Nicolas Bourriaud : « Il faut disposer d’institutions qui ressemblent à leur territoire »

 La chute du mur de Berlin marque la fin de l’underground

Un an après sa nomination pour constituer le futur Centre d’Art contemporain de Montpellier (MoCo) et favoriser la propulsion de la ville au rang de capitale culturelle internationale, l’historien, critique d’art et fondateur du Palais de Tokyo Nicolas Bourriaud dresse un premier bilan d’étape.

 

Il ne vous a pas échappé que Montpellier n’a jamais décollé en matière d’arts plastiques ?

Cela faisait partie du challenge. Il est vrai que la réussite dans le domaine des arts plastiques n’est pas vraiment assise, mais en voyant l’ascension qu’a pu prendre Montpellier, notamment dans le domaine de la danse, j’avais aussi la certitude que ça pouvait fonctionner. C’est simplement une question de volonté politique. Il se trouve que j’ai trouvé la volonté politique dont ce type de projet à besoin.

Comment avez-vous appréhendé le territoire de cette ville métropole qui a perdu son statut de capitale régionale ?

A travers de multiples possibles. C’est depuis de Sète, où j’ai fait deux expositions au Frac que j’ai pu avoir une expérience de ce territoire qui m’apparaît d’une immense richesse. Il y a un autre aspect important, quasiment géopolitique, qui a participé à ma démarche. Dans la mesure où la France est, avec le Mexique, le seul pays au monde qui se pense dans une opposition entre la capitale et reste du pays. Cela m’a toujours semblé d’un anachronisme et d’une arriération absolument terrifiante. Cette division mental a tellement été intégrée par les Français qu’eux même n’arrivent plus du tout à envisager un autre type d’organisation du territoire. Je me suis attaché à un autre type de tension, beaucoup plus productif, qui serait une tension culturelle entre le Nord et le Sud.

Cette division se reproduit. D’autre grandes villes se pensent comme le centre du monde, dans le Sud, c’est le cas de Marseille…

C’est vrai, mais je pense que Montpellier a davantage d’atouts que Marseille pour devenir un pôle sudiste et une capitale culturelle. Parce qu’il y a ici une volonté politique affirmée et une véritable entente entre les acteurs culturels, ce qui n’est pas le cas à Marseille que je connais un peu. Il y a une vraie singularité à Montpellier que je trouve fort intéressante, c’est le côté déterritorialisé. C’est une ville de brassage, avec une immense population étudiante et des allers-retours permanents qui m’apparaissent comme une qualité cruciale au XXIe siècle.

Le pendant moins positif réside dans la difficulté à développer des projets dans la durée…

Il faut penser cette mobilité au départ du projet. En arrivant ici, je me suis tout de suite dit qu’il fallait proposer une construction horizontale et collaborative. D’abord dans la construction administrative il s’agissait d’éviter toute verticalité. Ces 20 ou 30 dernières années la recette pour monter un centre d’art contemporain reposait sur un appel fait à un grand architecte pour construire un bâtiment « marque » qui fasse image. Notre parti pris esthétique a rejoint une volonté politique. L’idée avec le MoCo était de savoir comment aménager et resituer les bâtiments existants. Ce qui me paraît beaucoup plus intéressant plutôt que faire la part belle à l’architecture nous allons donner la part belle à l’art. Ce sont les artistes qui contribueront à la requalification esthétique des bâtiment. Je suis convaincu qu’il faut aujourd’hui disposer d’institutions qui ressemblent à leur territoire, qui répondent à l’imaginaire ambiant. Je n’essaie pas de répéter ce qui se fait à Paris mais d’inventer quelque chose qui corresponde à l’imaginaire local.

Comment se sont produits les échanges avec les acteurs culturels montpelliérains ?

