Qu’est-ce qui oppose les sunnites et les chiites ?

Chiite et Sunnite dans le monde musulman

Chiite et Sunnite dans le monde musulman

La rupture par l’Arabie saoudite de ses relations diplomatiques avec l’Iran, dimanche 3 janvier, a creusé la cassure confessionnelle entre chiites et sunnites au Moyen-Orient. Cette montée des tensions entre les deux puissances rivales de la région est trop rapidement réduite à un conflit confessionnel entre sunnites et chiites. Pour y voir plus clair, voici un résumé de ce qui lie, différencie et oppose ces deux grandes familles de l’islam.

Une division historique

La division entre sunnisme et chiisme est historiquement le fruit d’un conflit de succession, après la mort du prophète, en 632 à Médine, dans l’actuelle Arabie saoudite. Les compagnons du prophète choisissent l’un d’entre eux, Abou Bakr, en conclave selon la tradition tribale. Selon les chiites, le pouvoir légitime revenait en droit aux descendants directs du prophète, par sa fille Fatima et son gendre Ali. Ecarté du pouvoir, ce dernier deviendra, vingt-cinq ans plus tard, le quatrième calife. Son règne, contesté par Mouawiya, un proche du troisième calife, Osman, assassiné, se termine dans la confusion et il meurt tué par d’anciens partisans devenus dissidents, les kharidjites.

Hussein, le fils d’Ali, qui se soulève contre l’autorité du calife Mouawiya, installé à Damas, sera tué lors de la bataille de Kerbala, en 680. Les chiites révèrent Ali, ses descendants et successeurs comme les « douze imams », persécutés, qui servent d’intermédiaires entre les croyants et Dieu. L’islam sunnite, lui, se voit comme la continuité des premiers califes de l’islam, qui ont conservé intacts et fait observer les commandements de Mahomet.

Une différence de doctrine

Le sunnisme, qui rassemble environ 85 % des musulmans, tend à se définir par opposition aux sectes qui ont parcouru l’histoire de l’islam, en premier lieu le chiisme, et revendique un idéal de consensus. Il se veut fidèle aux origines et pur d’influences étrangères, bien qu’il comprenne une grande variété d’interprétations et de traditions.

Il se définit par l’acceptation du Coran, parole de Dieu, et des enseignements et exemples donnés par le prophète, transmis sous forme de récits et d’informations (« ?adith » et « khabar »). Il opère un constant retour à ces textes.

Le chiisme partage ces sources fondamentales. Il est, lui aussi, très diversifié. Sa branche principale (« duodécimaine ») est caractérisée par le culte des douze imams et l’attente du retour du dernier d’entre eux, Al-Mahdi, « occulté » en 874 aux yeux des hommes mais toujours vivant, qui doit réapparaître à la fin des temps. En son absence, le clergé est investi d’une autorité particulière : il permet une médiation de l’autorité divine. Les religieux chiites sont structurés en une véritable hiérarchie cléricale, à la différence des oulémas (théologiens) sunnites.

Quelle répartition géographique ?

Le sunnisme est majoritaire au Maghreb et en Afrique noire, en Libye et en Egypte, en Turquie, en Arabie saoudite et dans le Golfe, en Syrie, en Afghanistan et au Pakistan, en Inde et en Indonésie. Les chiites sont majoritaires en Iran, en Irak, à Bahreïn et en Azerbaïdjan, et significativement présents au Liban, au Yémen et en Syrie, en Afghanistan, au Pakistan et en Inde.

