Jean-Luc Mélenchon : « Convaincre les masses d’entrer dans le combat »

Jean-Luc Mélecnhon dans les locaux de la Marseillaise. Photos LM

Ecologie, Europe, candidature unique… Entretien avec Jean-Luc Mélenchon, le candidat de la France insoumise à la Présidentielle.

Colonne vertébrale du projet, la planification écologique est un sujet qui a progressé dans la société depuis 2012. Cependant, elle fait toujours débat à gauche ?

En préambule, je voudrais dire que si nous avons une dette à l’égard du mouvement écologique, c’est l’entrée en lice de notre famille politique qui a modifié la façon avec laquelle le sujet a pénétré le débat en France. A partir du moment notamment où les organisations de salariés ont pris conscience de cet enjeu vital pour la survie de l’humanité. Au point que, en mars 2012, nous avons pu organiser une première réunion des entreprises en lutte avec des solutions écologiques pour sortir de leur crise et renforcer l’emploi. Pas assez remarqué à l’époque, cet événement a été, pour moi, fondateur. A partir de là, toutes les luttes sociales, surtout les luttes industrielles, ont pris un axe nouveau, intégrant le paramètre de la responsabilité écologique de la production. Cela a permis de décloisonner socialement la préoccupation écologique.

Et du point de vue idéologique ?

Les choses ont été aussi spectaculaires pour tout une partie du courant progressiste qui avait, pendant de nombreuses décennies, confondu le développement des forces productives avec le progrès. Nous avons élargi le champ de la critique intellectuelle au contenu de la technique que nous avions tendance à juger spontanément bonne. Cela ne veut pas dire que nous pensons que la technique est dangereuse pour l’avenir. Au contraire, la transition écologique se présente d’abord comme un défi technique pour l’outil de production industriel. Pour mettre des parcs d’éoliennes en mer, couler des hydroliennes, en se cantonnant à la partie maritime du projet, c’est de la métallurgie, de la sidérurgie, ce sont des navires de service à construire et ce sont des milliers d’ingénieurs, de techniciens, d’ouvriers… à mettre en mouvement.

Sur le plan idéologique, c’est l’intuition fondamentale du communisme qui est vérifiée par le défi de la crise écologique : il y a des biens communs et leur destruction détruit l’humanité elle-même. De même pour l’intuition républicaine -?nous sommes bien tous semblables puisque nous dépendons tous du même écosystème?- ou encore l’intuition socialiste qui est qu’on ne s’en sortira pas autrement que tous ensemble.

Il y a donc dans la situation que nous vivons, une vérification des fondamentaux de notre regard sur le monde. Ce qui est extraordinaire et doit être pris avec enthousiasme même si, sur le fond, c’est une catastrophe qui menace la civilisation elle-même. Ce que j’ai donc à dire à mes amis, c’est « reconsidérez la situation non pas à partir de la lettre de ce qu’ont été nos idées durant plusieurs décennies, mais de partir de l’esprit qu’elles portaient. Et vous verrez alors que vous êtes écologistes ».

Et le nucléaire qui ne fait pas non plus consensus ?

Il faut continuer à chercher à convaincre, mais en même temps il faut savoir trancher. Dans le Front de gauche, nous étions partisans d’un référendum car la question traversait toutes nos familles politiques. Depuis, il y a eu Fukushima et je considère que même si pendant 40 ans, voire plus, les salariés du nucléaire ont réussi à nous garantir un haut niveau de sécurité, ce n’est plus le cas. Non seulement parce que leur situation a été précarisée de manière dangereuse, mais parce que les installations ont vieilli et que le grand carénage coûterait plus cher que le passage aux énergies alternatives. J’estime de plus que le danger est particulier en France parce que nous ne sommes pas indépendants au niveau de la fourniture, l’uranium, et parce que les installations ont été implantées dans des endroits névralgiques qui créent des situations de sur-danger. Donc, ma décision est prise. On arrêtera les réacteurs qui doivent être arrêtés, ceux qui arrivent en fin de vie à 40 ans pendant le prochain quinquennat et on sortira du nucléaire aussi vite que possible. Mon appel est un appel à la mobilisation générale des ingénieurs, des techniciens et de la population. Le problème des emplois ne se posera pas, le recyclage de la totalité des gens qui travaillent pour le nucléaire se fera dans le démontage de ce nucléaire qui prendra au moins 20 ans, et dans les nouvelles énergies.

