Aquitaine, qui prépare une expérimentation du revenu de base. De Basquiat estime qu’avant de pouvoir rassembler une majorité autour d’un revenu garanti de gauche il faudra « une guerre ou deux »… L’hypothèse d’une lutte enfin efficace contre la fraude fiscale (16), souhaitée par beaucoup de partisans de la mesure, le fait sourire : « S’il existait une volonté réelle d’y mettre fin, on y serait parvenu depuis longtemps ! »
Comme tout projet progressiste, le revenu garanti dans sa version de gauche se heurte à l’absence d’un pouvoir en position de le mettre en œuvre. S’y ajoute, au fur et à mesure que le principe se popularise, un risque croissant de dénaturation. Même si l’hypothèse d’un revenu de base suscite encore, pour l’essentiel, l’indifférence ou la réprobation, elle semble apparaître à certains comme une planche de salut commode à la veille des échéances — législatives et présidentielle — de 2017, dans un contexte de pénurie d’idées nouvelles et de discrédit de l’action politique. Ce printemps, en pleine bataille autour de la « loi travail », M. Guillaume Mathelier, maire socialiste d’Ambilly (Haute-Savoie) et auteur d’une thèse sur le revenu universel, indiquait que le premier secrétaire du PS, M. Jean-Christophe Cambadélis, bien que lui-même sceptique, l’avait chargé de « faire monter le sujet » au sein du parti. Quant au premier ministre Manuel Valls, il a déclaré sur Facebook, le 19 avril, vouloir « ouvrir le chantier du revenu universel », avant d’ajouter aussitôt qu’il ne s’agirait pas d’une allocation « versée à tous », car « cela serait coûteux et n’aurait aucun sens ». Autrement dit : le revenu universel, pourquoi pas, mais à condition qu’il ne soit pas… universel.
Quoi qu’il en soit, comment espérer asseoir la légitimité d’un droit au revenu dans une société étranglée par l’austérité, matraquée de discours bilieux sur l’« assistanat », et où la vision du travail reste dominée, comme le dit M. Mathelier, « par le mythe du péché originel » ? Mme Morel Darleux invite à se défier de toute précipitation : « S’il s’agit de réclamer des mesures urgentes, je préfère insister sur la revalorisation du smic ou sur la titularisation des précaires de la fonction publique. Sur ces sujets, on est dans la reconquête, alors que le revenu de base, c’est de la conquête. Les débats qu’il suscite me paraissent d’ailleurs aussi intéressants que sa mise en œuvre. Le voyage compte autant que la destination ! Il suffit d’évoquer l’idée pour lancer des discussions passionnées sur ce que nous voulons faire de nos vies, sur l’organisation de la société… » Prendre le temps de mener la bataille culturelle et politique : peut-être le meilleur moyen de s’assurer qu’une fois introduit dans le salon le chaton ne se transformera pas en tigre prêt à dévorer ses propriétaires.
Mona Chollet
1) Débat à l’ambassade de Finlande à Paris, 3 mars 2016.
(2) Le smic français s’élevait en juin 2016 à 1 141 euros net.
De minuscules particules liées à la pollution industrielle ont été découvertes dans plusieurs échantillons de cerveau humain. Elles sont soupçonnées de contribuer au développement de la maladie d’Alzheimer.
Si vous vivez dans un environnement urbain, il y a des chances que vous ayez des nano-aimants dans le cerveau, au sens propre”, prévient Science. Une nouvelle étude parue dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) suggère que la plupart de la magnétite – composée d’oxyde de fer – trouvée dans le cerveau provient de la pollution de l’air issue des pots d’échappement ou d’activités industrielles comme la combustion du charbon pour produire de l’électricité.
“On savait déjà que des nanoparticules de fer étaient présentes dans le cerveau, mais on pensait qu’elles provenaient du fer qu’on trouve naturellement dans le corps, issu de la nourriture”, rappelle New Scientist. Or l’analyse précise des particules identifiées dans le cerveau de 37 personnes ayant vécu soit à Manchester, soit à Mexico fournit un indice crucial quant à leur origine.
