Donald Trump devient le 45e président des Etats-Unis

 Donald Trump et sa femme Melania à leur arrivée au Lincoln Memorial pour le concert inaugural de l'investiture du président élu à Washington MANDEL NGAN  /  AFP

Donald Trump et sa femme Melania à leur arrivée au Lincoln Memorial pour le concert inaugural de l’investiture du président élu à Washington MANDEL NGAN / AFP

Donald J. Trump prête serment vendredi sur les marches du Capitole, au coeur de Washington, pour succéder à Barack Obama et devenir le 45e président des Etats-Unis, incroyable épilogue d’une campagne anti-élites qui a pris tout le monde à revers.

A 70 ans, sans la moindre expérience politique, diplomatique ou militaire, le magnat de l’immobilier s’apprête à prendre les rênes de la première puissance mondiale sous le regard inquiet des alliés des Etats-Unis, échaudés par ses déclarations tonitruantes, parfois contradictoires.

Après une nuit à Blair House, résidence réservée aux hôtes de marque située en face de la Maison Blanche, Donald Trump et son épouse Melania devaient partager un thé avec Barack et Michelle Obama avant de se rendre ensemble au Capitole.

Des centaines de milliers d’Américains, partisans enthousiastes et farouches opposants, sont attendus sur les larges pelouses du National Mall qui lui fait face. Trois de ses prédécesseurs – Jimmy Carter, George W. Bush, Bill Clinton – seront présents, ainsi qu’Hillary Clinton, son adversaire malheureuse.

« Je jure solennellement de remplir fidèlement les fonctions de président des Etats-Unis, et, dans toute la mesure de mes moyens, de sauvegarder, protéger et défendre la Constitution des Etats-Unis »: peu avant midi (17h00 GMT), l’homme d’affaires prêtera serment, comme l’ont fait avant lui George Washington, Franklin D. Roosevelt ou encore John F. Kennedy.

Il a choisi pour ce faire deux bibles: la sienne, qui lui a été offerte par sa mère en 1955, et celle d’Abraham Lincoln, sauveur de l’Union, également utilisée par Barack Obama il y a quatre ans.

Après le temps de la campagne (17 mois) et celui de la transition (deux mois et demi), voici venu celui de l’exercice du pouvoir (quatre ans) pour cet ancien animateur d’une émission de téléréalité qui a promis de « rendre sa grandeur à l’Amérique » mais fait face à un pays fracturé, tant son style et ses propos, volontiers provocateurs, divisent.

« Nous allons rassembler notre pays », a-t-il promis jeudi.

Niveau d’impopularité record

Dans une journée chargée en rituels dont l’Amérique est friande, le 45e président de l’histoire américaine prononcera ensuite un discours d’investiture moins en forme de programme que de « vision », assure son entourage.

La cérémonie, qui sera suivie en direct à travers le monde, aura un goût de revanche pour l’homme d’affaires à la coiffure étonnante dont l’annonce de candidature avait été accueillie par des ricanements, chez les républicains comme chez les démocrates.

Son équipe annonce pour le début de la semaine prochaine une série de décrets visant à défaire une partie du bilan de son prédécesseur démocrate (climat, immigration…) et à ébaucher le sien. Il pourrait en signer quelques-uns dès vendredi.

La tâche s’annonce ardue pour l’auteur du best-seller « The Art of the Deal » qui a promis, avec un sens de la formule qui enchante ses partisans et consterne ses détracteurs, d’être « le plus grand créateur d’emplois que Dieu ait jamais créé ».

La constitution de ses équipes a été difficile tant la victoire a pris le camp républicain par surprise. Du fonctionnement quotidien de la Maison Blanche, énorme administration, aux interactions avec les autres agences, les premières semaines pourraient être chaotiques.

Et jamais depuis 40 ans un président américain n’avait pris le pouvoir avec un niveau d’impopularité aussi élevé.

Par ailleurs, selon une étude du Pew Research Center publiée jeudi, 86% des Américains jugent que le pays est plus politiquement divisé que par le passé (ce chiffre était de 46% lorsque Barack Obama est arrivé au pouvoir en 2009).

Obama s’envole pour la Californie

Ceux qui espéraient que la fonction change l’homme ont été déçus.

Grâce à Twitter, le septuagénaire continue de régler quotidiennement ses comptes avec ceux qui ont émis des critiques à son égard, de John Lewis, figure du mouvement des droits civiques, à l’actrice Meryl Streep, accusée d’être le « larbin » d’Hillary Clinton.

« Il semble vouloir se battre contre tous les moulins à vent de la terre plutôt que de se concentrer sur le fait d’endosser le poste le plus important au monde », a résumé d’une formule assassine le sénateur républicain John McCain, l’une des rares voix dissidentes au sein du Grand Old Party.

Résultat, l’opposition démocrate fourbit ses armes, et des dizaines d’élus boycotteront la cérémonie. Plusieurs manifestations sont également prévues vendredi et samedi.

Sur la scène internationale, le bouillant promoteur immobilier a déjà décoché ses flèches à l’encontre de la Chine, de l’Otan ou encore de la chancelière allemande Angela Merkel.

Or c’est sur ce front que son mandat à venir suscite les plus grandes interrogations.

Les dirigeants de la planète s’interrogent sur la valeur exacte à accorder à ses déclarations quand les responsables qu’il a nommés – à la tête du département d’Etat ou du Pentagone – prennent des positions apparemment inverses, comme sur la Russie de Vladimir Poutine ou l’accord nucléaire iranien.

Juste après la cérémonie, Barack Obama, 55 ans, s’envolera directement pour la Californie pour ses premières vacances en famille d’ex-président.

Après huit années au pouvoir, le président démocrate qui a surmonté une crise économique et financière qui menaçait de tout emporter sur son passage a indiqué qu’il entendait rester à l’écart de la « mêlée » pour laisser son successeur gouverner.

Mais il a aussi promis, lors de son ultime conférence de presse mercredi, de sortir du bois si « les valeurs fondamentales » de l’Amérique, de l’immigration à la liberté d’expression, étaient menacées.

Source AFP 20/01/2017

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Nigeria: ces détournements de pétrole qui alimentent la corruption…

Ouvriers nigérians intervenant dans une raffinerie de pétrole à Port Harcourt (sud du Nigeria), le 16 septembre 2015. © AFP - PIUS UTOMI EKPEI

Ouvriers nigérians intervenant dans une raffinerie de pétrole à Port Harcourt (sud du Nigeria), le 16 septembre 2015. © AFP – PIUS UTOMI EKPEI

Le groupe Total doit passer le 16 janvier 2017 en procès à Lagos. Avec d’autres compagnies étrangères, il est accusé par le Nigeria d’avoir exporté illégalement plusieurs millions de barils de pétrole. Ce procès intervient alors que le président Buhari, confronté à une grave crise économique et à la baisse du prix du brut, est engagé dans une vaste lutte contre la corruption.

L’affaire ressort d’un véritable marathon judiciaire entamé à l’automne 2016. Elle touche Total mais aussi l’américain Chevron et l’italien Agip. Est également concerné l’anglo-américain Shell, comme le serait une dizaine d’autres opérateurs pétroliers étrangers. Les compagnies internationales, qui doivent obligatoirement s’associer avec la compagnie nationale NNPC, assurent la quasi-totalité de la production du pays.

En trois ans, entre 2011 et 2014, les firmes concernées par l’affaire auraient exporté illégalement vers les Etats-Unis pour 12,7 milliards de dollars (11,94 milliards d’euros) de brut. Le stratagème leur aurait ainsi permis de réduire le montant des taxes dues à l’Etat nigérian. Taxes qui, officiellement, s’élèvent à 85% des revenus générés par les hydrocarbures.

