Jean-Luc Mélenchon : « Convaincre les masses d’entrer dans le combat »

Jean-Luc Mélecnhon dans les locaux de la Marseillaise. Photos LM

Ecologie, Europe, candidature unique… Entretien avec Jean-Luc Mélenchon, le candidat de la France insoumise à la Présidentielle.

Colonne vertébrale du projet, la planification écologique est un sujet qui a progressé dans la société depuis 2012. Cependant, elle fait toujours débat à gauche ?

En préambule, je voudrais dire que si nous avons une dette à l’égard du mouvement écologique, c’est l’entrée en lice de notre famille politique qui a modifié la façon avec laquelle le sujet a pénétré le débat en France. A partir du moment notamment où les organisations de salariés ont pris conscience de cet enjeu vital pour la survie de l’humanité. Au point que, en mars 2012, nous avons pu organiser une première réunion des entreprises en lutte avec des solutions écologiques pour sortir de leur crise et renforcer l’emploi. Pas assez remarqué à l’époque, cet événement a été, pour moi, fondateur. A partir de là, toutes les luttes sociales, surtout les luttes industrielles, ont pris un axe nouveau, intégrant le paramètre de la responsabilité écologique de la production. Cela a permis de décloisonner socialement la préoccupation écologique.

Et du point de vue idéologique ?

Les choses ont été aussi spectaculaires pour tout une partie du courant progressiste qui avait, pendant de nombreuses décennies, confondu le développement des forces productives avec le progrès. Nous avons élargi le champ de la critique intellectuelle au contenu de la technique que nous avions tendance à juger spontanément bonne. Cela ne veut pas dire que nous pensons que la technique est dangereuse pour l’avenir. Au contraire, la transition écologique se présente d’abord comme un défi technique pour l’outil de production industriel. Pour mettre des parcs d’éoliennes en mer, couler des hydroliennes, en se cantonnant à la partie maritime du projet, c’est de la métallurgie, de la sidérurgie, ce sont des navires de service à construire et ce sont des milliers d’ingénieurs, de techniciens, d’ouvriers… à mettre en mouvement.

Sur le plan idéologique, c’est l’intuition fondamentale du communisme qui est vérifiée par le défi de la crise écologique : il y a des biens communs et leur destruction détruit l’humanité elle-même. De même pour l’intuition républicaine -?nous sommes bien tous semblables puisque nous dépendons tous du même écosystème?- ou encore l’intuition socialiste qui est qu’on ne s’en sortira pas autrement que tous ensemble.

Il y a donc dans la situation que nous vivons, une vérification des fondamentaux de notre regard sur le monde. Ce qui est extraordinaire et doit être pris avec enthousiasme même si, sur le fond, c’est une catastrophe qui menace la civilisation elle-même. Ce que j’ai donc à dire à mes amis, c’est « reconsidérez la situation non pas à partir de la lettre de ce qu’ont été nos idées durant plusieurs décennies, mais de partir de l’esprit qu’elles portaient. Et vous verrez alors que vous êtes écologistes ».

Et le nucléaire qui ne fait pas non plus consensus ?

Il faut continuer à chercher à convaincre, mais en même temps il faut savoir trancher. Dans le Front de gauche, nous étions partisans d’un référendum car la question traversait toutes nos familles politiques. Depuis, il y a eu Fukushima et je considère que même si pendant 40 ans, voire plus, les salariés du nucléaire ont réussi à nous garantir un haut niveau de sécurité, ce n’est plus le cas. Non seulement parce que leur situation a été précarisée de manière dangereuse, mais parce que les installations ont vieilli et que le grand carénage coûterait plus cher que le passage aux énergies alternatives. J’estime de plus que le danger est particulier en France parce que nous ne sommes pas indépendants au niveau de la fourniture, l’uranium, et parce que les installations ont été implantées dans des endroits névralgiques qui créent des situations de sur-danger. Donc, ma décision est prise. On arrêtera les réacteurs qui doivent être arrêtés, ceux qui arrivent en fin de vie à 40 ans pendant le prochain quinquennat et on sortira du nucléaire aussi vite que possible. Mon appel est un appel à la mobilisation générale des ingénieurs, des techniciens et de la population. Le problème des emplois ne se posera pas, le recyclage de la totalité des gens qui travaillent pour le nucléaire se fera dans le démontage de ce nucléaire qui prendra au moins 20 ans, et dans les nouvelles énergies.

