« Drag me » de Nikos Kellis 2014, 5,46mn. Photo dr.
Festival. La sélection de quarante courts métrages et d’une dizaine de films documentaires séduit le public très assidu du Cinemed.
Salle comble à l’Utopia pour le programme des six court métrages grecs. Jeudi, plusieurs dizaines de spectateurs n’ont pu assister à la soirée faute de places. Ils pourront se rattraper aujourd’hui : la programmation est rediffusée à midi salle Einstein.
Cet engouement pour les courts et moyens métrages ne se dément pas au Cinemed qui présente cette année une sélection de quarante films en provenance de tout le bassin méditerranéen sur les six cents reçus.
La sélection s’opère sur la qualité des images, celle du scénario et sur l’intention qui anime les réalisateurs. Pour beaucoup des élus sélectionnés au festival, la programmation à Montpellier leur permettra de poursuivre leur travail avec un soutien à la production pour leur futur film, court, moyen voire long métrage.
L’engouement du public cinéphile de Montpellier pour le court et les films documentaires (un peu sous représentés cette année) répond à plusieurs paramètres, à commencer par celui d’être informé. Les médias français, sont, on le sait, très sélectifs, dans le traitement de l’information internationale, cela tant au niveau des zones géographiques prises en compte, que des angles choisis pour aborder les sujets, souvent limités et ethnocentrés.
Un regard comme celui du réalisateur égyptien Ahmed Nour, qui présente le documentaire très abouti Vagues dont le sujet questionne le quotidien de la population de Suez dans la société post-Moubarak, apporte une contribution historique et contemporaine à la compréhension, avec un sens affirmé de l’esthétique. La diversité des sujets, des lieux, et des formes figure parmi les critères du public montpelliérain.
La manière dont le film d’animation de Nikos Kellis, Drag me, plonge dans la jungle urbaine et celle dont on suit l’engrenage dans l’extrémisme du jeune ouvrier Giorgos dans le court métrage Red Hulk d’Asimina Proedou offrent deux restitutions talentueuses de la violence sociale.
Si le court métrage donne de l’intensité aux émotions, il est aussi un lieu d’expérimentation et de découvertes. Par son exigence cinématographique et son ouverture, le festival Cinemed a au fil du temps permis d’aiguiser le regard du public et d’attiser sa soif de culture. Il en redemande. Pourvu que ça dure !
Jean-Marie Dinh
Source : La Marseillaise L’Hérault du Jour 01/11/2014
Festif et réfléchi. Neuf jours de solidarité, de créativité et de réflexion proposés par le collectif Avis de chantier, cap sur Villeneuve-lès-Maguelone du 10 au 18 octobre pour décrasser nos neurones.
Aujourd’hui s’ouvre au Prat de Castel (route de Mireval) et aux Salines de Villeneuve-lès-Maguelone, la troisième édition des Palabrasives. Neuf jours de découvertes en tous genres, de solidarité, de créativité et de réflexion. Avis de chantier donne la parole aux exclus des médias et à ceux qui envisagent d’informer autrement, artistes, comédiens, musiciens, réalisateurs, plasticiens, chercheurs et publics que l’on encourage vivement à participer !
L’événement citoyen proposé par Avis de chantier a pris le relais de La Grande Barge lancée en 1998 par un collectif de plasticiens et des Villeneuvois concernés par l’éducation. « Tout est parti d’un questionnement face à la poussée du FN. On était un groupe d’artistes et d’instituteurs impliqués qui cherchait à répondre à ce phénomène sans demander plus de flics, résume Dominique Doré un des plasticiens fondateurs de La Grande barge. Nous avons organisé de nombreuses rencontres- débats autours des problèmes sociétaux et environnementaux en alliant expos et concerts dans un esprit d’ouverture. »
La manifestation prend à l’échelle du village. Les instituteurs organisent des visites avec leurs élèves, les parents s’y intéressent et participent. D’année en année La Grande barge accueille de plus en plus de plasticiens et le public suit. « Tout a toujours été gratuit et nous n’avons jamais voulu demander de subvention pour conserver notre liberté. On a été victime de notre succès. A la fin, c’était un peu lourd, on arrivait à trois semaines d’expos avec une inflation de propositions à gérer. Il n’y avait pas de limite, ce qui demandait beaucoup d’énergie. On se perdait un peu par rapport à l’objet de départ alors on a suspendu ».