J’avais perdu un peu ce sens à Paris, où la compétition est tellement forte qu’elle finit par oblitérer l’idée de coopération, de collaboration, voire même de solidarité. J’ai eu ici des rapports très fructueux avec Christian Rizzo, Jean-Paul Montanari, Rodrigo Garcia, Numa Hambursin, Gilles Mora… C’est à mon sens une vraie qualité de la vie culturelle montpelliéraine parce que nous allons tous vers la même direction. Il en va de même avec l’Ecole des beaux-arts mais de manière différente puisque nous seront engagés dans le même bateau. Nous avons donc à repenser complètement ce que pourrait être une école d’arts en lien avec un lieu d’exposition.

N’en n’aviez-vous pas un trop mauvais souvenir après votre expérience parisienne ?

Ce ne sont pas les Ecoles d’Arts qui m’ont laissé un mauvais souvenir. Ce sont les réactionnaires, les corporatistes, et les paresseux qui peuvent parfois les peupler. Sinon, pour moi, la transmission de l’art est fondamentale : j’ai été professeur à l’âge de 23 ans et cela a toujours été une passion importante dans ma vie.

Une démarche que vous poursuivez à travers votre activité d’auteur. Sur quelle voie menez-vous vos lecteurs dans votre dernier livre The Exform pas encore disponible en français ?

C’est une réflexion sur la manière dont l’art depuis le début du XIXe siècle – les origines de la modernité picturale – concerne le déchet, le rejeté, le laissé pour compte. Je parle de Courbet notamment, qui fonde le réalisme quasiment sur cette question là comme un acte politique qui consiste à déhiéarchiser les sujets. Puis, cela devient une réflexion plus philosophique centrée sur Althuser et Walter Benjamin, sur cette notion que j’appelle l’exform qui est une forme prise dans un processus d’exclusion inclusion. Exclusion par la société, volonté d’inclusion par la représentation comme Manet qui peint des asperges ou Le Déjeuner sur l’herbe. Ce que justement la société ne voulait pas voir. J’essaie de faire une recherche généalogique pour comprendre comment se fait-il que l’art sublime le détritus, le rejeté.

Ce qui revient quelque part aux fondements ?

Oui, j’aime bien ça. Toujours le retour aux sources pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui.

L’ouverture du MoCo est prévue pour 2019. D’ici là, la Panacée ouvre un cycle d’expos, quels en sont les axes ?

Les axes de cette programmation vise à rendre compte des différentes lignes esthétiques qui émergent dans l’art contemporain. Il ne s’agit pas de proposer des thèmes autour d’une esthétique dominante mais, un peu comme Monet, de s’intéresser à la globalisation culturelle, de rendre compte de ses multiples problématiques. La chute du mur de Berlin marque la fin de l’underground. Maintenant tout est overground et même ce qui échappe à ça, trouve un moyen de se faire connaître. Cela implique de convoquer des capacités de navigation inédites pour s’adapter.

La première expo débute le 27 janvier. Elle s’intitule Retour à Mulholland Drive et propose d’explorer l’influence esthétique de l’univers lynchien sur les artistes contemporains internationaux. C’est un film énigmatique qui ouvre sur l’éruption du merveilleux.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Source ; La Marseillaise 21/01/2017

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Voyage sensoriel et redécouverte au Musée Fabre

Exposition Montpellier

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Voir autrement, c’est la proposition qui nous est faite au musée Fabre, avec l’Art et la matière qui s’ouvre par une galerie de sculptures à toucher. L’expérience est à vivre jusqu’au 28 mai 2017, elle permet aussi une redécouverte du fond.

« Ne pas toucher » est une des règles fondamentales qui s’applique dans les musées pour des raisons évidentes de conservation. Ainsi, il y a très souvent une bonne distance à maintenir entre l’œuvre et le visiteur. Il arrive parfois que le zèle préventif des gardiens vous gâche la visite. Le grand mérite de L’Art et la matière est d’aborder l’art d’une autre façon. Les yeux bandés, on effleure les œuvres que propose l’exposition du bout des doigts. Organisé autour de quatre sections, le parcours propose un dispositif tactile et des espaces d’interprétation multi-sensoriels, permettant au visiteur une découverte insolite de l’art au moyen de dix moulages de sculptures. Parvenu dans l’atelier du sculpteur (1), l’immersion s’avère complète. L’expo déplace le centre de gravité pour entrer dans le monde de l’intensité. L’exploration  de l’inconnu ouvre la voie au développement intérieur.