Un mot sur Nexcis que vous aviez soutenu à Rousset durant son conflit avec EDF ?

C’est le résultat de l’hyper-concentration de la décision dans EDF. Cela aboutit à des aberrations telles que l’investissement sur Hinckley Point qui est antinational et va peut-être couler EDF à cause du poids qu’il fait peser ; mais cela développe aussi une logique technicienne amie des seuls très grands projets. C’est ce que l’on a vu avec Nexcis. Les panneaux qu’elle produisait auraient permis, en équipant la tour CMA CGM à Marseille, de la rendre autonome et d’alimenter le quartier. Mais EDF a gelé le projet et coulé une chaîne de production. Je m’engage bien sûr à ce que cette chaîne de production soit immédiatement relancée à échelle industrielle.

Vous avez mentionné l’Europe et la nécessité d’un plan B comme le point insurmontable avec Benoît Hamon. Lors de la réunion sur la finance organisée par le PCF, Pascal Cherki a dit que ce rapport de force pouvait être mis en place grâce à la capacité de blocage de la France qui refusera de signer le Ceta. Qu’en pensez-vous ?

Il est vain de croire que la seule capacité de blocage constitue une énergie positive. D’autant qu’il ne s’agit pas que de bloquer mais de sortir des traités, de tous les traités constitutifs de l’actuelle union européenne. Je ne me réfère pas à ce que dit Pascal Cherki, au demeurant fort sympathique, mais à la réalité. Et cette réalité est que c’est le président Hollande qui est le penseur de l’Europe politique pour le PS. Il a clairement fixé sa trajectoire : l’Europe peut se refonder par la défense et la création d’un gouvernement économique de la zone euro, un budget de la zone euro et un parlement de la zone euro. Vous remarquez le mot qui manque : celui de Banque centrale européenne ! Une proposition qui date de juillet 2015 et qu’a fait sienne Benoît Hamon. Cette réalité n’a strictement rien à voir avec l’idée qu’on se fait de la négociation pour refonder l’Europe. Pour nous, elle part de l’impératif de l’harmonisation sociale et fiscale. C’est le point de départ, pas celui d’arrivée. Je ne peux pas avoir pour projet européen l’Europe de la défense qui est l’Europe de la guerre, et l’Europe du fric qui est l’Europe de l’euro.

Moyennant des discussions, la divergence pourrait, peut-être, déboucher sur des clarifications, et éventuellement des visions communes. Mais quand on commence ces discussions à 60 jours du premier tour, il y a peu de chances qu’on arrive d’une part à tomber d’accord, d’autre part à convaincre. Il est d’autres sujets dont je ne disconviens pas qu’en discutant, on aurait pu surmonter les divergences. Mais en 60 jours, personne n’est capable d’écrire un programme commun. Je voudrais rappeler que le premier programme commun qui a quand même donné quelques résultats en 1981, a été négocié pendant trente ans à l’initiative des communistes, et que la phase d’écriture a duré un an et demi. Pas parce que c’était des personnes tatillonnes mais parce qu’il s’agit de sujets sérieux. Et les Français sont lassés des accords d’appareils avec des formules creuses qui laissent des chèques en blanc à ceux qui ensuite exercent le pouvoir dans le cadre de la monarchie présidentielle.

Ces deux sujets montrent les différences d’analyse à gauche, gauche à laquelle vous ne faites que rarement référence même si vous répétez souvent votre respect des partis. Est-ce que vous ne croyez plus à la pertinence du clivage gauche-droite ?

Depuis le premier jour, pour reprendre l’expression de Jean Jaurès, il n’y a qu’une seule question : celle de la souveraineté politique du peuple. Il y a ceux qui pensent que ce peuple est le seul souverain et ceux qui croient que des lois permanentes -?d’économie, de marché…?- sont en dernière instance plus fortes que la volonté du peuple. Quant aux fondamentaux, ce clivage gauche-droite n’est donc pas dépassable, il a une dignité, une légitimité… Et il traverse notre histoire depuis les premiers jours de la grande révolution de 1789.

