Un bureau de changes, le 24 août 2015 à Rio de Janeiro ( AFP / VANDERLEI ALMEIDA )
Le Brésil, septième puissance économique mondiale, est entré en récession au deuxième trimestre, à un moment où d’autres grands pays émergents comme la Russie et la Chine connaissent un ralentissement de leur croissance, voire une contraction de leur PIB.
C’est la première fois en six ans, depuis le premier trimestre 2009, que le Brésil se retrouve en « récession technique », qui se caractérise par deux trimestres consécutifs de recul du produit intérieur brut (PIB), a annoncé vendredi l’Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE, public).
Selon les prédictions des analystes, cette période de reflux devrait durer au moins deux ans.
Le PIB du Brésil, première économie d’Amérique latine, a baissé de 1,9% au deuxième trimestre, une chute supérieure à celle prévue par les analystes des banques étrangères et brésiliennes. Au premier trimestre, le produit intérieur brut avait reculé de 0,7%, a rappelé l’IBGE.
Une « forte récession » marquée par « une inflation et des taux d’intérêt en hausse » sur fond de « nécessité d’un ajustement budgétaire qui n’arrive pas. Cela affecte la confiance des investisseurs, des entrepreneurs et des consommateurs », a déclaré à l’AFP Alex Agostini, économiste chef de l’agence de notation brésilienne Austin Rating.
Le tout, a-t-il souligné, « dans une conjoncture politique assez trouble ».
Conjoncture difficile
La présidente de gauche Dilma Rousseff, 67 ans, pâtit en effet des retombées du scandale de corruption au sein de la compagnie pétrolière publique Petrobras qui éclabousse la coalition de centre gauche au pouvoir.
Elle lutte aussi pour faire passer au Parlement un dur ajustement budgétaire qui lui coûte cher du point de vue politique, même auprès de ses partisans.
Le Brésil a enregistré en juillet un déficit budgétaire primaire de 10 milliards de réais (2,78 milliards de dollars), le plus important depuis qu’il a commencé à être calculé en 2001, a annoncé vendredi la banque centrale. Sur un an, ce déficit (calculé hors service de la dette) représente 0,89% du PIB du pays.
La popularité de Mme Rousseff a dégringolé à 8%, faisant d’elle la dirigeante du Brésil la plus impopulaire en 30 ans, moins de huit mois après sa réélection pour un second mandat de quatre ans. Certains secteurs réclament sa destitution, d’autres, très minoritaires, le retour à la dictature.
Et ce tandis que la conjoncture économique s’annonce de plus en plus difficile, l’inflation frôlant déjà les deux chiffres à 9,56% et le taux directeur de la banque centrale étant à 14,25%, son plus haut niveau en neuf ans.
Le chômage grimpe également et le réal, la monnaie nationale, s’est déprécié de 25% depuis le début de l’année.
« Au moins, nous allons mal pour une bonne cause », se console André Perfeito, du consultant Gradual Investimentos à Sao Paulo, avant d’expliquer : « Le Brésil fait un ajustement très fort pour freiner l’inflation, un ajustement à caractère récessif, qui freine la demande ».
Le Brésil n’est pas le seul
Après une hausse spectaculaire de 7,5% du PIB en 2010 qui avait fait du Brésil un des chouchous des investisseurs au sein des pays émergents, son économie a rapidement commencé à ralentir, enregistrant une croissance de 2,7% en 2011, 1% en 2012, 2,5% en 2013 et de 0,1% seulement en 2014.
Mais le Brésil n’est pas le seul Etat membre du groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à être en difficulté.
La Russie traverse ainsi une profonde récession en raison des sanctions liées à la crise ukrainienne et de la chute des cours du pétrole, qui ont provoqué un effondrement du rouble fin 2014, pénalisant pouvoir d’achat et consommation. La chute du PIB pourrait atteindre 4% cette année, a récemment déclaré le conseiller économique du Kremlin, Andreï Belooussov.
Le ralentissement en Chine pèse par ailleurs particulièrement sur le Brésil. Ce géant asiatique est en effet son premier partenaire commercial dont il importe surtout des matières premières, comme le minerai de fer.
