Des drapeaux européen et britannique flottent sur Parliament Square, lors d’une manifestation pour l’Europe, le 9 septembre 2017. STRINGER / REUTERS
La chambre des Communes a approuvé la loi d’abrogation du droit européen à 326 voix contre 290, après avoir rejeté un amendement travailliste de blocage du texte.
La mise en oeuvre du Brexit a franchi une première étape législative au Parlement britannique dans la nuit du lundi 11 au mardi 12 septembre, avec l’adoption du projet de loi gouvernemental destiné à mettre fin à la suprématie du droit européen au Royaume-Uni.
A l’issue de plus de huit heures de débats lundi, les députés de la chambre des Communes ont adopté ce texte crucial à 326 voix contre 290 en seconde lecture, après avoir rejeté un amendement travailliste de blocage du texte.
Le « Repeal Bill » continuera d’être examiné au Parlement dans les prochains jours. Les députés ont validé en outre le calendrier présenté par le gouvernement pour ce dernier examen, d’une durée fixée à huit jours. Certains élus jugeaient ce délai trop court au vu de la complexité du texte.
May salue « une décision historique »
« Le Parlement a pris la décision historique de soutenir la volonté du peuple britannique et de voter pour une loi qui apporte certitude et clarté avant notre retrait de l’Union européenne », s’est réjoui la Première ministre Theresa May dans un communiqué.
Baptisé « Loi de (retrait de) l’Union européenne », le texte vise à abroger l’« European Communities Act » de 1972 qui avait marqué l’adhésion du Royaume-Uni à l’UE et introduit la primauté du droit communautaire sur le droit britannique.
Il doit transposer telles quelles ou amendées une grande partie des lois européennes dans le droit britannique, un travail titanesque au regard des quelque 12.000 règlements européens qui s’appliquent actuellement dans le pays.
Concrètement, cette loi doit permettre au Royaume-Uni de continuer à fonctionner normalement lorsqu’il aura effectivement coupé le cordon avec l’UE, fin mars 2019 théoriquement, à l’issue du processus de négociation avec Bruxelles.
Pouvoirs exceptionnels
Le ministre du Brexit, David Davis, avait mis en garde dimanche contre un vote de rejet qui équivaudrait à « une sortie chaotique de l’Union européenne ».
Malgré l’opposition du Labour, principal parti d’opposition, du Parti national écossais (SNP, pro-UE et indépendantiste) et du Parti libéral-démocrate, un porte-parole de la Première ministre Theresa May s’était dit confiant lundi dans le résultat du vote, le gouvernement conservateur disposant d’une courte majorité grâce à son alliance avec le petit parti ultra-conservateur nord-irlandais DUP.
Mais la partie n’est pas pour autant gagnée pour l’exécutif, fragilisé depuis les élections générales de juin. Son projet de loi mécontente de nombreux députés, jusque dans les rangs conservateurs, non pas tellement en raison de leur opposition au Brexit, mais plutôt à cause de la méthode préconisée.
Le gouvernement sollicite en effet des pouvoirs exceptionnels afin de procéder lui-même aux lourdes modifications nécessaires pour transposer le droit européen, en s’exonérant du plein contrôle du Parlement (dits « pouvoirs d’Henry VIII », qui s’apparentent aux ordonnances françaises).
Un « coup de force » pour l’opposition
Impensable pour la majorité des députés travaillistes qui y voient un « coup de force », quelques uns d’entre eux s’étant cependant écartés des consignes de vote de leur parti pour se rallier au gouvernement.
« Si je vote contre (…) ce soir, ce n’est pas parce que je vote contre le Brexit. (…) Je vote plutôt contre un Brexit mal géré, qui menace d’affaiblir davantage nos traditions démocratiques établies de longue date et durement acquises », a expliqué la députée travailliste Angela Smith. Contrairement au gouvernement, son parti veut maintenir le Royaume-Uni dans le marché unique européen pendant une période de transition post-Brexit.
Les prérogatives dont pourrait disposer l’exécutif inquiètent également les syndicats. « Il est ulcérant de voir un gouvernement qui a promis de protéger les droits des travailleurs présenter un projet de loi sur le retrait de l’UE truffé de failles sur les droits des travailleurs », avait dénoncé dimanche la secrétaire générale de la confédération syndicale TUC, Frances O’Grady.
Le Brexit continue de diviser au Royaume-Uni, où plusieurs milliers de personnes avait manifesté samedi dans le centre de Londres pour demander au gouvernement d’y « renoncer ».
La muse et son amant poète : Lili Brik et Vladimir Maïakovski à Yalta, en 1926. Photo APIC/GETTY IMAGES
Les bolcheviques voulaient en finir avec le modèle familial bourgeois. Leur prise de pouvoir a donné le coup d’envoi à une révolution aussi bien féministe que sexuelle. Entretien avec l’historien Alexandre Rojkov, spécialiste de la vie quotidienne, de la jeunesse et de l’histoire sociale.
LENTA.RU : Dans leur modèle de société, quelle place réservaient à l’amour les idéologues du marxisme?
ALEXANDRE ROJKOV : L’amour s’intégrait dans le “grand récit” marxiste ou révolutionnaire, en lien avec les questions économiques ou politiques essentielles. Marx estimait que le rapport de l’homme à la femme était l’étalon de mesure du niveau de culture de l’individu. Il était partisan de l’émancipation en général (y compris des femmes), et prônait assez fermement la libéralisation du divorce. Engels a écrit que la destruction des fondements économiques de la famille bourgeoise allait modifier le caractère même des relations familiales : le soin des enfants deviendrait l’affaire de la collectivité, qu’ils soient nés d’un mariage ou d’une union civile. Dans le même temps, il reconnaissait ne pas savoir exactement ce qui remplacerait les piliers détruits du mariage.
