La part de vérité des acteurs du PSU et leurs implications

Michel Perraud a présidé l’UNEF de janvier 67 à mars 68. Photo Rédouane Anfoussi

L’histoire du PSU par ceux qui l’ont vécue. Un travail passionné né d’une rencontre d’anciens militants à propos de la commémoration de mai 1968 réunit un collectif de vingt-trois auteurs dans une publication qui rouvre le débat. « Au Cœur des luttes des années soixante, les étudiants du PSU . Une utopie porteuse d’avenir ? » (éditions Publisud). Sous ce titre explicite, on découvre une mine d’informations et de témoignages  sur les rapports des ESU (Étudiants socialistes unitaires), de l’UNEF et du PSU (Parti socialiste unitaire).

Le PSU 1960-1989

Si diversifiée soit-elle, la représentation collective de l’histoire des années 60 retracée par les  auteurs* se rapproche de la pensée de Gramsci qui refusait dès les années 20 la tyrannie de la reproduction sociale et politique, conséquence d’un déterminisme marxisme réducteur. Le PSU créé en 1960 fonde principalement son action sur le combat pour la paix en Algérie et en est l’un des acteurs essentiels. Il incarne durant trois décennies la deuxième gauche qui se situait entre la SFIO social-démocrate et le PCF.

L’ouvrage parcourt les années soixante pour finir en 1971, année où les ESU quittent l’Unef et où Michel Rocard qui assumait la direction du Parti se trouve face à une forte opposition interne. En 1974 après le bon score de Mitterrand à la Présidentielle, les assises sont présentées comme la dernière étape du processus de reconstruction de la gauche non communiste autour d’une stratégie d’union de la gauche. Rocard choisit de rallier le PS pour se faire un profil d’homme d’Etat. En 1981, Huguette Bouchardeau qui dirige le Parti, est nommée ministre. Le PSU s’auto-dissout en 1989.

Les étudiants socialistes unitaires

Le PSU s’est appuyé sur la transformation (et la laïcisation) de la CFTC en CFDT. Il a défendu l’expérience autogestionnaire, en soutenant notamment les travailleurs de l’usine de Lip. Le livre donne un éclairage particulier sur les liens du Parti avec l’Unef.  Dans les années 60, ce sont en effet les étudiants du PSU, regroupés sous la bannière des ESU, qui se trouvent au cœur des luttes politiques contre l’impérialisme. Le Montpelliérain Michel Perraud qui présidait l’Unef de janvier 67 à mars 68 se souvient. « En 67 nous héritions d’une situation très difficile sur le plan politique et financier. Le ministère de l’EN nous avait supprimé les subventions, et les AGE (dirigées par la droite corporatiste) ne payaient plus leurs cotisations pour s’opposer à notre position internationale qui prônait la décolonisation. On mesurait la contradiction entre la fonction de gestionnaire (cités et restos U) et nos actions revendicatives. » Michel Perraud, co-auteur de l’ouvrage, souligne le rôle prédominant de l’Unef en mai 68. « L’engagement politique de l’Unef à l’époque nous a permis de mobiliser au-delà du périmètre d’influence des organisations politiques étudiantes, et d’engager une coordination avec la CGT, la CFDT et la FEN. »

Après la célébration du cinquantenaire de sa création en 2010, il importait de remettre en valeur le rôle du PSU où beaucoup d’hommes politiques français ont fait leurs classes. Cet ouvrage permet aussi de revenir sur l’histoire de l’Unef des années 60, quelque peu revisitée après la scission entre l’Unef et l’Unef ID. Enfin la situation que nous traversons actuellement avec des structures politiques qui apparaissent inadaptées aux urgences démocratiques, sociales et environnementales n’est pas si éloignée des problématiques politiques rencontrées naguère pour rompre avec l’impérialisme capitaliste. Le dialogue avec des acteurs d’hier, qui sont aussi témoins et acteurs de la réalité d’aujourd’hui, s’engage ce soir à la salle Pétrarque.