Un mot sur Nexcis que vous aviez soutenu à Rousset durant son conflit avec EDF ?

C’est le résultat de l’hyper-concentration de la décision dans EDF. Cela aboutit à des aberrations telles que l’investissement sur Hinckley Point qui est antinational et va peut-être couler EDF à cause du poids qu’il fait peser ; mais cela développe aussi une logique technicienne amie des seuls très grands projets. C’est ce que l’on a vu avec Nexcis. Les panneaux qu’elle produisait auraient permis, en équipant la tour CMA CGM à Marseille, de la rendre autonome et d’alimenter le quartier. Mais EDF a gelé le projet et coulé une chaîne de production. Je m’engage bien sûr à ce que cette chaîne de production soit immédiatement relancée à échelle industrielle.

Vous avez mentionné l’Europe et la nécessité d’un plan B comme le point insurmontable avec Benoît Hamon. Lors de la réunion sur la finance organisée par le PCF, Pascal Cherki a dit que ce rapport de force pouvait être mis en place grâce à la capacité de blocage de la France qui refusera de signer le Ceta. Qu’en pensez-vous ?

Il est vain de croire que la seule capacité de blocage constitue une énergie positive. D’autant qu’il ne s’agit pas que de bloquer mais de sortir des traités, de tous les traités constitutifs de l’actuelle union européenne. Je ne me réfère pas à ce que dit Pascal Cherki, au demeurant fort sympathique, mais à la réalité. Et cette réalité est que c’est le président Hollande qui est le penseur de l’Europe politique pour le PS. Il a clairement fixé sa trajectoire : l’Europe peut se refonder par la défense et la création d’un gouvernement économique de la zone euro, un budget de la zone euro et un parlement de la zone euro. Vous remarquez le mot qui manque : celui de Banque centrale européenne ! Une proposition qui date de juillet 2015 et qu’a fait sienne Benoît Hamon. Cette réalité n’a strictement rien à voir avec l’idée qu’on se fait de la négociation pour refonder l’Europe. Pour nous, elle part de l’impératif de l’harmonisation sociale et fiscale. C’est le point de départ, pas celui d’arrivée. Je ne peux pas avoir pour projet européen l’Europe de la défense qui est l’Europe de la guerre, et l’Europe du fric qui est l’Europe de l’euro.

Moyennant des discussions, la divergence pourrait, peut-être, déboucher sur des clarifications, et éventuellement des visions communes. Mais quand on commence ces discussions à 60 jours du premier tour, il y a peu de chances qu’on arrive d’une part à tomber d’accord, d’autre part à convaincre. Il est d’autres sujets dont je ne disconviens pas qu’en discutant, on aurait pu surmonter les divergences. Mais en 60 jours, personne n’est capable d’écrire un programme commun. Je voudrais rappeler que le premier programme commun qui a quand même donné quelques résultats en 1981, a été négocié pendant trente ans à l’initiative des communistes, et que la phase d’écriture a duré un an et demi. Pas parce que c’était des personnes tatillonnes mais parce qu’il s’agit de sujets sérieux. Et les Français sont lassés des accords d’appareils avec des formules creuses qui laissent des chèques en blanc à ceux qui ensuite exercent le pouvoir dans le cadre de la monarchie présidentielle.

Ces deux sujets montrent les différences d’analyse à gauche, gauche à laquelle vous ne faites que rarement référence même si vous répétez souvent votre respect des partis. Est-ce que vous ne croyez plus à la pertinence du clivage gauche-droite ?

