Dans son rapport annuel, l’ONG dénonce une rhétorique « toxique » « diabolisant » certains groupes et en premier lieu les réfugiés.
Des dirigeants du monde entier, comme Donald Trump aux Etats-Unis ou Rodrigo Duterte aux Philippines, propagent des discours de haine « diabolisant » certains groupes, une rhétorique « toxique » qui rend le monde plus dangereux, s’alarme Amnesty international dans son rapport annuel présenté mercredi 22 février.
« Les discours clivants de Donald Trump, Viktor Orban [Hongrie], Recep Tayyip Erdogan [Turquie], Rodrigo Duterte [Philippines] (…) s’acharnent sur des groupes entiers de population, les désignent comme boucs émissaires et propagent l’idée selon laquelle certaines personnes sont moins “humaines” que d’autres », les premiers visés étant les réfugiés, dénonce Amnesty international.
Au total, l’organisation non gouvernementale (ONG) a dénombré 36 pays ayant « violé le droit international en renvoyant illégalement des réfugiés dans des pays où leurs droits étaient menacés ».
L’ONG fustige les discours « déshumanisants »
Ces discours de rejet et de haine ont des effets directs sur les droits et les libertés, dénonce Amnesty : « Des gouvernements ont fait voter des lois qui restreignent le droit d’asile, la liberté d’expression, qui légitiment la surveillance de masse ou donnent aux forces de l’ordre des pouvoirs illimités. »
Loin d’être l’apanage de leaders extrémistes, ces paroles stigmatisantes ont été adoptées « parfois de façon voilée, parfois de façon plus ouverte » par « des partis dits centristes », souligne John Dalhuisen, directeur d’Amnesty International pour l’Europe.
« Les discours déshumanisants, c’est quand le premier ministre hongrois qualifie les migrants de “poison”, c’est quand Geert Wilders [député néerlandais d’extrême droite] parle de la “racaille marocaine”, c’est aussi quand le premier ministre néerlandais écrit une lettre ouverte invitant les migrants à se comporter de façon “normale” ou de rentrer chez eux. »
Les étrangers et les musulmans, « cibles principales de la démagogie européenne » sont « présentés comme une menace à la sécurité, à l’identité nationale, des voleurs d’emplois et des abuseurs du système de sécurité sociale », insiste-t-il.
Les effets pervers de l’état d’urgence en France
En France, où l’ONG sise à Londres a exceptionnellement présenté son rapport annuel, Amnesty dénonce la restriction des droits fondamentaux dans le cadre des mesures prises pour lutter contre le terrorisme, en particulier l’état d’urgence, prolongé depuis les attentats du 13 novembre 2015.
Selon son recensement, de la fin de 2015 à la fin de 2016, « seuls 0,3 % des mesures liées à l’état d’urgence ont débouché sur une enquête judiciaire pour faits de terrorisme ». En revanche, « les assignations à résidence ont entraîné des pertes d’emploi ou la marginalisation des personnes [concernées] », déplore Camille Blanc, présidente d’Amnesty International France.
L’ONG considère par ailleurs qu’en matière d’accueil des réfugiés, « la France n’a pas pris ses responsabilités au niveau international » et ne protège pas suffisamment les réfugiés et les migrants présents sur son sol.
« Dans le cadre des élections présidentielle et législatives qui vont avoir lieu en 2017, la France est à la croisée des chemins concernant les droits humains, qui font écho à une tendance mondiale, et les citoyens ne doivent pas tomber dans le piège de ces discours qui entraînent la haine, la peur ou le repli de soi. »
Face aux renoncements des grandes puissances à se battre pour le respect des droits et des libertés, et la passivité des Etats face aux atrocités et crises vécues en Syrie, au Yémen, ou encore au Soudan du Sud, Amnesty International appelle chacun à se mobiliser et agir. « 2017 sera une année de résistance, a dit à l’Agence France-Presse le président d’Amnesty, Salil Shetty. Nos espoirs reposent sur le peuple. »
Lors d’une émission de plus de cinq heures diffusée sur Youtube et Facebook, exercice sans précédent dans une campagne présidentielle en France, l’ancien ministre de Lionel Jospin a dit vouloir ramener le taux de chômage, de 10% aujourd’hui, à 6% en 2022. Crédits photo : FRANCOIS GUILLOT/AFP
Le candidat de la «France insoumise» a détaillé lors d’une émission de 5 heures sur Youtube le financement de son plan d’investissements de 100 milliards ainsi que ses 173 milliards de dépenses publiques supplémentaires.