JeanMarie Dinh

Au Cœur des luttes des années soixante, les étudiants du PSU . Une utopie porteuse d’avenir ? éditions Publisud, 413 p, 32 euros

Ce soir à 18h Salle Pétrarque, Présentation et signature du livre. Avec Jacques Sauvageot, Luc Barret et Michel Perraud, tous trois anciens militants du PSU et dirigeants du syndicalisme étudiant.

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Education : Ce ne sont pas les chiffres qui comptent

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Ils étaient entre 400 et 600 personnes dans les rues de Montpellier hier matin pour dénoncer la sape du système éducatif et la nouvelle suppression de 16 000 postes annoncée pour la rentrée 2012. Le chiffre des manifestants peut paraître peu élevé par rapport à l’ampleur de l’enjeu. Mais cette résistance au projet gouvernemental qui concernait hier quatre vingt dix villes françaises, s’est ancrée en profondeur dans la pratique d’une majorité de citoyens.

Face aux attaques incessantes, directes ou détournées de la droite qui vise à livrer le système éducatif à une gestion privée de la maternelle à l’enseignement supérieur la mobilisation des Français est désormais continue.

Ce combat lancinant dure depuis des années, souligne le président de l’Unef Montpellier Gabriel Holard-Sauvy, et il se maintient pour réduire les suppressions. » Le massacre délibéré n’épargne plus beaucoup de monde. Chacun peut déjà mesurer à son endroit les répercutions néfastes de cette politique. Les études internationales démontrent que le système français figure parmi les plus inégalitaires. Si l’on ajoute à ce désastre les nouvelles coupes prévues on arrive à un système tout bonnement inopérant. Syndicalistes, enseignants, personnel de l’éducation, parents d’élèves, lycéens, étudiants, citoyens, se sont retrouvés autour de valeurs communes pour s’opposer aux conséquences catastrophiques d’une idéologie aveugle à l’avenir.

On l’a vu avec le mouvement contre la réforme des retraites, on le constate avec l’émergence des mouvements de désobéissance, ou l’engouement pour le livre d’Hessel, la résistance a manifestement gagné en conscience. L’attitude autiste du gouvernement qui méprise la voix du peuple, pousse celui ci à s’adapter. Si bien que ce n’est plus au nombre de personnes dans la rue qu’il faut évaluer la teneur du mouvement social mais à sa capacité de rallier les différentes couches de la société. Quand l’institution ne parvient plus à retenir les professeurs les plus investis quand la régression orchestrée par le gouvernement provoque la démission des recteurs et que les lycéens demandent des professeurs suffisamment qualifiés, il est plus que tant de parapher l’acte de décès d’une politique à courte vue.

Collectif L’éducation est notre avenir : « On sent que l’on a passé un cap au niveau du débat citoyen »

Le collectif « L’éducation est notre avenir », qui regroupe 25 organisations au côté d’une intersyndicale, se compose d’un équipage hybride déterminé à croiser le fer avec la piraterie gouvernementale. « On sent que l’on a passé un cap au niveau du débat citoyen, témoigne le secrétaire SDEN-CGT Julien Colet, regardez ce qui se passe en Tunisie, le pays maghrébin qui a le plus investi dans l’éducation renforce la démocratie. Ici, c’est tout le contraire on casse l’éducation pour la faire reculer. L’école n’est pas seulement l’affaire des enseignantsC’est l’affaire de tous. »

Pascal Lesseur secrétaire départemental SNUipp-FSU confirme : « Si tout le monde est là c’est qu’il y a le feu. On n’est pas d’accord sur tout mais on se retrouve pour dire que le système qui souffre déjà d’un lourd déficit de postes ne peut pas supporter cette nouvelle saignée. Dans le premier degré,  il nous manque actuellement 28 postes. On attend 700 élèves supplémentaires soit, au moins 15 postes en plus. Ce qui fait 43 postes alors que selon les chiffres communiqués une école du département sur dix devrait être frappée par une fermeture de classe. »