Qu’en pensaient les bolcheviques ?
Ils ont été constants dans leur volonté d’accorder aux femmes l’égalité des droits. Et les femmes ont eu, en effet, la possibilité de se réaliser dans tous les domaines. Mais il a fallu de nombreuses années pour détruire le fameux“foyer familial” et libérer les femmes de “l’esclavage de la cuisine”, en développant ces réseaux de maternités, de restauration collective, de crèches, de maternelles et d’écoles dont rêvaient les bolcheviques. Comme l’a écrit Trotski en 1936 dans La Révolution trahie, en parlant de “Thermidor au foyer” [la bureaucratisation de l’État ouvrier ayant fait selon lui reculer les acquis de la révolution], le renversement de l’ancien modèle familial avait échoué.
Parmi les ouvrages des penseurs de la sexualité, Douze commandements sexuels du prolétariat, d’Aron Zalkind, publié en 1924, est celui qui a eu le plus de succès. Ce freudo-marxiste enjoignait le prolétariat à préserver son énergie sexuelle afin de garder ses forces pour la lutte des classes. Il convenait selon lui de faire passer le collectif des travailleurs avant l’amour : “Il faut que le collectif soit plus attractif qu’un partenaire sexuel.” Dans le même temps, Zalkind ne concevait la relation sexuelle que dans le sentiment amoureux, et l’acte sexuel comme le stade ultime de l’émotion amoureuse. Il faut également noter les exigences énoncées en matière de fréquence des accouplements, de fidélité envers son partenaire et de responsabilité face à une éventuelle grossesse. Les perversions sexuelles étaient taboues, tout comme le flirt et la jalousie.
En 1923, Alexandra Kollontaï publie un célèbre article, “Place à l’Éros ailé”. Quelle est sa thèse ?
Il n’y est pas tant question d’amour et d’érotisme que de la lutte idéologique acharnée entre deux cultures, celle de la bourgeoisie et celle du prolétariat. Kollontaï explique qu’avec la paix est venu le temps d’ouvrir la voie à l’Éros ailé (l’amour sentimental), car pendant la guerre civile [1917-1923] régnait “l’instinct primitif de reproduction” ou “l’Éros sans ailes”. Il fallait alors préserver les forces morales du prolétariat des “émotions secondaires”. Pour Kollontaï, l’idéologie prolétarienne doit cultiver le sentiment amoureux entre les sexes, dans l’esprit d’une camaraderie solidaire. Et l’amour des uns envers les autres au sein du collectif ouvrier doit se subordonner à un sentiment supérieur – l’amour-devoir envers le collectif.
Dans les années 1920, les jeunes ont créé beaucoup de communautés. Était-ce un environnement favorable pour l’amour du collectif ?
Les années 1923-1924 ont correspondu à l’apogée des communautés. Elles pouvaient se composer de quelques personnes, comme de dizaines, voire de centaines d’individus. “Nous ne voulons plus vivre à l’ancienne?!”, voilà le slogan de la jeunesse étudiante de l’époque. Mais la vie en communauté entrait rapidement en contradiction avec les aspirations personnelles. Généralement ne survivaient que les communautés où la volonté sociale des étudiants répondait à des objectifs plus pragmatiques qu’idéologiques, à savoir la mise en commun de maigres revenus pour ne pas mourir de faim.
Restait-il de la place pour l’amour ?
Nos contemporains imaginent sûrement les communautés comme des foyers de vie sexuelle débridée. Bien sûr, ce n’étaient pas des monastères. Mais deux facteurs au moins faisaient obstacle à la fondation de familles. Le premier était moral : les communards ne se définissaient pas comme maris et femmes, mais comme frères et sœurs. Le deuxième était matériel : les communards, comme tous les Soviétiques, souffraient du manque de logements.
Du reste, chaque communauté avait ses règles. Dans la communauté no 2 de l’université de Moscou, par exemple, il était même interdit de penser à l’amour. Un communard a ainsi voulu inviter au théâtre une komsomol qui lui avait tapé dans l’œil. Le comptable de la communauté a refusé de lui donner l’argent des billets, arguant que ces fonds devaient servir à réparer les semelles “et non à financer l’individualisme”.
Le collectif empêchait donc les couples de se former ?
Pour reprendre l’heureuse métaphore du démographe Anatoli Vichnevski, qui compare la situation du paysan dans la société à une poupée russe (paysan, famille, communauté, État), les communards ne voulaient pas qu’à l’intérieur de la “grande matriochka” de la communauté apparaissent de petites “matriochkas familiales”. La famille et l’amour risquaient de détruire l’unité de la communauté, et les communards s’opposaient instinctivement à toute aspiration séparatiste.
Quels ont été les changements dans la manière d’entamer une relation sexuelle ?
L’entremêlement chaotique de différentes pratiques sexuelles, le retour de la question de l’amour libre et la destruction rapide des anciens principes de morale sexuelle permettent de parler de changements explosifs et dionysiaques. Le rapport aux relations sexuelles a surtout évolué dans la psychologie féminine. Une étudiante des années 1920 reconnaissait avec fierté :
Nos filles savent parfaitement ce qu’elles attendent des gars. Beaucoup d’entre elles s’accouplent avec eux sans ‘remords’ particulier, suivant leur inclination naturelle.”
Deux décrets bolcheviques, adoptés les 19 et 20 décembre 1917, ont été les pierres angulaires de cette révolution sexuelle : le décret “Sur le divorce” et celui “Sur l’union civile, les enfants, et l’inscription à l’état civil”, que Lénine voyait comme une révolution du mariage. On considérait désormais comme mari et femme tout couple qui vivait d’un commun accord en concubinage. L’homme perdait son pouvoir sans limites au sein de la famille, la femme devenait un partenaire égal en droits au sein du couple.