Depuis le premier jour, pour reprendre l’expression de Jean Jaurès, il n’y a qu’une seule question : celle de la souveraineté politique du peuple. Il y a ceux qui pensent que ce peuple est le seul souverain et ceux qui croient que des lois permanentes -?d’économie, de marché…?- sont en dernière instance plus fortes que la volonté du peuple. Quant aux fondamentaux, ce clivage gauche-droite n’est donc pas dépassable, il a une dignité, une légitimité… Et il traverse notre histoire depuis les premiers jours de la grande révolution de 1789.

Concernant la forme actuelle, les étiquettes de vision du monde… Dire que François Hollande a eu un gouvernement de gauche, c’est s’empêcher de penser. Le PS à l’instar de toute la social-démocratie européenne, a plié avec des mots pour empêcher de penser. On a appelé politique de gauche une politique de l’offre qui consiste à dire produisez le moins cher possible, n’importe quoi, n’importe comment du moment qu’on arrive à le vendre alors que c’était traditionnellement la politique de la droite. Et la politique de la gauche a toujours été de partir de la demande, c’est à dire des besoins populaires, des besoins du grand nombre, des 99 % comme dirait Pierre Laurent.

La confusion de l’étiquette est destructrice parce que les gens en viennent à confondre ce que nous proposons avec ce que sont en train de faire les gouvernants et parce que cela assigne à une dispute qui nous marginalise. Si on arrive en disant il y a une fausse et une vraie gauche, les gens voient que nous nous sommes nous-mêmes rangés à un bout de l’arc et nous perdons ensuite notre temps à essayer de convaincre que nous ne sommes pas les extrêmes.
Je n’ai jamais récusé l’étiquette de gauche, mais je pars de l’idée que pour me faire comprendre j’ai intérêt à ne pas commencer à marcher avec l’étiquette devant. Parce qu’elle est source de confusion plutôt que de clarification… C’est mon propos à cette étape. Mais demain, lorsque nous aurons clarifié le champ politique, je n’ai pas d’inconvénient à ce qu’on me qualifie de gauche. Mais attention, notre action n’est pas avant-gardiste, c’est d’une action populaire de masse. Il s’agit de convaincre la masse d’entrer dans le combat, pas simplement se convaincre entre nous qu’on a psalmodié les bonnes formules.

Et cela est pensé jusque dans la forme. Quand je fais la France insoumise, je m’inspire de l’idéal fondateur du Front de gauche qui n’était pas de faire un cartel de partis mais de mettre en mouvement des millions de gens s’appropriant une idée. Et à la sortie de la prochaine élection, quelle que soit l’issue, la formation d’un mouvement sera posée, avec des bases qui ne sont pas des accords de sommets, mais des bases de masse.

Vous évoquez le peu de temps d’ici le 1er tour pour conclure un accord avec Benoît Hamon. Mais n’avez-vous pas le sentiment de peut-être rater une occasion historique pour la gauche ? N’était-il pas possible d’envisager un accord certes imparfait mais permettant de l’emporter, pour l’améliorer ensuite durant le quinquennat ?

Vous voulez parler de la candidature unique ? Je suis d’accord, si c’est la mienne. Et c’est pareil pour Benoît Hamon. Donc nous pouvons passer 60 jours à essayer de nous refiler le mistigri de la division. Mais lui et moi, en responsabilité, avons estimé que ce n’est pas ce qu’il fallait faire. Que 50% des Français ne savent toujours pas pour qui ils vont voter et qu’il suffit de gagner un quart de ces 50% pour l’emporter. Alors, que chacun y aille ! La situation va s’éclaircir et elle est en train de le faire. J’ai bien fait de maintenir la clarté d’un positionnement politique. Mon appel, quand je demandais des garanties, n’a pas été entendu. Ce n’était pas des garanties exagérées, ni des mises au pied du mur. C’était de dire qu’on ne pouvait pas faire une majorité de gouvernement pour défaire ce qui a été fait avec le précédent avec les gens qui l’ont fait. Tout le monde comprend ça, sauf les états-majors.

