Le Conseil constitutionnel ne censure pas le prélèvement de l’impôt à la source

THOMAS SAMSON / AFP

THOMAS SAMSON / AFP

Certaines dispositions du projet de loi de finances pour 2017 ont été rejetées, comme la « taxe Google », relative aux bénéfices de multinationales exerçant des activités en France.

Le Conseil constitutionnel a écarté, jeudi 29 décembre, les griefs des parlementaires sur le prélèvement de l’impôt à la source, sans pour autant donner son blanc-seing à cette mesure phare du budget 2017, et a censuré la « taxe Google » relative aux bénéfices de multinationales exerçant des activités en France.

Saisi par plus de soixante sénateurs et plus de soixante députés, le Conseil s’est prononcé sur seize articles du projet de loi de finances pour 2017.

Sur le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, réforme majeure de ce texte budgétaire qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2018, les conseillers ne se sont prononcés que sur quatre points de la mesure, et ne les ont pas censurés. Dans le détail, ils ont jugé que les dispositions de l’article n’étaient « pas inintelligibles », ce que faisaient valoir les parlementaires.

Respect de la vie privée

Rien n’empêche donc la mise en place de la mesure, mais les membres du Conseil ont souligné que d’autres dispositions du prélèvement de l’impôt à la source, sur lesquelles ils n’avaient pas été saisis, pourraient à l’avenir faire « l’objet de questions prioritaires de constitutionnalité ».

Ils ont aussi estimé que, « compte tenu de l’option ouverte aux contribuables leur permettant de choisir un taux par défaut qui ne révèle pas à leur employeur le taux d’imposition du foyer, le législateur [n’avait] pas méconnu le droit au respect de la vie privée ».

Par ailleurs, « des mesures spécifiques sont prévues, s’agissant des dirigeants d’entreprise, pour éviter qu’ils puissent procéder à des arbitrages destinés à tirer parti de l’année de transition ».

Censure de la « taxe Google »

Enfin, le Conseil juge que les entreprises ne joueront qu’un « rôle de collecte », le recouvrement continuant d’être assuré par l’Etat, et qu’elles n’auront donc pas à être indemnisées à ce titre.

Le texte, qui a donné lieu à de vives passes d’armes à l’Assemblée et en commission, a été définitivement adopté le 20 décembre à l’Assemblée nationale, mais la droite a d’ores et déjà annoncé qu’en cas d’alternance, elle reviendrait sur le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Jeudi, le Conseil a censuré une autre mesure phare, l’article instaurant une « taxe Google », qui visait à renforcer la taxation des bénéfices détournés par les multinationales sur leur activité réalisée en France.

Les conseillers ont rejeté cette disposition au motif que l’administration fiscale ne peut avoir « le pouvoir de choisir les contribuables qui doivent ou non entrer dans le champ d’application de l’impôt sur les sociétés ». Le gouvernement avait émis des réserves sur cet amendement introduit par Yann Galut (PS).

Source : Le Monde.fr avec AFP 29/12/2016

Voir aussi : Actualité France Rubrique Société, Travail, Justice,  rubrique Economie, ,rubrique Politique, Politique fiscale,

 

La goutte d’eau irlandaise

irlandeEn Irlande, le parti nationaliste Sinn Féin (allié traditionnel de Syriza) pourrait profiter d’un paysage politique en décomposition lors des prochaines élections législatives (lire « A la recherche du prochain Syriza »). Mais la principale menace pour les politiques d’austérité a pris une forme plus inattendue : le rejet massif d’une taxe sur l’eau courante.

par Renaud Lambert

Le 24 juillet 2014, le quotidien britannique The Guardian s’interrogeait sur l’un des mystères de la crise européenne : « Pourquoi les Irlandais réagissent-ils aussi calmement (1). » Longtemps érigé en parangon de réussite libérale (2), Dublin dévisse lors de la débâcle financière : le déficit budgétaire atteint 32 % du produit intérieur brut (PIB) en 2010, du jamais vu. Mais la petite île émeraude conserve son statut de modèle. Non seulement le pays s’impose une cure d’austérité d’une violence rare, mais la population ne descend que rarement dans la rue. En avril 2009, le ministre des finances irlandais Brian Lenihan se félicite : « Nos partenaires en Europe sont impressionnés par notre capacité à endurer la douleur. En France, vous auriez eu des émeutes (3). »