L’équipe s’accorde un court temps de réflexion avant de repartir en 2005 avec Avis de chantier. « Il fallait réinventer et réduire la voilure. On garde la souplesse d’organisation mais on a recentré le propos autour de l’information, explique Antoine Galibert. On n’est pas des bénévoles mais des citoyens engagés, chacun fait son métier. On mène des ateliers dans les écoles à la prison, on organise des rencontres, comme les Boules de noël ou les Palabrasives. »
Les créateurs de l’événement ont concocté un programme audacieux et politiquement incorrect à éplucher sur leur page Facebook Les Palabrasives 2014 où l’on comprend qu’ensemble, devenir moins con est possible…
JMDH
« Croire à ce qu’on fait permet de créer d’autres mondes »
La riche programmation des Palabrasives commence ce soir par trois concerts. A 19h30 on pourra écouter Les Jazz’Pirateurs (fanfare Nouvelle-Orléan) suivis à 20h30 par un Duo corps à cordes avec le danseur Paul George et le musicien Thomas Boudé. Enfin à 21h Tango Charly Jazz, un jeune quintet bordelais célébrera John Coltrane. Demain, tout le monde est convié à un voyage dans les salines suivi d’un vernissage festif de l’exposition Les Salines à ciel ouvert. Une expo déambulatoire à suivre sur un parcours de trois kilomètres pour petits et grands avec la participation d’une trentaine de plasticiens. Dans la soirée on retrouve l’esprit de la fête avec le concert de Békar et les imposteurs (chanson-rock, pop-folk, tango-ska, yiddish).
Côté cinéma
Le romancier réalisateur Lilian Bathelot sera de la partie pour la projection de son documentaire co-réalisé avec Renée Garaud : La fabuleuse histoire de la Paravision projeté samedi à 18h. Le film de 57 minutes tourné en 2013 révèle l’existence d’une firme cinématographique créée en Aveyron par Guy Brunet, un ancien ouvrier de la sidérurgie.
« C’était un de mes voisins qui passait ses journées à peindre dans une ancienne ville minière. Je passais devant sans vraiment y prêter attention jusqu’au jour où il a peint sa façade. Intrigué, j’ai commencé à discuter avec lui. Il m’a invité à visiter son petit immeuble de trois étages rempli de personnages en carton représentant des vedettes de cinéma et des grands décors au point où l’on était contraint de circuler à l’intérieur de profil ».
Cette rencontre insolite pousse Lilian Bathelot à tourner un film et quelques années plus tard, il se lance. Le film, passionnant, évoque la vie de Renée Garaud dont les parents faisaient du cinéma itinérant, allant de ferme en ferme avant d’ouvrir dans les années 40 un petit cinéma dans le village. Lui a passé son enfance dans la cabine de projection. « C’est un homme assez renfermé, un type tombé de la lune, témoigne Lilian Bathelot. Les gens du village le prennent un peu pour un idiot mais lui il n’a qu’une idée en tête. Celle de faire des films. Il en a fait une quinzaine qui vont de 1h07 à 4h40. C’est complètement dingue ! »
La Fabuleuse histoire de la paravision va être diffusée sur la chaîne cinéma de Canal plus, Ciné +. Les réalisateurs, Renée Garaud et le Decazevillois d’origine Lilian Bathelot, viennent de signer un contrat d’exclusivité avec la chaîne. Il a aussi été programmé dans différents festivals dont le Cinemed l’an dernier.
« C’est une très bonne idée de le programmer aux Palabrasives. Le message sous-jacent du film n’est pas de créer de nouveau monde mais de soutenir le fait que d’autres mondes existent déjà. Il suffit de croire à ce qu’on fait pour créer d’autres mondes. Renée Garaud l’a fait et il en parle avec pertinence. Moi je fais les choses à ma manière dit-il cet un homme libre. »
Jacques Généreux est professeur à Sciences Po Paris. C’est un des économistes les plus lus en France. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels une Économie politique en trois volumes, ou Introduction à l’économie. Il s’est opposé au néolibéralisme notamment dans son Manifeste pour l’économie humaine (2000) et dans Les Vraies Lois de l’économie (2001) qui a obtenu le prix lycéen du livre d’économie. Depuis le début des années 2000, il s’est engagé dans un travail de refondation anthropologique de la pensée politique et économique en s’appuyant sur ce que l’ensemble des sciences de l’homme et des sciences sociales nous enseignent sur le fonctionnement de l’être humain et des sociétés humaines.
Dans une écriture sobre et fluide, vous avez toujours pris en compte la pédagogie dans votre réflexion pour rendre accessible une discipline qui ne fait guère d’effort pour le devenir. Avez-vous le sentiment que le contexte actuel accentue le désir de comprendre l’économie ?