Une relance à court terme de l’économie brésilienne est d’ores et déjà écartée. Le marché prévoit une récession tout le long de cette année, avec une chute du PIB de 2,06%, et celle-ci se prolongerait en 2016, avec une baisse de 0,26%.
« Si cela se confirmait, ce serait le pire résultat de l’économie brésilienne au cours des 85 dernières années puisque la dernière fois que cela est arrivé, c’était en 1930-31 », note l’expert Alex Agostini.
Ces photos mythiques qui ont marqué l’histoire – Aujourd’hui, les poings levés de Tommie Smith et John Carlos, lors des JO de 1968.
Un geste de défi
1968, année césure. Même si l’événement se veut apolitique, les Jeux olympiques de Mexico ne sont pas épargnés par la bourrasque de révolte qui souffle alors. Sur cette photo, restée gravée dans les esprits, deux des trois gagnants de la très prisée épreuve du 200 mètres brandissent un poing ganté de noir, les yeux rivés vers le sol.
Il s’agit de Tommie Smith et de John Carlos, respectivement premier et troisième, qui s’érigent ce jour-là contre le racisme et l’exclusion dont sont toujours victimes les afro-américains aux Etats-Unis. Le geste en soi peut sembler banal. Mais ce 17 octobre 1968, les deux athlètes défient leur pays et la bienséance des Jeux sous les caméras du monde entier, par ce triomphe honteux et accusatoire. Le scandale sera immédiat, et les sanctions aussi cinglantes que l’écho.
« Dénoncer l’injustice »
La ségrégation, théoriquement abolie en 1964 par le Civil Rights Act, est encore bien présente dans les mentalités en 1968. L’intolérance et les crimes racistes empoisonnent toujours l’intégration de la communauté noire : le 4 avril, soit cinq mois avant les JO, Martin Luther King est assassiné, et une énième vague d’émeutes embrase le pays qui semble éternellement promis à la violence. Il y a une quarantaine de morts.
Tommie Smith et John Carlos, s’ils n’appartiennent pas de fait à l’un des groupes du Black Power, en deviennent les emblèmes. Ce fameux poing levé, ceint de noir, est en fait l’apanage d’une des formations les plus actives et radicales de l’époque, le Black Panther Party. Et si c’est ce geste qui laissera l’opinion bouche bée, les athlètes ne s’en sont pas contentés. Leur regard, qui se détourne du drapeau américain pendant que l’hymne national retentit fièrement, guide le nôtre vers leurs pieds drapés de longues chaussettes noires.
Ceci, énoncera Tommie Smith, « n’a d’autre but que de dénoncer la pauvreté des noirs américains ». Pareillement, le foulard qu’il porte ainsi que le maillot ouvert de son camarade John Carlos sont des références explicites au lynchage et l’esclavage des leurs. Un asservissement dont les chaînes jugulent encore la liberté des afro-américains.
Un impact instantané
Ce moment, figé par le photographe John Dominis, ne laisse pas apparaître l’incroyable agitation qui s’ensuit. Car l’effet escompté ne se fait pas attendre. Les audacieux coureurs viennent, en un instant, de clamer en silence la souffrance et l’injustice séculaires de tout un peuple, sous les yeux du monde entier. La foule hurle, crache, les organisateurs hoquètent.
Tommie Smith et John Carlos sont aussitôt sanctionnés
Le poing levé de Tommie Smith et de John Carlos, leur vaut de passer du statut de star à celui de paria. Leur punition est impitoyable. Dès le lendemain, ils sont bannis du village olympique par le président des jeux, L’Américain Avery Brundage. Celui-ci est intraitable en ce qui concerne l’immixtion du politique au sein de la plus grande compétition sportive.
Leurs carrières de sprinteurs prennent aussitôt fin: d’abord suspendus temporairement, ils sont ensuite interdits de compétition à vie. Tommie Smith vient pourtant d’établir un nouveau record du monde. Il a parcouru les 200 mètres en 19,83 secondes. Une telle célérité ne sera jamais surpassée avant 1979, et 1984 dans le cadre des Jeux olympiques.