Jean-Luc Mélenchon, candidat de «La France insoumise» à l’élection présidentielle, s’est engagé dimanche à un plan d’investissements de 100 milliards d’euros sur cinq ans et à 173 milliards de dépenses publiques supplémentaires axées sur l’emploi et la lutte contre la pauvreté.
• Ramener le taux de chômage à 6% en 2022
Lors d’une émission de plus de cinq heures diffusée sur Youtube et Facebook, exercice sans précédent dans une campagne présidentielle en France, l’ancien ministre de Lionel Jospin a dit vouloir ramener le taux de chômage, de 10% aujourd’hui, à 6% en 2022.
• Un taux de croissance supérieur à 2%
Le cadrage macroéconomique du programme «L’Avenir en commun», qui se fonde sur un taux de croissance annuel supérieur à 2% dès 2018, prévoit la création de 3,5 millions d’emplois durant le prochain quinquennat, dont deux millions dans le secteur marchand, et une augmentation des salaires de six points en moyenne, avec une hausse du Smic net de 173 euros par mois.
• 100 milliards d’euros financés par l’emprunt
Sur les 273 milliards d’euros de dépenses programmées sur cinq ans, Jean-Luc Mélenchon débloquerait dès son élection un plan de relance de 100 milliards d’euros financé par l’emprunt.
• 173 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires
Sur les 173 milliards d’euros de dépenses nouvelles, 33 milliards seraient consacrés à la lutte contre la pauvreté, 32 milliards à la réforme des retraites (retraite à 60 ans à taux plein), 24 milliards à l’éducation, la culture et la jeunesse, 22 milliards à la revalorisation des salaires, ou encore 17 milliards à la jeunesse.
Un plan de 18 milliards d’euros est également prévu en vue de la construction d’un million de logements publics en cinq ans, à raison de 200.000 par an.
• 190 milliards d’euros de recettes
En parallèle, Jean-Luc Mélenchon table sur 190 milliards d’euros de recettes, avec notamment la suppression du CICE et le redéploiement du pacte de responsabilité (21 milliards), la lutte contre l’évasion fiscale (33 milliards) et la suppression de niches fiscales à hauteur de 38 milliards d’euros. Le taux d’inflation s’élèverait à plus de 4% au terme du quinquennat.
Le taux de prélèvements obligatoires passerait de 45% du produit intérieur brut aujourd’hui à 49,2% en 2022.
• Un déficit à 4,8% en 2018
Le groupe d’experts qui a travaillé avec le candidat estime que l’effet vertueux de cette politique permettrait de réduire le déficit public de 3,3% du PIB en 2016 à 2,5% du PIB à la fin du quinquennat, avec un taux de 4,8% en 2018, au-delà de la règle européenne. Selon les éléments de «L’Avenir en commun», la part de la dette publique passerait de 95,8% du PIB aujourd’hui à 87% en 2022 avec un bond à 96,8% en 2018.
Marine Le Pen a érigé la dédiabolisation de son parti en stratégie de conquête du pouvoir. Mais sous ses habits neufs perce le Front national de toujours.
lle se présente sans parti et sans nom. Sur sa dernière affiche comme sur les tracts de campagne, elle n’est plus que « Marine ». Les symboles de la marque Le Pen, flamme et patronyme, avaient déjà disparu en 2016 quand, pour rassurer des catégories d’électeurs encore réticents (personnes âgées, CSP+), la présidente du Front national s’était contentée d’afficher son visage sur fond de paysage bucolique avec un unique slogan, « La France apaisée ». L’affiche marquait ainsi, dans une année de précampagne, le stade ultime d’une dédiabolisation érigée par Marine Le Pen en étendard de sa stratégie de conquête du pouvoir.