On ne peut pas analyser ce phénomène sans prendre en compte ce que l’on appelle la seconde phase de transition démographique, avec le passage de la famille nombreuse à une famille plus réduite, lié à la nécessité de planifier et de réguler la natalité – qui a conduit, dès le début, le régime soviétique à autoriser l’avortement. Cela est essentiel pour comprendre les raisons, les conditions et la teneur de la révolution sexuelle, bien plus que les jeunes femmes nues dans les rues de Petrograd exhibant des banderoles “À bas la pudeur !”
Les jeunes hommes percevaient-ils les femmes comme enfin plus accessibles ?
Dans certains cercles de jeunes prolétaires, le viol des “bourgeoises”, des nobles, était perçu comme le triomphe de la justice de classe. Et, au début, le droit révolutionnaire ne punissait pas plus sévèrement ces viols que le vol d’un hareng. De même, les “camarades” du Komsomol semblaient accessibles (ou du moins étaient perçues comme telles par les hommes). Il était considéré plus normal d’avoir une relation sexuelle sans amour avec un membre du Komsomol que de payer une prostituée.
Dans les années 1920, le nombre de viols a explosé, au point de devenir une menace réelle pour l’ordre public. Beaucoup de komsomols, en particulier à la campagne, se distinguaient par leur débauche sexuelle. Les filles qui refusaient d’avoir des rapports avec les fonctionnaires du Komsomol étaient souvent exclues de l’organisation sous un faux motif. Les persécutions prenaient diverses formes, allant jusqu’au meurtre pour avoir refusé “l’amour libre komsomol”.
Comment a évolué le rapport à l’homosexualité ?
Avant la révolution, l’homosexualité masculine était interdite en Russie, mais les pratiques homosexuelles des personnalités riches et célèbres n’étaient pas réprimées par la police [le lesbianisme, lui, n’était pas puni par la loi]. Avant comme après la révolution, la société, à l’exception des milieux bohèmes de la capitale, percevait l’homosexualité comme une anomalie, une dépravation, mais sans agressivité particulière. On fermait les yeux.
En arrivant au pouvoir, les bolcheviques n’ont pas inscrit les rapports homosexuels consentis entre majeurs au Code pénal de 1922. Il faut noter que cette attitude progressiste découle d’un rapport négatif à l’Église orthodoxe russe. D’ailleurs, dans le Caucase et en Asie centrale, la pénalisation de l’homosexualité a été maintenue. Puis, en 1934, elle a été réintroduite discrètement dans le Code pénal soviétique [et est restée en vigueur jusqu’en 1993].
Dans les années 1930, nombre des acquis de la révolution sexuelle ont été emportés par une vague conservatrice. Qu’est-ce qui a déclenché ce processus ?
Au milieu des années 1920, le discours des idéologues du pouvoir sur l’amour, la famille et le mariage devient plus nuancé. Dans les discours et les écrits de Nikolaï Boukharine, Anatoli Lounatcharski, Léon Trotski, on décèle la volonté de calmer les ardeurs des prolétaires. Le concept d’amour libre est désormais présenté comme une sorte d’ivresse révolutionnaire dont il est temps de se débarrasser. Au milieu des années 1930, on assiste véritablement au gel du discours officiel sur la question sexuelle. Les autorités introduisent dans la conscience collective l’idée d’ascétisme et de désérotisation. Jusqu’aux années 1990, le moralisme va régner dans la sphère de l’intime, atteignant son apogée avec la fameuse thèse : “Il n’y a pas de sexe en Union soviétique.”
Alexandra Kollontaï (1872-1952) – Commissaire du peuple à l’Assistance publique dans le gouvernement bolchevique, de novembre 1917 à mars 1918, elle a été la première femme ministre de l’histoire. Surnommée la “Walkyrie de la révolution”, elle préconisait “la légalisation de la bigamie et de la polyandrie”. On lui doit la formule : “Pour un communiste, l’acte sexuel doit être aussi simple que boire un verre d’eau.”
Lili Brik (1891-1978) – Muse et grand amour du poète révolutionnaire Vladimir Maïakovski, la sœur d’Elsa Triolet a aussi été l’inspiratrice de nombre de grands artistes de l’avant-garde russe. Son époux Ossip Brik a dû accepter toutes ses liaisons, quitte à vivre en ménage à trois. “Si Kollontaï a fait l’époque, Brik en a été le plus pur produit”, écrit le magazine féminin russe Aprel.
Inès Armand (1874-1920) – Après avoir épousé la cause socialiste, cette Française d’origine a été la maîtresse de Lénine, cohabitant un temps avec ce dernier et son épouse, Nadejda Kroupskaïa. “Si Kollontaï et Brik étaient des praticiennes de la révolution sexuelle, Armand en était la théoricienne”, écrit Arpel. “Elle a été à l’origine de la création de la section féminine du Comité central, qui travaillait à élaborer une politique d’émancipation et de libération sexuelle. Mais après sa mort, il ne s’est trouvé personne pour prendre sa relève.”
Il ne faut jamais sous-estimer la tendance putschiste-sécessionniste des petits blancs racistes américains conduits par le capital sudiste
Le président américain Donald Trump a de nouveau relativisé les violences racistes commises à Charlottesville. En conséquence, de nombreux grands patrons ont quitté son comité de conseil, tandis que les critiques fusent chez les démocrates et les républicains. Il n’a été félicité que par les figures de l’extrême droite. Les journalistes estiment qu’il a commis un impair honteux et dépassé les bornes.