J’ai, il est vrai, cette volonté. En réalité, je ne cesse jamais d’être un prof, je ne peux pas me passer de pédagogie. Tous les gens qui savent lire et écrire peuvent accéder à l’économie au prix d’un petit effort de compréhension mais cette effort doit être à la mesure de l’effort d’explication qui n’est pas très courant parmi les économistes. En tant qu’auteur et éditeur j’observe que les livres qui abordent la crise ou les mécanismes de la finance ont un réel succès. Il y a quinze ans, ils concernaient le public restreint des économistes et des étudiants. Ce n’est plus le cas, aujourd’hui il y a une vraie attente.
D’où provient cette demande selon vous, du fait que l’économie s’immisce partout dans notre vie quotidienne, d’une attente démocratique…
Dans un domaine connexe, je me souviens de l’extraordinaire engouement pour le débat citoyen qui s’est déployé autour du référendum sur le traité constitutionnel européen, en 2005. On a vu des livres se vendre sur le sujet par dizaines de milliers. Cela démontre que quand on donne la parole aux citoyens, on obtient de vraies réponses.
De cet épisode, on retient aussi le naufrage médiatique général. Médias qui, en matière économique, jouent un rôle prédominant dans la propagation de la pensée unique…
On le sait, la plupart des grands médias nationaux sont contrôlés par des patrons de presse privés qui n’entendent pas que leur « produit » soit le lieu de propagande de l’anti-marché. Il y a sans doute à réfléchir sur des cadres permettant l’indépendance des rédactions. Mais je crois aussi qu’un des phénomènes de l’économie barbare réside dans l’effondrement de l’entendement qui aboutit à ce qu’une majorité de personnes en vient à penser la même chose. Et on ne peut pas reprocher à un éditorialiste d’exprimer ce qu’il pense.
Dans le débat contemporain sur la baisse des coûts, des salaires et des dépenses publiques, la majorité des médias nous présente l’Allemagne comme la bonne élève de l’Europe mais contrairement aux idées reçues, les Allemands travaillent moins que les Grecs. Ceux qui nous parlent d’économie à la télévision et ceux qui nous gouvernent tiennent un discours économiquement infondé et suicidaire. Si tous les états membres appliquaient le modèle allemand, l’économie d’outre-Rhin serait anéantie et avec elle toutes celles de l’UE.
Ce débat sur la compétitivité est insensé car c’est une course sans fin pour savoir qui est plus compétitif que qui, et au final on aboutit à une Europe de pauvres. Malgré les échecs successifs, on ne se pose pas la question de savoir si la réduction du déficit en période de stagnation est une aberration. Même le FMI, pense aujourd’hui que les Européens sont fous.
Pourquoi la politique de baisse historique des taux d’intérêts, que mène la BCE reste-t-elle sans effet ?
La BCE n’a pas trop le choix. Elle doit préserver la sécurité d’un système financier fragile mais le maniement des taux d’intérêts produit des effets asymétriques. Si vous voulez casser la croissance, ça marche mais dans l’autre sens, si l’on veut que la baisse facilite la reprise, c’est une autre histoire. Les banques, qui sont les bénéficiaires des taux bas, placent paradoxalement leur argent dans les bons du Trésor allemands et français. Pour que les entreprises investissent, il faut que les carnets de commandes se remplissent. On emprunte pour investir, pour produire mais pour vendre à qui ? Seul l’acteur public peut déployer des investissements pour relancer la machine.
Dans quels secteurs ?
En investissant massivement dans le bâtiment et l’écologique, l’économie de développement durable, les énergies renouvelables, l’agriculture biologique, la recherche…Les domaines tournés vers l’avenir sont nombreux.
Qu’est ce qu’une économie barbare, des ministres qui ne paient pas leur impôts ?
Non, j’évoque l’économie barbare dans le sens où le désignaient les Grecs, c’est-à-dire ce qui est contraire à la civilisation, la violence, la destruction de la convivialité, le déchaînement des égoïsmes, la prédation sauvage des ressources, l’obscurantisme, le règne de l’ignorance, ce qui caractérise en somme le fonctionnement de notre économie.
Le théorème de Schmidt selon lequel les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après- demain n’est pas valide…
En effet, c’est pourquoi quand François Hollande fonde sa politique économique sur la restauration de la compétitivité française, il adhère à des croyances magiques. C’est la religion de la politique de l’offre qu’on apprend à l’ENA. Les dirigeants ont ce que Kundera appelait l’ambition des feuilles mortes, ils vont dans le sens du vent. Cela se conforme aux intérêts du Medef qui se fiche pas mal des travailleurs français parce que son terrain de jeu est mondial.