Suivre  les  lignes aveugles
Cette initiative de sculptures à toucher relève d’un concept unique proposé en France, en partenariat avec le muse?e du Louvre. Elle s’inscrit dans la politique d’accessibilité des différents publics et notamment des visiteurs en situation de handicap, qui constitue une des priorités du musée Fabre. « À travers cette nouvelle exposition, il s’agit de proposer une approche progressiste et citoyenne qui permet aux personnes aveugles ou malvoyantes de participer à l’exposition a? travers une expérience unique, intime et singulière. »

On sait l’inventivité qu’il faut aux conservateurs pour faire redécouvrir le fond souvent insoupçonné de leur musée. Dans l’élan de l’exposition l’Art et la matière, l’accrochage de photographies originales de Sophie Calle issues de la série Les Aveugles est une invitation évidente à prolonger la visite. Regarder la peinture,  pénétrer dans l’univers des formes et des couleurs qui incarnent la vision de chaque artiste, autant charnelle que spirituelle, est une chance dont les Montpelliérains pourraient profiter davantage. La privation temporaire de la vue produit comme une conscience nouvelle des sources infinies de ravissement et de délectation qui se trouvent à proximité. En peinture le musée Fabre propose un fond remarquable avec ses sections du XVII, XIXe et XXe siècles. A explorer en dehors des rushs dans les moments où les contingences et le temps n’ont pas d’emprise. On ne doit pas faire comme les touristes pressés ou les ministres en visite qui enfilent les salles du musée au pas de charge mais prendre son temps à chaque visite.

Ne faut-il pas saisir ces irrésistibles occasions d’appréhender la lumière de la transcendance. La peinture occidentale vise souvent à une pleine  domination du réel, l’expérience de la cécité démontre qu’elle peut être aussi un lieu de jonction avec une forme de lâcher prise. On peut aller au musée en se  limitant à une époque, un artiste,  une salle où une seule oeuvre. Il suffit parfois d’une lueur de lumière à une heure de la journée pour qu’un tableau ouvre son horizon. A l’heure où le Centre d’Art contemporain va se mettre en réseau avec le monde, le musée Fabre demeure un lieu de prédilection.  Un grand corps organique, au coeur qui bat.

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l (1) L’atelier du sculpteur, est un espace proposant une immersion par les sens. On entre dans l’univers sensible et particulier d’un atelier.

 

 

Une oeuvre au Musée .  «Aspasie» l’icône de Delacroix empreinte de sensualité

Aspasie E. Delacroix musée Fabre photo dr

Aspasie E. Delacroix musée Fabre photo dr

La perception de cette oeuvre nous introduit dans le monde intime de l’artiste. Delacroix semble avoir éprouvé un penchant particulier pour ce tableau resté dans son atelier jusqu’à sa mort et jamais exposé de son vivant. L’identité du modèle reste une énigme. Il est vraisemblable que le même personnage ait posé pour Mort de Sardanapale. On sait le désir de Delacroix de s’inscrire dans la lignée des maîtres tout en se permettant des audaces. Aspasie le confirme. « Delacroix bouleverse la notion de l’idéal féminin alors que la beauté sombre est à l’époque un thème uniquement littéraire ».

Le tableau exprime l’idée chère au Romantisme du rêve à travers une nouvelle image de la féminité, abandonnée aux charmes de la sensualité. L’artiste qui cède à maintes reprises aux charmes de ses modèles montre la femme portant un corsage blanc qui dévoile une poitrine généreuse et la patine de bronze de sa peau. Ses cheveux noirs se déversent sur ses épaules, alors qu’un de ses bras semble retenir la chemise. Ici s’opposent l’art classique et cette recherche de la couleur par les effets de matière. Le peintre oublie le lissé et le dégradé. On lit sur le travail de la chair, « sabrée de touches juxtaposées », aux teintes roses, bleues et mauves, le mélange optique qui sera le propre des Impressionnistes, cinquante ans plus tard. Le thème sera aussi traité, entre autres, par Bazille et Gauguin qui en fera une copie.