“La magnétite que l’on trouve parfois naturellement dans le cerveau y est présente en quantités infimes, et ses particules se distinguent par leurs contours déchiquetés, explique BBC News. Au contraire, les particules trouvées dans l’étude étaient non seulement bien plus nombreuses, mais aussi lisses et arrondies, caractéristiques de ce qui se crée aux hautes températures d’un moteur de voiture ou des systèmes de freinage.”
La magnétite, un produit toxique
Cette nouvelle étude tire donc une nouvelle fois la sonnette d’alarme quant aux risques liés à la pollution. Car “le problème avec la magnétite, c’est que c’est toxique”, insiste Science. “Cela provoque le stress oxydatif, perturbe le fonctionnement cellulaire normal et contribue à la création de radicaux libres destructeurs – des molécules instables qui peuvent endommager d’autres molécules importantes”, énumère la revue scientifique.
Des travaux précédents, détaillés en 2015 par le New Scientist notamment, ont également montré des corrélations entre des niveaux élevés de fer dans le cerveau et le développement de la maladie d’Alzheimer. “Rien ne lie définitivement la magnétite à Alzheimer, tempère Science, mais le type de dommage cellulaire qu’elle peut causer est cohérent avec ce qu’on voit dans la maladie.”
Pour Clare Walton, directrice de recherche à l’Alzheimer’s Society, qui n’a pas participé à l’étude, citée par BBC News :
Les causes des démences sont complexes et jusqu’à présent il n’y a pas eu suffisamment de recherches pou dire que le fait de vivre dans des villes et des zones polluées augmente le risque de démence.”
“D’autres travaux dans ce domaine sont nécessaires, mais tant que nous n’avons pas plus d’information les gens ne devraient pas s’inquiéter de manière excessive”, ajoute-t-elle, avant de rappeler que l’exercice physique régulier, un régime alimentaire sain et l’arrêt de la cigarette diminuent les risques de développer ce type de maladie.
Le film de Delphine et Muriel Coulin sort aujourd’hui.
Deux jeunes militaires, Aurore et Marine, reviennent d’Afghanistan. Avec leur section, elles vont passer trois jours à Chypre, dans un hôtel cinq étoiles, au milieu des touristes en vacances, pour ce que l’armée appelle un sas de décompression…
La thérapie militaire a plus ou moins de succès selon les individus mais elle a de pratique qu’elle procure un scénario pour accueillir l’expérience de la guerre.
Le « Voir » du titre est bien ironique, indiquent les réalisatrices : non seulement Aurore n’a rien vu du pays où elle est allée, mais elle ne « voit » pas davantage l’essentiel avec les multiples sources d’images qu’on lui propose…«
Le croisement d’images provenant de simulateur, jeux vidéo, et images d’actualité, dessine la version officielle sensée tenir à distance les souvenirs douloureux et les remplacer par des images plus propres.
« Il y a une certaine violence à faire croire à des jeunes qui s’engagent qu’ils vont avoir une vie pleine d’aventure, une situation enviable, et qu’ils vont voir du pays, sans que la guerre ne leur fasse aucun mal. »
Chypre tient à la fois de lieu d’action et de sas de décompression. Les plans dans l’ hôtel cinq étoiles offrent de saisissants contrastes où s’entrechoquent des phases d’une même réalité comme celle du choix d’être femme et soldat, ou celle du contact entre la section revenant du front et les touristes dans une relation troublante, intrigante et inflammable.
« Il y a un lien entre ces guerres que nous avons menées et notre situation actuelle, que nous ne voulons pas voir. » rappellent les réalisatrices.
Le zoom arrière de Delphine et Muriel Coulin est évocateur. Comme si quelque chose d’inquiétant passait près de vous et la caméra se mettait en marche. Une deux, une…