Le PS a une caractéristique : il a deux candidats. Quand on entend M. Delanoe ou le président de l’Assemblée appeler à voter pour Macron, on assiste là à un phénomène majeur. Il y a une recomposition politique aussi grâce à l’existence du pôle fort, dynamique et populaire que nous incarnons. La partie va se jouer là. Donc je dis à mes amis que cela ne sert à rien de ressasser. Personne n’est capable de me dire qu’il faut une candidature unique. J’en ai parlé avec Pierre Laurent. Je lui ai demandé s’il était sur la position de la candidature unique. Il m’a répondu que non. Pourquoi ferait-on cela ? On m’a cassé les pieds durant des mois sur la pluralité des candidatures à gauche. On va se retrouver à trois?: Nathalie Artaud, le candidat PS et moi. C’est moins qu’en 2012. Et qui a perdu la moitié de ses voix ? Pas nous. Nous sommes à notre niveau de 2012, un petit peu plus haut même. Qui peut penser qu’il suffirait qu’on se saute au cou pour qu’aussitôt les gens suivent ? Ce n’est pas le message que je porte. Les gens me disent : « ne viens pas me voir avec un accord d’appareil ! ».

J’ai aussi entendu des choses invraisemblables sur mon ego. Vous croyez que mon ego est engagé ? Cela n’a pas de sens. Je ne suis pas en train de commencer une carrière à mon âge, je suis en train de bâtir un mouvement. J’ai eu l’honneur d’être le candidat du Front de gauche en 2012 et je le suis toujours. Toutes ses composantes soutiennent ma candidature. Donc ce n’est pas ma personne qui est en cause, c’est ce que nous construisons. Celui qui baissera pavillon, baissera en même temps le niveau de ses exigences et de ses ambitions. Et notre peuple n’est pas prêt à cela.

Propos recueillis par Angélique Schaller et Sébastien Madau

Source : La Marseillaise 11 mars 2017

Voir aussi : Actualité France : Rubrique Politique10 omissions, flous et mensonges de François Fillon, Emmanuel Macron, le candidat attrape-tout, Rubrique Economie, rubrique Société, Emploi, Pauvreté,

Mélenchon chiffre son programme à 273 milliards d’euros

Lors d'une émission de plus de cinq heures diffusée sur Youtube et Facebook, exercice sans précédent dans une campagne présidentielle en France, l'ancien ministre de Lionel Jospin a dit vouloir ramener le taux de chômage, de 10% aujourd'hui, à 6% en 2022. Crédits photo : FRANCOIS GUILLOT/AFP

Lors d’une émission de plus de cinq heures diffusée sur Youtube et Facebook, exercice sans précédent dans une campagne présidentielle en France, l’ancien ministre de Lionel Jospin a dit vouloir ramener le taux de chômage, de 10% aujourd’hui, à 6% en 2022. Crédits photo : FRANCOIS GUILLOT/AFP

Le candidat de la «France insoumise» a détaillé lors d’une émission de 5 heures sur Youtube le financement de son plan d’investissements de 100 milliards ainsi que ses 173 milliards de dépenses publiques supplémentaires.

Jean-Luc Mélenchon, candidat de «La France insoumise» à l’élection présidentielle, s’est engagé dimanche à un plan d’investissements de 100 milliards d’euros sur cinq ans et à 173 milliards de dépenses publiques supplémentaires axées sur l’emploi et la lutte contre la pauvreté.

• Ramener le taux de chômage à 6% en 2022

Lors d’une émission de plus de cinq heures diffusée sur Youtube et Facebook, exercice sans précédent dans une campagne présidentielle en France, l’ancien ministre de Lionel Jospin a dit vouloir ramener le taux de chômage, de 10% aujourd’hui, à 6% en 2022.

• Un taux de croissance supérieur à 2%

Le cadrage macroéconomique du programme «L’Avenir en commun», qui se fonde sur un taux de croissance annuel supérieur à 2% dès 2018, prévoit la création de 3,5 millions d’emplois durant le prochain quinquennat, dont deux millions dans le secteur marchand, et une augmentation des salaires de six points en moyenne, avec une hausse du Smic net de 173 euros par mois.