Source La Marseillaise 20/01/2017

Voir aussi :   Rubrique Art, rubrique Exposition, rubrique Montpellier

Un an d’arts sur les chapeaux de roues et parfois sur les jantes

Culture Languedoc


2016 fut une année de rebondissements dans le domaine des politiques culturelles impactées par la réforme territoriale. Cette rétrospective se concentre sur l’énergie artistique qui demeure et doit plus que jamais être défendue.

La chorégraphie restitue la dimension comique de l’oeuvre. Photo Marc Ginot

La boite à joujoux. Photo Marc Ginot

Janvier. Fondé sur les écritures contemporaines le festival Marseillais Actoral fait escale à Montpellier à l’invitation de Rodrigo García. Dirigé par Hubert Colas, le festival propose des rencontres inédites et surprenantes entre des auteurs, on retient notamment la performance du jeune chorégraphe croate, Matija Ferlin, celle de Anne-James Chaton à la Panacée et la rayonnante présence de Lydie Salvayre. A l’Opéra Comédie, l’ONM et Montpellier Danse s’associent autour de l’univers onirique de Debussy. Le chorégraphe Hamid El Kalmouse livre une version inédite de La boite à Joujoux.  Invité par la librairie Sauramps, l’auteur américain des Appalaches Ron Rash évoque son oeuvre de roc à Montpellier.

agnes-jaoui-j-ai-tres-envie-que-la-musique-fasse-partie-integrante-de-mes-films,M227098Février. Le Sonambule innove à Gignac avec un BD concert initié par le groupe rock Skeleton Band.  Au théâtre La Vignette à Montpellier la compagnie Moébus, s’attaque à la figure du bouc émissaire avec Pharmakos. Dans La brebis galeuse de Celestini donnée à Béziers et mis en scène par Dag Jeanneret à sortieOuest, Nicola superbement interprété par Christian Mazzuchini rêve de supermarchés merveilleux, de films intergalactiques, de chansons à la guimauve et de femmes dociles. La réalisatrice actrice et chanteuse, Agnès Jaoui interprète son dernier album Nostalgias au Théâtre de Sète.

3e volet de La France vue d’ici pour la 8e édition du festival sétois . Photo Patrice Terraz

3e volet de La France vue d’ici pour la 8e édition du festival sétois . Photo Patrice Terraz

Mars. La documentaliste néerlandaise Heddy Honigmann, le polonais Jerzy Skolimowski, l’algérien Farid Bentoumi, l’écrivain et réalisateur français Pascal Bonitzer, comptent parmi les invités du Festival de cinéma Itinérances d’Alès qui place le cirque et la musique au coeur de sa 34e édition. Quatre photographes chiliens tirent le portrait de Sète dans le cadre de la 8e édition du festival ImageSingulières. L’équipe célèbre les 30 ans de l’Agence VU à travers un coup de projecteurs sur sept grands photographes espagnols. L’Espagnol Alberto Garcia-Alix et le Suédois Anders Petersen confrontent leur regard. Au Corum, la mise en scène de l’Opéra Bouffe Geneviève de Brabant par Carlos Wagner reconduit sans mignardise l’immédiateté sensible d’Offenbach vers de nouvelles potentialités.

Marlène Monteiros Freitas

Marlène Monteiros Freitas « Jaguar »

Avril. Invité par Montpellier Danse, la chorégraphe Marlène Monteiros Freitas pose  ses valises pour une semaine à Montpellier. Ses figures du grotesque et son esprit subversif et sensible transpercent les murs. Elle  présente Jaguar, à La Vignette et Paradis au CDN hTh. Le plasticien brésilien Mauricio Oliveira fait étape à l’hôpital de Lodève où ses travaux sont exposés. Invitée par la librairie  L’Échappée belle, Patti Smith débarque à Sète pour une lecture de son dernier opus M Train qui dessine la carte de son existence. A Pézenas, la 17e édition du festival de chanson le Printival met à l’honneur la chanson francophone dans toute sa diversité.