Accusation d’exportations de pétrole non déclaré
L’affaire commence en juillet 2016. Fraîchement élu, le président Muhammadu Buhari prononce une interdiction d’entrée dans les eaux territoriales du pays à l’encontre de 113 tankers. Il les accuse d’exporter du pétrole non déclaré.

Les autorités mandatent alors des sociétés d’audit américaines pour comparer le nombre de barils déclarés au départ des côtes nigérianes, avec les quantités déclarées à l’arrivée dans les ports américains, chinois et norvégiens. L’enquête conclut que «la baisse (remarquée dans les revenus de l’Etat) était en grande partie due à la non-déclaration ou la sous-évaluation des exportations de brut par les plus grandes compagnies d’hydrocarbures qui opèrent au Nigeria», selon les documents de l’accusation.

Navires et tankers au large des côtes du Nigeria le 25 février 2016. © REUTERS - Afolabi Sotunde

Navires et tankers au large des côtes du Nigeria le 25 février 2016. © REUTERS – Afolabi Sotunde

Dans un premier temps, la justice nigériane s’est concentrée sur les exportations illégales de 57 millions de barils vers les Etats-Unis. Opérations qui concernent donc Total, Agip et Chevron. Selon le procès-verbal d’une audience judiciaire qui s’est déroulée en septembre, document où seul Total est cité, le gouvernement demande à la société française 245 millions de dollars de dommages et intérêts. Avec 21% d’intérêts par année d’impayés, jusqu’à ce que la somme totale soit versée.

Aucune des nombreuses compagnies internationales n’a souhaité commenter. Selon une source proche du dossier, les groupes pétroliers préfèrent ne pas rentrer en confrontation directe avec le gouvernement nigérian pour l’instant. Ils se disent confiants pour la suite dans la mesure où ces accusations «ne sont pas fondées», selon elles. Certaines compagnies pensent que ce processus judiciaire est, pour l’Etat nigérian, un moyen de pression pour différer le paiement de sa dette…

Crise économique
Quoi qu’il en soit, l’affaire s’inscrit dans une situation économique très difficile pour le Nigeria, dont le déficit public est estimé à 17% du PIB.

La crise est accentuée par la chute du prix du baril, qui représente 70% des recettes de l’Etat. Elle l’est aussi par une baisse de la production. Selon les chiffres de l’Opep publiés début août 2016, le Nigeria, 11e producteur mondial, accusait alors une chute de 21,5% par rapport au mois de janvier. En cause notamment: les insurrections de groupes rebelles dans la région pétrolifère du Delta (du fleuve Niger dans le sud). Ces derniers mènent des attaques régulières sur les installations off-shore ou sur les pipelines stratégiques.

Désormais en récession, le Nigeria, deuxième puissance économique d’Afrique, est étranglé par une pénurie de devises étrangères. Les investissements étrangers ont par ailleurs chuté de 75% au deuxième trimestre 2016, par rapport à la même période de l’année précédente.

Cette récession survient alors que le Nigeria combat à la fois le groupe Boko Haram, les rebelles du Delta mais aussi la piraterie touchant les zones pétrolifères.

Croisade anti-corruption
Pendant ce temps, le nouveau président est engagé dans une croisade anti-corruption contre ses opposants politiques. «Ce qui est sûr, c’est que (si les compagnies pétrolières étrangères) ont fraudé, elles ont bénéficié de complicités au sein de la (…) NNPC et (de) la précédente administration», observe France Culture. «Personne ne peut extraire 400.000 barils de brut et en déclarer 300.000 sans connexions politiques», précise un conseiller en énergie pour Ecobank Group, cité par l’AFP.

Muhammedi Buhari a promis de retrouver les «sommes ‘‘astronomiques’’ dérobées par la classe dirigeante depuis des décennies» (Le Monde). C’est dans ce contexte qu’a été arrêtée, en octobre 2015 à Londres, l’ancienne ministre du Pétrole, Diezani Alison-Madueke, pour blanchiment d’argent. Une arrestation qui a mis «l’industrie pétrolière du Nigéria en mode panique»

Il faut dire que les détournements de pétrole dans les régions de production sont apparemment massifs. Ils concerneraient «15 à 20% de la production totale du pays», révèle La Croix. «Tout cela n’est possible qu’avec des appuis au ministère du Pétrole nigérian, à la NNPC ou au sein de l’administration présidentielle, avec des complicités incluant des traders véreux. Cette activité génère des revenus qui se comptent en milliards d’euros.» Petite précision du quotidien: 75% du brut volé partirait «vers le marché international, grâce à des navires qui circulent avec de faux permis»

 Laurent Ribadeau Dumas

Source : Géopolis 16/01/2017

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Académie française. Discours de réception d’Andreï Makine

Discours de réception de M. Andreï Makine

Dans son discours de réception à l’Académie Française Andreï Makine revient avec l’exigence littéraire qui convient sur les ombres de l’histoire. Il ouvre une vision sur les inquiétudes du temps présent avec peu de douceur pour nos gouvernants irresponsables.

Le 15 décembre 2016

Andreï Makine

M. Andreï Makine, ayant été élu à l’Académie française à la place laissée vacante par la mort de Mme Assia Djebar, y est venu prendre séance le jeudi 15 décembre 2016, et a prononcé le discours suivant :

Mesdames et Messieurs de l’Académie,

Il y a trois cents ans, oui, trois siècles à quelques mois près, au printemps de 1717, un autre Russe se rendit à l’Académie, une institution encore toute jeune, quatre-vingts ans à peine, et qui siégeait, à l’époque, au Louvre. La visite de ce voyageur russe, bien que parfaitement improvisée, était infiniment plus éclatante que mon humble présence parmi vous. Il s’agissait de Pierre le Grand ! Le tsar rencontra les membres de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, s’attarda – le temps de deux longues séances – à l’Académie royale des sciences, observa plusieurs nouveautés techniques et réussit même à aider les géographes français à corriger les cartes de la Russie. Il alla aussi à l’Académie française et là il ne trouva présents que deux académiciens. Non que les membres de votre illustre Compagnie fussent particulièrement dissipés mais le tsar, nous l’avons vu, improvisait ses visites sans s’enquérir des règlements ni de l’heure des séances. Néanmoins, les deux académiciens eurent l’élégance d’initier Pierre aux secrets de leurs multiples activités. L’un d’eux cita, bien à propos, Cicéron, son dialogue De finibus bonorum et malorum. Les langues anciennes n’étaient pas encore considérées en France comme un archaïsme élitiste et la citation latine sur les fins des biens et des maux, traduite en russe par un interprète, enchanta le tsar : « Un jour, Brutus, où j’avais écouté Antiochus comme j’en avais l’habitude avec Marcus Pison dans le gymnase dit de Ptolémée […], nous décidâmes de nous promener l’après-midi à l’Académie, surtout parce que l’endroit est alors déserté par la foule. Est-ce la nature, dit Pison, ou une sorte d’illusion, […] mais quand nous voyons des lieux où nous savons […] que demeurèrent des hommes glorieux, nous sommes plus émus qu’en entendant le récit de leurs actions ou en lisant leurs ouvrages… »

 L’enthousiasme de Pierre le Grand fut si ardent que, visitant la Sorbonne, il s’inclina devant la statue de Richelieu, l’embrassa et prononça ces paroles mémorables que certains esprits sceptiques prétendent apocryphes : « Grand homme, je te donnerais la moitié de mon empire pour apprendre de toi à gouverner l’autre. »

Le tsar embrassa aussi le petit Louis XV, âgé de sept ans. Le géant russe tomba amoureux de l’enfant-roi, sans doute percevant en ce garçonnet un contraste douloureux avec son propre fils, Alekseï, indigne des espoirs paternels. Mais peut-être fut-il touché, comme nous le sommes tous, quand nous entendons un tout jeune enfant parler librement une langue, pour nous étrangère, et dont nous commençons à aimer les vocables. Oui, cette langue française qui allait devenir, bientôt, pour les Russes, la seconde langue nationale.