Du podium à l’enfer
Les choses empirent après 1968. Boycottés par les médias, les deux héros honnis voient leur quotidien se dégrader. Eux et leurs familles reçoivent quotidiennement des menaces de mort. Smith se fait tout bonnement « virer » de son emploi de laveur de voitures. Trouver un autre emploi s’avère quasi-impossible. Même l’armée lui refuse son entrée. Sa femme divorce, alors que les poches du médaillé d’or sont vides de toute pièce. John Carlos subit le même sort: il reste sans aucun travail, sa femme finit par se suicider.
Il faudra attendre la fin des années 80 pour que le monde daigne reconnaître leur action, et esquisser un geste de pardon. Leur courage ne sera véritablement honoré que dans les années 90-2000.
Le « troisième homme », acteur à part entière
Si l’attention s’est portée de fait sur la mutique provocation des deux afro-américains, ce sont pourtant trois hommes qui se dressent sur le podium photographié par John Dominis. Ce troisième, c’est l’Australien Peter Norman, qui a doublé Carlos dans les derniers mètres. Et contrairement à ce que sa posture conventionnelle laisse à penser, il est un acteur à part entière de la scène.
L’idée est bien celle de Tommie Smith. Mais c’est en l’entendant converser avec John Carlos que l’Australien propose de rallier leur cause, estimant que ce combat « est aussi celui de l’Australie blanche ». Ceux-ci lui demandent s’il « croit aux droits de l’homme » et « en dieu ». Norman acquiesce, et se munit du badge de « l’Olympic project for humans rights » qu’arborent d’autres sportifs noirs. On l’aperçoit nettement sur le cliché. C’est même lui qui suggérera que Smith et Carlos se partagent une seule paire de gants, le second ayant oublié sa paire.
Aussi, si Peter Norman jouit d’une moindre aura que de ses camarades – avec qui il restera lié pour la vie, sa bravoure est tout aussi exemplaire. Respectueux d’une lutte qui le dépasse, il fera quand même les frais de sa discrète audace. Il ne sera certes pas exclu du village olympique le lendemain. Il ne sera pas non plus explicitement renié par la fédération australienne, qui lui laissera l’espoir d’un avenir d’athlète.
Mais à défaut d’être lynché par l’opinion, il est privé des jeux de 1972 par les autorités, malgré sa qualification et ses performances irréprochables. Obtenir une médaille d’or est un songe désormais lointain, balayé pour des raisons obscures. Peter Norman retourne à son ancien travail d’enseignant, qu’il perdra quelque temps après pour des raisons tout aussi vagues. A nouveau, un rêve est brisé, pour le soutien d’un homme à celui de milliers d’autres, qui n’aspirent pourtant qu’à l’égalité des droits. En 2000, 32 ans après le coup d’éclat de Mexico, les autorités sportives de son pays lui dédaignent encore l’accès aux jeux de Sydney.
Il meurt d’une crise cardiaque en 2006. Tommie Smith et John Carlos, alors réhabilités, font immédiatement voyage vers Melbourne, pour acheminer le cercueil de leur défunt camarade.
L’idée est bien celle de Tommie Smith. Mais c’est en l’entendant converser avec John Carlos que l’Australien propose de rallier leur cause, estimant que ce combat « est aussi celui de l’Australie blanche ». Ceux-ci lui demandent s’il « croit aux droits de l’homme » et « en dieu ». Norman acquiesce, et se munit du badge de « l’Olympic project for humans rights » qu’arborent d’autres sportifs noirs. On l’aperçoit nettement sur le cliché. C’est même lui qui suggérera que Smith et Carlos se partagent une seule paire de gants, le second ayant oublié sa paire.
Aussi, si Peter Norman jouit d’une moindre aura que de ses camarades – avec qui il restera lié pour la vie, sa bravoure est tout aussi exemplaire. Respectueux d’une lutte qui le dépasse, il fera quand même les frais de sa discrète audace. Il ne sera certes pas exclu du village olympique le lendemain. Il ne sera pas non plus explicitement renié par la fédération australienne, qui lui laissera l’espoir d’un avenir d’athlète.