À l’approche de la présidentielle, toutefois, le matériel de campagne est moins apaisé. Sur l’affiche de ce début 2017, signée de son seul prénom, les traits et l’éclairage doux du portrait contrastent avec le message martial : « Remettre la France en ordre, en 5 ans ». La dédiabolisation aurait-elle atteint ses limites ?
Depuis six ans qu’elle a pris les rênes du Front national, Marine Le Pen est parvenue à modifier passablement l’image du parti d’extrême droite dans l’opinion. L’exclusion des éléments radicaux les plus visibles, la primauté accordée à de jeunes candidats au détriment de figures anciennes, la promotion de militants issus des grandes écoles ou de la haute fonction publique, l’adoption d’un discours d’apparence antilibérale avec des accents sociaux, ou la rupture avec le père consécutive à la répétition de ses déclarations sur la Shoah et la Seconde Guerre mondiale, tous ces faits ont été amplement rapportés et commentés dans les médias, où ils ont été interprétés comme autant de signes, sinon de preuves, de l’apparition d’un « nouveau FN ».
Cette « construction médiatique », bien analysée par Alexandre Dézé, maître de conférences en sciences politiques à Montpellier [1], avait commencé dès les premières apparitions télévisées de Marine Le Pen en 2002. Régulièrement invitée sur les plateaux, elle devient vite « connue comme l’avocate de la “dédiabolisation” du FN », racontent les journalistes Dominique Albertini et David Doucet [2]. Le FN, plaide-t-elle, doit « faire peau neuve » et pour cela « se débarrasser de la tunique de Belzébuth dont on [l’]a affublé ».
Un projet qu’elle ne pourra mettre en œuvre qu’une fois devenue présidente du mouvement. De nouveaux cadres font leur entrée au bureau politique, dont un certain Florian Philippot. Arrivé dans son entourage en 2010 – il a 29 ans –, ce diplômé de HEC et de l’ENA, féru de Jacques Sapir et d’Emmanuel Todd, privilégie l’économie et le social, ce qui n’est pas pour déplaire à Marine Le Pen dans sa quête de désenclavement. Pratiquement, celui-ci prend très vite la forme du « Rassemblement Bleu Marine », structure informelle qui permet d’accueillir de nouvelles recrues qui, tel Gilbert Collard, n’auraient pas rejoint Le Pen père. C’est aussi l’étiquette sous laquelle se présentent les nouveaux ralliés comme les anciens frontistes aux élections.
Cette opération de requalification témoigne « d’une stratégie explicite de dissimulation des référents identitaires originels du FN dans le but de le présenter sous un autre visage », analysait Alexandre Dézé [3]. Elle n’est pas sans précédents. En 1986, le FN avait ainsi conduit ses campagnes législatives et régionales sous l’étiquette « Rassemblement national », autant pour mettre en avant la respectabilité des candidats non frontistes attirés par une « politique d’ouverture » que pour atténuer le stigmate identitaire frontiste.
L’« ouverture » de Marine Le Pen se double d’un ripolinage à la fois thématique et sémantique. Le combat contre le « mondialisme » supplante l’immigration comme cause unique de tous les problèmes ; avec l’avantage d’être un thème plus rassembleur. La « préférence nationale », formule euphémisée du slogan lepéniste « Les Français d’abord », lui-même hérité du cri de l’antisémite Édouard Drumont, « La France aux Français ! », est reformulée en « priorité nationale », parfois en « solidarité nationale ». La formule marque le glissement d’un nationalisme peu populaire à un souverainisme intégral (politique, économique, culturel) plus électoralement porteur.
L’importance de la sémantique dans le combat politique du FN avait déjà été théorisée au début des années 1990 par Bruno Mégret. « Il est essentiel, lorsque l’on s’exprime en public, d’éviter les propos outranciers et vulgaires, avertissait une circulaire non datée citée par l’historienne Valérie Igounet [4]. On peut affirmer la même chose avec autant de vigueur dans un langage posé et accepté par le grand public. De façon certes caricaturale, au lieu de dire “les bougnoules à la mer”, disons qu’il faut “organiser le retour chez eux des immigrés du tiers-monde”. » Il s’agissait également de contourner la législation antiraciste au moyen d’un discours euphémisé que les frontistes n’ont pas cessé de perfectionner.