Non, ce n’est pas cette passion linguistique qui traça l’itinéraire du tsar. Son programme, si je puis dire, était bien plus pratique : la manufacture des Gobelins qui allait inspirer la fabrication des tissus en Russie, la Manufacture royale des glaces qui, malgré l’opposition de l’Église orthodoxe, allait faire briller mille miroirs de Saint-Pétersbourg à Moscou et, enfin, Versailles et le défi que le tsar allait lancer en faisant bâtir son Versailles à lui, son Peterhof et ses fabuleuses fontaines…

Cependant, la discussion avec les deux académiciens ne fut pas vaine. Pour la première fois de sa vie, Pierre découvrait un pays qui avait dédié à sa langue une savante Académie, appelée à défendre l’idiome national. Dès le retour du tsar à Saint-Pétersbourg, l’idée de l’Académie russe prend forme et se réalise peu de temps après sa mort.

Mes paroles s’éloignent, pourrait-on penser, du but de ce discours qui doit rendre hommage à cet écrivain remarquable que reste pour nous Assia Djebar. En effet, quel lien pourrait unir le souverain d’une lointaine Moscovie, une romancière algérienne et votre serviteur que vous avez jugé digne de siéger à vos côtés ? Ce lien est pourtant manifeste car il exprime la raison d’être même de l’Académie : assurer à la langue et à la culture françaises le rayonnement le plus large possible et offrir à cette tâche le concours des intelligences œuvrant dans les domaines les plus variés.

Assia Djebar avait, en ce sens, un immense avantage sur un Russe, qu’il fût un monarque ou un jeune citoyen de l’Union soviétique. Elle n’avait pas eu à subir le refus de Louis XIV qui, en 1698, pour ne pas froisser son allié, le sultan de la Sublime Porte, évita de recevoir le tsar. Ce refus, nous confie Saint-Simon, « mortifia » le jeune monarque russe. Aucun Rideau de fer n’empêcha la brillante élève algérienne de traverser la Méditerranée, de venir étudier à Paris, au lycée Fénelon d’abord et, ensuite, à l’École normale supérieure. Aucune pression idéologique ne commanda, en France, les choix qu’elle devait faire pour persévérer dans ses études. Aucune censure ne lui opposa un quelconque index librorum prohibitorum. Et même quand la grande Histoire – la guerre d’Algérie – fit entendre son tragique fracas, Assia Djebar parvint à résister à la cruauté des événements avec toute la vigueur de son intelligence. Romancière à l’imaginaire fécond, cinéaste subtile, professeur reconnu sur les deux rives de l’Atlantique – la carrière de la future académicienne est une illustration vivante de ce que la sacro-sainte école de la République avait de plus généreux.

Un destin aussi exemplaire fait presque figure de conte de fées ou, plutôt d’une apothéose où le général de Gaulle apparaît, un jour, en deus ex machina, pour aider l’universitaire et la militante pro-F.L.N. Assia Djebar à réintégrer ses fonctions.

Cette vie, d’une richesse rare, est trop bien connue pour qu’on soit obligé de rappeler, en détail, ses étapes. Maintes thèses universitaires abordent l’œuvre d’Assia Djebar. Ses étudiants, en Algérie, en France, aux États-Unis, perpétuent sa mémoire. Des prix littéraires, très nombreux, ont consacré ses textes – depuis Les Enfants du Nouveau Monde jusqu’à La Femme sans sépulture – traduits en plusieurs langues.

Et pourtant, dans cette vie et cette œuvre subsiste une zone mystérieuse qui exerce un attrait puissant sur les étrangers francophones. Cette langue française, apprise, maniée avec une adresse indéniable, étudiée dans ses moindres finesses stylistiques, cette langue donc, que représente-t-elle pour ceux qui ne l’ont pas entendue dans leur berceau ? Une appropriation conquérante ? Une vertigineuse ouverture intellectuelle ? Un formidable outil d’écriture ? Ou bien, au contraire, une durable malédiction qui relègue notre langue d’origine au rang d’un patois familial, d’un sabir enfantin, d’une langue fantôme qui ne pourra plus que végéter au milieu des vestiges de nos jeunes années ? Apprendre cette langue étrangère, se fondre en elle, se donner à elle dans une fusion quasi amoureuse, concevoir grâce à elle des œuvres qui prétendent ne pas lui être infidèles et même, suprême audace, pouvoir l’enrichir, oui, ce choix d’une nouvelle identité linguistique serait-il une bénédiction, une nouvelle naissance ou bien un arrachement à la terre des ancêtres, la trahison de nos origines, la fuite d’un fils prodigue ?

Cette formulation qui peut vous paraître trop radicale reflète à peine la radicalité avec laquelle la question est soulevée dans les livres d’Assia Djebar. « Le français m’est une langue marâtre », disait-elle dans son roman L’Amour, la fantasia. Une langue marâtre ! Donc nous avions raison : adopter une langue étrangère, la pratiquer en écriture peut être vécu comme une rupture de pacte, la perte d’une mère, oui, la disparition de cette « langue mère idéalisée » dont parle la romancière.

« Sous le poids des tabous que je porte en moi comme héritage, disait-elle, je me retrouve désertée des chants de l’amour arabe. Est-ce d’avoir été expulsée de ce discours amoureux qui me fait trouver aride le français que j’emploie ? »

Le français, une langue marâtre, incapable d’exprimer la beauté des chants de l’amour arabe, une langue aride… Et, en même temps, une langue qui peut servir d’armure à la jeune Algérienne et qui libère son corps : « Mon corps s’est trouvé en mouvement dès la pratique de l’écriture étrangère. » Une langue d’émancipation donc, un parler libérateur ? Certes, mais le sentiment de privation, de déchéance même n’est jamais loin :

« Le poète arabe, nous expliquait Assia Djebar, décrit le corps de son aimée ; le raffiné andalou multiplie traités et manuels pour détailler tant et tant de postures érotiques ; le mystique musulman […] s’engorge d’épithètes somptueuses pour exprimer sa faim de Dieu et son attente de l’au-delà… La luxuriance de cette langue me paraît un foisonnement presque suspect… Richesse perdue au bord d’une récente déliquescence ! »

Tel est le dilemme qui se dresse devant la romancière algérienne comme devant tant d’autres écrivains francophones appartenant aux anciennes colonies françaises : une langue maternelle idéalisée, parée de tous les atours de finesse et de magnificence et la langue étrangère, le français, dont l’utilité d’armure intellectuelle et la force émancipatrice ne pourront jamais remplacer le paradis perdu où résonnaient les mélodies du verbe ancestral. Serait-ce un enfermement insoluble ?

La Grande Catherine de Russie sembla avoir bien tranché ce nœud gordien. « Voltaire m’a mise au monde », disait-elle, et cette affirmation ne concernait pas l’usage du français qu’elle pratiquait couramment grâce à mademoiselle Cardel et que toute l’Europe éclairée parlait à l’époque. Non, il s’agissait avant tout de l’ouverture au monde intellectuel de la France, à ses joutes philosophiques, à la diversité et à la richesse de ses belles-lettres. Le cas de la grande tsarine apparaît encore plus complexe que la situation d’une jeune Algérienne qui se culpabilisait de son geste de transfuge linguistique. Car Catherine, de langue maternelle allemande, et parfaitement francophone, a toujours été animée d’un désir impérieux de russité. Elle voulait comprendre le peuple de l’immense empire qu’elle eut à diriger toute jeune. Le russe, indispensable outil de gouvernance, est devenu pour Catherine une langue d’intimité, de communion avec l’insondable âme russe, avec la musique de ses paysages, de ses saisons, de ses légendes. Nature passionnée, Catherine se mit à étudier le russe en linguiste amateur, démontrant la témérité de son sens de l’étymologie. « Le Périgord, disait-elle, mais c’est un nom purement russe ! “ Peré ” signifie au-delà. Et “ gory ” – montagnes. Le Périgord c’est un pays au-delà des montagnes, donc ce sont les Russes qui avaient découvert cette région ! » Son entourage à la cour de Saint-Pétersbourg avait le tact de ne pas démentir ces fulgurances lexicologiques, préférant rire sous cape en disant que l’Impératrice réussissait à commettre, en russe, quatre fautes d’orthographe dans un mot de trois lettres. Et c’était, hélas, vrai !