Dans votre dernier ouvrage* vous donnez des clés de lecture à tous ceux qui s’intéressent aux enjeux économiques en utilisant une forme originale…
J’ai choisi d’évoquer les notions mais aussi les codes de langage et les modèles de pensée du discours économique sous la forme d’un dialogue entre un citoyen plongé dans la crise et un prof d’économie. L’économie, ce n’est pas compliqué. Tous le monde comprend aisément que les tomates sont chères quand il y en a peu, mais expliquer les différentes logiques qui sous-tendent les débats économiques demande un petit décryptage. Et la complexité ne vient pas des débats, ce qui est compliqué, ce sont les économistes…
Recueilli par Jean-Marie Dinh
*Jacques Généreux explique l’économie à tout le monde (Seuil)
Source : L’Hérault du Jour La Marseillaise 27/09/14
« La religion n’engage et ne doit engager que les croyants. » photo dr
Henri Peña-Ruiz. Le philosophe spécialiste de la laïcité est attendu ce soir aux Chapiteaux du livre à Sortie-Ouest à 21h. Le militant progressiste pour la tolérance rappelle quelques fondamentaux de la République.
Henri Peña-Ruiz est docteur en philosophie et agrégé de l’Université, maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris, ancien membre de la commission Stasi sur l’application du principe de laïcité dans la République. Il est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages sur le sujet et vient de signer le Dictionnaire amoureux de la laïcité chez Plon.
Sans en dévoiler le contenu, pouvez-vous précisez les grands axes de votre intervention dont l’intitulé « Culture et laïcité, des principes d’émancipation » recouvre un vaste champ de réflexion…
Dans ce titre, culture et laïcité sont des termes essentiels sur lesquels je reviendrai pour évoquer le lien entre la culture et la laïcité. Qu’est-ce que la culture ? On peut l’envisager telle qu’elle se définit aux contacts des ethnologues, sociologues, anthropologues, soucieux de la cohérence des entreprises humaines. Il s’agit dans ce cas d’un ensemble d’usages et coutumes d’un groupe humain à un moment de son histoire. Ce sens est statique. Si on approche la culture de manière dynamique, on peut constater par exemple, que la domination des femmes par l’homme en 2005 a reculé par rapport au siècle dernier. En 1905, la coupe transversale de la société à cette époque correspond à un ensemble systématisé de traditions et cent ans plus tard on constate qu’un certain nombre de choses ont changé. Cela fait émerger une autre notion de culture. La culture comme un processus par lequel l’homme transforme la nature et se transforme lui-même pour s’adapter à son environnement.
Quelle approche entendez-vous souligner de la laïcité ?
L’idée que je veux développer de la laïcité n’est pas contre la religion. Elle est favorable à la séparation de la religion et de la loi pour tous.
La religion n’engage et ne doit engager que les croyants mais dans un Etat qui doit faire vivre agnostiques, athées, et croyants la loi ne peut être la loi de toutes ses personnes si elle n’est pas indépendante de toute loi religieuse. Il n’y a là aucune hostilité à la religion. Les principes de la laïcité ne sont du reste pas seulement promues par des athées. Victor Hugo qui était chrétien et laïque disait : « Je veux l’Etat chez lui et l’église chez elle.» Je n’évoquerai pas la liberté de religion mais la liberté de conviction puisque la moitié de la société française déclare ne pas être adepte d’une religion et doit pouvoir jouir des mêmes droits. Marianne n’est ni croyante ni athée, elle n’a pas à dicter ce qui est la bonne spiritualité.
En se référant à une approche dynamique de la culture, on se dit que les principes de laïcité étaient plus prégnants dans l’esprit des hommes politiques de la IIIe République que dans ceux d’aujourd’hui…
A cette époque, la conquête était plus fraîche. Elle irriguait tous les esprits après les réformes successives ayant fait passer l’enseignement des mains des catholiques à la responsabilité de l’Etat et la loi de 1905. Ces principes souffrent aujourd’hui du clientélisme électoral et de l’ignorance. Beaucoup d’élus se réclament abstraitement de la laïcité sans en appliquer les principes.
N’existe-t-il pas une carence en matière d’éducation et de formation des enseignants ?