• 100 milliards d’euros financés par l’emprunt

Sur les 273 milliards d’euros de dépenses programmées sur cinq ans, Jean-Luc Mélenchon débloquerait dès son élection un plan de relance de 100 milliards d’euros financé par l’emprunt.

• 173 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires

Sur les 173 milliards d’euros de dépenses nouvelles, 33 milliards seraient consacrés à la lutte contre la pauvreté, 32 milliards à la réforme des retraites (retraite à 60 ans à taux plein), 24 milliards à l’éducation, la culture et la jeunesse, 22 milliards à la revalorisation des salaires, ou encore 17 milliards à la jeunesse.

Un plan de 18 milliards d’euros est également prévu en vue de la construction d’un million de logements publics en cinq ans, à raison de 200.000 par an.

• 190 milliards d’euros de recettes

En parallèle, Jean-Luc Mélenchon table sur 190 milliards d’euros de recettes, avec notamment la suppression du CICE et le redéploiement du pacte de responsabilité (21 milliards), la lutte contre l’évasion fiscale (33 milliards) et la suppression de niches fiscales à hauteur de 38 milliards d’euros. Le taux d’inflation s’élèverait à plus de 4% au terme du quinquennat.

Le taux de prélèvements obligatoires passerait de 45% du produit intérieur brut aujourd’hui à 49,2% en 2022.

• Un déficit à 4,8% en 2018

Le groupe d’experts qui a travaillé avec le candidat estime que l’effet vertueux de cette politique permettrait de réduire le déficit public de 3,3% du PIB en 2016 à 2,5% du PIB à la fin du quinquennat, avec un taux de 4,8% en 2018, au-delà de la règle européenne. Selon les éléments de «L’Avenir en commun», la part de la dette publique passerait de 95,8% du PIB aujourd’hui à 87% en 2022 avec un bond à 96,8% en 2018.

Source : Le Figaro 19/02/2017

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Archives. Peillon en 2005 :  » On ne sait pas ce que pense le PS « 

25 juillet 2005Source : La Marseillaise 25 juillet 2005

Voir aussi : Voir aussi : France, Rubrique Politique, rubrique Rencontre,

Donald Trump devient le 45e président des Etats-Unis

 Donald Trump et sa femme Melania à leur arrivée au Lincoln Memorial pour le concert inaugural de l'investiture du président élu à Washington MANDEL NGAN  /  AFP

Donald Trump et sa femme Melania à leur arrivée au Lincoln Memorial pour le concert inaugural de l’investiture du président élu à Washington MANDEL NGAN / AFP

Donald J. Trump prête serment vendredi sur les marches du Capitole, au coeur de Washington, pour succéder à Barack Obama et devenir le 45e président des Etats-Unis, incroyable épilogue d’une campagne anti-élites qui a pris tout le monde à revers.

A 70 ans, sans la moindre expérience politique, diplomatique ou militaire, le magnat de l’immobilier s’apprête à prendre les rênes de la première puissance mondiale sous le regard inquiet des alliés des Etats-Unis, échaudés par ses déclarations tonitruantes, parfois contradictoires.

Après une nuit à Blair House, résidence réservée aux hôtes de marque située en face de la Maison Blanche, Donald Trump et son épouse Melania devaient partager un thé avec Barack et Michelle Obama avant de se rendre ensemble au Capitole.

Des centaines de milliers d’Américains, partisans enthousiastes et farouches opposants, sont attendus sur les larges pelouses du National Mall qui lui fait face. Trois de ses prédécesseurs – Jimmy Carter, George W. Bush, Bill Clinton – seront présents, ainsi qu’Hillary Clinton, son adversaire malheureuse.