En 2015, l’Etat continue à promouvoir l’image d’un pays apathique, érigeant en second slogan national l’expression locale « Feck it, sure it’s grand » T’inquiète, ça va aller »), déclinée sur des tabliers, des tasses ou des pyjamas pour bébés en vente dans les magasins de souvenir. Et pourtant, suggère la journaliste Kathy Sheridan, « L’Irlande s’est réveillée (4».

Le 19 décembre 2013, le gouvernement précipite le passage d’une loi prévoyant l’instauration d’une taxe sur la consommation d’eau courante. Depuis, les habitants du pays de la Guinness ne décolèrent pas. Dès les premières semaines de l’année 2014, des protestations s’organisent à Dublin, Cork et dans de nombreuses autres villes du pays. La question devient un enjeu majeur lors des élections européennes de mai. Le 3 octobre, un groupe d’opposants à la taxe occupe la mairie de Cork. Le 1er novembre, 120 000 personnes manifestent dans tout le pays. Le 10 décembre, elles sont 100 000 à se rassembler devant le Parlement, à Dublin : rapporté à la population française, leur nombre se serait élevé à 1,5 million. Le 21 mars 2015, la foule compte à nouveau 80 000 âmes dans la capitale. Les slogans dénoncent tout à la fois la nouvelle taxe sur l’eau, les politiques d’austérité et les connivences politiques. Car il n’a échappé à personne que les trois questions sont liées.

Pour le gouvernement, la mesure viserait à mettre fin à une « anomalie » : l’Irlande se distingue des autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui facturent tous la consommation d’eau. Toutefois, d’autres « anomalies » ne semblent pas mériter qu’on s’en préoccupe. A commencer par le niveau exceptionnellement bas de l’impôt sur les sociétés, qui s’établit à 12,5 % en Irlande, contre une moyenne de 25,9 % en Europe.

La démarche de l’exécutif témoignerait par ailleurs d’une préoccupation écologique : ressource limitée, l’eau doit être protégée. Outre le fait que la rareté de la molécule frappe peu les esprits dans un pays où elle semble tomber en rideaux épais plusieurs fois par jour, la taxe finalement retenue — un forfait qui n’augmente pas avec la consommation — n’invite guère à la modération.

Les explications des dirigeants politiques font donc d’autant plus sourire ici que, chacun le sait, la nouvelle taxe résulte d’une exigence de la « troïka » dans le cadre du plan de « sauvetage » adopté en 2010. « Il s’agit en fin de compte d’une nouvelle façon de nous faire payer pour les banquiers qui ont déclenché la crise », conclut Mme Ruth Coppinger, députée du Parti socialiste (trotskyste).

En dépit d’une croissance insolente — 4,8 % en 2014 (5) —, la population continue à souffrir de l’austérité. Sur la base des chiffres les plus récents, en 2013, un tiers de la population se trouvait en situation de « privation forcée », caractérisée par « l’insatisfaction de deux besoins de base, ou plus (…) tels que la nourriture, le chauffage ou des vêtements adaptés pour l’hiver » (6). Le chiffre était trois fois moins élevé en 2008, avant que n’éclate la crise financière. Pour beaucoup, la taxe — ramenée à une fourchette de 60 à 160 euros depuis les mobilisations de l’automne (7) — constitue un coût d’autant plus inacceptable qu’il s’avère insurmontable.

Pour d’autres, l’épisode démontre que la culture de la connivence entre élites politiques et économiques qui avait précipité la crise (8) lui a survécu. Le gouvernement a confié l’installation de compteurs à eau dans l’ensemble du pays à une entreprise appartenant au magnat de la presse Denis O’Brien, généreux donateur du parti Fine Gael (droite, au pouvoir en coalition avec le parti travailliste) et l’une des plus caricaturales incarnations d’une frange du patronat irlandais peu soucieuse de l’intérêt général. Coût total de l’opération ? Environ 540 millions d’euros (9), pour des mesures de la consommation qui ne débuteront pas avant sept ans alors que les compteurs affichent une durée de vie limitée à… dix ans. On a connu investissement plus aisé à justifier.