L’attitude de Trump est d’une bêtise historique, estime Libération :
«En moins de 140 signes, selon la rhétorique trumpiste, voici ce qu’on peut dire de la dernière déclaration de Donald Trump : c’est une stupidité honteuse digne d’un crétin raciste. Plus gravement, c’est aussi une insulte à l’identité américaine telle qu’elle s’est construite à travers tant de combats. … Par sa complaisance envers des mouvements ouvertement racistes, cette sortie prend une importance historique. Jamais un président américain n’avait à ce point contredit les principes sur lesquels se fonde la démocratie dans son pays. Par son approbation implicite du ‘suprémacisme blanc’, c’est une insulte aux rédacteurs du 14e amendement de la Constitution des Etats-Unis, sur laquelle Trump a prêté serment et qui fait de chacun aux Etats-Unis un citoyen, quelle que soit son origine ethnique.»
Trump n’est qu’un raciste
Les paroles et les actes de Trump sont univoques, commente le quotidien Phileleftheros :
«Le fait qu’il ait besoin des partisans d’extrême droite n’est pas la seule raison pour laquelle il les soutient. Au plus profond de lui-même, il est des leurs. C’est ce que tendent à prouver ses mots et ses gestes. C’est le président qui a nommé le moins de femmes dans son gouvernement et usé des paroles les plus indignes à leur encontre. C’est le président qui fait voter des décrets contre l’entrée de certains groupes religieux sur son territoire. C’est également le président qui nous parle de lutte contre la criminalité à chaque fois qu’un Afro-américain est tué par un policier blanc. En d’autres termes, il ne peut être qualifié que de raciste.»
Le Ku-Klux-Klan exprime sa gratitude
Il n’était pas difficile de trouver des reproches à faire à Trump, mais avec ses récentes déclarations, plus personne ne peut le défendre, prévient Ilkka :
Le président a approuvé tacitement les actes violents des néonazis qui ont sévi à Charlottesville, après qu’une personne a foncé dans la foule avec sa voiture, tuant une manifestante. … Il ne souhaite pas s’en prendre aux racistes, car les membres du Ku-Klux-Klan font partie de ses soutiens dans les Etats du Sud. Le leader du KKK s’est d’ailleurs félicité de la réaction du président, qu’il a remercié publiquement. … Lorsque des néonazis commencent à adresser leurs remerciements, c’est qu’on est allé trop loin.»
Même les républicains prennent leur distance
Trump se considère comme le président des républicains les plus conservateurs et des forces antidémocratiques les plus extrêmes, constate Die Welt :
«Après plus de six mois à la tête des Etats-Unis, il ne s’adresse pas à son pays, mais à un ‘mouvement’ qui lui a permis d’accéder aux fonctions présidentielles. Il semble s’accommoder de la radicalisation de certains groupes. Pourtant, il n’a rien à y gagner : plus il se solidarise avec cette frange peu reluisante de la société américaine, plus il repousse les républicains les plus conservateurs. Les Etats-Unis sont très attachés à la liberté de parole. Une grande majorité de la population, y compris les blancs racistes ou les extrémistes du KKK, reconnaissent son importance. … Mais un président qui minimise indirectement les actes de ces fanatiques ne peut être défendu que par ceux qui approuvent ce type d’agissements.»
La fuite des conseillers est une douche froide
Suite à la relativisation des débordements racistes à Charlottesville, plusieurs grands patrons ont quitté leurs fonctions de conseillers auprès du président américain. Des départs qui le toucheront de plein fouet, se réjouit l’écrivain et chroniqueur Hugo Camps dans De Morgen :
«Leur décision a d’autant plus d’impact qu’ils sont l’incarnation de ces sociétés modernes et innovantes qui étaient le point d’orgue de la rhétorique électorale de Trump. Les démissions en série de ces géants du monde de l’entreprise sont un coup fatal porté aux discours sur l’importance de l’économie martelés par le président américain. … En réalité, ces PDG redoutent le débat public et évitent de prendre position vis-à-vis des problèmes sociétaux actuels. … Mais lorsqu’il s’agit de s’opposer à la haine et l’intolérance, l’inaction n’est pas une option.»
Laurent Bigot (chroniqueur Le Monde Afrique) souligne la prédation des élites ouest-africaines et l’aveuglement – voire l’approbation – de la communauté internationale.
Lorsque les médias parlent du Sahel, c’est pour évoquer la menace terroriste sous toutes ses formes – une menace bien réelle, comme l’ont récemment montré l’attentat à Ouagadougou, le 13 août, ou les attaques contre les Nations unies au Mali, le lendemain. C’est également le cas pour les autorités françaises, qui communiquent abondamment sur le sujet afin de vanter et de justifier le déploiement de l’opération militaire « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne (BSS en langage militaire). Or le sujet central du Sahel n’est pas celui-là.
Le terrorisme, ou plutôt la montée en puissance des groupes armés dans le Sahel, est la conséquence d’une grave crise de gouvernance qui touche toute l’Afrique de l’Ouest. Cette crise de gouvernance se caractérise par une disparition de l’Etat au service des populations, car l’Etat moderne est privatisé par les élites politiques à leur profit. Cette privatisation – Jean-François Bayart parle de patrimonialisation – s’est accélérée ces dernières années pour atteindre un niveau tel que, désormais dans les pays sahéliens, les populations sont livrées à elles-mêmes, plus aucune entité (Etat ou autre) n’étant chargée d’une forme d’intérêt général.
C’est particulièrement le cas au Mali, au Niger et en Mauritanie. Ces Etats ont tous en commun un système politique miné, accaparé par une élite prédatrice dont les méthodes ont non seulement porté l’estocade à ce qu’il restait de l’Etat et de son administration, mais en plus ont fait entrer au cœur même du pouvoir le crime organisé. La conquête du pouvoir et sa conservation ne sont perçues que comme un accès à une manne intarissable.