Jusqu’à sa mort, Catherine garderait un accent. Allemand ? Français ? Allez savoir. Et ses fautes d’orthographe seraient corrigées par le seul homme qui aimait véritablement cette femme, le jeune prince Alexandre Lanskoï.

 Malgré toutes ses lacunes idiomatiques, la tsarine a laissé aux Russes un trésor inestimable : le privilège de parler français sans se sentir traître à la Patrie et la possibilité de communiquer en russe sans passer pour un patoisant borné, un inculte, un plouc. Bien sûr le dilemme que nous avons vu surgir si puissamment dans l’œuvre d’Assia Djebar – une langue d’origine, perdue, une langue étrangère, conquise – tourmentait aussi ces francophones russes qui, victimes d’une mauvaise conscience linguistique, se mettaient parfois à dénoncer les méfaits de la gallomanie et l’emprise du cogito français sur l’intellection russe. Le dramaturge Fonvizine consacra une comédie à cette influence française corruptrice des âmes candides. Son héros, un peu simplet, clame sans cesse : « Mon corps est né en Russie mais mon âme appartient à Paris ! » Fonvizine compléta cette satire en écrivant ses fameuses Lettres de France où, au lieu de moquer les Russes, lui qui a rencontré Voltaire trois fois, il s’en prend à certaines incohérences de la pensée française : « Que de fois, écrit-il, discutant avec des gens tout à fait remarquables, par exemple, de la liberté, je disais qu’à mon avis, ce droit fondamental de l’homme était en France un droit sacré. Ils me répondaient avec enthousiasme que “le Français est né libre”, que le respect de ce droit fait tout leur bonheur, qu’ils mourraient plutôt que d’en supporter la moindre atteinte. Je les écoutais, puis orientais la discussion sur toutes les entorses que j’avais constatées dans ce domaine et, peu à peu, je leur découvrais le fond de ma pensée – à savoir qu’il serait souhaitable que cette liberté ne fût pas chez eux un vain mot. Croyez-le ou non, mais les mêmes personnes qui s’étaient flattées d’être libres me répondaient aussitôt : “Oh, Monsieur, mais vous avez raison, le Français est écrasé, le Français est esclave !” Ils s’étouffaient d’indignation, et pour peu que l’on ne se tût pas, ils auraient continué des jours entiers à vitupérer le pouvoir et à dire pis que pendre de leur état. » Involontairement, peut-être, Fonvizine nous laisse deviner que tout en critiquant les cercles éclairés de Paris, il est devenu lui-même très français dans sa manière de mener subtilement une controverse intellectuelle.

Et c’est dans cet apprentissage de la francité que nous découvrons le secret de la solidité des liens entre nos deux civilisations. Non, les Russes n’ont jamais été aveugles : Fonvizine, Pouchkine, Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov ont tous exprimé, à un moment de leur vie, le rejet de ce qui pouvait se faire en France ou de ce qui pouvait s’écrire en France. Mais jamais ces grands écrivains n’ont eu l’idée de chercher la cause de ces fâcheuses réalités dans la francité même – et la faiblesse des ouvrages publiés à Paris, dans je ne sais quelle tare congénitale de la langue française. Fonvizine le formulait sur le ton d’un amant trahi : « Il faut rendre justice à ce pays : il est passé maître dans l’art du beau discours. Ici, on réfléchit peu, d’ailleurs on n’en a pas le temps, parce qu’on parle beaucoup et trop vite. Et comme ouvrir la bouche sans rien dire serait ridicule, les Français disent machinalement des mots, se souciant peu de savoir s’ils veulent dire quelque chose. De plus, chacun tient en réserve toute une série de phrases apprises par cœur – à vrai dire très générales et très creuses – et qui lui permettent de faire bonne figure en toute circonstance. » Reconnaissons-le, ce jugement reste actuel si l’on pense au langage politique et médiatique d’aujourd’hui.

Et pourtant le dramaturge russe ne parle que de la manière – abusive, redondante, hypocrite – d’user d’une langue, mais il n’attribue nullement ces défauts-là à la langue française même. Et Dostoïevski, ce grand pourfendeur de l’esprit bourgeois dans la France contemporaine, il salue le génie de Balzac, son art de peindre ces mêmes bourgeois dans La Comédie humaine. « Bonheur, extase ! J’ai traduit Eugénie Grandet ! » : on oublie souvent que la carrière du jeune romancier russe a débuté par ce cri de joie. Et Tolstoï qui n’hésitait pas à éreinter la production romanesque française, lui, il donnait au jeune Gorki ce conseil de vieux sage : « Lisez les Français ! »

Ces écrivains russes n’avaient jamais étudié Ferdinand de Saussure ni, encore moins, Roman Jakobson. Mais ils devinaient, d’instinct, ce distinguo linguistique désormais trivial : la langue et la parole, le dictionnaire et notre façon d’en faire notre usage personnel dans l’infini de ses possibilités. Oui, un dictionnaire, des règles, un corpus fermé, codifié, normatif et la fantaisie de chacun de nous, simples locuteurs ou bien écrivains.

 Alors, y aurait-il un sens à blâmer une langue étrangère dans laquelle on écrit, à mettre en doute sa richesse, sa grammaire, à se plaindre de son aridité, lui reprochant de ne pas répondre à toutes les circonvolutions de notre imaginaire d’origine ? Non, bien sûr que non. La langue parfaite n’existe pas. Seule la parole du poète atteint parfois les sommets de la compréhension visionnaire où les mots mêmes paraissent de trop. La parole du poète, dans toutes les langues, à toutes les époques. Mais très, très, très rarement.

Notre jeune romancière algérienne était-elle consciente de cette fondamentale neutralité des langues ? Sans aucun doute. Sinon, Assia Djebar n’aurait jamais évoqué, à propos du français, cette part d’ombre que l’histoire des hommes dépose au milieu des mots d’un dictionnaire : « Chaque langue, je le sais, entasse dans le noir ses cimetières, ses poubelles, ses caniveaux ; or devant celle de l’ancien conquérant, me voici à éclairer ses chrysanthèmes ! »

Encore une définition lourde à porter : « la langue de l’ancien conquérant ». 1830, la conquête de l’Algérie et la langue française qui serait donc à jamais associée à la violence, la domination, la colonisation.