L' Orchestre arabo-andalou de Fès

L’ Orchestre arabo-andalou de Fès

Mai. Le 11e festival Arabesques met en lumière la richesse des cultures arabes. Il débute avec la présence exceptionnelle de l’Orchestre arabo-andalou de Fès à l’Opéra Comédie. L’hypnotisante outiste syrienne Waed Bouhassoun, offre un superbe récital. Au Théâtre Jean-Claude-Carrière, elle chante des poèmes d’Adonis, Mansur al-Hajjal, d’al-Mulawwah, et d’Ibn Arabi sur ses propres compositions. Le thème des Vanités revu et corrigé par huit artistes contemporains donne lieu à une expo au musée d’Arts et d’archéologie aux Matelles. La Comédie du Livre de Montpellier convoque les meilleures plumes de l’Italie pour une édition ardente. A Sérignan, le Mrac pousse les murs avec la complicité de l’artiste contemporain, Bruno Peinado.

1376689_506_obj9181828-1_667x333Juin. Le Musée Fabre de Montpellier est à l’initiative d’une rétrospective internationale consacrée à l’une des figures majeures du pré-impressionnisme. L’exposition Frédéric Bazille,  la jeunesse de l’impressionnisme, est organisée avec le musée d’Orsay à Paris et la National Gallery of Art de Washington. Elle présente les travaux de ses contemporains (Delacroix, Courbet, Corot, Manet, Monet, Renoir, Sisley…). François Guérif est l’invité d’honneur du Firn à Frontignan à l’occasion des 30 ans de la collection Rivages/Noir. Autour du thème Mort de rire, cette 19e édition reçoit la participation exceptionnelle de quatre auteurs américains venant pour la première fois en France : Christa Faust, Daniel Friedman J. David Osborne et P.G. Sturges.

« Le Sacre du Printemps », une chorégraphie de Pina Bausch, interprétée par le Tanztheater Wuppertal Pina Bausch dans les Arènes de Nîmes.

« Le Sacre du Printemps », une chorégraphie de Pina Bausch, interprétée par le Tanztheater Wuppertal Pina Bausch dans les Arènes de Nîmes.

Aux Arènes de Nîmes, la chorégraphe Pina Bausch s’offre un triomphe posthume avec la reprise de Café Müller et  du  Sacre du printemps accompagnés par un orchestre de 100 musiciens. The Encounter, première française de l’auteur britannique Simon Mc Burney embarque le public du Printemps des Comédiens au fin fond de la forêt amazonienne pour y vivre une expérience onirique qui frappe à la porte du réel. Proposé par hTh, Nowhere, la performance en solo du  chef Marino Formenti, ouvre un espace musical urbain de sept jours où le temps s’abolit.

Albert Ibokwe Khoza dans une chorégraphe performance de Robyn Orlin

Albert Ibokwe Khoza dans une chorégraphe performance de Robyn Orlin

Juillet. Avec Du désir d’horizons présentée au Festival Montpellier Danse, Salia Sanou approche l’indicible et l’absurde condition de vie d’un camp de réfugiés. La rencontre inévitable entre le performer Albert Ibokwe Khoza et la chorégraphe sud africaine Robyn Orlin nous transporte dans la radicalité de l’histoire. La 26e édition du Festival de Thau qui mixe cultures musicales de la planète et conscience écologique affirme sa singularité. La programmation  s’affiche avec une forte présence africaine doublée d’une thématique sur les femmes engagées à l’image des Amazones d’Afrique. Cent poètes traversent les rives tels des prophètes de la paix, pour investir la ville de Sète à l’occasion du Festival Voix Vives en Méditerranée. Le Festival de Radio France défie la peur sur le thème Voyage en Orient, à l’instar de la soirée d’ouverture Mille et quelques nuits réunissant Lambert Wilson, Karine Deshayes, Michael Schønwandt et l’Orchestre national de Montpellier autour des secrets de Shéhérazade.