Les dégâts des ajustements structurels
Les Etats sahéliens ont été fragilisés, dans les années 1980, par les ajustements structurels imposés par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale au nom du libéralisme doctrinaire ambiant. Il fallait « dégraisser » la fonction publique, dont les secteurs les plus « gras » étaient l’éducation et la santé. Quelle politique « visionnaire » pour une zone qui allait subir quinze ans plus tard un choc démographique sans précédent dans l’histoire de l’humanité !
Le Niger est aujourd’hui le pays qui a le taux de fécondité le plus élevé au monde, soit plus de sept enfants par femme. Le Mali n’est pas loin derrière, avec un peu moins de sept. Ce n’est plus une bombe à retardement, c’est une bombe qui a déjà explosé et dont les dégâts sont en cours d’estimation. Serge Michailof rappelle dans son remarquable livre Africanistan que le secteur manufacturier au Niger crée 5 000 emplois par an quand le marché de l’emploi doit absorber chaque année 200 000 jeunes…
Le secteur de l’éducation est sinistré. Les classes du primaire dans les quartiers populaires de Niamey ont des effectifs habituels proches de la centaine d’élèves, avec des enseignants si peu formés qu’une part importante ne maîtrise pas la langue d’enseignement qu’est le français. Au Sénégal, pourtant un pays qui se maintient mieux que les autres, le système éducatif est dans un tel état que le français, langue d’enseignement, recule au profit du wolof. Si la promotion des langues dites nationales est incontestablement un enjeu, aujourd’hui leur progression est d’abord le signe de la faillite du système d’enseignement.
Que dire des systèmes de santé ? Le niveau des soins est accablant. L’hôpital de Niamey est un mouroir. L’accès aux soins est un parcours du combattant semé d’étapes successives de corruption. Les cliniques privées fleurissent dans les capitales ouest-africaines pour une clientèle privilégiée, mais le peuple doit se contenter de soins qui relèvent plus des soins palliatifs que curatifs. Il faut dire que les élites politiques n’en ont cure, elles se font soigner à l’étranger et scolarisent leurs enfants dans les lycées français (hors de prix pour le citoyen lambda, une année de scolarité pouvant représenter plusieurs années de salaire minimum) ou à l’étranger.
Des élections grossièrement truquées
Précisons à leur décharge qu’étant donné les dégâts causés par les ajustements structurels et la démographie actuelle, aucun Etat ouest-africain ne peut désormais relever sur ses seules ressources propres les défis de l’éducation et de la santé. Le rapport sénatorial sur la politique française d’aide au développement au Sahel (« Sahel : repenser notre aide au développement », juin 2016) rappelle un chiffre vertigineux : de 2005 à 2035, le Mali devra multiplier par 11 ses dépenses en la matière. La solidarité internationale pourrait en effet contribuer à financer ce type de dépenses, mais on butte sur le problème structurel qu’est la patrimonialisation ou la privatisation de l’Etat.
Aujourd’hui, les budgets de l’Etat sont exécutés en dépit du bon sens avec l’aval du FMI et de la Banque mondiale, qui froncent parfois les sourcils quand les ficelles de la prévarication deviennent trop grosses (on pense à la fâcherie de six mois des institutions de Bretton Woods, en 2014, après les surfacturations massives des marchés de défense au Mali, l’aide ayant repris sans qu’aucune procédure judiciaire n’ait été ouverte ni les méthodes changées…). Quand on sait que plus de 50 % du budget d’investissement de ces Etats proviennent de l’aide publique internationale, on peut légitimement s’interroger sur la désinvolture avec laquelle la communauté internationale gère l’argent du contribuable.
Cependant, l’irresponsabilité du système international de développement (Nations unies et coopérations bilatérales) est tel que cet argent est déversé sans aucun souci de rendre des comptes. Le critère de performance utilisé par l’Union européenne en la matière est le taux de décaissement. L’objectif est de dépenser les budgets. Savoir si cela est efficace et conforme à l’objectif fixé importe peu. Pour les autorités bénéficiaires, cette absence de responsabilité a développé un réflexe d’assistanat, le premier geste étant de tendre la main avant d’envisager quelque action que ce soit. Ensuite, c’est de se répartir la manne de l’aide, et ce d’autant plus facilement que les contrôles sur la destination finale et l’efficacité sont des plus légers.
Les élites politiques ont depuis une vingtaine d’années fait de la prévarication le mode de gouvernance le plus répandu. La démocratisation qui a suivi la vague des conférences nationales au début des années 1990 n’a rien empêché. Nombre d’élections qui se sont tenues depuis n’ont guère été sincères, parfois grossièrement truquées (deux cas d’école parmi tant d’autres : l’élection d’Alpha Condé en 2010 en Guinée, élu au second tour alors qu’il n’a fait que 17 % au premier tour et son adversaire 40 %, et celle de Faure Gnassingbé en 2015 au Togo, durant laquelle le dépouillement était environ à 40 % quand les résultats ont été proclamés…).
Tout cela avec l’approbation de la communauté internationale et les chaleureuses félicitations des différents chefs d’Etat français. La lettre de François Hollande adressée au président nigérien Issoufou en 2016 est un modèle du genre. Féliciter un président élu au second tour avec plus de 92 % des voix alors que son opposant principal a fait campagne depuis sa prison, c’est osé. Le monde occidental se targue d’être le défenseur de la cause des peuples en promouvant la démocratie, mais les peuples africains n’ont vu qu’une chose : ce monde occidental soutient les satrapes africains sans aucune considération pour les populations qui en subissent les dramatiques conséquences.