Comme le ciel de l’entente franco-russe semblerait léger à côté de ces lourds nuages ! Serait-ce la raison pour laquelle le français, en Russie, n’a jamais été entaché par le sang de l’histoire ? Pourtant, le sang, hélas, a coulé entre nos deux pays et bien plus abondamment que dans les sables et les montagnes de l’Algérie. Soixante-quinze mille morts en une seule journée dans la bataille de la Moskova, en 1812, un carnage pas si éloigné, dans le temps, de la conquête algérienne. Oui, quarante-cinq mille morts russes, trente mille morts du côté français. Mais aussi la guerre de Crimée, dévastatrice et promotrice de nouvelles armes, et jadis comme naguère, l’Europe prête à s’allier avec un sultan ou – c’est un secret de Polichinelle – à armer un khalifat, au lieu de s’entendre avec la Russie. Et le débarquement d’un corps expéditionnaire français en 1918 au pire moment du désastre révolutionnaire russe. Et la Guerre froide où nos arsenaux nucléaires respectifs visaient Paris et Moscou. Et l’horrible tragédie ukrainienne aujourd’hui. Combien de cimetières, pour reprendre l’expression d’Assia Djebar, les Russes auraient pu associer à la langue française ! Or, il n’en est rien ! En parlant cette langue nous pensons à l’amitié de Flaubert et de Tourgueniev et non pas à Malakoff et Alma, à la visite de Balzac à Kiev et non pas à la guerre fratricide orchestrée, dans cette ville, par les stratèges criminels de l’OTAN et leurs inconscients supplétifs européens. Les quelques rares Russes présents à la réception de Marc Lambron lui ont été infiniment reconnaissants d’avoir évoqué un fait d’armes de plus ou plus ignoré dans cette nouvelle Europe amnésique. Marc Lambron a parlé de l’escadrille Normandie-Niémen, de ses magnifiques héros français tombés sous le ciel russe en se battant contre les nazis. Oui, ce sont ces cimetières-là, cette terre où dorment les pilotes légendaires, oui, cette mémoire-là que les Russes préfèrent associer à la francité.

Comme tous les livres engagés, les romans d’Assia Djebar éveillent une large gamme d’échos dans notre époque. Ces livres parlent des massacres des années cinquante et soixante, mais le lecteur ne peut s’empêcher de penser au drame qui s’est joué en Algérie, tout au long des années quatre-vingt-dix. Nous partageons la peine des Algériens d’il y a soixante ans mais notre mémoire refuse d’ignorer le destin cruel des harkis et le bannissement des pieds-noirs. Et même les mots les plus courants de la langue arabe, les mots innocents (le dictionnaire n’est jamais coupable, seul l’usage peut le devenir), oui, l’exclamation qu’on entend dans la bouche des personnages romanesques d’Assia Djebar, ce presque machinal Allahou akbar, prononcé par les fidèles avec espoir et ferveur, se trouve détourné, à présent, par une minorité agressive – j’insiste, une minorité ! – et sonne à nos oreilles avec un retentissement désormais profondément douloureux, évoquant des villes frappées par la terreur qui n’a épargné ni les petits écoliers toulousains ni le vieux prêtre de Saint-Étienne-du-Rouvray.

Il serait injuste de priver du droit de réponse celle qui ne peut plus nous rejoindre et nous parler. À la longue liste des villes et des victimes, la romancière algérienne aurait sans doute eu le courage d’opposer sa liste à elle en évoquant le demi-million d’enfants irakiens massacrés, la monstrueuse destruction de la Libye, la catastrophe syrienne, le pilonnage barbare du Yémen. Qui aurait, aujourd’hui, l’impudence de contester le martyre de tant de peuples, musulmans ou non, sacrifiés sur l’autel du nouvel ordre mondial globalitaire ?

Assia Djebar ne pouvait ne pas noter cette résonance soudaine que suscitaient ses œuvres. Ainsi, dans son discours de réception à l’Académie, se référait-elle à… Tertullien qui, d’après elle, n’avait rien à envier, en matière de misogynie, aux fanatiques d’aujourd’hui. Que peut-on répondre à cet argument ? Juste rappeler peut-être que nous vivons au vingt et unième siècle, dans un pays laïc, et que presque deux millénaires nous séparent de Tertullien et de sa bigote misogynie. Est-ce suffisant pour que certains pays réexaminent la place de la femme dans la cité et dans nos cités ? Et que les grandes puissances cessent de jouer avec le feu, en livrant des armes aux intégristes, en les poussant dans la stratégie du chaos, au Moyen-Orient ?

Je ne crois pas que la romancière algérienne ait pu être heureuse de cet imprévisible revif d’intérêt pour des polémiques que, bien sincèrement, elle devait croire dépassées. On la sentait habitée par un désir d’apaisement, de retour vers cette langue rêvée, une langue poétique, dont elle a toujours recherché la musicalité. Et c’est par antiphrase que l’un de ses derniers livres l’exprimait dans son titre : La Disparition de la langue française. Une langue apprise, passionnément explorée, comparée jalousement au palimpseste de sa langue maternelle, une langue que, dans une introspection très lyrique, elle essaye de définir : « Ma langue d’écriture s’ouvre au différent, s’allège des interdits paroxystiques, s’étire pour ne paraître qu’une simple natte au-dehors, parfilée de silence et de plénitude. » Ou encore : « Mon français, doublé par le velours, mais aussi les épines des langues autrefois occultées, cicatrisera peut-être mes blessures mémorielles. » « Mon écriture en français est ensemencée par les sons et les rythmes de l’origine. » « Mon Français devient l’énergie qui me reste pour boire l’espace bleu-gris, tout le ciel. »

Une telle auto-analyse, une longue mélopée mystique dont la compréhension finit par nous échapper comme dans un poème qui viserait un hermétisme mallarméen, cette métalangue pour définir sa propre langue d’écriture, a ses limites, Assia Djebar en était certainement consciente. Elle qui a bien lu Saussure, Jakobson, Barthes et Chomsky, elle savait que dans le travail d’un écrivain toutes ces belles et rotondes épithètes, toutes ces arabesques métaphoriques comptent peu. Et que se demander indéfiniment comment s’entrelacent les prétendus métissages linguistiques, velours, épines et autres nattes parfilées, est un exercice distrayant sans plus. Et que la vocation d’un artiste, quels que soient sa langue ou son mode d’expression, sera toujours cette tâche humble et surhumaine si bien définie par les scholastiques : « Adequatio mentis et rei ». Oui, par l’effort de tout son être, faire coïncider sa pensée avec les choses de ce monde. Dans le but prométhéen de dépasser ce monde visible, rempli de haine, de mensonges, de stupides polémiques, de risibles rivalités, de finitudes qui nous rendent petits, agressifs et peureux.  

Si l’on me demandait maintenant de définir la vision que les Russes ont de la francité et de la langue française, je ne pourrais que répéter cela : dans la littérature de ce pays, ils ont toujours admiré la fidélité des meilleurs écrivains français à ce but prométhéen. Ils vénéraient ces écrivains et ces penseurs qui, pour défendre leur vérité, affrontaient l’exil, le tribunal, l’ostracisme exercé par les bien-pensants, la censure officielle ou celle, plus sournoise, qui ne dit pas son nom et qui étouffe votre voix en silence.