Les détails attendus dépendent du Comité Technique Paritaire Départemental (CTPD) opportunément reporté au 5 avril, pour que les candidats UMP aux cantonales n’en subissent pas trop les contrecoups. Une pratique que Delphine Powaga (FCPE) estime scandaleuse. Et la représentante des parents d’élèves de souligner : « Les moyens alloués à l’école doivent être considérés comme un investissement, pas comme un déficit supplémentaire. Il faut favoriser la scolarité à deux ans et réduire les effectifs. Les professeurs font de plus en plus d’heures supplémentaires sans être remplacés. Tous les élèves doivent avoir des profs qualifiés. »

Pour le secrétaire départemental du SNES Bernard Dufour, cette première journée tient lieu de tour de chauffe. « L’intérêt citoyen du collectif tient à la largesse de sa composition. Il est temps de poser la question de l’éducation au niveau politique. A la rentrée on va retrouver la réforme des lycées avec la volonté gouvernementale de regrouper les scientifiques et les littéraires qui n’ont pas le même profil. Dans l’Académie on attend 62 000 élèves en plus dans les lycées et 2 270 pour les collèges. Compte tenu des suppressions de postes prévus, on arrive à des effectifs qui atteindront 38 à 40 élèves par classe. C’est simplement ingérable.

Visiblement, le contre-feu allumé par Luc Chatel sur les rythmes scolaires ne trompe plus personne.  » Une franche rigolade, indique Pascal Lesseur, C’est une question importante. Mais dans la bouche du ministre tout le monde s’attend à un nouveau tour de passe passe. La vraie question c’est : A quoi doit servir l’école ? On y répond et ensuite on met les moyens. Le gouvernement part de la démarche inverse. »

Ce débat sur le rythme scolaire apparaît comme une grossière diversion aux yeux de la FCPE :  » Les parents sont pour une amélioration du rythme scolaire mais ce débat dure depuis 20 ans et il ressurgit d’un coup, souligne Delphine Powaga Nous ne sommes pas dupes. Sous couvert du bien vivre des enfants le gouvernement veut faire des économies en transférant les activités culturelles et sportives aux collectivités locales. »

Les prochains rendez-vous auront lieux dans les établissements entre collègues enseignants, dans les Conseils d’établissements avec les parents, dans les Académies pour que les recteurs ne cautionnent plus cette dérive, et avec les politiques pour qu’ils se positionnent. A n’en pas douter, l’éducation devrait tenir une place prépondérante dans les prochaines échéances électorales.

Jean-Marie Dinh (L’Hérault du Jour)

Voir aussi : rubrique Montpellier mobilisation lycéenne La détermination des lycéens ne faiblit pas,  La force de la liberté s’engouffre dans la ville, rubrique  Education Réforme des lycées le diable est dans les détails, Réforme des lycées une mauvaise copie pour le FSU , Rapport de la cours des comptes, Comment achever l’éducation NationaleSympa le logiciel du ministère allergique à la fusion, rubrique Justice, Base élèves invalidé par le Conseil d’Etat,

Tunisie Algérie : la jeunesse se mutine

La Tunisie en flammes

L’émeute et le suicide sont devenus les modes d’expression privilégiés du malaise maghrébin. Depuis trois semaines, la Tunisie est en proie à une agitation multiforme, qui a débuté par le geste de colère et de désespoir d’un jeune diplômé chômeur, qui s’est immolé par le feu à Sidi Bouzid, et affecte désormais tout le pays et plusieurs secteurs de la société : avocats, lycéens, qui ont violemment manifesté vendredi à Tala (ouest) et à Regueb (centre), où cinq manifestants auraient été blessés. En Algérie, c’est une brutale hausse des prix de plusieurs denrées de base qui a jeté la jeunesse dans la rue depuis le début de la semaine. Après une pause dans la matinée, les troubles ont redémarré vendredi après-midi à Alger, Oran (ouest) et Annaba (est), forçant le pouvoir à une réunion d’urgence samedi pour étudier les moyens de juguler l’inflation.