Autrefois financée par les impôts et gérée par les autorités locales, la distribution de l’eau a été confiée à la société semi-publique Irish Water, dont la constitution en juillet 2013 a coûté 86 millions d’euros en frais de consultants. Avant même d’envoyer ses premières factures, arrivées dans les boîtes aux lettres en avril 2015, l’entreprise avait organisé un dispositif de bonus confortables pour ses dirigeants (jusqu’à 19 % du salaire pour le sommet de la hiérarchie). « Et chacun s’attend à ce qu’elle soit bientôt privatisée », nous explique un manifestant devant le siège de la société le 1er avril dernier.

Tout semble donc avoir été fait pour irriter les Irlandais. Le degré de réussite n’en étonne pas moins. Aux côtés d’organisations politiques telles que l’Alliance anti-austérité (AAA), liée au Parti socialiste, ou la campagne Right2Water (« Droit à l’eau ») — qui rassemble notamment les syndicats et le Sinn Féin —, de multiples comités se sont créés un peu partout dans le pays, rassemblant parfois des personnes jusque-là non politisées : des chômeurs ou des travailleurs pauvres déjà étranglés par l’austérité ; des membres des classes moyennes supérieures à la fibre écologiste, qui n’auraient rien contre l’idée d’une taxe sur l’eau si celle-ci n’était pas polluée…

Dans certains villages, des rassemblements spontanés s’organisent pour empêcher l’installation de compteurs. Des vidéos circulent sur Internet, expliquant comment les saboter (10). Un tiers de la population aurait déjà refusé de s’enregistrer auprès d’Irish Water, bien que les dates butoirs aient été repoussées à plusieurs reprises — un boycott qui a embarrassé le Sinn Féin.

Dans un premier temps, le dirigeant historique du parti Gerald Adams a déclaré qu’il réglerait sa propre facture d’eau. Sa stratégie ? Expliquer tout d’abord que la taxe ne pourrait être abolie que si un parti hostile à l’austérité parvenait au pouvoir — le Sinn Féin, par exemple. Mais également éviter de se voir reprocher d’ignorer la loi, un enjeu majeur pour une formation qui tente de se défaire de son association à l’Armée républicaine irlandaise (IRA).

Cette ligne n’a pas convaincu. A Tallaght, une banlieue populaire de Dublin où tout indiquait que le Sinn Féin devait remporter des élections législatives partielles en octobre 2014, le candidat du Parti socialiste Paul Murphy a finalement été élu grâce à un discours beaucoup plus combatif que celui des nationalistes sur la question de l’eau. Aiguillonné par les militants les plus jeunes de son parti, souvent plus à gauche, M. Adams est depuis revenu sur sa position : le Sinn Féin invite désormais chacun à agir comme bon lui semble, sans donner de consigne.

De l’avis de ses partisans, qui rappellent qu’aucune amende pour non-paiement ne sera envoyée avant quinze mois, le boycott constitue le seul moyen de s’assurer que la question de l’eau — et, à travers elle, celle de l’austérité — s’impose comme un thème majeur lors du prochain scrutin législatif, qui doit se tenir entre octobre 2015 et avril 2016.

« Pour la plupart des gens, explique le journaliste irlandais Paddy Prendiville, cette taxe, c’est la paille de trop (11). » La paille ? Celle qui, en anglais, brise le dos du chameau. Les francophones imaginent, eux, une goutte d’eau dont la chute suffirait à faire déborder le vase. L’image n’a sans doute jamais été aussi adaptée à la situation irlandaise.

Renaud Lambert

(1) Séamus A. Power et David Nussbaum, « The Fightin’ Irish ? Not when it comes to recession and austerity », The Guardian, 24 juillet 2014.

(2) Lire « Les quatre vies du modèle irlandais », Le Monde diplomatique, octobre 2010.

