La culture Shadoks débarque au Miam

Les Shadoks : deuxième sérieLe Musée international des arts modestes met à l’honneur une des œuvres les plus originales du paysage audiovisuel français. Créés par Jacques Rouxel les Shadoks travaillent énormément pour porter sur le petit écran son goût pour l’absurde et sa fascination pour la machine.

C’est sous le signe de l’aventure artistique que s’ouvre la première grande expo consacrée aux Shadoks, à découvrir au Miam jusqu’au 6 novembre. Après Le manège enchanté, et Groland, Shadoks ! est la troisième exposition  du Miam à faire incursion dans le monde de la télévision considéré à juste titre comme un digne support  des arts modestes. C’est sans doute aussi la plus pertinente, tant l’idée de confier une fenêtre au cœur de la télévision d’Etat à un créateur s’est révélée féconde.

L’œuvre inclassable de Rouxel

Créateur de ces entêtants personnages, anthropomorphes mi-hommes mi-oiseaux Jacques Rouxel (1931 – 2004) est resté un auteur modeste et discret. D’une adolescence passée à New-York, il rapporte les leçons des comics  américains ; tout en se revendiquant d’Alphonse Allais et d’Alfred Jarry, Rouxel affiche à la fois un goût pour l’absurde et une fascination pour les machines. Son entrée au Service recherche de l’ORTF dirigé alors par Pierre Schaeffer, père de la musique concrète et de la musique électroacoustique, va faire le reste.

Jacques Rouxel, Author Of "The Shadoks" Cartoons On December 16Th, 1999 In Paris, France.
Le 29 avril 1968 à 20h30, en prime time dirait-on aujourd’hui, les Shadoks atterrissent sur le petit écran. Le format est court, 2 mn qui propulse les téléspectateurs dans un autre monde. Débarrassée de  tout le cérémonial habituel et notamment celui de la grand messe du JT de 20h les images diffusées ne sont pas du goût de tout le monde…

« Beaucoup de téléspectateurs outrés envoient des courriers à la chaîne. Certains critiques l’esthétique trouvant les personnages moches, d’autres s’en prennent à  l’esprit débridé qui annonce Hara Kiri et Charlie Hebdo, indique le commissaire de l’exposition Norbert Duffort qui a travaillé six mois à la préparation de l’événement. Enfant de l’Oulipo, Jacques Rouxel, était un type assez secret. Un peu comme Brassens, il se méfiait des médias. A l’époque, l’émergence des Shadoks, qui représentent une contre autorité au sein du projet de la télévision d’Etat fait polémique.  Mais Rouxel sera soutenu  par Malraux  qui défend l’initiative et les expériences originales susceptibles de répondre à des besoins nouveaux et dépasser les cloisonnements des administrations à travers le champ culturel. Schaeffer, le patron  de l’ORTF pousse dans le même sens. »

Si la visite de l’exposition du Miam démontre que les Shadoks n’ont pas pris une ride, elle ouvre aussi sur une question : Un projet aussi critique et avant-gardiste – non dénué de bon sens et de connotations politiques comme dans le message :  « Pour qu’il y ait le moins de mécontents possibles il faut toujours taper sur les mêmes » – trouverait-il une place aujourd’hui en prime-time dans les grilles de France-Télévision ? La réponse est non…

Les événements de mai 68 vont couper court à la diffusion des Shadoks qui s’interrompt avec la grève de l’ORTF qui dénonce la manipulation de l’opinion publique. Jacques Rouxel n’y participe pas parce qu’il n’est pas titulaire. En 1974 les Shadoks sont de retour et connaissent un succès croissant lors des trois premières saisons. En janvier 2000 Canal  + lance la série 4 qui  s’avérera peu concluante.

Un des intérêts de l’expo du Miam réside dans les documents originaux notamment les celluloïds qui révèlent l’influence exercée par le mouvement abstrait sur l’œuvre de Jacques Rouxel. La confrontation avec des œuvres d’artistes contemporains souligne quant à elle, que l’empreinte de sa  conscience malicieuse du monde peut être renouvelée.

JMDH

Source : La Marseillaise 01/07/2016

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« Faut jeter l’art dans la piscine comme les taureaux »

Ubu

Théâtre. La 15 éme édition du festival itinérant et pluridisciplinaire des Nuits de la Terrasse propose Ubu d’Olivier Martin Salvan, pièce drôle au pouvoir libératoire.

L’oeuvre Ubu roi, traduction de la fantaisie utopique de Jarry sied parfaitement à Olivier Martin Salvan. Le comédien salué par deux fois aux Molière 2014 et 2015 vient de créer Ubu à Avignon et sera l’invité des Nuits de la Terrasse et del Catet du 28 au 30 juillet au Domaine de Ravanès à Thézan.

« Je cherchais un texte court à monter pour une quinzaine de dates à Avignon dans 15 lieux différents, Olivier Py m’a suggéré de lire Ubu sur la butte. Une trés bonne idée qui correspond à ma recherche après le Pantagruel de Rabelais et Artaud. C’est de l’art brut, avec une écriture directe. Je crois qu’on a besoin d’une écriture de vie, d’inventivité

Ubu sur la butte, est une adaptation d’Ubu roi en deux actes montée par Jarry en 1901 au Quat’z’arts. « A l’origine c’est un spectacle de marionnettes car à l’époque Jarry ne voulait plus entendre parler des acteurs. Il faisait des performances, il a vécu selon le principe du plaisir. C’était un grand torrent sexuel. Moi je ne sais pas si je suis un grand torrent sexuel mais je suis un grand torrent de vie, » rire.

L’un des grand symbole de l’utopie de Jarry n’a t-il pas été la relation d’un «nous» collectif avec le pouvoir, une volonté d’en rire mais aussi d’affirmer la cruauté des puissants que partage aussi Olivier Martin Salvan. « Le rire est un bon partenaire. Il permet de fissurer la carapace, de lâcher prise, tout ce qu’on demande aux spectateurs. Avec Ubu, on sent la cruauté de l’auteur, son souffle qui vous saisit mais c’est un peu comme au cirque, après le funambule perché tout en haut qui fait monter l’adrénaline, arrivent les clowns qui expulsent la tension du corps

L’esprit Jarry conforte Olivier Martin, – Il préfère l’appellation chef de troupe ou capitaine d’équipe à celle de metteur en scène -, dans l’exploration de tous les possibles. Rien n’est sacré… Et surtout pas le sport qui sert de terrain de jeu à cette adaptation d’Ubu. Un monde brutal, dans une compétition violente où l’énergie physique prédomine, le trône est vécu comme un podium, et les nations s’affrontent.

Et la politique ? « Quand je parle en province de culture pour tous, peu de monde s’y inteéesse. Il m’arrive souvent de dire, on ne va pas jouer dans votre théâtre on va jouer dans votre salle des fêtes. Des fois, faut jeter l’art dans la piscine comme les taureaux. Quand ça marche, tout le monde est mouillé. L’utopie moi j’y crois très fort ! »

JMDH

Source : La Marseillaise 25/07/2015

Les nuits de la Terrasse

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