1983 en Tunisie, 1988 en Algérie : les émeutes du pain avaient déstabilisé les pouvoirs en place, entraînant, en Tunisie, un «coup d’Etat médical» de Ben Ali contre Bourguiba quatre ans plus tard, et en Algérie, une démocratisation mal maîtrisée, qui a mené les islamistes du FIS aux portes du pouvoir et le pays à la guerre civile. Ces deux nations, dont la taille, l’histoire et les économies ne sont pas comparables, partagent pourtant deux points communs de taille : des systèmes politiques autoritaires et sclérosés et une jeunesse pléthorique et sans espoir. C’est aussi le cas du Maroc et de l’Egypte et de telles explosions sociales y sont tout à fait possibles, voire probables. Paralysées, l’Europe et la France, sont restées quasiment muettes depuis le début de cette crise. Seuls les Etats-Unis ont convoqué, vendredi, l’ambassadeur tunisien pour lui faire part de leur «préoccupation» et lui demander que soit respectée la «liberté de rassemblement».

Les raisons de la colère

En Tunisie, c’est le geste de Mohamed Bouazizi qui a mis le feu aux poudres. Ce diplômé chômeur de 26 ans, dont la famille est étranglée par les emprunts, s’est immolé par le feu, le 17 décembre, devant la préfecture de Sidi Bouzid après la confiscation de la marchandise qu’il vendait à la sauvette. Grièvement brûlé, il est mort mardi. Chômage, absence d’emploi et de perspective d’avenir, mépris des autorités qui ont refusé de le recevoir : le cas Bouazizi a ému les habitants de Sidi Bouzid et fait des émules. La violence de la répression policière a alimenté la colère de la jeunesse : une semaine plus tard, la police tuait deux manifestants à Menzel Bouzaiane (dans le centre du pays). Des avocats qui entendaient manifester leur solidarité ont été violemment battus le 28 décembre. D’où la grève générale de la profession observée jeudi. Depuis une semaine, ce sont surtout les lycéens qui entretiennent la flamme de la contestation.

En Algérie, une hausse brutale des prix des denrées de première nécessité (23% pour les produits sucrés, 13% pour les oléagineux, 58% en un an pour la sardine) a entraîné des troubles à Oran, puis en Kabylie et à Alger. Le rituel de l’émeute sociale n’est pas nouveau en Algérie, mais ce qui l’est, c’est la simultanéité et l’ampleur des troubles.

Qui se soulève ?

En Algérie, comme dans le reste du Maghreb, ils sont ceux qu’on appelle «les diplômés chômeurs». En Tunisie, le taux de chômage des jeunes diplômés, officiellement de 23,4%, frôlerait en réalité les 35%. En Algérie, le même indicateur toucherait plus de 20% des jeunes diplômés, très loin des 10% officiels. Au Maroc, où le mouvement des diplômés chômeurs est institutionnalisé depuis plus d’une décennie, six d’entre eux ont d’ailleurs tenté de s’immoler devant le ministère du Travail, à Rabat, dans les jours qui ont suivi l’affaire de Sidi Bouzid. L’effet de miroir et de contagion est désormais facilité par Al-Jezira, la chaîne arabe d’information qui a supplanté les chaînes françaises.

Entre les lycéens tunisiens, qui sont devenus le moteur de la mobilisation, et la jeunesse pauvre d’Alger s’attaquant à une bijouterie dans le quartier chic d’el-Biar, ce sont, en fait, tous les jeunes qui sont en ébullition. Pas étonnant dans des pays où les moins de 20 ans représentent près de 50% de la population, alors qu’ils sont dirigés (à l’exception du Maroc) par des hommes nés entre les deux guerres.

Spécificité tunisienne, la révolte a touché d’autres couches comme les avocats, au nom de la défense des libertés publiques. C’est dans ce pays que la liberté d’expression a été la plus caricaturalement réprimée, ajoutant au sentiment d’étouffement de toute la société.