Avec un bac plus quatre ou cinq je suppose qu’ils le sont suffisamment. Il faudrait que la déontologie laïque leur soit rappelée mais comment voulez-vous que les choses se passent lorsqu’on viole la neutralité républicaine au plus haut niveau de l’Etat ?
Nicolas Sarkozy et Manuel Valls vous ont tous deux fait sortir de vos gonds…
Lors de son discours de Latran Nicolas Sarkozy bafoue la loi avec sa réflexion profondément régressive « l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ». Manuel Valls fait de même lorsqu’il assiste officiellement au Vatican à la canonisation de deux papes. C’est scandaleux. Prétexter, comme il l’a fait, que le Vatican est un Etat et qu’il agissait dans le cadre de relations diplomatiques est une plaisanterie. Le Vatican n’est pas un Etat comme les autres et l’événement auquel il a assisté était purement religieux. Il aurait bien sûr pu le faire librement à titre strictement privé. Il est par ailleurs très inconséquent vis à vis de G. Clémenceau qu’il dit admirer et qui prit une décision laïque exemplaire en 1918, alors qu’il était président du Conseil en refusant d’assister au Te Deum prévu en hommage à tous les morts de la guerre. Clemenceau dissuade le président Poincaré, de s’y rendre, et répond par un communiqué officiel qui fait date et devrait faire jurisprudence?: « Suite à la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le gouvernement n’assistera pas au Te Deum donné à Notre-Dame. »
Qu’en est-il lorsque que le maire de Béziers Robert Ménard invite le peuple biterrois à ouvrir la Feria par une messe au sein des arènes privées ?
Même si les arènes sont privées, agissant en tant qu’élu, M. Ménard viole la laïcité. Ce qui montre que lorsque les gens du FN ou apparentés brandissent les principes de la laïcité pour donner du poids à leur idéologie, ils ne défendent pas la laïcité. Parce que sous ce titre, ils visent une certaine partie de la population. C’est une discrimination drapée dans le principe de l’égalité républicaine. De la même façon, la volonté des personnes souhaitant que l’on continue à privilégier le mariage hétérosexuel n’est pas universelle. Elles ont le droit de le pratiquer dans leur vie mais pas de l’imposer à tous. Cette confusion est aussi le fait des colons israéliens qui brandissent en Palestine la Bible comme un titre de propriété d’ordre divin. L’intégrisme religieux n’est pas seulement le fait de l’islamisme. Il est présent dans les trois religions monothéistes.
Le terme de laïcité n’est jamais utilisé par l’Union européenne au sein de laquelle de nombreux Etats ne le considèrent pas comme un principe fondateur. Certains pays ont milité en revanche pour intégrer les racines chrétiennes au sein de la Constitution…
Certains pays de l’Union européenne accordent des privilèges publics aux religions, comme les Britanniques ou les Polonais, et tous les pays n’entendent pas séparer l’Etat et l’église. La Suède a prononcé la séparation, l’Espagne a modifié l’article 16 de sa Constitution dans ce sens. Les mentalités évoluent sur cette question. La France a refusé que l’on intègre la notion de racines chrétiennes aux prétexte que ce n’est pas la seule mais une des racines qui pouvait être prise en compte. Si on écrit l’Histoire on ne peut pas mettre en avant un seul chapitre. Nous pourrions aussi évoquer la civilisation romaine sur laquelle se fonde notre justice, où la pensée libre et critique de Socrate et des philosophes grecs.
Quels effets bénéfiques nous apporte l’émancipation laïque ?
Le principe de paix entre les religions et entre les religions et l’athéisme. L’égalité des droits, le choix d’éthique de vie, de liberté sexuelle, elle permet de sortir de certains systèmes de dépendance.
Des étudiants de droite pendent les effigies de militants bolivariens, dans le plus pur style du paramilitarisme colombien ou des cartels mexicains.
On a beaucoup parlé au début de 2014 de la situation politique et sociale du Venezuela face aux violences qui visaient (une fois de plus) à déstabiliser le gouvernement de Nicolas Maduro [1]. Ce plan, que ses dirigeants conservateurs avaient baptisé « la Sortie » (celle du président Maduro, NdT), connaît un destin paradoxal quelques mois plus tard avec la démission de Ramón Guillermo Aveledo [photo ci-contre], secrétaire général de la « Plate-forme d’Unité Démocratique » (MUD), principale organisation de la droite et d’opposition au gouvernement bolivarien. Quel moment politique vit le Venezuela ? Qu’a défini le récent congrès du Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV), parti au pouvoir ? Que va tenter à présent l’opposition à Maduro ?