Cette haute conception de la parole littéraire est toujours vivante sur la terre de France. Malgré l’abrutissement programmé des populations, malgré la pléthore des divertissements virtuels, malgré l’arrivée des gouvernants qui revendiquent, avec une arrogance éhontée, leur inculture. « Je ne lis pas de romans », se félicitait l’un d’eux, en oubliant que le bibliothécaire de Napoléon déposait chaque jour sur le bureau de l’Empereur une demi-douzaine de nouveautés littéraires que celui-ci trouvait le loisir de parcourir. Entre Trafalgar et Austerlitz, pour ainsi dire. Ces arrogants incultes oublient la force de la plume du général de Gaulle, son art qui aurait mérité un Nobel de littérature à la suite de Winston Churchill. Ils oublient, ces ignorants au pouvoir, qu’autrefois les présidents français non seulement lisaient les romans mais savaient en écrire. Ils oublient que l’un de ces présidents fut l’auteur d’une excellente Anthologie de la poésie française. Ils ne savent pas, car Edmonde Charles-Roux n’a pas eu l’occasion de leur raconter l’épisode, qu’en novembre 1995 le président François Mitterrand appelait la présidente du jury Goncourt et d’une voix affaiblie par la maladie lui confiait : « Edmonde, cette année, vous avez fait un très bon choix… » Par le pur hasard de publication, cette année-là le Goncourt couronnait un écrivain d’origine russe, mais ça aurait pu être un autre jeune romancier que le Président aurait lu et commenté en parlant avec son amie et la grande femme de lettres qu’était Edmonde Charles-Roux. Ceux qui aujourd’hui, au sommet, exaltent le dédain envers la littérature ne mesurent pas le courage qu’il faut avoir pour lancer un auteur inconnu, le défendre et ne pas même pouvoir vivre la joie de la victoire remportée – tel était le merveilleux dévouement de Simone Gallimard qui, quelques semaines avant sa disparition, avait publié Le Testament français au Mercure de France. Ces non-lecteurs ne comprendront jamais ce que cela signifie, pour un éditeur, de monter à bord d’une maison d’édition dans la tempête, de ressaisir la barre, de consolider la voilure, de galvaniser l’équipage et de sauver ce bon vieux navire comme l’a fait, du haut de sa passerelle, le capitaine du Seuil. Non, ceux qui ne lisent pas ne pourront jamais deviner à quoi s’expose, financièrement et médiatiquement, un éditeur en publiant un livre consacré à un soldat oublié, à un obscur lieutenant Schreiber, des souvenirs qu’il faudra imposer au milieu du déferlement des best-sellers anglo-saxons et de l’autofiction névrotique parisienne. L’homme qui a eu le panache d’accepter ce risque, chez Grasset, a balayé mes doutes avec le brio d’un Cyrano de Bergerac : « Avec ce texte, Monsieur, je ne suis pas dans la logique comptable ! » Oui, du pur Cyrano. Quelle folie mais quel geste ! Et quel dommage que les usages du discours académique m’interdisent, paraît-il, de divulguer le nom de ces deux hommes, de ces deux grands hommes !

La nouvelle caste d’ignorants ne pourra jamais concevoir ce qu’un livre français, oui, un petit livre de poche tout fatigué, pouvait représenter pour les Russes francophones qui vivaient derrière le Rideau de fer. Je me souviens qu’un jour à Moscou, dans les années soixante-dix, j’ai été intrigué par le roman d’un jeune écrivain français, par l’originalité de son titre : Les Enfants de Gogol. Les catalogues de la Bibliothèque des langues étrangères reléguaient cet auteur dans ce qu’on appelait le fonds spécial. Il fallait obtenir une autorisation assortie de trois tampons et consulter ce livre sous l’œil vigilant de la préposée. Les Enfants de Gogol, écrit par Dominique Fernandez. Un auteur donc à la réputation suffisamment sulfureuse pour effaroucher les pudibonds idéologues du régime.

On pouvait aussi tenter sa chance sur le marché noir et acquérir ce livre-là ou un autre au prix moyen de cinq à dix roubles, deux journées de travail pour un Russe ordinaire, l’équivalent d’une centaine d’euros. Mais voyez-vous, Mesdames et Messieurs, personne à cette époque ne parlait du prix excessif des livres. Un Moscovite aurait gagné la réputation du dernier des goujats s’il s’était plaint d’avoir trop dépensé pour un livre de poche français qui avait bravé le Rideau de fer.

On me fera observer que cette haute exigence littéraire n’est plus tenable dans notre bas monde contemporain où tout a un prix mais rien n’a plus de valeur. Parler de la mission prométhéenne de l’écrivain, de l’idéal du verbe poétique, des ultimes combats pour l’esprit sur un donjon assiégé par l’inculture, les diktats idéologiques, les médiocrités divertissantes, n’est-ce pas un acte devenu suicidaire ?

Eh bien, quittons cet Olympe de poètes et descendons sur terre, retrouvons-nous dans cette France d’antan, qui n’avait rien d’idyllique, en 1940, par exemple. Au milieu des combats, des blessés, des morts, dans le feu d’une atroce défaite, aux côtés des soldats qui se battent pour l’honneur de leur vieille patrie. Ce ne sont pas des intellectuels ni des poètes, et pourtant l’un d’eux, un presque anonyme lieutenant Ville décide de tracer quelques strophes sur la page de garde dans le Journal des marches du 4e régiment de cuirassiers. Il le fait pour son tout jeune frère d’armes, l’aspirant Schreiber, sachant que la mort peut les séparer d’une minute à l’autre. Un bref poème sans prétention, à la versification impromptue, le seul poème sans doute que le lieutenant ait rédigé durant sa vie :

Écrire une pensée à ce gosse-là, quoi dire ?

Sinon qu’un soir, il arrivait au cantonnement

En rigolant comme un enfant !

Un matin de printemps, il pleut du fer mais

Il rigole bien comme un gamin !

Un jour, la frontière de France s’allume,

Il faut être partout où ça brûle et cogner, cogner,

En hurlant aux vieux guerriers : « Souriez, souriez ! »

Un crépuscule sombre et rouge. Derrière nous, la mer,

Sur nos têtes, devant nous, l’enfer.

Lui s’en amuse, sort des plaisanteries, comme un titi !

Revenus sur la belle terre de France, hélas, tout est perdu.

On baroude encore pour l’honneur.

Le gosse est toujours là, souriant et sans peur…

Non, le lieutenant Ville n’avait pas l’intention de rivaliser avec Victor Hugo. Ces strophes notées entre deux bombardements témoignaient d’une époque où les enfants apprenaient encore par cœur Corneille et Racine, Musset et Rostand. Cette musique intérieure créait dans leur âme ce qu’on pourrait appeler une « sensibilité littéraire », oui, la compréhension que, même dans les heures où l’homme est réduit à la simple chair à canons, la vie pouvait être rythmée autrement que par la haine sauvage et la peur bestiale des mortels.

Une sensibilité littéraire. Serait-elle la véritable clef qui permet de deviner le secret de la francité ?

J’ai cherché à l’exprimer en parlant, dans un livre, du lieutenant Schreiber et de ses frères d’armes. Ce jeune lieutenant français, âgé de quatre-vingt-dix-huit ans, est aujourd’hui parmi nous. Tout au long de nos conversations, son seul désir était de rendre un peu plus pérenne la mémoire de ses camarades morts pour la France. Surtout le souvenir de Francis Gilot, un jeune tankiste de dix-huit ans – dix-huit ans ! – tué en août 44, dans la bataille de Toulon.

Le général de Gaulle en parlant de ces combattants oubliés disait avec tout son talent d’écrivain, avec toute sa sensibilité littéraire : « Maintenant que la bassesse déferle, ces soldats regardent la terre sans rougir et le ciel sans blêmir ! »

Merci.

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Résolution à l’ONU sur les colonies israéliennes : un signal politique fort mais symbolique

 Lors d’une manifestation contre l’expropriation de terres palestiniennes par Israël dans le village de Kfar Qaddum, près de Naplouse, en Cisjordanie, le 9 décembre. Lors d’une manifestation contre l’expropriation de terres palestiniennes par Israël dans le village de Kfar Qaddum, près de Naplouse, en Cisjordanie, le 9 décembre. JAAFAR ASHTIYEH / AFP

Lors d’une manifestation contre l’expropriation de terres palestiniennes par Israël dans le village de Kfar Qaddum, près de Naplouse, en Cisjordanie, le 9 décembre.
Lors d’une manifestation contre l’expropriation de terres palestiniennes par Israël dans le village de Kfar Qaddum, près de Naplouse, en Cisjordanie, le 9 décembre. JAAFAR ASHTIYEH / AFP

Le texte voté par le Conseil de sécurité condamnant la colonisation dans les territoires occupés palestiniens ne devrait pas être appliqué, aucune sanction n’étant prévue. Décryptage.

