Voyage sensoriel et redécouverte au Musée Fabre

Exposition Montpellier

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Voir autrement, c’est la proposition qui nous est faite au musée Fabre, avec l’Art et la matière qui s’ouvre par une galerie de sculptures à toucher. L’expérience est à vivre jusqu’au 28 mai 2017, elle permet aussi une redécouverte du fond.

« Ne pas toucher » est une des règles fondamentales qui s’applique dans les musées pour des raisons évidentes de conservation. Ainsi, il y a très souvent une bonne distance à maintenir entre l’œuvre et le visiteur. Il arrive parfois que le zèle préventif des gardiens vous gâche la visite. Le grand mérite de L’Art et la matière est d’aborder l’art d’une autre façon. Les yeux bandés, on effleure les œuvres que propose l’exposition du bout des doigts. Organisé autour de quatre sections, le parcours propose un dispositif tactile et des espaces d’interprétation multi-sensoriels, permettant au visiteur une découverte insolite de l’art au moyen de dix moulages de sculptures. Parvenu dans l’atelier du sculpteur (1), l’immersion s’avère complète. L’expo déplace le centre de gravité pour entrer dans le monde de l’intensité. L’exploration  de l’inconnu ouvre la voie au développement intérieur.

Suivre  les  lignes aveugles
Cette initiative de sculptures à toucher relève d’un concept unique proposé en France, en partenariat avec le muse?e du Louvre. Elle s’inscrit dans la politique d’accessibilité des différents publics et notamment des visiteurs en situation de handicap, qui constitue une des priorités du musée Fabre. « À travers cette nouvelle exposition, il s’agit de proposer une approche progressiste et citoyenne qui permet aux personnes aveugles ou malvoyantes de participer à l’exposition a? travers une expérience unique, intime et singulière. »

On sait l’inventivité qu’il faut aux conservateurs pour faire redécouvrir le fond souvent insoupçonné de leur musée. Dans l’élan de l’exposition l’Art et la matière, l’accrochage de photographies originales de Sophie Calle issues de la série Les Aveugles est une invitation évidente à prolonger la visite. Regarder la peinture,  pénétrer dans l’univers des formes et des couleurs qui incarnent la vision de chaque artiste, autant charnelle que spirituelle, est une chance dont les Montpelliérains pourraient profiter davantage. La privation temporaire de la vue produit comme une conscience nouvelle des sources infinies de ravissement et de délectation qui se trouvent à proximité. En peinture le musée Fabre propose un fond remarquable avec ses sections du XVII, XIXe et XXe siècles. A explorer en dehors des rushs dans les moments où les contingences et le temps n’ont pas d’emprise. On ne doit pas faire comme les touristes pressés ou les ministres en visite qui enfilent les salles du musée au pas de charge mais prendre son temps à chaque visite.

Ne faut-il pas saisir ces irrésistibles occasions d’appréhender la lumière de la transcendance. La peinture occidentale vise souvent à une pleine  domination du réel, l’expérience de la cécité démontre qu’elle peut être aussi un lieu de jonction avec une forme de lâcher prise. On peut aller au musée en se  limitant à une époque, un artiste,  une salle où une seule oeuvre. Il suffit parfois d’une lueur de lumière à une heure de la journée pour qu’un tableau ouvre son horizon. A l’heure où le Centre d’Art contemporain va se mettre en réseau avec le monde, le musée Fabre demeure un lieu de prédilection.  Un grand corps organique, au coeur qui bat.

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l (1) L’atelier du sculpteur, est un espace proposant une immersion par les sens. On entre dans l’univers sensible et particulier d’un atelier.

 

 

Une oeuvre au Musée .  «Aspasie» l’icône de Delacroix empreinte de sensualité

Aspasie E. Delacroix musée Fabre photo dr

Aspasie E. Delacroix musée Fabre photo dr

La perception de cette oeuvre nous introduit dans le monde intime de l’artiste. Delacroix semble avoir éprouvé un penchant particulier pour ce tableau resté dans son atelier jusqu’à sa mort et jamais exposé de son vivant. L’identité du modèle reste une énigme. Il est vraisemblable que le même personnage ait posé pour Mort de Sardanapale. On sait le désir de Delacroix de s’inscrire dans la lignée des maîtres tout en se permettant des audaces. Aspasie le confirme. « Delacroix bouleverse la notion de l’idéal féminin alors que la beauté sombre est à l’époque un thème uniquement littéraire ».

Le tableau exprime l’idée chère au Romantisme du rêve à travers une nouvelle image de la féminité, abandonnée aux charmes de la sensualité. L’artiste qui cède à maintes reprises aux charmes de ses modèles montre la femme portant un corsage blanc qui dévoile une poitrine généreuse et la patine de bronze de sa peau. Ses cheveux noirs se déversent sur ses épaules, alors qu’un de ses bras semble retenir la chemise. Ici s’opposent l’art classique et cette recherche de la couleur par les effets de matière. Le peintre oublie le lissé et le dégradé. On lit sur le travail de la chair, « sabrée de touches juxtaposées », aux teintes roses, bleues et mauves, le mélange optique qui sera le propre des Impressionnistes, cinquante ans plus tard. Le thème sera aussi traité, entre autres, par Bazille et Gauguin qui en fera une copie.

Source La Marseillaise 20/01/2017

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