Des régimes autoritaires et corrompus

Le produit intérieur brut algérien a triplé au cours des dix dernières années. Résultat : dès 2005, l’Algérie rattrapait la Tunisie en terme de PIB par habitant, dépassant même largement le voisin marocain. Mais la bonne fortune de cette performance ne tient qu’en un mot : hydrocarbures. Avec à la clé un énorme bémol sur ce qui pouvait ressembler à un rattrapage économique. Car quand un pays à du pétrole et du gaz à revendre, il ne cherche pas forcément à développer son tissu industriel. «Et c’est exactement ce qui s’est passé en Algérie, note un universitaire local sous couvert d’anonymat. Certes les émeutes peuvent s’expliquer par la hausse des prix des matières alimentaires de bases, mais le malaise de notre société a des racines bien plus profondes.» En effet, le pouvoir algérien a mené de 1992 à 1999 une «sale guerre» pour éradiquer l’islamisme dans laquelle ont péri 100 000 à 200 000 personnes. Mais la fin des Années de plomb ne s’est pas accompagnée d’une ouverture politique : au contraire, les élections sont truquées comme jamais ; la rue est gérée à la trique, et les islamistes – tant qu’ils désertent le champ politique – sont libres de dicter leurs vues à la société. Pendant ce temps, le pouvoir et la richesse nationale restent confisqués par la petite clique politico-militaire qui dirige le pays, comme l’a révélé le scandale de la Sonatrach, qui a éclaté il y a un an et a conduit à la démission du ministre du Pétrole, un proche de Bouteflika.

En Tunisie, les frasques et l’avidité de la belle-famille de Ben Ali font les délices des télégrammes américains – qui parlent d’un Etat «quasi-mafieux» – révélés par WikiLeaks. Elles amusent moins les Tunisiens, qui touchent du doigt les limites du «miracle» qu’on leur chante tous les jours dans les médias officiels. La presse indépendante n’existe plus, et les partis d’opposition ont été réduits à des clubs privés qui passent leur temps à tenter de se réunir. Désormais, le seul espace de liberté est Internet : c’est sur Facebook que se passe la mobilisation lycéenne, et c’est sur la Toile qu’une «cyberguérilla» – emmenée par un groupe nommé les Anonymes – attaque les sites gouvernementaux. D’où les arrestations de blogueurs (dont celles de Slim Amamou et El Aziz Amami) qui se multiplient depuis jeudi.

Même le Maroc, le pays où les libertés sont les plus importantes au Maghreb et celui où les partis ont un vague rapport avec la réalité, est en pleine régression démocratique. La vie politique est gérée depuis le palais, qui contrôle aussi l’essentiel du secteur privé.

Des pouvoirs sans projet

En Algérie, l’après-pétrole se fait toujours attendre. Craignant que les investisseurs étrangers ne fassent main base sur le tissu économique local, Alger a promulgué du jour au lendemain l’année dernière une nouvelle loi interdisant à tout étranger de posséder plus 49% d’une entreprise locale. «Du jour au lendemain nous avons assisté à un effondrement des investissements étrangers, comme si tout le monde craignait subitement un retour à une économie totalement administrée», explique un universitaire algérois.

La Tunisie, elle, souffre d’un excès de main-d’œuvre qualifiée, qui ne demande qu’une chose : un travail en relation avec sa formation, souvent au rabais. La Tunisie à certes réussi à développer des secteurs comme le tourisme ou encore le textile et la confection. Mais cette stratégie initiée pendant les années 70 est dans l’impasse. Elle révèle surtout à quel point le pays n’a pas su monter en gamme, pour rompre sa trop forte dépendance aux commandes européennes.

Christophe Ayad Vittorio de Filippis (Libération)


Qu’il y a-t-il sous la burqa ?

Sous la burqua l'érotisme. Magritte 1934.