« Je jure solennellement de remplir fidèlement les fonctions de président des Etats-Unis, et, dans toute la mesure de mes moyens, de sauvegarder, protéger et défendre la Constitution des Etats-Unis »: peu avant midi (17h00 GMT), l’homme d’affaires prêtera serment, comme l’ont fait avant lui George Washington, Franklin D. Roosevelt ou encore John F. Kennedy.

Il a choisi pour ce faire deux bibles: la sienne, qui lui a été offerte par sa mère en 1955, et celle d’Abraham Lincoln, sauveur de l’Union, également utilisée par Barack Obama il y a quatre ans.

Après le temps de la campagne (17 mois) et celui de la transition (deux mois et demi), voici venu celui de l’exercice du pouvoir (quatre ans) pour cet ancien animateur d’une émission de téléréalité qui a promis de « rendre sa grandeur à l’Amérique » mais fait face à un pays fracturé, tant son style et ses propos, volontiers provocateurs, divisent.

« Nous allons rassembler notre pays », a-t-il promis jeudi.

Niveau d’impopularité record

Dans une journée chargée en rituels dont l’Amérique est friande, le 45e président de l’histoire américaine prononcera ensuite un discours d’investiture moins en forme de programme que de « vision », assure son entourage.

La cérémonie, qui sera suivie en direct à travers le monde, aura un goût de revanche pour l’homme d’affaires à la coiffure étonnante dont l’annonce de candidature avait été accueillie par des ricanements, chez les républicains comme chez les démocrates.

Son équipe annonce pour le début de la semaine prochaine une série de décrets visant à défaire une partie du bilan de son prédécesseur démocrate (climat, immigration…) et à ébaucher le sien. Il pourrait en signer quelques-uns dès vendredi.

La tâche s’annonce ardue pour l’auteur du best-seller « The Art of the Deal » qui a promis, avec un sens de la formule qui enchante ses partisans et consterne ses détracteurs, d’être « le plus grand créateur d’emplois que Dieu ait jamais créé ».

La constitution de ses équipes a été difficile tant la victoire a pris le camp républicain par surprise. Du fonctionnement quotidien de la Maison Blanche, énorme administration, aux interactions avec les autres agences, les premières semaines pourraient être chaotiques.

Et jamais depuis 40 ans un président américain n’avait pris le pouvoir avec un niveau d’impopularité aussi élevé.

Par ailleurs, selon une étude du Pew Research Center publiée jeudi, 86% des Américains jugent que le pays est plus politiquement divisé que par le passé (ce chiffre était de 46% lorsque Barack Obama est arrivé au pouvoir en 2009).

Obama s’envole pour la Californie

Ceux qui espéraient que la fonction change l’homme ont été déçus.

Grâce à Twitter, le septuagénaire continue de régler quotidiennement ses comptes avec ceux qui ont émis des critiques à son égard, de John Lewis, figure du mouvement des droits civiques, à l’actrice Meryl Streep, accusée d’être le « larbin » d’Hillary Clinton.

« Il semble vouloir se battre contre tous les moulins à vent de la terre plutôt que de se concentrer sur le fait d’endosser le poste le plus important au monde », a résumé d’une formule assassine le sénateur républicain John McCain, l’une des rares voix dissidentes au sein du Grand Old Party.

Résultat, l’opposition démocrate fourbit ses armes, et des dizaines d’élus boycotteront la cérémonie. Plusieurs manifestations sont également prévues vendredi et samedi.

Sur la scène internationale, le bouillant promoteur immobilier a déjà décoché ses flèches à l’encontre de la Chine, de l’Otan ou encore de la chancelière allemande Angela Merkel.

Or c’est sur ce front que son mandat à venir suscite les plus grandes interrogations.

Les dirigeants de la planète s’interrogent sur la valeur exacte à accorder à ses déclarations quand les responsables qu’il a nommés – à la tête du département d’Etat ou du Pentagone – prennent des positions apparemment inverses, comme sur la Russie de Vladimir Poutine ou l’accord nucléaire iranien.

Juste après la cérémonie, Barack Obama, 55 ans, s’envolera directement pour la Californie pour ses premières vacances en famille d’ex-président.