Mais à défaut d’être lynché par l’opinion, il est privé des jeux de 1972 par les autorités, malgré sa qualification et ses performances irréprochables. Obtenir une médaille d’or est un songe désormais lointain, balayé pour des raisons obscures. Peter Norman retourne à son ancien travail d’enseignant, qu’il perdra quelque temps après pour des raisons tout aussi vagues. A nouveau, un rêve est brisé, pour le soutien d’un homme à celui de milliers d’autres, qui n’aspirent pourtant qu’à l’égalité des droits. En 2000, 32 ans après le coup d’éclat de Mexico, les autorités sportives de son pays lui dédaignent encore l’accès aux jeux de Sydney.
Il meurt d’une crise cardiaque en 2006. Tommie Smith et John Carlos, alors réhabilités, font immédiatement voyage vers Melbourne, pour acheminer le cercueil de leur défunt camarade.
Tommie Smith, left, and John Carlos, 2nd right, who gave the historic black power salutes at the 1968 Olympics, have reunited for the final time with the third man on the podium that year as they as they act as pallbearers for Peter Norman at his funeral in Melbourne, Australia, Monday, Oct. 9, 2006. Smith and Carlos attended the funeral of Peter Norman, the Australian sprinter that won the silver medal in the 200 meters at the Mexico City Games who died last week of a heart attack at the age of 64. (AP Photo)/AUSTRALIA_NORMAN_
Il n’auront de cesse de louer la noblesse du « seul sportif blanc qui eut assez de cran » pour donner à leur geste sa portée véritable, universel et rassembleur. John Carlos déclarera lors de l’inhumation: « Je pensais voir la crainte dans ses yeux. J’y vis l’amour ».
Franck Tenaille dans les coulisses de Fiest’A Sète
Franck Tenaille. Entretien avec le président de Zone Franche, le réseau des Musiques du monde qui réunit toute la chaîne des métiers de la musique à l’occasion du festival Fiest’A Sète 2015.
Titulaire d’une licence d’ethnologie et d’un doctorat de sociologie, Franck Tenaille est journaliste spécialisé dans les musiques du monde, conseiller artistique, responsable de la commission des musiques du monde de l’Académie Charles Cros. Il est aussi président du réseau Zone Franche.
Lors de votre conférence sur la musique durant les années de l’indépendance donnée à Fiest’A Sète, vous avez souligné que l’Afrique musicale précède l’Afrique politique. Que voulez-vous dire ?
Le choc de la Seconde guerre mondiale a fait craquer l’ordre colonial avec de sanglants soubresauts entre l’indépendance promise et l’indépendance octroyée. Durant cette période, la musique n’a eu de cesse d’affirmer l’identité culturelle niée par la colonisation. Elle a su faire entendre les plaies dans les consciences de l’oeuvre civilisatrice et faire vivre un patrimoine humain commun.
La musique accompagne aussi directement les mouvements politiques des indépendances…
Au tournant des années 60 se profile la proclamation des indépendances. En 1957, la Gold Coast rebaptisée Ghana en référence à l’ancien empire africain, devient le premier pays indépendant d’Afrique subsaharienne. E.T. Mensah, un pharmacien de métier, monte un grand Orchestre et devient le roi du highlife. Le genre musical s’épanouit dans un cadre en pleine effervescence. Dans ce contexte, la musique constitue le complément artistique au projet panafricain du premier ministre indépendantiste NKrumah.
En Guinée qui accède à l’indépendance un an plus tard, Joseph Kabassele Tshamala, le fondateur de l’African Jazz, compose le fameux Indépendance Cha Cha. Le premier président Guinéen Sékou Touré déclare : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté que l’opulence dans la servitude », et s’engage dans la modernisation des arts et notamment de la musique pour en faire le fer de lance de l’authenticité culturelle. « La culture est plus efficace que les fusils », dira-t-il encore. Le titre Indépendance Cha Cha devient le premier tube panafricain. On l’écoute dans la majorité des pays africains qui accèdent à l’indépendance : du Congo au Nigéria, du Togo au Kenya, du Tanganyika à Madagascar. Les indépendances des années 1960 passent par la musique et ouvrent tous les possibles.
Outre votre travail d’auteur et de journaliste vous êtes membre fondateur de Zone Franche. Quels sont les objectifs poursuivis par ce réseau ?