Ainsi en est-il de l’invocation de la République et de la laïcité. Marine Le Pen en a une conception singulière : sa « République » est autoritaire et sécuritaire, mais surtout, à bien l’écouter, son caractère « indivisible » s’entend au moins autant comme une homogénéité culturelle et communautaire à défendre que comme un territoire à conserver. Quant à la devise républicaine, « liberté, égalité, fraternité », elle « procède, soutient-elle, d’une sécularisation de principes issus de notre héritage chrétien » ; « des valeurs chrétiennes dévoyées par la Révolution française », a-t-elle précisé, et qu’il s’agirait de retrouver.
« Le discours de Marine Le Pen sur la laïcité peut de prime abord apparaître hétérodoxe », notait en 2012 Alexandre Dézé [5]. De fait, dans sa conquête de la présidence du FN, cette nouvelle référence avait heurté les partisans de Bruno Gollnisch. Or, poursuit le chercheur, ce discours « ne constitue rien d’autre qu’une variante du travail d’euphémisation […]. Il s’agit bien, en changeant de registre lexical et en jouant sur les évocations positives du terme, de déguiser un discours qui reste exclusionnaire ». Face aux « poussées des revendications politico-religieuses musulmanes », expliquait ainsi Marine Le Pen en décembre 2010 aux journalistes du quotidien maurrasso-pétainiste Présent, « il faut s’appuyer sur la laïcité, principe de la République française admis et aimé par les Français, y compris les croyants. […] C’est le seul moyen de refuser la suppression du porc dans les cantines. » Quelques jours plus tard, en clôture du congrès de Tours, la nouvelle présidente du FN invoquait encore la loi de 1905 pour sanctionner « la participation directe ou indirecte à la construction de mosquées » ou « interdire l’aménagement d’horaires particuliers dans les piscines pour les femmes musulmanes ».
La dédiabolisation a des limites que Louis Aliot, vice-président du FN et compagnon de Marine Le Pen, expose sans détours [6] : « Celle-ci ne concerne que notre présomption d’antisémitisme, rien d’autre. Pas l’immigration, ni l’islam, sur lesquels, à la limite, il n’est pas mauvais d’être diabolisés. » La dédiabolisation n’est donc « pas tant un aggiornamento idéologique que stratégique », note Joël Gombin. Constituée de « pros de la politique sans autonomie financière », la nouvelle génération frontiste « vise des postes d’élus et est obligée pour cela de se plier à de plus en plus de règles non écrites du champ politique », poursuit ce doctorant en science politique, non sans souligner que « ce sont ces règles non écrites qui calibrent la dédiabolisation ». Une dédiabolisation avant tout fonctionnelle, donc. Plus subie que voulue. Comme le dit le Dr Berthier à Stanko, dans le film de Lucas Belvaux, il faut « accepter de porter le costume ».
Le « style neuf ne dessine pas d’inflexion idéologique », affirme également Cécile Alduy, professeure de littérature et de civilisation française à Stanford [7]. « Les modulations de timbre et même de thème n’altèrent pas la forme non démocratique des solutions politiques envisagées et la vision du monde non dialectique, mythologisante, d’une France éternelle assaillie par diverses invasions démographiques, économiques ou politiques. » En atteste le discours prononcé par Marine Le Pen en clôture de ses assises présidentielles à Lyon, le 5 février. La candidate s’y est engagée à défendre non seulement le « patrimoine matériel des Français » mais aussi « leur capital immatériel », afin que « nos enfants et les enfants de nos enfants » continuent à vivre « selon nos références culturelles, nos valeurs de civilisation, notre art de vivre » et parlent « encore notre langue ». Moyennant quoi, elle a promis d’inscrire la « priorité nationale » dans la Constitution et s’est engagée à rendre impossible la régularisation des clandestins et leur naturalisation, à expulser les délinquants étrangers, à reconduire à la frontière les étrangers fichés S, à déchoir de leur nationalité les binationaux fichés S avant de les expulser… Son programme comprend également la suppression du droit du sol et de la double nationalité extra-européenne, le rétablissement des frontières nationales et la réduction de l’immigration légale à un solde annuel de 10?000…
Comme son parti hier, elle « aspire à une nation idéale et exclusive, une entité “pure” d’où seraient éliminés les corps jugés incompatibles avec elle [8] ». À plusieurs reprises, ses propositions visant les étrangers ont été saluées debout par ses partisans scandant « On est chez nous ! »
[1] Les Faux-Semblants du Front national. Sociologie d’un parti politique, sous la direction de Sylvain Crépon, Alexandre Dézé et Nonna Mayer, Les Presses de Sciences Po (2015).