  • Voir aussi : Carte interactive : où vivent chiites et sunnites au Moyen-Orient
  • Des rivalités exacerbées par les luttes politiques
  • Les divisions entre sunnites et chiites fluctuent à travers l’Histoire, selon les luttes politiques. Au XVIe siècle, la dynastie safavide, qui impose le chiisme en Iran, combat ainsi la Turquie ottomane, sunnite, même si la religion n’explique qu’en partie leur différend.
  • A l’époque moderne, en 1979, la révolution islamique iranienne polarise le Moyen-Orient. La volonté iranienne d’exporter sa révolution et sa politique de soutien à des groupes armés chiites, en premier lieu le Hezbollah, au Liban, mais aussi au Koweït, cristallisent les rivalités avec les pays arabes sunnites de la région, qui soutiennent Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran (1980-1988). Au même moment l’Arabie saoudite, où le wahhabisme, un courant du sunnisme ultrarigoriste et antichiite, est religion d’Etat, soutient le djihad antisoviétique en Afghanistan. Al-Qaida s’y forgera.En 2003, l’invasion américaine de l’Irak déclenche une guerre civile entre chiites et sunnites irakiens. La branche irakienne d’Al-Qaida y développe un djihad spécifiquement antichiite, et forme, avec le renfort d’anciens cadres du régime de Saddam Hussein, la matrice de l’actuelle organisation Etat islamique (EI). Celle-ci profite aujourd’hui du ressentiment des populations sunnites d’Irak contre le gouvernement dominé par les partis chiites, et sous influence iranienne. L’EI a par ailleurs mené des attentats terroristes contre des communautés chiites loin de ses lignes de front d’Irak et de Syrie, jusqu’en Arabie saoudite, au Koweït, au Yémen et au Liban.

    En 2011, dans la foulée des « printemps arabes », la Syrie bascule dans la guerre civile. La répression du régime, tenu par la minorité alaouite (une branche du chiisme) à laquelle appartient la famille Assad, a favorisé la montée en puissance d’un extrémisme sunnite, communauté dont est issue la quasi-totalité de la rébellion anti-Assad. Par la suite, le régime a libéré des prisonniers djihadistes sunnites, dont certains ont rejoint l’EI, le Front Al-Nosra (la branche syrienne d’Al-Qaida) et des groupes radicaux, afin de diviser et discréditer l’opposition comme la rébellion.

  • Une rivalité mise en scène par l’Iran et l’Arabie saoudite
  • Le conflit syrien est devenu un terrain d’affrontement, par alliés interposés, entre l’Iran, dont les forces et les milices chiites internationales (Liban, Irak, Afghanistan) combattent aux côtés des troupes régulières et de la Russie, et les puissances sunnites que sont l’Arabie saoudite, la Turquie et les monarchies du Golfe, qui appuient des groupes rebelles.

    Arrivé au pouvoir en janvier 2015 en Arabie saoudite, le roi Salmane a adopté une stratégie agressive pour contrer l’influence iranienne au Moyen-Orient. Ce raidissement s’est matérialisé par l’entrée en guerre de l’Arabie saoudite au Yémen, en mars 2015. Le royaume saoudien, qui a formé une coalition de neuf pays arabes sunnites, cherchait à empêcher la rébellion des houthistes, de confession zaïdite (une branche du chiisme), alliés à l’Iran, de s’emparer de son voisin du Sud.