Pour la première fois depuis trente-six ans, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné la colonisation israélienne dans les territoires occupés et à Jérusalem en demandant à l’Etat hébreu d’arrêter « immédiatement et complètement » de telles implantations. La résolution 2334 a été votée vendredi 23 décembre par quatorze voix et une abstention, celle des Etats-Unis, qui n’ont pas usé, comme à l’accoutumée, de leur droit de veto sur ce sujet très sensible pour Israël.

L’administration Obama sur le départ voulait ainsi montrer son exaspération face au double discours du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. « On ne peut en même temps défendre l’expansion des colonies israéliennes et une solution à deux Etats », a rappelé l’ambassadrice américaine à l’ONU, Samantha Power. Il s’agit donc d’un tournant, mais largement symbolique.

  • La résolution sera-t-elle appliquée ?

Non, même si les responsables palestiniens, à commencer par le président Mahmoud Abbas, ont salué « un coup sévère contre les politiques israéliennes ». D’entrée de jeu, juste après l’annonce du vote, Benyamin Nétanyahou a affirmé qu’Israël « rejet[ait] cette résolution honteuse et ne s’y conformera[it] pas ».

Rien dans le texte du document onusien ne l’y oblige. Aucune sanction n’est prévue dans la résolution 2334 en cas de non-respect du texte. En effet, la résolution n’a pas été adoptée sous le chapitre VII – qui autorise le recours à la force pour assurer la paix et la sécurité. Ce texte, par ailleurs, condamne aussi explicitement « tout acte de violence, y compris les actes terroristes », et dénonce « les appels à la haine » et « la rhétorique inflammatoire », prenant ainsi en compte des griefs israéliens.

Le signal politique n’en est pas moins très fort. Aussi bien la France que le Royaume-Uni, en votant le texte, que les Etats-Unis, par leur abstention, ont très clairement voulu rappeler leur attachement – comme la grande majorité de la communauté internationale – à la solution à deux Etats, c’est-à-dire un Etat israélien et un Etat palestinien vivant côte à côte.

Le texte de la résolution ne reconnaît aucun des “faits accomplis” établis par Israël dans les territoires occupés depuis 1967 ; au contraire, elle « réaffirme » que ceux-ci n’ont « aucun fondement en droit ». La poursuite de la colonisation – quelque 590 000 personnes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est annexé par Israël – morcelle toujours plus le territoire palestinien, rendant impossible, à terme, la création d’un Etat viable. Et, sur ce plan, rien ne va changer.

  • Pourquoi la réaction israélienne est-elle alors aussi forte ?

« C’est le chant du cygne du vieux monde empreint d’hostilité contre Israël », a lancé Benyamin Nétanyahou, qui dénonce un texte « honteux ». Ce camouflet diplomatique n’en montre pas moins l’isolement croissant de ce gouvernement, qui est le plus à droite de l’histoire d’Israël. Les autorités de l’Etat hébreu dénoncent ouvertement un « oketz » américain, c’est-à-dire « un coup pourri », une vengeance de M. Obama contre un premier ministre israélien avec lequel il a toujours eu des rapports difficiles.

Selon ce dernier, le président américain a rompu un engagement pris en son temps par le président Jimmy Carter, « de ne pas dicter les termes de la paix à Israël au Conseil de sécurité ». Un engagement toujours respecté jusqu’ici… y compris par l’administration Obama, qui, en 2011 encore, bloqua un texte onusien sur la colonisation.

Le président sortant a par ailleurs été tout au long de ses huit ans de mandat au diapason de la relation stratégique entre les deux pays, et il a notamment validé un accord d’aide militaire d’ampleur sur dix ans pour un montant record de 36,3 milliards d’euros.

Donald Trump, selon toute probabilité, renforcera encore ces liens, d’autant que l’ambassadeur qu’il va nommer en Israël, David Friedman, est très proche de la droite israélienne et assure vouloir déménager l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, promesse récurrente de campagne des présidents américains, mais qui pourrait devenir désormais réalité.

Les autorités israéliennes n’en montrent pas moins une certaine inquiétude, car ce texte pourrait avoir des conséquences économiques bien réelles. En s’inspirant d’une recommandation de l’Union européenne, la résolution appelle ainsi à établir une politique de différenciation dans « tous les domaines opportuns » entre le territoire israélien et la Cisjordanie occupée. Et, surtout, elle pourrait enclencher une dynamique diplomatique.

  • Que peut faire la communauté internationale ?

Elle ne peut pas faire grand-chose sans, ou a fortiori contre, les Etats-Unis, une fois que Donald Trump se sera installé à la Maison Blanche. Mais, d’ici là, l’administration Obama, comme, par ailleurs, Paris, lanceront plusieurs initiatives. Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, devrait rappeler, lors d’un grand discours d’adieu, les paramètres d’une solution négociée avec les Palestiniens.

« Il faut fixer de grands principes par écrit avant d’entrer dans une période d’incertitude totale », explique un diplomate français, alors que doit se tenir à Paris, le 15 janvier, la deuxième conférence internationale pour le Proche-Orient, organisée cette année par la France, avec 70 pays. Ils étaient une trentaine en juin. Ce sera une occasion de rappeler haut et fort que le statu quo actuel n’est pas tenable et ce que doit être le cadre d’un règlement global pour « une solution à deux Etats, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité ».

Pour arriver à lancer un message commun, les participants à la réunion de Paris en juin avaient évité les questions les plus sensibles – les frontières, le statut de Jérusalem, le retour des réfugiés, la sécurité, ainsi que le partage de l’eau – pour mettre en avant les références qui ont été depuis des années au centre des diverses tentatives de paix, et notamment l’initiative arabe de 2002 pour une paix globale.

Cette fois-ci, le ton du communiqué final pourrait être plus ferme. Il s’agira certes, à nouveau, comme au printemps, « d’une conférence de témoignage », en l’absence des deux protagonistes du conflit, mais le premier ministre israélien comme le président palestinien seront invités le soir à l’Elysée pour « une restitution des travaux » et pour qu’on leur en remette symboliquement le message.

Benyamin Nétanyahou a déjà annoncé qu’il ne viendrait pas. Lundi, le ministre de la défense israélien, Avigdor Lieberman, a lui comparé ce sommet à « une version moderne du procès de Dreyfus », lors d’une réunion des députés de son parti. « Il n’y a qu’une différence entre ce qu’ils prévoient à Paris [et l’affaire Dreyfus], la dernière fois qu’il n’y avait qu’un seul Juif sur la tribune et maintenant tout le peuple d’Israël et tout l’Etat d’Israël », a-t-il ajouté.

Mahmoud Abbas, lui, y sera. Mais cela n’ébranle guère M. Nétanyahou, toujours plus convaincu que la prochaine installation de Donald Trump à la Maison Blanche « inversera le cours des événements concernant Israël ».

Marc Semo

Source Le Monde 26/12/2016

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Résolutions de l’ONU non respectées par Israël

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Au mépris du droit. 1947-2009 : une impunité qui perdure

 

Assemblée générale
(ayant alors fonction d’organe décisionnaire)

Résolution 181 (29 novembre 1947). Adoption du plan de partage : la Palestine est divisée en deux Etats indépendants, l’un arabe, l’autre juif, et Jérusalem est placée sous administration des Nations unies.

Résolution 194 (11 décembre 1948). Les réfugiés qui le souhaitent doivent pouvoir « rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et vivre en paix avec leurs voisins »  ; les autres doivent être indemnisés de leurs biens « à titre de compensation ». Création de la commission de conciliation des Nations unies pour la Palestine.

Résolution 302 (8 décembre 1949). Création de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA).

Conseil de sécurité

Résolution 236 (11 juin 1967). Au lendemain de la guerre de juin 1967, le Conseil de sécurité exige un cessez-le-feu et un arrêt immédiat de toutes les activités militaires dans le conflit opposant l’Egypte, la Jordanie et la Syrie à Israël.