La politique financée par le narcotrafic
Cette situation dans le Sahel est un terreau propice au développement d’idéologies radicales et la lutte armée devient un horizon séduisant pour une partie de la jeunesse qui sait que, hors de l’émigration vers l’Europe ou de l’affiliation aux groupes armés, point de salut. L’affaissement de l’Etat dans les pays sahéliens s’est accéléré avec la montée en puissance des divers trafics en zone sahélo-saharienne et notamment avec le trafic de cocaïne en transit vers l’Europe.
La vie politique de ces Etats s’est financée auprès de narcotrafiquants notoires qui n’ont pas hésité à prendre la place du généreux guide libyen Kadhafi. C’est ainsi qu’un conseiller du président malien Amadou Toumani Touré (2002-2012) était un trafiquant notoire, aujourd’hui reconverti au Burkina Faso. C’est aussi l’affaire emblématique du Boeing chargé de cocaïne qui se pose en 2009 dans le désert malien et dont le déchargement a été supervisé par un officier supérieur de l’armée malienne, aujourd’hui général. L’un des principaux soutiens financiers du parti du président nigérien Issoufou était Chérif Ould Abidine (décédé en 2016), dont le surnom était « Chérif Cocaïne »…
La frontière entre l’Etat et le crime organisé s’est estompée progressivement, laissant les populations livrées à leur sort. L’islam radical s’est répandu comme un modèle alternatif à la démocratie, laquelle est perçue par une part grandissante de la population comme une escroquerie idéologique visant à maintenir en place des kleptocraties. Le réarmement moral passe désormais par l’islam dans sa version la plus rigoriste (et étrangère aux pratiques confrériques du Sahel), soutenu par une classe politique qui a utilisé la religion pour faire du clientélisme.
Les groupes armés dits djihadistes tels qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ou Ansar Dine, qui eux-mêmes recourent volontiers aux réseaux et aux pratiques mafieux, évoluent désormais dans un environnement de moins en moins hostile. Quand j’entends parler de terrorisme djihadiste au Sahel, je pense souvent à un magicien qui, pour réaliser son tour, attire l’attention du public avec la main droite et réalise son tour avec la main gauche. Le terrorisme, c’est la main droite. La réalité du tour, la main gauche, c’est la grave crise de gouvernance dont personne n’ose parler.
Les Etats sahéliens ont parfaitement compris tout le bénéfice qu’ils pouvaient tirer de notre peur du terrorisme djihadiste : Jean-François Bayart parle de « rente diplomatique de la lutte contre le terrorisme ». Moyennant un discours engagé contre le terrorisme et l’autorisation pour l’armée française d’opérer sur leur territoire, ces dirigeants ont compris qu’ils ne seraient pas du tout inquiétés pour les graves dérives de gouvernance. La communauté internationale reproduit la même erreur qu’en Afghanistan lorsqu’elle avait soutenu le régime indécemment corrompu de Hamid Karzaï, ce qui n’avait fait que renforcer les Talibans et accélérer le rejet par la population des forces étrangères.
Rôle trouble des services algériens
A cette cécité sur les causes profondes, ajoutons celle relative au rôle joué par les services de sécurité algériens. Comment le mouvement d’Iyad Ag Ghali a-t-il été financé ? Où se replient Iyad et ses combattants ? Comment se fait-il que Mokhtar Belmokhtar sillonne en toute impunité la zone depuis vingt ans ? Des questions qui trouvent des réponses dans la complicité d’une partie des services de sécurité algériens.
Je me souviens d’un entretien à Bamako en 2009 avec Ahmada Ag Bibi, député touareg, à l’époque bras droit d’Iyad Ag Ghali et resté depuis lors proche du chef d’Ansar Dine. Il me disait que lorsque AQMI s’est installé en 2006-2007 dans l’Adrar des Ifoghas (Nord-Mali), Iyag Ag Ghali et ses hommes l’ont combattu. Le soutien logistique algérien dont bénéficiait Iyad Ag Ghali depuis des années s’est immédiatement interrompu. Il en a déduit que s’attaquer à AQMI, c’était s’attaquer à une partie des services de sécurité algériens. Il a donc composé.
Ahmada Ag Bibi a conclu cet entretien en me disant que l’Algérie poursuivait au Sahel sa guerre de décolonisation contre la France. Il a ajouté qu’il ne comprenait pas comment la France n’avait pas saisi que l’Algérie la considérait toujours comme un ennemi. Au cours de ma vie de diplomate, j’ai pu constater, en effet, l’angélisme dont fait preuve la France à cet égard. C’est troublant.
On pourrait aussi parler des autorités des pays sahéliens qui négocient des pactes de non-agression avec ces groupes armés. C’est le cas de la Mauritanie, comme l’attestent des documents saisis par les Américains lors du raid mené contre Oussama Ben Laden en 2011 au Pakistan.
Bref, résumer la situation sécuritaire du Sahel à sa seule dimension « terroriste » est un raccourci dangereux car il nous fait tout simplement quitter la réalité du terrain.
Le destin du Sahel ne nous appartient pas
Il ne peut y avoir d’ébauche de solutions sans un constat de vérité. Si ceux qui prétendent contribuer à la solution se racontent des histoires dès l’étape du constat, comment l’élaboration de réponses aux défis du Sahel pourrait-elle être un processus pertinent ? La communauté internationale tombe dans le même aveuglement qu’elle a savamment entretenu pendant cinquante ans sur la question de l’aide au développement.
Refusant de regarder une réalité qui dérange, on s’obstine dans des réponses qui n’ont aucun impact durable sur les réalités. Aujourd’hui, nous pensons l’Afrique depuis des bureaux et des salons de ministères ou de grandes organisations internationales dont la déconnexion avec la réalité est effrayante. Plus grave encore, notre réflexion repose sur des postulats inconscients qui pourraient expliquer notre manque d’humilité.