(3) Cité par Anne Lucey, « Europe ’amazed’ at steps taken in budget – Lenihan », Irish Times, 27 avril 2009.

(4) Kathy Sheridan, « Review of 2014 : The year the citizens broke », Irish Times, 27 décembre 2014.

(5) Un chiffre largement exagéré par l’activité de multinationales qui profitent de l’Irlande pour « optimiser » leur charge fiscale.

(6) Suzanne Daley, « A New Irish Rebellion, This Time Against Water Fees », The New York Times, 25 mars 2015.

(7) Contre environ 280 euros pour un foyer comptant deux adultes et deux enfants auparavant.

(8) Lire « Les quatre vies du modèle irlandais », op. cit.

(9) « Cost of water meters underestimated by €107 million  », TheJournal.ie, 23 novembre 2014.

(10) Voir par exemple sur YouTube « Water Meter Sabotage », ou encore « Removing a water meter ».

(11) Suzanne Daley, op. cit.

Source : Le Monde Diplomatique mai 2015

Voir aussi : Actualité internationale, Rubrique UE, Irlande, Mouvement sociaux en Irlande. La taxe de trop, rubrique Société, Mouvements Sociaux, rubrique Politique, Politique économique,

Congrès PS : ce texte que les ministres auraient dû mieux lire avant de signer

kak_loi_macron_pays
Le Joker Macron qui n’a pas sa carte au PS…
DÉCRYPTAGE

Tous les socialistes du gouvernement ont apposé leur nom sur la motion Cambadélis. A lire le détail, ils se sont engagés à beaucoup d’ici la fin du quinquennat…

C’est le titre du dernier paragraphe : «Les orientations de notre congrès devront avoir prise sur le cours du quinquennat.» On le trouve à la fin de la «motion A», ce texte d’orientation porté par le Premier secrétaire sortant du PS, Jean-Christophe Cambadélis, pour le 77e congrès du PS à Poitiers et… signé par tous les ministres socialistes du gouvernement. Le premier d’entre-eux compris. Et à quoi se sont-ils engagés en le signant ? Si personne ne trouvera à redire aux chapitres «écosocialisme», «égalité réelle», «accès à la culture» ou encore «santé partout et pour tous», d’autres points sont en contradiction avec les prises de positions récentes de certains ministres. De quoi rappeler, dans les deux ans à venir, aux locataires de Bercy et de la rue de Grenelle (voire de la Commission européenne puisque Pierre Moscovici a aussi signé) ce que les parlementaires PS seront censés porter. Car, sur ce point, le texte est clair : «Les parlementaires devront en faire une référence pour guider leur action. De même, les grands textes de loi devront donner systématiquement lieu à un débat avec vote en conseil national». Morceaux choisis.

Sur le pacte de responsabilité

Si cette motion garantit le cadre du pacte de responsabilité, elle émet un bémol. «Les engagements ne semblent pas, à ce stade et par toutes les branches professionnelles, respectés», est-il écrit. Conséquence: «Si cette situation est confirmée par l’évaluation nationale, nous estimons que les 15 milliards du pacte qui restent à utiliser devraient dorénavant l’être plus directement pour favoriser l’emploi, l’investissement privé productif et les investissements publics.» Suffisant pour réallouer les sommes destinées à baisser les «charges» des entreprises ? A voir… Et si un premier passage demandant des «contreparties» a été supprimé, les ministres de Bercy s’engagent ainsi à «mieux cibler les dispositifs d’intervention pour les entreprises qui en ont un réel besoin – et d’abord les PME et ETI industrielles, ainsi que les secteurs exposés à la concurrence internationale – et sur les leviers réellement utiles à la compétitivité comme la recherche, l’innovation, la formation.»