Concernant la forme actuelle, les étiquettes de vision du monde… Dire que François Hollande a eu un gouvernement de gauche, c’est s’empêcher de penser. Le PS à l’instar de toute la social-démocratie européenne, a plié avec des mots pour empêcher de penser. On a appelé politique de gauche une politique de l’offre qui consiste à dire produisez le moins cher possible, n’importe quoi, n’importe comment du moment qu’on arrive à le vendre alors que c’était traditionnellement la politique de la droite. Et la politique de la gauche a toujours été de partir de la demande, c’est à dire des besoins populaires, des besoins du grand nombre, des 99 % comme dirait Pierre Laurent.

La confusion de l’étiquette est destructrice parce que les gens en viennent à confondre ce que nous proposons avec ce que sont en train de faire les gouvernants et parce que cela assigne à une dispute qui nous marginalise. Si on arrive en disant il y a une fausse et une vraie gauche, les gens voient que nous nous sommes nous-mêmes rangés à un bout de l’arc et nous perdons ensuite notre temps à essayer de convaincre que nous ne sommes pas les extrêmes.
Je n’ai jamais récusé l’étiquette de gauche, mais je pars de l’idée que pour me faire comprendre j’ai intérêt à ne pas commencer à marcher avec l’étiquette devant. Parce qu’elle est source de confusion plutôt que de clarification… C’est mon propos à cette étape. Mais demain, lorsque nous aurons clarifié le champ politique, je n’ai pas d’inconvénient à ce qu’on me qualifie de gauche. Mais attention, notre action n’est pas avant-gardiste, c’est d’une action populaire de masse. Il s’agit de convaincre la masse d’entrer dans le combat, pas simplement se convaincre entre nous qu’on a psalmodié les bonnes formules.

Et cela est pensé jusque dans la forme. Quand je fais la France insoumise, je m’inspire de l’idéal fondateur du Front de gauche qui n’était pas de faire un cartel de partis mais de mettre en mouvement des millions de gens s’appropriant une idée. Et à la sortie de la prochaine élection, quelle que soit l’issue, la formation d’un mouvement sera posée, avec des bases qui ne sont pas des accords de sommets, mais des bases de masse.

Vous évoquez le peu de temps d’ici le 1er tour pour conclure un accord avec Benoît Hamon. Mais n’avez-vous pas le sentiment de peut-être rater une occasion historique pour la gauche ? N’était-il pas possible d’envisager un accord certes imparfait mais permettant de l’emporter, pour l’améliorer ensuite durant le quinquennat ?

Vous voulez parler de la candidature unique ? Je suis d’accord, si c’est la mienne. Et c’est pareil pour Benoît Hamon. Donc nous pouvons passer 60 jours à essayer de nous refiler le mistigri de la division. Mais lui et moi, en responsabilité, avons estimé que ce n’est pas ce qu’il fallait faire. Que 50% des Français ne savent toujours pas pour qui ils vont voter et qu’il suffit de gagner un quart de ces 50% pour l’emporter. Alors, que chacun y aille ! La situation va s’éclaircir et elle est en train de le faire. J’ai bien fait de maintenir la clarté d’un positionnement politique. Mon appel, quand je demandais des garanties, n’a pas été entendu. Ce n’était pas des garanties exagérées, ni des mises au pied du mur. C’était de dire qu’on ne pouvait pas faire une majorité de gouvernement pour défaire ce qui a été fait avec le précédent avec les gens qui l’ont fait. Tout le monde comprend ça, sauf les états-majors.

Le PS a une caractéristique : il a deux candidats. Quand on entend M. Delanoe ou le président de l’Assemblée appeler à voter pour Macron, on assiste là à un phénomène majeur. Il y a une recomposition politique aussi grâce à l’existence du pôle fort, dynamique et populaire que nous incarnons. La partie va se jouer là. Donc je dis à mes amis que cela ne sert à rien de ressasser. Personne n’est capable de me dire qu’il faut une candidature unique. J’en ai parlé avec Pierre Laurent. Je lui ai demandé s’il était sur la position de la candidature unique. Il m’a répondu que non. Pourquoi ferait-on cela ? On m’a cassé les pieds durant des mois sur la pluralité des candidatures à gauche. On va se retrouver à trois?: Nathalie Artaud, le candidat PS et moi. C’est moins qu’en 2012. Et qui a perdu la moitié de ses voix ? Pas nous. Nous sommes à notre niveau de 2012, un petit peu plus haut même. Qui peut penser qu’il suffirait qu’on se saute au cou pour qu’aussitôt les gens suivent ? Ce n’est pas le message que je porte. Les gens me disent : « ne viens pas me voir avec un accord d’appareil ! ».