Zone Franche existe depuis 1990, C’est un réseau consacré aux musiques du monde qui réunit toute la chaîne des métiers de la musique, de la scène au disque et au médias, et rassemble 300 membres répartis majoritairement sur le territoire français mais aussi dans une vingtaine de pays. Nous travaillons sur la valorisation des richesses de la diversité culturelle et des patrimoines culturels immatériels, les droits d’auteurs, la circulation des oeuvres et des artistes, le soutien à la création artistique…
Que recoupe pour vous le terme « musiques du monde » ?
Les musiques du monde sont la bande son des sociétés, des mémoires, des anthropologies culturelles… Si on veut faire dans le cosmopolitisme, on dira que 80% des musiques écoutées sur la planète sont des musiques du monde. Après il y a les styles musicaux, les genres, les architectures, les syncrétisations… Zone Franche est un réseau transversal, on est un peu l’écosystème professionnel des musiques du monde.
N’est-ce pas difficile d’agir à partir d’intérêts différents et parfois contradictoires ?
On entre dans le réseau à partir d’une structure. Chaque nouvelle adhésion est votée en AG, et chaque membre adhère à la charte des musiques du monde. On n’est pas dans « l’entertainment », l’esprit serait plus proche de l’éducation populaire, un gros mot que j’aime utiliser. Nous avons rejeté quelques candidatures pour non respect des artistes ou des législations existantes. On n’est pas non plus à l’expo coloniale. Notre financement provient des cotisations calculées en fonction des revenus de la structure et d’un partenariat tripartite entre le ministère de la Culture, celui des Affaires Étrangères et d’organisations de la société civile comme la Sacem, Adami, Spedidam.
Comment conciliez-vous toutes les esthétiques ?
A peu près tous les genres de musiques sont représentés, de la musique savante, ethnique, à la world, le rap, les musiques inscrites dans le in situ en fonction des communautés et les emprunts conjoncturels divers et variés que j’appelle les illusions lyriques, mais au final, tous les gens inscrits dans le réseau sont des passeurs.
Intervenez-vous face au refus de visa qui reste un frein puissant à la mobilité des artistes ?
Ce problème se pose de façon crucial et il s’est généralisé. Il n’y a pas d’homogénéisation des politiques et les guichets pour obtenir un visa sont très différents. Dans le cas des tournées, il est rare d’entrer et de ressortir par le même endroit. Nous nous battons pour clarifier les textes, les procédures et les références. Souvent les politiques paraissent lisibles mais les marges de manoeuvre d’application le sont beaucoup moins. De par notre savoir-faire et notre expertise, nous parvenons à débloquer un certain nombre de situations sur le terrain,. On a souvent joué les pompiers face aux abus de pouvoir ou au manquement des managers.
Votre objet politique se présente-t-il comme une alternative à la diplomatie économique qui a transformé les diplomates en VRP de luxe ?
Qu’est ce que la mondialisation culturelle ? Est-ce le résultat d’un consensus libéral établi sur le plus petit dénominateur commun des particularismes de l’homo economicus culturel ? Sous cette forme de mondialisation digeste, nous aurions Victor Hugo pour la France, Cervantès pour l’Espagne et Shakespeare pour le R.U et pourquoi s’enquiquiner a éditer d’autres auteurs et à plus forte raison à produire de la musique Inuite…
Nous négocions régulièrement avec les agents publics de la diplomatie pour défendre la portée éminemment politique des enjeux esthétiques et leur diversité. C’est un combat permanent, à la fois une résistance et une conquête. La base, c’est celui qui n’a pas de conscience est vaincu.
On travaille sur la transmission dans le temps long. Je peux citer beaucoup de patrimoines musicaux en voix de disparition qui sont revenus à la vie, des Lobi du Burkina à la musique de Bali en passant par les Marionnettes sur l’eau du Vietnam. A partir de là, une nouvelle génération peut se rapproprier ces ressources uniques et les renouveler.
Recueilli par Jean-Marie Dinh
Franck Tenaille est notamment l’auteur de : Les 56 Afrique, 2 t. : Guide politique 1979 Éditions Maspéro. Le swing du caméléon 2000 Actes Sud, La Raï 2002 Actes Sud
La tombe de Ruben Espinosa lors de son enterrement au cimetière Dolores de Mexico City, le 3 août 2015. ALFREDO ESTRELLA / AFP
Régulièrement menacé, le photoreporter Ruben Espinosa avait fui l’Etat de Veracruz où quinze de ses confrères ont été tués depuis 2010.