Sur la fiscalité

«Plus que jamais, la grande réforme fiscale que nous avons voulue doit être menée à bien.» Au temps de Jérôme Cahuzac, on nous avait pourtant expliqué que cette réforme fiscale était «faite». Pas totalement apparemment… Le texte ressuscite donc l’engagement de campagne du candidat Hollande. Et il ne reste plus que le budget 2016 (discuté au Parlement à l’automne 2015) pour le tenir : «Pour les ménages, nous souhaitons que le chantier de l’impôt citoyen soit engagé dès le projet de budget pour 2016 par un prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et une réduction de la CSG sur les premières tranches de revenus, est-il écrit. Lisible pour le contribuable, cette première étape permettra de poser le socle du rapprochement entre l’impôt sur le revenu et la CSG.» On attend donc Christian Eckert et Michel Sapin – tous deux signataires – lorsqu’ils présenteront le prochain projet de loi de finances.

Sur le contrat de travail

Passons au ministre du Travail, François Rebsamen. En signant ce texte, finie l’idée du contrat unique ou de tout autre nouveau contrat : «Les règles qui le régissent, qu’il soit à durée déterminée ou indéterminée, doivent permettre une sécurité pour les salariés et combattre la précarité qui les frappe, est-il rappelé. Ainsi une réforme telle que le contrat unique ou l’extension des contrats de chantiers à d’autres secteurs que le bâtiment, et a fortiori à l’ensemble des secteurs, est pour nous exclue.» Ça ne peut pas être plus clair.

Sur le «repos dominical»

Ce dossier concerne Rebsamen mais aussi le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron. Lequel, certes, n’a pas sa carte au PS… Sa loi sur la «croissance et l’activité» doit revenir à l’Assemblée avant l’été ? Le texte – qui engage donc les députés – est limpide : «Nous sommes opposés à une nouvelle extension du travail du dimanche.». Exit en principe les 12 dimanches travaillés présents dans la loi ? En tout cas, cette motion reprend les arguments défendus par les opposants à cette extension, Martine Aubry en tête : «C’est d’abord un choix de société. La consommation ne peut être l’alpha et l’oméga de nos vies. Le dimanche doit d’abord être un moment du vivre ensemble. C’est une question de protection des salariés les plus fragiles pour lesquels la liberté de choix n’existe pas réellement, de protection des petits commerces qui restent souvent les dernières activités présentes dans les quartiers en difficulté et dans les zones rurales désertifiées.» A suivre dans l’hémicycle…

Sur la «réorientation» européenne

Enfin, pas sûr que cette motion soit allée jusqu’à Bruxelles… Car ce texte engage aussi le commissaire européen, Pierre Moscovici, chargé des Affaires économiques, monétaires et de la fiscalité… donc de faire respecter la réduction des déficits. Or, cette motion demande à ce que «les disciplines budgétaires» soient «assouplies» et qu’«une part des investissements d’avenir [soient] exclus du calcul des déficits». L’Union bancaire doit être parachevée, «notamment par la garantie européenne des dépôts des épargnants», demandent aussi ces socialistes. Quant au plan Juncker, Moscovici trouve donc aussi qu’il est sous-doté et souhaite que «sa capacité de prêt [soit] portée à 200 milliards d’investissements par an (contre 100 actuellement prévus)». Le texte plaide enfin aussi «pour une initiative forte en Europe en vue d’une directive ambitieuse de séparation des activités des banques d’investissement et des banques de dépôt». Ce que Moscovici, lorsqu’il était à Bercy, a enterré.

Lilian ALEMAGNA

Source Libération :14/04/2015

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Politique, Politique économique, rubrique UE,

Juncker au centre d’un scandale fiscal impliquant 340 multinationales

Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne était aux commandes du Luxembourg.

Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne était aux commandes du Luxembourg.

Les accords fiscaux secrets passés entre des centaines de firmes et le Luxembourg, afin de soustraire des milliards d’euros à l’impôt, ont forcément été couverts par le président de la Commission européenne.

Quarante médias internationaux s’appuyant sur des documents obtenus par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) viennent de révéler l’existence d’accords fiscaux secrets entre le Luxembourg et 340 multinationales, dont Apple, Amazon, Ikea, Pepsi ou Axa.Ces accords, qui permettent à ces firmes de minimiser leurs impôts, représentent des milliards d’euros de recettes fiscales perdues pour les États où ces entreprises réalisent des bénéfices, selon l’ICIJ et ses médias partenaires, dont Le Monde en France, The Guardian au Royaume-Uni, le Süddeutsche Zeitung en Allemagne, l’Asahi Shimbun au Japon. Ils ont été passés entre 2002 et 2010, soit à une période où Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne depuis le 1er novembre, était aux commandes du Luxembourg.