Ballake Sissoko & Vincent Ségal

Ballake Sissoko & Vincent Ségal

Août. Fiest’A Sète poursuit le défrichage des musiques du  monde associant fraîcheur et pertinence musicale inédites comme la rencontre entre le Libanais Bachar Mar-Khalife et la sublime Natacha Atlas où celle entre Ballake Sissoko & Vincent Ségal.

Patrick Boucheron aux Chapiteaux du livre

Patrick Boucheron aux Chapiteaux du livre

Septembre. A sortieOuest, la rentrée culturelle se fête en lecture avec Les Chapiteaux du Livre. Les auteurs invités à Béziers s’emparent de l’histoire contemporaine pour la mettre en débat, s’y retrouvent notamment Patrick Boucheron, Chloé Delaume, Jean-Hugues Oppel.

Au Cinemed Jo sol Antigone D'or 2016

Au Cinemed Jo sol Antigone D’or 2016

Octobre. Avec une vingtaine de films projetés, le Cinemed consacre cette année une large place à l’émergence cinématographique tunisienne. Présidé par Laetitia Casta, le jury  de  la 38ème  édition du Cinemed attribue le prix de l’Antigone d’or à Vivre et autres fictions  de Jo Sol.

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Hearing de Koohestani au Théâtre La Vignette

Novembre. Le pôle culturel de l’université Paul-Valéry et le Théâtre La Vignette reçoivent le dramaturge iranien Amir Reza Koohestani pour deux jours. Le Rockstore fête ses 30 ans. A cette occasion la salle de concert mythique de Montpellier concocte une programmation béton et éclectique sur un mois complet.

Dave Clarke I love Tecno

Dave Clarke I love Techno

Décembre. Laurent Garnier,   Dave Clarke, Ben Klock, Marcel Dettman… Les plus grands noms de la techno se retrouvent au Parc Expo de Montpellier pour I Love Techno Europe. Le cinéaste Costa-Gavras évoque la première partie de sa carrière à Montpellier à la Médiathèque Fellini.

Jean-Marie Dinh

Source La Marseillaise 30 /12/2016

Voir aussi ; Culture Hérault 2015 Rétrospective #2  Rubrique Théâtre, rubrique Festival, rubrique Cinéma, rubrique Artrubrique Photo, rubrique Danse, rubrique Exposition, rubrique Livres, Littératures, rubrique Musique, rubrique Politique culturelle,

Etrange et fabuleux voyage sur la planète de Ziggy Stardust

David Bowie séance de maquillage devant un miroir rond . Photo Mike Rock  Ecosse 1973.

David Bowie séance de maquillage devant un miroir rond . Photo Mike Rock Ecosse 1973.

L’exposition  Life On Mars  du photographe Mike Rock nous plonge en 40 clichés dans l’intimité de David Bowie entre 1972 et 1973, une période charnière de sa carrière qui voit naître le personnage de Ziggy Stardust. A découvrir en exclusivité Au Multiple à Toulouse jusqu’au 15 janvier 2017.

Sur la porte de l’immense hangar du Multiple, encore destiné il y a peu, au stockage des chars du carnaval de Toulouse, s’affiche l’image de Ziggy, icône absolue du glam rock. L’événement à quelque chose de surnaturel et d’étrange comme si le personnage avait choisi ce cadre industriel pour opérer son retour.

On apprend que cette exposition exceptionnelle organisée par Autantyk fut le fruit de plusieurs coïncidences. A l’origine, l’exposition devait se dérouler à Barcelone, mais la disparition prématurée de l’artiste le 10 janvier dernier,  en a décidé autrement. Une fois le contrat passé, Patrick Thaunay, producteur de l’expo qui développe différents projets sur le lieu, découvre que Serge Friand, un des artistes abrités au Multiple, se trouve être le président du David Bowie Fan club Toulouse.  Propulsé commissaire de l’expo, celui-ci s’implique à 200% dans le projet qui aura été monté en six mois. En partenariat avec le photographe Mike Rock, il contribue grâce aux perles de sa collection personnelle à rendre le parcours captivant.