[2] Histoire du Front national, Dominique Albertini et David Doucet, Tallandier (2013).
[3] Le Front national à la conquête du pouvoir ?, Alexandre Dézé, Armand Colin (2012)
[4] Les Français d’abord. Slogans et viralité du discours Front national (1972-2017), Inculte.
Dans un Centre éducatif fermé du Sud de la France, en 2012. Photo Philippe Desmazes. AFP
Le candidat LR à la présidentielle a annoncé vouloir abaisser la majorité pénale à 16 ans, alors que la justice des mineurs française est déjà l’une des plus répressives en Europe.
La proposition était jusqu’alors portée par Nicolas Sarkozy. Le candidat de la droite à la présidentielle, François Fillon, a annoncé mercredi vouloir abaisser la majorité pénale à 16 ans, les mineurs profitant selon lui «de la clémence du système» judiciaire. «Quand on a 16 ou 17 ans, qu’on attaque un policier, on doit savoir qu’on finira en prison», a-t-il déclaré en déplacement à Compiègne, aux côtés du député ultra-sécuritaire Eric Ciotti, en allusion aux heurts survenus ces derniers jours en Seine-Saint-Denis dans le sillage de l’affaire Théo. Cette proposition, qui ne figurait pas dans le programme de François Fillon, est régulièrement avancée par la droite comme solution pour lutter contre la délinquance des mineurs, souvent dans la foulée de fait divers impliquant un jeune – par exemple en 2011 pendant l’affaire de Florensac.
Juger les jeunes de 16 à 18 ans comme des adultes impliquerait de revenir sur l’ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs, prise après la Libération et modifiée une cinquantaine de fois, notamment sous Nicolas Sarkozy. Ce texte, qui pose les fondements de la justice des mineurs française, ne permettrait pas, selon le candidat de la droite, «d’apporter une réponse proportionnée aux actes de délinquance commis par des individus de 16 ou 17 ans». Décryptage sur la réalité de la situation actuelle et les conséquences des changements envisagés.
La fin des tribunaux pour enfants
Premier point : contrairement à ce que laisse entendre François Fillon, les mineurs ne sont pas irresponsables pénalement, loin de là. «Tout mineur de 13 à 18 ans risque de se voir imposer une véritable sanction pénale, notamment de l’emprisonnement. Il est donc inexact de prétendre que les mineurs bénéficieraient d’une sorte d’impunité de principe», explique Michel Huyette, ancien juge des enfants, sur son blog. En France, il n’existe en effet pas de limite d’âge pour être déclaré coupable d’une infraction, l’article 122-8 du code pénal disposant que la responsabilité pénale est reconnue si le mineur est «capable de discernement». L’âge de la responsabilité pénale, c’est-à-dire l’âge à partir duquel un mineur peut être considéré comme pénalement responsable de ses actes et donc susceptible d’être condamné, n’est pas précisément fixé. Le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, l’a d’ailleurs rappelé ce jeudi. Le mineur encourt des poursuites pénales dès 13 ans : amende, placement dans un centre éducatif fermé, et incarcération. Avant cet âge, des mesures éducatives (pour les mineurs de moins de 10 ans) et des sanctions éducatives (à partir de 10 ans) peuvent être prononcées, comme l’interdiction de fréquenter certaines personnes, la confiscation d’objets ou un suivi obligatoire d’un stage de formation civique, comme le détaille le site Service-public.fr.