Ministre des Finances du Grand Duché du 14 juillet 1989 au 23 juillet 2009, il a également été son Premier ministre durant près de 19 ans, du 20 janvier 1995 au 4 décembre 2013. Non seulement M. Juncker ne pouvait ignorer les pratiques mises à jour par l’ICIJ, mais aux postes qu’il occupait il les organisait.

On savait que le Luxembourg était le Duché de l’évasion fiscale. L’intérêt de l’enquête de l’ICIJ est d’en expliquer le mécanisme, révélant par là-même la complicité du pouvoir politique luxembourgeois. La pratique du « tax ruling », mise au jour dans cette enquête de six mois baptisée « Luxembourg Leaks » ou « LuxLeaks », est légale. Elle permet à une entreprise de demander à l’avance comment sa situation sera traitée par l’administration fiscale d’un pays, et d’obtenir certaines garanties juridiques. Les groupes concernés réalisent ainsi des milliards d’euros d’économies chaque année grâce à la création d’une filiale, d’une holding ou au déplacement d’un siège social sur le territoire du Grand-Duché. Avec pour but de payer le moins d’impôt possible.

Les 28 000 pages d’accords fiscaux secrets auxquels l’ICIJ a eu accès concernent 340 grandes entreprises – notamment Apple, Amazon, Verizon, AIG, Heinz, Pepsi, Ikea – et proviennent toutes du grand cabinet de conseil et d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC). Ces accords ne concernent donc que les entreprises clientes de PwC. Et le Luxembourg n’entend pas renoncer à la pratique du « tax ruling » : Elle « fait partie de notre patrimoine et nous voulons la perpétuer dans le respect des règles », déclarait son ministre des Finances, Pierre Gramegna, dans Le Monde du 29 octobre. Avant d’ajouter, non sans cynisme : « Le maintien d’une certaine compétitivité, loyale, entre les États dans le domaine fiscal est indispensable. »

Que ces mécanismes d’optimisation fiscale soient légaux n’en diminue pas le scandale à l’heure où l’Union européenne et ses États membres réclament sur tout le continent à leurs citoyens de se serrer la ceinture au motif qu’il n’y aurait plus d’argent dans les caisses. Derrière la technicité de ces mécanismes révélés par l’ICIJ, il y a des législations qui les ont permis, ces législations relèvent de décisions politiques voulues ou approuvées par des responsables politiques. Ces derniers devraient maintenant rendre des comptes. Dans une démocratie, c’est ainsi que les choses devraient se passer. Mais l’Europe en est-elle seulement une ? Lorsqu’à l’été dernier il s’est agi de désigner le président de la Commission européenne, nul ne pouvait ignorer que Jean-Claude Juncker, qui était le candidat de la droite (sortie en tête des élections européennes), était aussi le candidat des paradis fiscaux.

Cela n’a pas gêné la plupart des sociaux-démocrates, François Hollande inclus, qui ont accepté de l’introniser. On a même vu Daniel Cohn-Bendit appeler ses amis Verts à faire de même, en vain. À ces derniers, Jean-Claude Juncker a été jusqu’à promettre de « lutter contre la fraude et l’évasion fiscales », promesse réitérée en séance plénière. Hier, interrogé sur le « Luxembourg Leaks » lors de son premier point de presse, Jean-Claude Juncker a promis de ne pas intervenir dans l’enquête européenne sur la pratique fiscale de « tax ruling » qui vise le Luxembourg et trois autres pays [1]. Ne pas intervenir n’est pas tout à fait ce qu’on attendrait d’un responsable politique déterminé à lutter contre l’évasion fiscale.

Un moyen simple de lutter contre l’évasion fiscale consisterait à rétablir « la souveraineté fiscale » en taxant les bénéfices là où ils sont réalisés. C’est ce que recommandait l’OCDE dans un document à destination du G20 publié en septembre. Mais c’est sans doute contraire à la religion néolibérale de Jean-Claude Juncker.