J’ai aussi entendu des choses invraisemblables sur mon ego. Vous croyez que mon ego est engagé ? Cela n’a pas de sens. Je ne suis pas en train de commencer une carrière à mon âge, je suis en train de bâtir un mouvement. J’ai eu l’honneur d’être le candidat du Front de gauche en 2012 et je le suis toujours. Toutes ses composantes soutiennent ma candidature. Donc ce n’est pas ma personne qui est en cause, c’est ce que nous construisons. Celui qui baissera pavillon, baissera en même temps le niveau de ses exigences et de ses ambitions. Et notre peuple n’est pas prêt à cela.

Propos recueillis par Angélique Schaller et Sébastien Madau

Source : La Marseillaise 11 mars 2017

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Amnesty International fustige la prolifération des discours haineux

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Dans son rapport annuel, l’ONG dénonce une rhétorique « toxique » « diabolisant » certains groupes et en premier lieu les réfugiés.

Des dirigeants du monde entier, comme Donald Trump aux Etats-Unis ou Rodrigo Duterte aux Philippines, propagent des discours de haine « diabolisant » certains groupes, une rhétorique « toxique » qui rend le monde plus dangereux, s’alarme Amnesty international dans son rapport annuel présenté mercredi 22 février.

« Les discours clivants de Donald Trump, Viktor Orban [Hongrie], Recep Tayyip Erdogan [Turquie], Rodrigo Duterte [Philippines] (…) s’acharnent sur des groupes entiers de population, les désignent comme boucs émissaires et propagent l’idée selon laquelle certaines personnes sont moins “humaines” que d’autres », les premiers visés étant les réfugiés, dénonce Amnesty international.

Et de citer le décret anti-immigration fermant temporairement les frontières des Etats-Unis aux réfugiés et aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane, suspendu depuis, ou encore l’accord « illégal et irresponsable » conclu entre l’Union européenne et la Turquie, permettant de renvoyer des demandeurs d’asile dans ce pays.

Au total, l’organisation non gouvernementale (ONG) a dénombré 36 pays ayant « violé le droit international en renvoyant illégalement des réfugiés dans des pays où leurs droits étaient menacés ».

L’ONG fustige les discours « déshumanisants »

Ces discours de rejet et de haine ont des effets directs sur les droits et les libertés, dénonce Amnesty : « Des gouvernements ont fait voter des lois qui restreignent le droit d’asile, la liberté d’expression, qui légitiment la surveillance de masse ou donnent aux forces de l’ordre des pouvoirs illimités. »

Loin d’être l’apanage de leaders extrémistes, ces paroles stigmatisantes ont été adoptées « parfois de façon voilée, parfois de façon plus ouverte » par « des partis dits centristes », souligne John Dalhuisen, directeur d’Amnesty International pour l’Europe.

« Les discours déshumanisants, c’est quand le premier ministre hongrois qualifie les migrants de “poison, c’est quand Geert Wilders [député néerlandais d’extrême droite] parle de la racaille marocaine, c’est aussi quand le premier ministre néerlandais écrit une lettre ouverte invitant les migrants à se comporter de façon normale ou de rentrer chez eux. »

Les étrangers et les musulmans, « cibles principales de la démagogie européenne » sont « présentés comme une menace à la sécurité, à l’identité nationale, des voleurs d’emplois et des abuseurs du système de sécurité sociale », insiste-t-il.

Les effets pervers de l’état d’urgence en France

En France, où l’ONG sise à Londres a exceptionnellement présenté son rapport annuel, Amnesty dénonce la restriction des droits fondamentaux dans le cadre des mesures prises pour lutter contre le terrorisme, en particulier l’état d’urgence, prolongé depuis les attentats du 13 novembre 2015.

Selon son recensement, de la fin de 2015 à la fin de 2016, « seuls 0,3 % des mesures liées à l’état d’urgence ont débouché sur une enquête judiciaire pour faits de terrorisme ». En revanche, « les assignations à résidence ont entraîné des pertes d’emploi ou la marginalisation des personnes [concernées] », déplore Camille Blanc, présidente d’Amnesty International France.

L’ONG considère par ailleurs qu’en matière d’accueil des réfugiés, « la France n’a pas pris ses responsabilités au niveau international » et ne protège pas suffisamment les réfugiés et les migrants présents sur son sol.