Et si la solution était que nous cessions de vouloir tout gouverner ? Quel est ce postulat intellectuel qui consiste à considérer comme admis que nous avons la solution aux problèmes du Sahel ? Pour ma part, je pense que la solution est entre les mains des peuples concernés. Il est temps de mettre les dirigeants de ces pays face à leurs responsabilités et qu’à leur obsession d’accroître leur patrimoine personnel se substitue enfin celle de s’occuper de leur propre pays.
J’entends souvent dire que nous ne pouvons pas ne rien faire. Ah bon ? Pouvez-vous le démontrer ? Accepter que la solution puisse se mettre en place sans nous, est-ce à ce point inacceptable pour notre cerveau d’Occidental ? Des milliers d’heures de réunions dans les ministères et organisations internationales pour parler du Sahel, avec, 99 % du temps, aucun représentant de ces pays et, 100 % du temps, sans aucun point de vue des populations concernées, est-ce la bonne méthode ? Ne pourrions-nous pas accepter l’idée que nous ne savons pas ? Ne pourrions-nous pas accepter que le destin du Sahel ne nous appartient pas ?
Ou alors, si nous estimons en être coresponsables, accordons aux pays du Sahel la même coresponsabilité sur la gestion de notre propre pays. La relation serait ainsi équilibrée. Mais sommes-nous prêts à recevoir des conseils venus du Sahel ? Les trouverions-nous pertinents ? Pas plus que les populations sahéliennes lorsqu’elles nous entendent disserter sur leur sort…
Laurent Bigot est un ancien diplomate français devenu consultant indépendant. Ce texte est d’abord paru dans la revue l’Archicube n° 22 de juin 2017.
Officier dans l’armée de l’air, le général retraité Françis Lenne participe aux commémorations des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki. Il donnera une conférence autour de son livre Le deuil d’Hiroshima qui dénonce la dissuasion nucléaire et ses dénis et prend position en faveur du traité pour le désarmement nucléaire mondial qui sera proposé à l’ONU le 20 septembre prochain.
Entretien
Après avoir été impliqué dans la dimension stratégique, comment est né votre engagement en faveur du désarmement nucléaire ?
La problématique du désarmement nucléaire n’est pas un sujet simple, d’autant qu’on cherche à l’embrouiller de la base jusqu’au plus haut niveau de l’État. Moi comme bien d’autres, j’ai eu le cerveau lavé par des considérations politiques de part et d’autre de l’Atlantique. J’ai travaillé sur la dissuasion dans un programme de transmission en relation avec les USA qui avaient un programme similaire. A ce titre, j’ai rencontré des stratégistes qui évoquaient savamment les biens faits de la dissuasion. Je me suis progressivement rendu compte que lorsque je grattais un peu leurs théories, ils fuyaient n’hésitant pas à avoir recours à des sophismes qu’auraient décelé des enfants de 7 ou 8 ans.
Cela m’a conduit à débuter mes recherches. N’étant plus à ce jour tenu par mon devoir de réserve, j’affiche ma thèse sans faux fuyant, selon laquelle la dissuasion nucléaire est le passage à l’acte d’une psychose liée au traumatisme d’Hiroshima et de Nagasaki, et justifiée par une transformation de l’Histoire.
Une forme de perversion constitutionnelle ?
On peut l’entendre ainsi, avec pour origine psychotique les événements de Hiroshima et de Nagasaki qui ont été refoulés. A partir de là, la collectivité s’est construite une autre réalité, celle de la stratégie de la dissuasion qui a justifié les bombes jusqu’à la fin de la guerre froide. Après la chute du mur, comme il n’y avait plus d’ennemi réel, cela s’est compliqué, il a fallu en trouver d’autres… Aujourd’hui, cette autre réalité, il est très difficile de l’évacuer, parce qu’on a construit dessus toute une série de dénis pour justifier l’événement et le rendre acceptable.
Cette falsification de l’Histoire est-elle également relative au contexte des journées des 6 et 9 août 1945 et de la réédition japonaise ?
La décision de produire la bombe atomique fut prise en décembre 1942. Roosevelt meurt en avril 1945, son successeur, Truman débarque dans un moment difficile. Le secrétaire à la Guerre Stimson, lui révèle le projet seulement deux semaines après son entrée en fonction. Truman n’a qu’une connaissance approximative de leur capacité de destruction. Il arrive à Posdam au lendemain du 1er essai qui eu lieu le 16 juillet à Alamogordo, au Nouveau-Mexique. Staline qui avait un espion dans la place est au courant.
Pour Stimson le largage de la bombe est un moyen d’anticiper l’attaque Russe en Mandchourie qui eu lieu dans la nuit du 8 au 9 août. Le Japon était à plat. Le ministre de la guerre avait envoyé à son ambassadeur un message, intercepté par les américains, signifiant qu’ils étaient en train de se rendre. Truman n’est pas vraiment au fait des enjeux. Il donne son accord tout en faisant promettre d’épargner les femmes et les enfants.
L’ultimatum envoyé au japonais ne mentionne pas la bombe atomique. Après Hiroshima, les journalistes japonais demandent à leur Premier ministre sa position. Celui si leur répond « Nous réfléchissons» une formule japonaise ambiguë qui peut aussi être interprétée par «aller vous faire voir». Ce titre fait la une des journaux japonais et il n’est pas étranger au largage de la seconde bombe sur Nagasaki. Par la suite, on a réécrit l’histoire pour dire que les bombes avaient permis d’épargner deux millions de morts. L’histoire a été déniée y compris par les Japonais.
Plus de 70 ans après le drame, les risques nucléaires militaires ont-ils diminué ?
