Peut-on
Au siège de Lafarge, à Paris, avait-on connaissance de ces faits ? L’un des directeurs de l’entreprise assure à France 2 que la sécurité des employés a toujours été une priorité, et qu’un audit est en cours. Pour Lafarge, négocier avec un groupe terroriste est exclu, insiste-t-il, alors que l’enquête de « L’Œil du 20 heures » révèle des éléments troublants.
Des employés auraient été kidnappés et échangés contre une rançon
Dès le début du conflit, neuf employés de la cimenterie sont kidnappés. Jacob Waerness, un ancien policier du renseignement norvégien, recruté par Lafarge pour sécuriser l’usine, entre en contact avec les ravisseurs. Il craint que les employés soient exécutés. Au bout de trois semaines de négociations, Lafarge décide de payer pour les libérer, selon l’enquête de France 2 : plus de 200 000 euros en liquide, versés à des milices qui disent appartenir à l’armée syrienne libre.
« Lafarge ne devrait pas prendre cela à la légère »
En 2013, l’EI prend le contrôle des puits de pétrole à proximité de l’usine. Du pétrole nécessaire pour faire tourner la cimenterie. L’entreprise aurait, alors, fait appel à des fournisseurs locaux, eux-mêmes en affaires avec les jihadistes. Dans un email obtenu par France 2, un intermédiaire en lien avec les fournisseurs demande à être payé.
“Il manque encore 33 000 euros. Comprenez que ce fournisseur travaille avec l’armée islamique la plus puissante sur le terrain. Donc Lafarge ne devrait pas prendre cela à la légère », écrit-il.
Le groupe a-t-il acheté des laissez-passer à l’Etat islamique ?
Dernier élément compromettant pour Lafarge, les laissez-passer. Ils sont nécessaires pour circuler sur les routes, contrôlées par le groupe Etat islamique. Des autorisations remises aux conducteurs des camions transportant le ciment de l’usine, selon des documents qui portent le cachet de l’organisation terroriste. On peut y lire : « Au nom d’Allah le miséricordieux, les frères moudjahidines sont priés de laisser passer aux barrages ce véhicule transportant du ciment de l’usine Lafarge, après accord avec l’entreprise pour le commerce de cette matière. »
Lafarge a-t-elle directement ou indirectement payé l’EI pour obtenir ces laissez-passer ? C’est qu’assure un ancien salarié de l’usine : « Oui, la société payait pour que les véhicules puissent circuler. Il payait aussi afin que les employés viennent au travail et rentrent chez eux », déclare-t-il.
Source France 2 17/11/2016
Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Politique, Affaires, Lafarge condamné par l’UE, rubrique Syrie, On Line, L’ONG Sherpa porte plainte contre Lafarge pour financement du terrorisme,