« Dans le cadre des élections présidentielle et législatives qui vont avoir lieu en 2017, la France est à la croisée des chemins concernant les droits humains, qui font écho à une tendance mondiale, et les citoyens ne doivent pas tomber dans le piège de ces discours qui entraînent la haine, la peur ou le repli de soi. »

Face aux renoncements des grandes puissances à se battre pour le respect des droits et des libertés, et la passivité des Etats face aux atrocités et crises vécues en Syrie, au Yémen, ou encore au Soudan du Sud, Amnesty International appelle chacun à se mobiliser et agir. « 2017 sera une année de résistance, a dit à l’Agence France-Presse le président d’Amnesty, Salil Shetty. Nos espoirs reposent sur le peuple. »

Source : Le Monde.fr avec AFP 22/02/2017

Voir aussi : Actualité Internationale Rubrique Politique, Politique de l’immigration, L’Unicef dénonce l’exploitation des migrants mineurs dans les « jungles » françaises, rubrique Société, Justice,

Aulnay-sous-Bois : les policiers tentent la défense du viol… par accident

viol-violences-policiers-en-garde-a-vue-aulnay_5794673Quatre policiers de la brigade spécialisée de terrain (BST) d’Aulnay-sous-Bois ont été mis en examen ce dimanche 5 février pour violences volontaires en réunion, à la suite d’un contrôle d’identité qui a dégénéré d’une manière à peine croyable. L’un d’entre eux est accusé d’avoir violé, lors de ce contrôle, le jeune homme de 22 ans interpellé.

Un simple contrôle de police qui aurait dégénéré en viol. Quatre policiers soupçonnés d’avoir interpellé avec violence un jeune homme de 22 ans à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, alors qu’ils procédaient le jeudi 2 février à un contrôle d’identité, ont été mis en examen ce dimanche soir pour violences volontaires en réunion et l’un d’entre eux pour viol, a annoncé le parquet de Bobigny. Plus tôt dans la journée, le Parquet avait pourtant requalifié les faits, ne retenant que l’accusation de violences en réunion.

Bien que le jeune homme présente selon les médecins « une lésion du canal anal de dix centimètres de profondeur », le parquet de Bobigny a en effet estimé qu’il n’y aurait pas eu d’élément intentionnel de pénétration. Un avis toutefois balayé par le juge d’instruction chargé de l’affaire, qui a finalement mis en examen le policier soupçonné d’avoir provoqué ces blessures avec une matraque télescopique, pour viol par personne ayant autorité et violences volontaires.

« C’est une affaire exceptionnellement grave (…), ce gamin n’est pas connu des services, il appartient à une famille de gens parfaitement intégrés qui ne cherchent pas d’histoires. (…) Il y a une exigence vis-à-vis de la justice, la famille veut des réponses », a réagi sur France Inter ce lundi 6 février l’avocat de la victime, Eric Dupond-Moretti, saluant l’intervention du maire Les Républicains de la ville, Bruno Beschizza – lui-même ancien policier -, qui a publiquement dénoncé dans un communiqué la tentative de requalification des faits.

Placés sous contrôle judiciaire et « immédiatement » suspendus par le ministre de l’intérieur, Bruno Le Roux, les quatre agents de police de brigade spécialisée de terrain (BST) d’Aulnay-sous-Bois ont quant à eux désormais « l’interdiction d’exercer l’activité de fonctionnaire de police » et « l’interdiction de paraître en Seine-Saint-Denis ». Sur le déroulé de l’interpellation du jeune Théo, filmée par les habitants, les versions divergent cependant.

Le pantalon aurait… « glissé tout seul »

Quand les policiers sont arrivés sur place dans la Cité des 3.000, raconte un témoin dans Le Parisien, « ils ont giflé un petit. Par la suite, le petit Théo a voulu s’interposer pour défendre son pote (…) et les flics n’ont pas aimé. » « Il y a des échanges de mots mais on ignore ce qui se dit, complète une source proche de l’enquête dans Le Monde. Assez rapidement, les policiers font usage de gaz lacrymogène ».

Comment la matraque de l’un des policiers a-t-elle pu finir par pénétrer l’anus du jeune homme ? Eh bien les policiers affirment, rapporte toujours cette source proche de l’enquête, que le pantalon du jeune homme « semble glisser tout seul ». « Sur la vidéo, on voit un coup de matraque télescopique, à l’horizontale, vers la victime. Le coup traverse le caleçon, nous pensons que c’est celui-ci qui entraîne la blessure », conclut la source dans le quotidien.