La situation a empiré. Elle s’est aussi complexifiée. Les armes nucléaires ont été produites de manière compulsive. L’arsenal planétaire comprend actuellement entre 15 000 à 16 000 têtes nucléaires. On sait qu’il suffirait que cinq bombes explosent pour empêcher la terre de respirer.
Quand est il des risques accidentels ?
On dénombre de nombreux accidents qui ne sont que la face immergée de l’iceberg car beaucoup restent non connus. En France dans les année 60, un orage qui avait produit un bug dans les transmissions électriques a fait décollé un mirage 4 armé de bombe nucléaire. Le pilote n’a pas largué parce qu’il n’a pas trouvé son point de ravitaillement.
Les Russes et les Américains ont aussi connu des accidents. Jusqu’ici nous avons eu beaucoup de chance mais on doit s’attendre au jour où cette chance ne sera pas au rendez-vous. En 2009 deux sous-marin à propulsion nucléaire français et britannique sont entrés en collision. Il y avait 90 bombes à bord plus les moteurs nucléaires…
Cela paraît incroyable…
Non, justement parce que ces sous-marins sont construits pour être indétectables. Quand ils sortent de leur port d’attache, ils émettent des bruits pour se faire repérer puis ils disparaissent, et à partir de ce moment, leur mission débute.
Quelle place occupe le nucléaire dans l’armée ? Comment ce sujet est-il vécu par les hommes ?
C’est très particulier et en même temps lointain parce que très cloisonné. Les gens qui ne participent pas aux forces de frappe n’ont aucune connaissance de ce sujet. Je ne sais pas précisément combien de personnes sont dans la confidence peut-être 280 ou 300 tout au plus. On ne pénètre pas comme ça dans le petit monde du nucléaire.
Les personnes informées sont très surveillées. Ils sont aussi formatés. J’ai quelques amis qui en font partie. Ils sont dans le déni total. Ce sont des gens intelligents par ailleurs, mais dès que l’on aborde ce sujet ils périclitent.
Le traité sur l’interdiction des armes nucléaires qui vient d’être adopté à l’ONU en juillet ouvre-il des perspectives ?
Effectivement, les choses évoluent. C’est la première fois que nous avons quelque chose sur la table. Le travail mené à l’ONU en faveur du désarmement nucléaire mondial vient d’aboutir avec ce traité sur lequel les ONG et un certains nombres d’États travaillent depuis 2011. Après la résolution fin 2016, la contribution de 122 pays a permis sa publication le 7 juillet dernier. Il faut noter qu’aucune des puissances atomiques ne l’a ratifié et que les Pays-Bas, seul pays parmi les 29 membres de l’OTAN à avoir suivi les discussions, se sont abstenus lors de l’adoption de la résolution.
Ce traité devrait entrer en vigueur en septembre une fois ratifié par 50 pays. Le texte du traité doit être accompagné d’un projet pour concrétiser cette avancée. Il n’y a que l’ONU qui peut le conduire.
Recueilli par Jean-Marie Dinh
En savoir plus : « Le deuil d’Hiroshima » gratuit et libre de droit. https://www.dropbox.com/s/ysfew6nich6w6tu/Le%20deuil%20Hiroshima%20-2017.pdf?dl=0
Source La Marseillaise 5 août 2017
4 jours de jeûne pour l’abolition des Armes nucléaires
Il y a 72 ans… Le 6 août 1945 à 8h15 du matin la première bombe atomique explosait sur Hiroshima. Le 9 août la seconde tombait sur Nagasaki.
Dans de nombreuses villes de France et d’autres pays (Royaume Uni, Allemagne, Togo, Etats-Unis…) un jeûne s’organise du 6 au 9 août pour exprimer la volonté d’éliminer les armes atomiques et se consacrer à l’information du public sur cette menace imminente et inacceptable pour le monde. Si le nucléaire civile et militaire sont liés depuis le début comme les doigts de la main.
A Montpellier, le collectif Stop armes nucléaire, regroupant les associations : Arrêt du nucléaire 34, Mouvement pour une alternative Non violente, Maison de la paix-Amis de l’Arche-Canva, Mouvement pour le désarmement, la paix et la liberté 34,(MdpL), Pax Christi, compte un certain nombre de militants pour le désarmement. Le collectif montpelliérain qui s’associe au jeûne pour la seconde année, sera à l’initiative de différentes actions de sensibilisation durant ces quatre jour.
« Le jeûne est une manière de se consacrer à cet événement, indique Didier Lator, membre de Sortir du Nucléaire, durant quatre jours, on donne de notre personne, sans mettre notre vie en danger, pour un sujet important. Cela a un impact auprès de certaines personnes qui réalisent, à travers la teneur de notre engagement que c’est un vrai sujet. Mais beaucoup ont le sentiment que c’est un combat perdu d’avance. Parce que les centrales sont là et qu’on tient des discours complexes et très techniques pour que les citoyens ne s’emparent pas de cette question. Alors que 42 des 58 réacteurs nucléaires français ont dépassé la durée de vie de 30 ans pour lesquels ils ont été construits. A 75 km de Nîmes le réacteur n°1 de centrale Tricastin comporte 17 fissures.»
Au niveau local le collectif entend réitérer sa demande de rendez-vous restée lettre morte avec le maire Philippe Saurel. « Nous souhaitons juste le rencontrer pour connaître sa position.»
Du 6 au 9 août permanence sur l’esplanade de 11h à 17h. Le 6 août à 11h commémoration sur l’Esplanade. Le 7 août, à 20h,projection du Miracle Mile film à l’Utopia suivi d’un débat avec le Général Françis Lanne. Le 8 août à 18h30 sur l’Esplanade conférence du Général Françis Lanne, le 9 août à 11h02 , prise de parole à l’heure précise du bombardement de Nagasaki.