« Il parlaient de “la Sortie”, et ce sont eux qui ont fini par sortir », ironisait récemment Nicolás Maduro au cours de son programme radio et télévisé En ligne avec Maduro, à propos de la réalité politique de la droite vénézuélienne. À quoi faisait-il allusion ? A la démission de Ramón Guillermo Aveledo comme secrétaire général de la MUD, plate-forme qui a porté par deux fois la candidature présidentielle de Henrique Capriles. Selon Maduro, ce sont les secteurs d’extrême droite au sein de la MUD qui auraient poussé Aveledo vers la sortie à la suite de sa participation aux dialogues successifs impulsés par le gouvernement bolivarien après les violences de février et de mars.
L’opposante María Corina Machado, une des faces visibles de l’opération « Sortie » avec Leopoldo López [2] est en train d’organiser ce qu’elle appelle un « congrès citoyen », qui vise à construire, de nouveau, une force externe à la MUD. Machado représente l’aile dure et radicale de la droite vénézuélienne, qui ne veut faire aucune « concession » à Maduro. Son discours se base en priorité sur le thème de la sécurité, reléguant au second rang les thèmes de la structure productive du pays et de la participation populaire dans les prises de décisions.
Le récent IIIème Congrès du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) a fait preuve d’une solidité croissante comme parti politique, se rassemblant derrière la figure de Nicolás Maduro, par ailleurs élu président du parti. Oubliées les lettres de l’ex-ministre Giordani, copieusement relayées par les médias les plus conservateurs du pays dans le but de générer des fissures au sein du parti au pouvoir. Le PSUV a décidé lors de cette assemblée nationale de poursuivre le débat politique commencé il y a un an dans les près de 14 mille UBCH locales (Unités Bolívar Chávez). En outre, les documents émanant du Congrès soulignent que « le monde multi-centré, multipolaire, et l’union latino-américaine et caraïbe garantissent la paix et l’équilibre sur la planète », font référence au récent sommet UNASUR-BRICS [3] qui s’est tenu au Brésil et indiquent la volonté du PSUV de renforcer ses liens avec d’autres partis au pouvoir dans les pays qui mènent des politiques post-néolibérales.
À présent, les Vénézuéliens assistent à l’approfondissement de la division de la droite, un phénomène qui n’est pas tout à fait nouveau : en février on pouvait noter clairement deux tendances face aux violences qui ont tenté de renverser le gouvernement Maduro. La situation semble aujourd’hui la même mais dans des proportions plus importantes : alors que Capriles annonce une tournée nationale en solo, Machado choisit de construire un « congrès citoyen » sans la MUD et Aveledo refuse d’expliquer les motifs de sa démission du secrétariat général. Bref, la droite est entrée dans une guerre d’egos et d’objectifs quant au futur du pays.
Sans doute, à l’heure d’écrire ces lignes, un des principaux défis qu’affronte le gouvernement est-il de mettre fin à la croissante spéculation économique impulsée par les grands groupes privés. Freiner cette politique – qui inclut des problèmes d’approvisionnement dans certains lieux et des hausses artificielles des prix – figure à l’agenda d’une droite de nouveau morcelée mais qui tentera par la voie économique ce qu’elle n‘a pu atteindre par la voie politique. Elle cherchera ainsi à saper la base sociale d’un gouvernement qui garde l’appui des majorités populaires, bénéficiaires de la plupart des politiques mises en oeuvre depuis son arrivée au pouvoir.
J-M. Karg, Caracas
Notes
[1] Bien que 7 % seulement des personnes arrêtées pour meurtres ou violences fussent des étudiants et que cette opération partît des quartiers riches de Caracas ou de la frontière avec la Colombie, la plupart des journalistes occidentaux relayèrent la version des médias privés vénézuéliens : celle d’une « révolte étudiante contre la vie chère » face à un « État répressif », faisant de la dirigeante d’extrême droite Maria Corina Machado une égérie de la « lutte pour la démocratie ». Le président Rafael Correa avait déclaré : « La vérité est que c’est le gouvernement légitime du Venezuela qui est persécuté, que Nicolas Maduro est un humaniste, qu’il ne serait jamais capable de réprimer son peuple, et qu’on tente de le déstabiliser. »
Voir aussi ; Rubrique Actualité Internationale, rubrique Amérique Latine, Venezuela, On Line :María Corina Machado insiste sur la nécessité d’organiser un nouveau coup d’État. http://youtu.be/M5OOKvfj23w