Une version qui a provoqué ce lundi matin l’ironie outrée de Me Dupond-Moretti : « Il est contrôlé par quatre flics qui le battent, il y a du sang partout sur le mur, et on introduit dans l’anus de ce jeune homme une matraque (…), le pantalon baissé qui a dû tomber par hasard… ». Sur la tentative du Parquet de ne garder que la qualification de violences, l’avocat relève : « Tous ceux qui introduiront un objet quel qu’il soit dans le sexe ou dans l’anus pourront revendiquer qu’ils n’ont pas de visées sexuelles, et ils seront donc mis en examen pour violences, avis aux amateurs ! »

Outre cette blessure, Théo présente également des ecchymoses au visage et au niveau du crâne. Il affirme avoir été frappé au moment de son interpellation, de son menottage ainsi que dans le véhicule de police où les agents de la BST lui auraient de surcroît asséné des insultes à caractère raciste comme « bamboula » ou « négro ». Lorsque le policier a pris « sa matraque » et qu’il me « l’a enfoncée dans les fesses » (…) « volontairement » (…) j’ai cru que j’allais mourir » (…) mon pantalon était baissé, j’avais vraiment mal », a quant à lui confié Théo à ses avocats selon un document audio auquel à eu accès BFM. Un état de santé qui lui a d’ores et déjà valu soixante jours d’interruption totale de travail.

Ce week-end, l’affaire a provoqué de brefs incidents à Aulnay-sous-Bois : une voiture incendiée et une tentative d’incendie sur un bus. Un habitant s’est confié auprès de l’AFP : « C’est un vrai choc, comme on en a jamais connu à Aulnay ».

Source Mariane 06/02/2017

On line. Aulnay-sous-Bois : « Si les policiers nous attaquent, qui va nous protéger ? »

La marche en soutien au jeune homme, dont la famille n’est pas à l’initiative, va commencer. Il a été grièvement blessé à l’anus avec une matraque, jeudi dernier, lors d’une interpellation par quatre policiers. Depuis, trois d’entre eux ont été mis en examen pour violences volontaires en réunion, et un pour viol. Tous ont été suspendus.

Voir aussi : Rubrique Société, Les Flics refusent d’être fliqués, Enjeux politiques des quartiers populairesMontée de la violence policière, BAC : Les flics mis en examen, Démocratie après les attentats d’Oslo et d’Utøya, rubrique Justice, Les dictateurs en ont rêvé Sarkozy l’a fait, Lopsi 2 Le SM dénonce un fourre tout législatif, rubrique Politique, Société civile, rubrique International, Maintien de l’ordre exportation du savoir faire français, rubrique Livre L’ennemi intérieur de Mathieu Rigouste

Projets d’oléoducs : Trump repart en guerre contre les Sioux

C3GoIzQWIAAGBQBDonald Trump a signé le 24 janvier, quatre jours après son investiture, des décrets présidentiels visant à relancer deux projets d’oléoducs. Très controversés, les deux oléoducs Keystone XL et le Dakota Access ont fait l’objet d’une intense bataille politique entre les défenseurs du climat et les industriels des énergies fossiles. Tous deux avaient été suspendus par l’administration Obama.

C’est le 6 novembre 2015, après des mois d’actions non violentes et de batailles juridiques et administratives, que Barack Obama annonce l’abandon de la construction de l’oléoduc Keystone XL au nom, notamment, de la lutte contre les changements climatiques. « Transporter du pétrole brut plus sale jusque dans notre pays ne renforce pas la sécurité énergétique des États-Unis », fait alors valoir le président sortant. Porté par le consortium TransCanada, cet oléoduc doit transporter sur 1900 kilomètres le pétrole issu des champs de sables bitumineux de l’Alberta jusque dans le Golfe du Mexique.

« Nous allons renégocier certaines conditions et, s’ils les acceptent, nous verrons si nous pouvons le faire construire », a précisé Donald Trump à propos du projet Keystone XL. « Ce sont beaucoup d’emplois, 28 000 emplois, de super emplois dans la construction. » Ce décret « invite TransCanada à soumettre à nouveau sa proposition et ordonne aux agences [fédérales] de l’approuver sans délai ». L’objectif est « d’assurer une approbation rapide » du projet.