La journée de dimanche a été celle du deuil au Mexique, au lendemain de la découverte de cinq cadavres torturés dans un appartement de Mexico : quatre femmes et un homme, le photojournaliste Rubén Espinosa, 31 ans. Spécialisé dans la couverture des conflits sociaux dans l’Etat de Veracruz, il avait décidé début juin de se réfugier dans la capitale, pour échapper aux menaces et intimidations qu’il dénonçait régulièrement. Même si les autorités restent prudentes sur le mobile du quintuple assassinat, des rassemblements ont eu lieu dimanche à Xalapa, capitale de Veracruz, et à Mexico. Les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme ont réclamé justice pour leur camarade assassiné.
L’une des victimes était une amie de Rubén Espinosa, militante dans les milieux étudiants. Les identités des trois autres femmes (dont une employée de maison) n’ont pas été officiellement dévoilées. Les corps sont apparus les mains attachées, avec des traces de violences et achevés par un coup de grâce.
Rubén Espinosa travaillait pour le magazine de gauche Proceso, pour l’agence d’images Cuarto Oscuro et pour plusieurs médias régionaux. Dans l’Etat de Veracruz, où le groupe criminel du cartel des Zetas est très actif, 15 journalistes ont été tués depuis 2010, date de l’arrivée au poste de gouverneur de Javier Duarte de Ochoa, membre du PRI, le parti de droite du président, Peña Nieto. L’assassinat le plus commenté fut celui de Regina Martinez, en 2012. La journaliste de Proceso et du quotidien de gauche la Jornada enquêtait sur les liens supposés entre Duarte et les Zetas.
Carte mémoire
En 2013, le reporter avait été violemment frappé par la police régionale alors qu’il couvrait une manifestation d’enseignants à Xalapa, et forcé d’effacer la carte mémoire de son appareil photo. Après avoir alerté la justice, il s’était vu proposer de l’argent, en échange du retrait de sa plainte, par des proches de Duarte, avait-il révélé.
L’ONG Article 19, qui défend la liberté d’expression, souligne qu’environ 80 journalistes mexicains menacés ont trouvé refuge dans la capitale, où les autorités sont supposées veiller à leur sécurité. Dans le cas d’Espinosa, il semble qu’aucune mesure de protection n’avait été prise. Selon Reporters sans frontières, plus de 80 journalistes ont été tués au Mexique au cours de la dernière décennie, et 17 sont portés disparus.
Montpellier Danse. Cocooning de Luis Garay avec les performeurs d’hTh & co.
C’est une collaboration qui décoiffe embarquant les performeurs de hTh & Co et le chorégraphe colombien Luis Garay. La création in situ Cocooning vient d’être donnée au Théâtre de la Vignette qui avait des allures d’après tsunami après le passage de ces mercenaires de l’ennui. Contrairement à l’univers fascinant du dispositif qui dématérialise la notion de spectacle et de temps, c’est à partir de l’état d’ennui profond que lui inspire le monde que Luis Garay le repense.
Cocooning ouvre un espace apocalyptique dont on se demande s’il reflète, ce qui vient juste de se produire, le présent, ou la vision d’un proche avenir. A mesure que le public se fraye un chemin à l’intérieur de ce compost géant du XXIe, il signifie son appartenance au désordre.
En nageant dans la glaise et les restes organiques d’un accouplement surnaturel entre l’Homme, la nature et les machines, on croise certains survivants. On découvre leur corps en état de pénible renaissance mais toujours respectueux des addictions, sexe, image, connexions, bagnole, masturbations, physique et intellectuelle… Ils sont déterminés comme le sont les larves pour se mouvoir. Chacun se démène avec son handicap tout le monde communique, personne n’est ensemble.
L’inconfort physique est majestueusement ignoré, la souffrance effacée, les corps des hommes et des femmes empêchés persistent à vivre pour reproduire leur aliénation. Une vraie vision.