Puisque le Président de la République a décidé, pour séduire l’électorat FN, de faire de la loi sur la burqa un des éléments majeurs de l’année écoulée (ce qui n’est pas le cas), essayons d’aller un peu plus loin, pour voir ce qu’il y a sous elle (en tout bien tout honneur).

Toutes les sociétés ont essayé de réglementer la sexualité des femmes, et l’origine de cette obsession réside dans le fait que l’association « virginité avant le mariage/fidélité après le mariage » constitue une garantie de la paternité non adultérine des enfants, avec les conséquences que cela impliquait sur les transmissions des patrimoines –d’où la tolérance bien plus grande envers la sexualité des hommes, et une exigence sociale bien plus grande envers la pudeur des femmes qu’envers celle des hommes.

Remarquons d’abord que la seule virginité vérifiable (mais aussi la seule susceptible de garantir l’origine de la paternité des enfants) est la virginité vaginale, et que les femmes, musulmanes ou pas, ont toujours fait preuve d’assez d’imagination pour contourner cet interdit par d’autres pratiques sexuelles, qui se trouvent ainsi encouragées.

Notons aussi que si la religion a toujours été l’outil essentiel du contrôle de la sexualité féminine, elle n’en a pas été la seule : dans la société laïque française d’une bonne partie du XXe siècle, l’adultère était jugé comme une faute pénale (jusqu’en 1975), mais l’homme n’était puni que si sa maîtresse habitait au domicile conjugal, et la peine encourue était la prison pour la femme, et une simple amende pour l’homme.

On peut émettre l’hypothèse que le succès et la pérennisation de ce qui n’était, à son origine, qu’un système de sécurisation du patrimoine familial ne sont dus qu’au fait qu’ils ont rencontré un ressort psychologique profond, tout aussi universel, des hommes et jamais avoué : la hantise de la performance sexuelle peu brillante, ne permettant pas aux femmes d’atteindre l’orgasme.

Et si l’on considère que le but de toutes les « normes » sexuelles, c’est de nier le droit féminin au plaisir sexuel et à l’orgasme, qui serait l’apanage des hommes, bien de choses s’éclairent.

L’association « virginité avant le mariage/fidélité après le mariage » constitue une garantie de l’inexpérience sexuelle de la femme, et de son incapacité à faire des comparaisons qui risqueraient d’être peu flatteuses : comment se plaindre de l’absence de ce dont on ignore la possibilité et l’existence ? Quelle meilleure garantie, pour les hommes aux performances modestes, que le fait que leur femme s’imaginera que c’est ce qu’on peut faire de mieux ?

Comment expliquer la pratique de l’excision clitoridienne autrement que comme une tentative de supprimer la possibilité et le droit des femmes à l’orgasme, et son acceptation par les mères par leur refus inconscient que leurs filles connaissent ce qui leur a été interdit, ce qui serait perçu comme trop injuste ?

Comment comprendre autrement la promesse faite aux kamikazes musulmans des « 72 vierges qui les attendent au paradis » (notons, au passage, qu’on a l’air de batifoler davantage dans le paradis coranique que dans le paradis chrétien…), alors que l’homme sûr de lui préfèrerait sans doute des femmes sexuellement expérimentées à des vierges novices ? Et l’absence de promesse équivalente pour les femmes kamikazes ? Et qui ne voit que si, par extraordinaire, l’Islam décidait d’accorder aux femmes l’égalité des droits au plaisir sexuel, ce ne serait pas la promesse de « 72 puceaux » qui serait la plus enthousiasmante ?

Et l’on touche ici au point faible du « système » : en préférant l’inexpérience sexuelle féminine aux plaisirs plus risqués, mais plus riches de l’expérience sexuelle féminine, l’homme ampute aussi sa propre sexualité, préférant la sécurité à l’exploration et l’innovation : plutôt la burqa que le Kama-Soutra.