Michel Soudais

[1] Cette enquête ne porte que sur des accords passés par le Luxembourg avec Fiat Finance and Trade, qui fournit des services de gestion de trésorerie au groupe automobile Fiat. Les trois autres visent : 1.L’Irlande pour des accords passés entre l’administration fiscale et le géant américain d’internet Apple, soupçonné d’avoir bénéficié d’un traitement de faveur contraire aux règles européennes de la concurrence. 2. Des soupçons d’avantages fiscaux accordés par les Pays-Bas à la chaîne de cafés Starbucks. 3. Gibraltar, cette dernière enquête ayant été ouverte en octobre.

Source : Politis 06/11/14

Voir aussi : Rubrique AffairesJean-Claude Juncker (archives), Rapport SREL, rubrique UE, Luxembourg, Commission la finance aux manettes,

Projet de loi de finance. Les députés du PS « légitimistes » s’allient à l’UMP

Les députés PS frondeurs Laurent Baumel, Jean-Marc Germain et Christian Paul © MaxPPP.

Les députés PS frondeurs Laurent Baumel, Jean-Marc Germain et Christian Paul © MaxPPP.

C’est une alliance de circonstance. Même contre-nature qui rappelle les votes communs de l’UMP et des communistes contre la majorité socialiste lorsque le Sénat était encore à gauche. Mercredi 22 octobre dans la soirée, l’Assemblée nationale a rejeté mercredi, par 66 voix contre 21, un amendement des socialistes frondeurs en faveur d’une CSG progressive selon le revenu, lors du débat sur le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2015. Une proposition similaire avait déjà été rejetée cet été lors de l’examen du PLFSS rectificatif pour 2014.

Le détail des votes n’est pas anodin. En l’occurrence, députés socialistes « légitimistes » et opposition se sont alliés contre les députés PS dits frondeurs qui défendaient l’amendement. Ainsi 18 socialistes et 3 écologistes ont voté pour l’amendement, rejeté par 48 socialistes, 2 radicaux de gauche, 14 UMP et 2 UDI.

Un scenario que n’a pas manqué d’utiliser l’opposition pour railler les divisions de plus en plus criantes au sein du PS. « La majorité est profondément divisée entre les collectivistes, qui maintenant s’appellent les frondeurs, et les sociaux-démocrates », a d’abord commenté l’UMP Bernard Accoyer, pour qui la réforme proposée aboutirait à « une Saint-Barthélémy des classes moyennes« .

L’UDI Francis Vercamer avait lui tendance à penser qu’il assistait à son insu aux prémices du congrès à venir – mais dont la date n’est pas arrêtée – du Parti socialiste :

Nous sommes surpris de participer à un congrès du PS sans avoir pris notre carte.

Sur le fond de l’amendement, il s’agissait d’instaurer « une progressivité alignée sur les tranches de l’impôt sur le revenu », afin de rapprocher CSG et impôt sur le revenu, une des promesses de campagne de François Hollande, a argumenté l’un des auteurs de l’amendement, Jean-Marc Germain. Cela assurerait « un gain de pouvoir d’achat » pour les classes populaires, financé par des moindres réductions de charges sur certaines entreprises, a-t-il ajouté. « Le gouvernement ne peut pas être favorable à cette démarche, car son but est que l’économie retrouve de la compétitivité » grâce aux réductions de charges, lui a répondu le secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert.

Par ailleurs, les députés ont adopté mercredi une réforme du mode de calcul de la CSG pour les revenus de remplacement, comme les retraites et allocations chômage, dans le cadre du projet de Budget 2015 de la Sécurité sociale. L’assujettissement à l’un des taux de la CSG prévus pour ces revenus, ou l’exemption de la CSG pour les plus bas d’entre eux, sera calculé en fonction du revenu fiscal de référence, aux termes de cet article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, actuellement débattu à l’Assemblée nationale en première lecture.

Source : Europe 1 Le Lab Politique 23/10/2014

Voir aussi : Actualité France, rubrique Politique, Politique économique, rubrique Société, Santé,