Une décision « irresponsable »

Le même processus est à l’œuvre dans le cadre du projet Dakota Access Pipeline. D’une longueur de 1800 kilomètres, ce pipeline, dont la construction est évaluée à 3,8 milliards de dollars abondés en partie par des banques françaises, menace des sites culturels ancestraux des Sioux et leurs sources d’eau. Depuis le 1er avril 2016, des tribus amérindiennes et des militants écologistes occupent un terrain privé, acheté 18 millions de dollars par la société exploitante. Au terme de neuf mois de résistance, ils ont obtenu le 4 décembre dernier le rejet du tracé initial, le gouvernement s’engageant à « entreprendre une étude d’impact environnementale complète » et à « étudier des tracés alternatifs » (voir ici). La construction du pipeline a donc été stoppée. Là encore, le décret signé par Donald Trump « ordonne aux agences d’accélérer leurs analyses et leur approbation de la portion restante de l’oléoduc, que la précédente administration a bloquée pour des raisons politiques ».

Le président de la communauté sioux de Standing Rock, Dave Archambault, avant son discours contre Dakota Access devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève, en Suisse, en septembre 2016. Photo : Reuters/Denis Balibouse

Le président de la communauté sioux de Standing Rock, Dave Archambault, avant son discours contre Dakota Access devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, en Suisse, en septembre 2016. Photo : Reuters/Denis Balibouse

Les Sioux de Standing Rock ont immédiatement dénoncé les nouveaux décrets signés par le président Trump. Dans un communiqué, ils réitèrent que leurs sources d’eau potable risquent d’être contaminées par le projet. Leur avocat a également déploré une décision « irresponsable », prise avec « trop d’empressement ». « Nous ne sommes pas opposés à l’indépendance énergétique. Nous sommes opposés à des projets de développement imprudents et motivés par des raisons politiques, qui ignorent nos droits issus de traités et menacent notre eau. Créer un deuxième Flint ne rendra pas l’Amérique plus grande. » Une référence au slogan de campagne de Trump – Make America Great Again – et à Flint, une ville de l’État du Michigan de 100 000 habitants, où l’eau potable a été contaminée au plomb après des coupes budgétaires.

Mardi soir, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés en signe de protestation, à New York et devant les grilles de la Maison Blanche. « Donald Trump n’est en fonction que depuis quatre jours et il se révèle déjà être une dangereuse menace pour le climat, comme nous le redoutions », réagit le directeur exécutif de l’ONG Sierra Club. « C’est un jour sombre pour la raison mais nous allons continuer le combat », souligne 350.org, fer de lance du mouvement contre les énergies fossiles. L’American Civil Liberties Union (ACLU), la puissante association de défense des droits civils, estime que la décision concernant le pipeline Dakota Access s’apparente à une « gifle » donnée par le président. Les Sioux de Standing Rock annoncent d’ores et déjà qu’ils engageront une bataille juridique contre ces décrets.

Sophie Chapelle

Source Basta 26/01/2017 lire également : Aux États-Unis, les Républicains légifèrent déjà pour réprimer durement les manifestations pacifiques

Voir aussi : Actualité Internationale, rubrique EcologiePolitique, Politique économique, rubrique International, société civile, rubrique Amérique du Nord Etats-Unis, Bilan quotidien des premières décisions Trump, La réponse de San Francisco, Fucking Tuesday,

Pour éviter la « destruction de la famille », la Russie dépénalise les violences domestiques

 La députée Olga Batalina à la tribune de la Douma défend le projet de loi dépénalisant les violences intra-familiales, le 25 janvier. La députée Olga Batalina à la tribune de la Douma défend le projet de loi dépénalisant les violences intra-familiales, le 25 janvier. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / AP

La députée Olga Batalina à la tribune de la Douma défend le projet de loi dépénalisant les violences intra-familiales, le 25 janvier. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / AP

Sous la pression du pouvoir et de l’Eglise orthodoxe, les députés ont voté un projet de loi qui allège les peines en cas de violences dans le cercle familial.

A une écrasante majorité, les députés russes ont adopté, mercredi 25 janvier, un projet de loi controversé visant à dépénaliser les violences commises dans le cercle familial. Le texte, voté en deuxième lecture avec 385 voix et seulement 2 contre, prévoit de commuer en peine administrative des actes de violence n’entraînant pas d’hospitalisation, mais considérés jusqu’alors comme un délit pénal passible de deux ans d’emprisonnement. « C’est un vote historique car, dans certains pays, le rôle de l’Etat dans la vie familiale dépasse toutes les bornes », s’est réjoui, en séance, le député Andreï Issaïev.