Résolution 237 (14 juin 1967). Le Conseil de sécurité demande à Israël d’assurer « la sûreté, le bien-être et la sécurité des habitants des zones où des opérations militaires ont eu lieu » et de faciliter le retour des réfugiés.

Résolution 242 (22 novembre 1967). Le Conseil de sécurité condamne l’« acquisition de territoire par la guerre » et demande le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés ». Il affirme « l’inviolabilité territoriale et l’indépendance politique » de chaque Etat de la région.

Résolution 250 (27 avril 1968). Israël est invité à ne pas organiser le défilé militaire prévu à Jérusalem le 2 mai 1968 considérant que cela aggraverait les « tensions dans la région ».

Résolution 251 (2 mai 1968). Le Conseil de sécurité déplore la tenue du défilé militaire de Jérusalem « au mépris » de la résolution 250.

Résolution 252 (21 mai 1968). Le Conseil de sécurité déclare « non valides » les mesures prises par Israël, y compris l’« expropriation de terres et de biens immobiliers », qui visent à « modifier le statut de Jérusalem », et demande à celui-ci de s’abstenir de prendre de telles mesures.

Résolution 267 (3 juillet 1969). Le Conseil de sécurité censure « toutes les mesures prises [par Israël] pour modifier le statut de Jérusalem ».

Résolution 340 (25 octobre 1973). A la suite de la guerre de Ramadan ou de Kippour, création de la deuxième Force d’urgence des Nations unies (FUNU-II) qui vise à « superviser le cessez-le-feu entre les forces égyptiennes et israéliennes » et à assurer le « redéploiement » de ces mêmes forces.

Résolution 446 (22 mars 1979). Le Conseil de sécurité exige l’arrêt des « pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 », déclare que ces pratiques « n’ont aucune validité en droit » et demande à Israël de respecter la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.

Résolution 468 (8 mai 1980). Le Conseil de sécurité déclare « illégales » les expulsions à l’étranger de notables palestiniens de Hébron et de Halhoul par les autorités militaires israéliennes et demande à Israël de les annuler.

Résolution 592 (8 décembre 1986). Le Conseil de sécurité rappelle que la convention de Genève relative à la protection des civils en temps de guerre « est applicable aux territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés par Israël depuis 1967 ». Il condamne « l’armée israélienne qui, ayant ouvert le feu, a tué ou blessé des étudiants » de l’université Bir Zeit.

Résolution 605 (22 décembre 1987). Après le déclenchement de la première Intifada, le Conseil de sécurité condamne les pratiques d’Israël « qui violent les droits de l’homme du peuple palestinien dans les territoires occupés, en particulier le fait que l’armée israélienne a ouvert le feu, tuant ou blessant des civils palestiniens ».

Résolution 607 (5 janvier 1988). Israël doit « s’abstenir d’expulser des civils palestiniens des territoires occupés » et respecter les obligations que lui impose la convention de Genève.

Résolution 608 (14 janvier 1988). Le Conseil de sécurité demande à Israël « d’annuler l’ordre d’expulsion des civils palestiniens et d’assurer le retour immédiat et en toute sécurité » de tous ceux déjà expulsés.

Résolution 636 (6 juillet 1989). Le Conseil de sécurité demande à Israël, en conformité avec ses précédentes résolutions et avec la convention de Genève, de « cesser immédiatement d’expulser d’autres civils palestiniens » et d’assurer le retour en toute sécurité de ceux déjà expulsés.

Résolution 641 (30 août 1989). Le Conseil de sécurité « déplore qu’Israël, puissance occupante, continue d’expulser des civils palestiniens » et lui demande d’assurer le retour de tous les expulsés.

Résolution 672 (12 octobre 1990). Après les violences de l’esplanade des Mosquées – le mont du Temple, le Conseil de sécurité condamne « les actes de violence commis par les forces de sécurité israéliennes » à Al-Haram Al-Charif et dans d’autres lieux saints de Jérusalem et demande à Israël de « s’acquitter scrupuleusement des obligations juridiques et des responsabilités qui lui incombent » vis-à-vis des civils des territoires occupés.

Résolution 673 (24 octobre 1990). Le Conseil de sécurité condamne le refus d’Israël d’appliquer la résolution 672.

Résolution 681 (20 décembre 1990). Israël est sommé d’appliquer la convention de Genève.

Résolution 694 (24 mai 1991). Le Conseil de sécurité déclare que l’expulsion de quatre nouveaux civils palestiniens en mai 1991 par les forces israéliennes constitue une violation de la convention de Genève.

Résolution 799 (18 décembre 1992). Le Conseil de sécurité condamne les quatre cents expulsions de décembre 1992, soulignant qu’elle est contraire aux obligations internationales imposées à Israël par la convention de Genève. Le Conseil réaffirme l’indépendance et l’intégrité territoriale du Liban.

Résolution 904 (18 mars 1994). A la suite du massacre de la mosquée de Hébron, le Conseil de sécurité demande à Israël de prendre les mesures nécessaires « afin de prévenir des actes de violence illégaux de la part des colons israéliens » envers les civils palestiniens.

Résolution 1322 (7 octobre 2000). A la suite du début de la seconde Intifada, le Conseil de sécurité déplore les violences et condamne le « recours à la force excessif contre les Palestiniens ». Il demande à Israël de respecter ses obligations relatives à la convention de Genève.

Résolution 1397 (12 mars 2002). Le Conseil de sécurité demande la « cessation immédiate de tous les actes de violence, y compris tous les actes de terreur et toutes provocations, incitations et destructions », et réclame la coopération des Israéliens et des Palestiniens visant à la reprise des négociations.

Résolution 1402 (30 mars 2002). Après la réoccupation totale de la Cisjordanie, le Conseil de sécurité demande un cessez-le-feu immédiat et le « retrait des troupes israéliennes des villes palestiniennes ».

Résolution 1405 (19 avril 2002). Le Conseil de sécurité déclare qu’« il est urgent que les organismes médicaux et humanitaires aient accès à la population civile palestinienne ».

Résolution 1435 (24 septembre 2002). Le Conseil de sécurité exige « le retrait rapide des forces d’occupation israéliennes des villes palestiniennes ». Il demande à l’Autorité palestinienne de « faire traduire en justice les auteurs d’actes terroristes ».

Résolution 1515 (19 novembre 2003). Le Conseil de sécurité se déclare « attaché à la vision d’une région dans laquelle deux Etats, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues », et demande en conséquence aux parties en conflit de s’acquitter des obligations relatives à la « feuille de route » du Quartet.

Résolution 1544 (19 mai 2004). Le Conseil de sécurité demande qu’Israël respecte « les obligations que lui impose le droit humanitaire international » et « l’obligation qui lui est faite de ne pas se livrer aux destructions d’habitations ».

Résolution 1850 (16 décembre 2008). Le Conseil de sécurité soutient le processus d’Annapolis, et demande aux parties de « s’abstenir de toute mesure suceptible d’entamer la confiance » et de ne pas « remettre en cause l’issue des négociations ».

Résolution 1860 (8 janvier 2009). Après l’incursion de l’armée israélienne dans la bande de Gaza, le Conseil de sécurité exige « l’instauration immédiate d’un cessez-le-feu durable et pleinement respecté menant au retrait total des forces israéliennes de la bande de Gaza ». Il demande de ne pas entraver l’entrée des organisations médicales dans Gaza et d’empêcher le trafic illégal d’armes.

Voir aussi : International, rubrique Moyen-Orient, Israël, Dans les Territoires, la spoliation s’accélère,, rubrique Politique, Politique Internationale, rubrique Histoire, rubrique Société Justice,