Lutter contre les limitations imposées à la sexualité féminine, c’est aussi lutter pour une sexualité masculine moins frileuse : la burqa n’est que la manifestation extrême de la peur que les femmes inspirent aux hommes, et sa disparition traduirait davantage l’émancipation sexuelle de l’homme qui l’impose que celle de la femme qui la subit.

Par ailleurs, la nature fait bien les choses : tout interdit sur la sexualité se transforme automatiquement en source de sensualité supplémentaire (au point que certains ont pu soutenir que le charme suprême de la sexualité — d’autres diraient de la perversion sexuelle — consiste à braver des interdits). On connaît des tas de romans du début du XXe siècle, où des hommes décrivent l’état de pâmoison dans lequel les avait plongés une cheville entr’aperçue d’une femme lorsqu’elle montait dans un tram… Il y a dans la burqa un côté sensuel un peu cérébral (mais, dans l’espèce humaine, l’érotisme, c’est le cerveau, et rien que le cerveau) de pochette-surprise : que va-t-on découvrir en la retirant ?

Elie Arié

Voir aussi : Rubrique Sciences Humaines Sarkozy anatomie d’un passage à l’acte, Psychanalyse un douteux discrédit, rubrique Société La question religieuse dans l’espace social, La position de LDH dans le débat sur la burqua, rubrique Rencontre Bernard Noël je n’ai jamais séparé le politique de l’érotique ou de la poésie

London Calling

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De violents incidents — filmés en direct par les télévisions en continu — ont éclaté jeudi en milieu d’après-midi à Londres entre policiers et manifestants mobilisés contre la hausse des droits d’entrée à l’université, faisant plusieurs blessés de part et d’autres, selon les reporters de l’AFP et la police. Scotland Yard a annoncé dans un communiqué que deux officiers avaient été blessés, dont un grièvement au niveau de la nuque après avoir été frappé. Le deuxième homme appartenant à la police montée a été hospitalisé avec des blessures aux jambes. Selon des témoins, il est tombé de sa monture qui l’a piétiné, après une charge. Par ailleurs, plusieurs étudiants sont sortis d’échauffourées le visage ensanglanté, après une intervention des policiers armés de matraques qui tentaient d’empêcher les manifestants de gagner le Parlement où les députés débattaient d’un projet de loi sur les frais d’inscription à l’université.

« Fuck the police »

Avant d’être évacué pour subir des soins, Julyan Phillips, 23 ans, étudiant au Goldsmiths College de Londres, a déclaré à l’AFP, le crâne en sang: «J’étais sur la ligne de front, j’ai marché jusqu’au cordon de police, mains derrière le dos, pour leur expliquer que leur encerclement était amoral et inhumain». «Des types poussaient des barrières métalliques tout à côté, mais un policier a préféré me taper sur la tête», a-t-il ajouté. Des manifestants ont tenté en vain de renverser des barrières placées autour du Parlement. D’autres ont peint des slogans «policiers enc….» et «éducation pour les masses» sur la statue de l’ancien Premier ministre conservateur et chef de guerre Winston Churchill, située en face de la Chambre des Communes. Plusieurs fumigènes ont été lancés depuis les rangs des manifestants en direction de la police, qui avait du mal à contenir la foule. De nombreux étudiants brandissaient des pancartes demandant: «Supprimez les frais universitaires et les coupes budgétaires».

Mise en garde

londres-parlementDes milliers de personnes participaient à cette manifestation estudiantine, la quatrième organisée à Londres en un peu plus d’un mois. Les forces de l’ordre avaient mis en garde contre une répétition des violences survenues en marge de précédentes mobilisations estudiantines. Les députés doivent voter en fin d’après-midi le projet gouvernemental visant à relever le plafonnement des droits d’entrée à l’université, qui seraient portés d’ici 2012 de 3.290 livres (près de 4.000 euros) à 9.000 livres par an, «dans des circonstances exceptionnelles».

Les débats parlementaires étaient houleux, les libéraux-démocrates, partenaires clefs de la coalition gouvernementale aux côtés des conservateurs, faisant face à une rébellion de leur base.

AFP

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