Les mineurs relèvent en revanche d’une justice spécialisée. Les enfants et les adolescents ne sont pas déférés aux juridictions pénales de droit commun, mais relèvent du juge des enfants ou d’un tribunal pour mineur : le tribunal pour enfants ou la cour d’assises pour mineurs (qui juge les crimes commis par les 16-18 ans). Les assesseurs n’y sont pas des magistrats professionnels, mais des citoyens recrutés pour l’intérêt qu’ils portent aux questions de l’enfance. Si la majorité pénale était, comme le souhaite François Fillon, abaissée à 16 ans, les justiciables de 16 ou 17 ans comparaîtraient donc devant un tribunal correctionnel ou une cour d’assises ordinaire. «Un mineur serait jugé comme un majeur, sans aucune prise en compte de l’aspect éducatif», explique à Libération Ludivine Leroi, avocate, coprésidente du groupe de défense des mineurs au barreau de Rennes. Adieu donc, si l’on suit le raisonnement de François Fillon, les mesures éducatives qui accompagnent actuellement toujours les peines d’emprisonnement des mineurs.
Une excuse de minorité systématiquement levée
Si les mineurs peuvent être condamnés à une peine de prison dès 13 ans, ils ne peuvent être, sauf rares exceptions, sanctionnés aussi durement qu’un majeur pour les mêmes faits. De 13 à 15 ans, la peine ne peut en effet excéder la moitié de la peine maximum prévue pour un majeur coupable des mêmes faits. Cette atténuation de la peine, prévue par l’ordonnance de 1945, est nommée «excuse de minorité». A partir de 16 ans en revanche, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs peut décider de lever ce principe de la diminution de peine de moitié, par exemple dans les cas de délinquants multirécidivistes. Le mineur peut être, dès lors, condamné comme un majeur. Un adolescent de 16 ou 17 ans qui brûle une voiture peut, dans ce cas, se voir infliger une peine allant jusqu’à dix ans de prison ferme (contre cinq ans de prison aujourd’hui si l’excuse de minorité est maintenue). L’objectif de François Fillon serait donc de faire de cette exception une règle générale : le bénéfice de la réduction de moitié de la peine encourue n’existerait plus à partir de 16 ans.
Pour Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, cela irait à l’encontre la spécificité de la justice des mineurs, à savoir «la prise en charge de la personne», qui vise à accompagner le mineur pour éviter qu’il récidive : «La justice ordinaire considère que chaque acte mérite une sanction, une réponse, alors que ce que l’on demande au juge des enfants, c’est de faire qu’une personne ne soit pas délinquant toujours, explique-t-il. La justice des majeurs vise à sanctionner le passé, justice des mineurs vise à préparer l’avenir.» Comme le souligne ce spécialiste du droit des enfants sur son blog, la délinquance juvénile n’est pas en augmentation, et l’emprisonnement des mineurs est loin d’être anecdotique : les peines de prison représentaient près d’un tiers des peines prononcées à l’encontre des mineurs en 2015, soit la peine la plus prononcée (et près de 10% pour l’emprisonnement ferme), selon le ministère de la Justice. 769 mineurs étaient écroués au 1er janvier 2017. La peine maximale était la réclusion criminelle à perpétuité jusqu’à la loi Modernisation de la justice du XXIe siècle de décembre 2016. Elle est désormais de trente ans. Matthieu Moulinas, 15 ans au moment des faits, a été condamné à la réclusion à perpétuité en appel en 2014 pour le meurtre d’Agnès Marin au Chambon-sur-Lignon.
Des obstacles juridiques
La mise en place de l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans se heurterait aussi à plusieurs obstacles juridiques : la France a en effet ratifié la Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, qui prévoit la nécessité d’une justice spécifique pour les mineurs. En 2002, le Conseil constitutionnel a aussi jugé que la majorité pénale fixée à 18 ans, fixée par la loi du 12 avril 1906, était un principe constitutionnel.