 

IMG_2648Les mutations du personnage
Les photographies jamais montrées jusqu’alors s’intègrent dans une scénographie, signée Lorena Acin, inspirée du tournage  du  célèbre clip Life on Mars. Le 12 mai 1973, Mike Rock immortalise la scène,  Bowie y figure dans un impeccable costume bleu ciel avec chemise rayée noir et blanc et cravate à pois. « Ce qui est fantastique sur la période que couvre précisément l’exposition, c’est de suivre la création du personnage de Ziggy, explique Serge Friand, elle passe par trois étapes, il y eut d’abord, Major Tom, puis Starman et enfin Ziggy. »

Bowie présente pour la première fois son alter ego en juillet 1972 comme un messager humain d’une intelligence extraterrestre cherchant à transmettre à l’humanité, un message d’amour et de paix.  Face à l’étrange, on ramène naturellement l’inexplicable à des faits connus, à une expérience préalable et par là, au passé que l’expo rend  très palpable. Le cas d’une visiteuse de la première heure, dame sexagénaire, très émue de se trouver là en témoigne : « Moi et mon mari on a toujours été des fans de Bowie. Mon mari est mort mais je sais que ma présence ici est un cadeau pour lui. C’est formidable d’avoir la primeur à Toulouse

Mike Rock présent au Multiple de Toulouse pour l’exposition Life on Mars Photo France 3

Mike Rock présent au Multiple de Toulouse pour l’exposition Life on Mars Photo France 3

Parmi la dizaine de photographes ayant côtoyé Bowie, Mike Rock est son photographe attitré. Il suit l’artiste dans son quotidien. Ce que révèle un certain nombre de photos où l’on découvre la star en train de lire dans le train, téléphonant de l’Hôtel Plaza après son premier concert à New York, ou méditant entre deux concerts en Ecosse.

« David Bowie a été mon ami pendant 44 ans. Il a eu un impact énorme sur ma carrière et ma sensibilité, confie le photographe Mike Rock très proche de la star, il est aussi – à mes yeux – l’artiste le plus important de ma génération, un véritable révolutionnaire culturel. Il a changé tant de choses… Non seulement dans la musique, l’art, la mode… mais aussi dans la façon dont les gens se voient »  indique le photographe en ajoutant, « Bowie a donné aux hommes la possibilité de dévoiler une facette plus soft. Pas seulement dans leur sexualité mais aussi dans leur attitude sensorielle. Il a rendu l’androgyne beau. »

Le 3 juillet 1973, Bowie « tue » Ziggy sur la scène de l’Hammersmith Odeon, avant d’entamer un nouveau parcours vers Rock ‘n’ Roll Suicide et de nouvelles identités…

Jean-Marie Dinh

 

Autantyk favorise la place de l’Art dans les PME

 

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L’exposition, organisée par Autantyk se déroule au Multiple, une halle industrielle qui accueille toutes sortes de projets. Autantyk a pour mission de réinventer le monde des PME pour améliorer leur performance économique tout en privilégiant la collaboration et l’épanouissement au travail. La structure expérimente de nouveaux lieux et espaces de travail et accompagne des PME dans leur stratégie du changement et dans la mutualisation de moyens. « Nous décloisonnons le monde de l’entreprise avec l’environnement culturel et artistique, indique son directeur Patrick Thaunay durant les six mois de préparation de l’expo on a travaillé ensemble sans avoir un seul conflit. » Du grand art !

« Life on Mars  » de Mick Rock jusqu’au 15 /01/2017. Le Multiple 27 bis allée Maurice-Sarraut, Toulouse (31). De 10h à 19h30 tous les jours sauf les lundis et jours fériés. Informations :  http://www.lifeonmars.eu

Source La Marseillaise 10/12/2016

Voir aussi : Rubrique Exposition, rubrique Photo, rubrique Musique,

La culture Shadoks débarque au Miam

Les Shadoks : deuxième sérieLe Musée international des arts modestes met à l’honneur une des œuvres les plus originales du paysage audiovisuel français. Créés par Jacques Rouxel les Shadoks travaillent énormément pour porter sur le petit écran son goût pour l’absurde et sa fascination pour la machine.