« Le pouvoir veut faire trois pas en arrière en dépénalisant complètement la violence et en retirant aux victimes leur seul mécanisme de protection », s’insurge un collectif de femmes qui appelle à une manifestation, le 4 février, dans un quartier nord de Moscou. Leur précédente tentative de rassemblement, sur la place Bolotnaïa – lieu de rassemblement des grands défilés de protestation contre la réélection de Vladimir Poutine durant l’hiver 2011-2012 – s’est heurtée à un cynique refus des autorités : « Pas assez de place pour 1 000 personnes », a affirmé la mairie.

Pression de l’Eglise orthodoxe

Féministes et défenseurs des droits de l’homme ne désarment pas pour autant et font valoir qu’en Russie, plus de 10 000 femmes meurent chaque année sous les coups de leur conjoint. Selon Svetlana Aïvazova, membre du conseil des droits de l’homme au Kremlin, qui s’appuie sur les statistiques officielles, 40 % des crimes graves, dont sont victimes en priorité des femmes mais aussi des enfants, se produisent en milieu familial.

Sous la pression du pouvoir et de l’Eglise orthodoxe, les promoteurs du projet, qui devrait être adopté définitivement le 27 janvier – une simple formalité – avant d’être promulgué par Vladimir Poutine, ont remis en cause l’introduction, en juillet 2016, de la notion de « proches » dans l’article 116 du code pénal russe relatif aux violences physiques. Ils jugeaient « discriminatoire » le fait que ces proches puissent être poursuivis pénalement alors que les auteurs d’agressions bénignes qui ne font pas partie du cercle familial relèvent du droit civil.

L’entrée en vigueur de cette disposition aurait pu « aboutir à ce que les parents consciencieux soient menacés de poursuites pénales, jusqu’à deux ans de prison, pour n’importe quel recours, même modéré et judicieux, à la force physique dans l’éducation des enfants », avait aussitôt réagi la commission des affaires familiales du patriarcat sur son site Internet.

En décembre 2016, interrogé sur ce sujet lors de sa conférence de presse annuelle, Vladimir Poutine avait lui-même répondu : « Il existe d’autres moyens d’éducation que les fessées mais bien sûr, il faut aussi rester raisonnable. » Aller trop loin dans l’interdiction, « c’est mauvais à la fin, ça détruit la famille », avait-il ajouté.

On se charge un peu et on va aux putes ? Non moi après,  je rentre à la maison mais c'est pareil et gratos ...

On se charge un peu et on va aux putes ? Non moi après, je rentre à la maison. C’est pareil et en plus c’est gratos …

Société « traditionnelle »

Une première mouture du texte, présentée en juillet 2016 par la sénatrice Elena Mizoulina – connue pour être à l’origine d’une loi contre la « propagande homosexuelle », pour ses positions conservatrices sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ou sa proposition de taxer les divorces –, mettait en avant la « préservation des valeurs traditionnelles familiales », dans la droite ligne des discours appelant à s’écarter des « valeurs occidentales ».

Dans la version actuelle, défendue par la députée Olga Batalina, l’exposé des motifs a été expurgé de ces éléments, mais aucune modification sur le fond n’a été introduite. Et le débat public a éludé le sort des femmes battues pour se concentrer sur le droit des parents à punir leurs enfants. « Les traditions russes ne reposent pas sur l’éducation des femmes par le fouet comme certains essaient de nous en convaincre », a toutefois fustigé le député communiste Iouri Sineltchikov, l’une des rares voix discordantes de la Douma, la chambre basse du Parlement russe.

Mais peu de victimes de violences domestiques finissent par porter plainte, et seulement 3 % des enquêtes ouvertes franchissent le seuil d’un tribunal. Parfois, la police n’intervient même pas. Fin novembre 2016, le pays s’était ému du cas d’une jeune femme morte sous les coups de son compagnon à Orel, dans la région d’Orlov, 360 kilomètres au sud-ouest de Moscou. Peu avant le drame, la victime avait appelé les secours, en vain.

Isabelle Mandraud (Moscou, correspondante)

Source Le Monde 25/01/2017

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