D’autant que la justice des mineurs française est déjà l’une des plus répressives en Europe, souligne Dominique Attias, ex-responsable de l’antenne des mineurs du barreau de Paris (et signataire d’une tribune parue en 2011 dans Libération contre la création de tribunaux correctionnels pour mineurs). «Un enfant peut avoir un casier judiciaire à l’âge de 10 ans. On prend les empreintes génétiques des jeunes à partir de 13 ans, même s’ils sont relâchés ou s’ils sont reconnus innocents», rappelle-t-elle à Libération. Juger systématiquement les mineurs de 16 ou 17 ans comme des adultes serait, selon l’avocate, «totalement contre-productif pour la société et pour le jeune, et même dangereux». L’inscription d’une peine sur le casier judiciaire d’un adolescent pourrait notamment avoir des conséquences en termes d’insertion professionnelle. «La société est là pour remettre sur le droit chemin, pas pour stigmatiser, insiste Dominique Attias. La majorité des jeunes, qui ont affaire à la justice des mineurs, s’en sortent, parce qu’ils sont pris en main par des éducateurs qualifiés, des magistrats et des procureurs spécialisés. Même les plus irréductibles.»
Manifestation contre le CETA devant le parlement européen de Strasbourg mercredi 15 février. FREDERICK FLORIN / AFP
Les députés européens ont approuvé mercredi l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada. Au tour des Etats membres de se prononcer, mais des dispositions entreront en vigueur en avril.
Après avoir franchi l’obstacle wallon à l’automne 2016, l’accord commercial CETA a passé un test décisif, mercredi 15 février au Parlement européen. La majorité des eurodéputés a ratifié ce traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Il ne fait guère de doute que le vote définitif du Parlement canadien, prévu dans les prochaines semaines, sera positif.
Le CETA en vigueur dès avril
Pour être pleinement validé, le CETA devra encore recevoir le feu vert des trente-huit parlements nationaux et régionaux de l’Union européenne (dont l’Assemblée et le Sénat en France), car certaines dispositions de l’accord empiètent sur les compétences des Etats européens.
Mais comme le processus risque d’être très long, l’Union européenne a la possibilité de commencer à appliquer, en attendant, toutes les dispositions de l’accord qui relèvent uniquement de sa compétence – c’est-à-dire 95 % du CETA.
En vertu de l’article 30.7, cette entrée en vigueur provisoire peut intervenir dès le mois suivant la ratification par le Parlement européen et le Parlement canadien – c’est-à-dire au mois d’avril.
Ce s’appliquera dès avril
Voici quelques exemples des dispositions applicables immédiatement :
plusieurs dispositions pour stimuler les investissements mutuels dans les services financiers, encourager la concurrence et libéraliser les échanges financiers,
Un certain nombre de chapitres du CETA ne pourront s’appliquer qu’au terme de sa ratification définitive par les trente-huit Parlements européens :
le très décrié mécanisme d’arbitrage ICS, issu d’une réforme des tribunaux privés ISDS, dont les détracteurs pensent qu’il pourrait permettre aux multinationales d’attaquer les législations sanitaires et environnementales des Etats,
Certaines dispositions liées aux services financiers et à la fiscalité,
Une disposition sur les sanctions pénales contre les personnes qui enregistrent des films au cinéma (déjà en place dans la plupart des pays européens),
Une disposition sur la transparence des procédures administratives.
Et la suite ?
A tout moment du processus de ratification, le vote négatif d’un seul Parlement national ou régional pourra :
mettre un terme immédiat à l’application provisoire (et à toutes les dispositions déjà entrées en vigueur),
saborder l’ensemble de la procédure et empêcher l’entrée en vigueur définitive du CETA.
Or, il est fort probable que les électeurs néerlandais exigent un référendum sur la question (il leur suffit de réunir 300 000 signatures sur une pétition), de même que les Autrichiens (qui ont déjà réuni près de 600 000 signatures).
La Cour de justice de l’Union européenne doit également se prononcer d’ici quelques mois (au plus tôt fin 2017) sur la compatibilité du mécanisme ICS avec les traités européens. Une décision négative pourrait empêcher l’application de ce chapitre crucial du CETA, voire, dans le cas le plus extrême, conduire à la réouverture des négociations du traité.