C’est sous le signe de l’aventure artistique que s’ouvre la première grande expo consacrée aux Shadoks, à découvrir au Miam jusqu’au 6 novembre. Après Le manège enchanté, et Groland, Shadoks ! est la troisième exposition  du Miam à faire incursion dans le monde de la télévision considéré à juste titre comme un digne support  des arts modestes. C’est sans doute aussi la plus pertinente, tant l’idée de confier une fenêtre au cœur de la télévision d’Etat à un créateur s’est révélée féconde.

L’œuvre inclassable de Rouxel

Créateur de ces entêtants personnages, anthropomorphes mi-hommes mi-oiseaux Jacques Rouxel (1931 – 2004) est resté un auteur modeste et discret. D’une adolescence passée à New-York, il rapporte les leçons des comics  américains ; tout en se revendiquant d’Alphonse Allais et d’Alfred Jarry, Rouxel affiche à la fois un goût pour l’absurde et une fascination pour les machines. Son entrée au Service recherche de l’ORTF dirigé alors par Pierre Schaeffer, père de la musique concrète et de la musique électroacoustique, va faire le reste.

Jacques Rouxel, Author Of "The Shadoks" Cartoons On December 16Th, 1999 In Paris, France.
Le 29 avril 1968 à 20h30, en prime time dirait-on aujourd’hui, les Shadoks atterrissent sur le petit écran. Le format est court, 2 mn qui propulse les téléspectateurs dans un autre monde. Débarrassée de  tout le cérémonial habituel et notamment celui de la grand messe du JT de 20h les images diffusées ne sont pas du goût de tout le monde…

« Beaucoup de téléspectateurs outrés envoient des courriers à la chaîne. Certains critiques l’esthétique trouvant les personnages moches, d’autres s’en prennent à  l’esprit débridé qui annonce Hara Kiri et Charlie Hebdo, indique le commissaire de l’exposition Norbert Duffort qui a travaillé six mois à la préparation de l’événement. Enfant de l’Oulipo, Jacques Rouxel, était un type assez secret. Un peu comme Brassens, il se méfiait des médias. A l’époque, l’émergence des Shadoks, qui représentent une contre autorité au sein du projet de la télévision d’Etat fait polémique.  Mais Rouxel sera soutenu  par Malraux  qui défend l’initiative et les expériences originales susceptibles de répondre à des besoins nouveaux et dépasser les cloisonnements des administrations à travers le champ culturel. Schaeffer, le patron  de l’ORTF pousse dans le même sens. »

Si la visite de l’exposition du Miam démontre que les Shadoks n’ont pas pris une ride, elle ouvre aussi sur une question : Un projet aussi critique et avant-gardiste – non dénué de bon sens et de connotations politiques comme dans le message :  « Pour qu’il y ait le moins de mécontents possibles il faut toujours taper sur les mêmes » – trouverait-il une place aujourd’hui en prime-time dans les grilles de France-Télévision ? La réponse est non…

Les événements de mai 68 vont couper court à la diffusion des Shadoks qui s’interrompt avec la grève de l’ORTF qui dénonce la manipulation de l’opinion publique. Jacques Rouxel n’y participe pas parce qu’il n’est pas titulaire. En 1974 les Shadoks sont de retour et connaissent un succès croissant lors des trois premières saisons. En janvier 2000 Canal  + lance la série 4 qui  s’avérera peu concluante.

Un des intérêts de l’expo du Miam réside dans les documents originaux notamment les celluloïds qui révèlent l’influence exercée par le mouvement abstrait sur l’œuvre de Jacques Rouxel. La confrontation avec des œuvres d’artistes contemporains souligne quant à elle, que l’empreinte de sa  conscience malicieuse du monde peut être renouvelée.

JMDH

Source : La Marseillaise 01/07/2016

Voir aussi : Actualité Locale, Rubrique Exposition, rubrique Médias, rubrique Société,