Après huit années au pouvoir, le président démocrate qui a surmonté une crise économique et financière qui menaçait de tout emporter sur son passage a indiqué qu’il entendait rester à l’écart de la « mêlée » pour laisser son successeur gouverner.

Mais il a aussi promis, lors de son ultime conférence de presse mercredi, de sortir du bois si « les valeurs fondamentales » de l’Amérique, de l’immigration à la liberté d’expression, étaient menacées.

Source AFP 20/01/2017

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Jacque Généreux . Nous sommes mondialement gouvernés par des aveugles

Un manuel d’éducation citoyen par Jacques Généreux. Photo dr

Un manuel d’éducation citoyen par Jacques Généreux. Photo dr

Essai :
Avec la «Déconnomie» Jacques Généreux démontre la bêtise de la théorie économique dominante et tente d’en expliquer les raisons. Nous sommes tous concernés…

Une crise ne constitue jamais  un événement exceptionnel et exogène au système économique nous rappelle Jacques Généreux membre des Economistes atterrés, avant d’aborder la nature du nouveau cadre systémique dans lequel prospère les folies politiques en temps de crise. La Grèce à qui la Troïka n’a laissé pour seule alternative, que le maintien des politiques absurdes qui ont aggravé la crise au lieu de la résorber, en est un bon exemple.
Le professeur d’économie à Science Po revient rapidement sur la forme de capitalisme qui s’est imposée depuis les années 80 à savoir le capitalisme financiarisé.   « Système dans lequel l’abolition des frontières économiques nationales et la dérégulation de la finance confèrent aux actionnaires le pouvoir d’exiger un taux de rendement capital insoutenable tant pour l’économie que pour l’écosystème, les salariés et la démocratie.» Le bilan dressé de ce système s’avère comme l’on sait, totalement négatif, sauf pour les 10% des plus riches qui ont accaparé l’essentiel des ressources mondiales.
Le fait que tout ce qui reste utile à  l’équilibre et à la paix tient aux lois, mesures et institutions qui limitent le pouvoir de l’argent, pousse Jacques Généreux à envisager les raisons auxquelles tiennent la persistance de ce système calamiteux.

Il en dénombre trois : « 1. Il n’y a pas d’alternative, les politiques sont impuissantes face à l’inéluctable mondialisation de l’économie ; 2. d’autres voies sont possibles, mais leur accès est interdit par des élites dirigeantes au service des plus riche; 3. nous sommes gagnés par une épidémie d’incompétence et de bêtise, depuis le sommet qui gouverne la société jusqu’à la base populaire qui, en démocratie, choisit ses dirigeants

Le désastre de notre ignorance
La première raison est vite démontée. N’importe quel gouvernement souverain pourrait réguler la finance, plafonner le rendement du capital et limité l’exposition de son pays au dumping fiscal et social. La deuxième raison implique de trouver des contournements. Quand à la 3eme, l’auteur nous invite à s’interroger pas seulement sur les motifs cachés des politiques économiques mais aussi sur l’intelligence et les compétences des économistes qui les conçoivent, des journalistes qui les promeuvent, des dirigeants qui les mettent en oeuvre et, pour finir, de nous tous, citoyens qui lisons, écoutons ou élisons les précédents.

L’intelligence n’est pas un réflexe c’est un effort dont il faut ressentir l’exigence.

JMDH

La Déconnomie , éditions du Seuil , 19,5€

Source : La Marseillaise 04/01/2017

Voir aussi : Rubrique  Politique économiqueLe changement c’est maintenant, rubrique Politique, L’après-Hollande a commencé, Valls dépose les armes de la gauche devant le Medef, rubrique Finance, rubrique UE, Des infos sur le Mécanisme européen de stabilitéTraité transatlantique : les pages secrètes sur les services, rubrique Livre, Thomas Piketty : Un capital moderne, rubrique Rencontre Jacques Généreux : « Le débat sur la compétitivité est insensé »,