  • Louis Imbert

Source : Le Monde.fr 08/01/2016

Marcel Mauss

Photo Puf

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Par Florence Weber

Le lecteur français de Marcel Mauss peut être à juste titre désorienté. Il est face à une œuvre émiettée, foisonnante, coupée en morceaux, restée l’otage de rapports de force anachroniques. Il ne peut consulter qu’en bibliothèque, ou en ligne (http://classiques.uqac.ca/), le seul ouvrage édité du vivant de Mauss, Mélanges d’histoire des religions, paru en 1909 en collaboration avec Henri Hubert et jamais réédité depuis 1929. Il peut croire que Mauss a rédigé un Manuel d’ethnographie, réédité en 2002 dans la « Petite bibliothèque Payot », alors même qu’il s’agit des notes de cours prises par Denise Paulme, dans un contexte scientifique obsolète, Mauss ayant conçu ce cours dans le cadre d’une stricte division du travail entre un savant compilateur et « une petite armée de travailleurs auxiliaires » (expression indigène que je dois au travail de Benoît de l’Estoile). Il ne sait rien du combat entre les deux éditeurs du célèbre recueil Sociologie et anthropologie, maintes fois réédité en poche : avec son « Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss », Claude Lévi-Strauss y a imposé une lecture anthropologique et structuraliste, contre le sociologue Georges Gurvitch réduit à rédiger un bref « Avertissement » pour signaler la place éminente de Mauss dans l’école durkheimienne. Il ne sait rien non plus des raisons pour lesquelles les trois tomes des Œuvres de Mauss, parus chez Minuit en 1968 et 1969, et dont seul le tome 2 est encore disponible en librairie, sont incomplets : Victor Karady n’avait pas pu intégrer les articles publiés dans Sociologie et anthropologie, non plus que les textes politiques, qui sont aujourd’hui disponibles chez Fayard (Ecrits politiques). Enfin, il peut se procurer en poche Essais de Sociologie, recueil édité en 1971 sans introduction, regroupant quelques articles fondamentaux publiés par Mauss entre 1901 et 1934. Espérons que la publication séparée de l’Essai sur le don par les PUF (2007, coll. « Quadrige ») inaugure une meilleure politique de publication.

La situation est paradoxale. Pour le spécialiste comme pour l’étudiant, les textes en français sont disponibles en ligne, grâce au travail réalisé par l’Université du Québec à Chicoutimi. Mais comment s’y retrouver ? Entre 1899 et 1925, Mauss est passé de la sociologie des religions à l’ethnographie économique. Pourquoi ? Comment ? Il faut d’abord reconstituer la chronologie et, avec elle, le mouvement même de la pensée. Le célèbre texte sur le sacrifice, avec Henri Hubert, est paru en 1899 (Œuvres tome 1, chapitre 3). Peu après, en 1903, les mêmes Hubert et Mauss publiaient leur non moins célèbre travail sur la magie. Qui peut comprendre aujourd’hui les liens entre ces deux articles ? L’éditeur de Sociologie et anthropologie, en 1950, a cette phrase magnifique : « Quelques pages préliminaires ont été rapportées en appendice, joint à la fin de cette étude ». Ces trois pages en petits caractères justifient pourtant les raisons pour lesquelles l’école durkheimienne passe de l’étude du sacrifice, institution par excellence, à l’étude de la magie : comprendre la nature des rites en général, montrer « comment, dans la magie, l’individu isolé travaille sur des phénomènes sociaux » (S.A. 1950, p. 140). Mais c’est un autre article de Mauss sur la magie, et un article d’Hubert sur le temps, qui sont discutés en 1906 dans l’Introduction aux Mélanges (Œuvres tome 1, chapitre 1). En 1909, Mauss poursuit l’étude des rites dans sa thèse inachevée : La prière, manuscrit donné à l’éditeur Félix Alcan en 1909 et immédiatement retiré par l’auteur. Pour qui lit en détail ce manuscrit (Œuvres tome 1, chapitre 4), c’est alors que Mauss prend le tournant qui le conduira jusqu’à l’Essai sur le don : Mauss en arrive à une conception du rite qui laisse de côté les considérations religieuses, qui fait du « don aux dieux » un cas particulier du don en général, et du don entre les humains un condensé de rite social.

Le lecteur anglophone est mieux armé pour comprendre ce fil essentiel de l’œuvre de Mauss. Parce qu’il fallait traduire, et parce que les plus grands anthropologues anglais se sont engagés dans l’entreprise, il dispose de plusieurs ouvrages longuement commentés : plusieurs éditions de The Gift (préfacé par Evans-Pritchard puis par Mary Douglas), Sacrifice (préfacé par Evans-Pritchard), A General Theory of Magic, mais aussi plus récemment On Prayer (2004, Berghahn). Plus largement, le travail de Mauss n’a pas été séparé, outre-Manche et outre-Atlantique, de la réception faite à l’école durkheimienne. Les noms de ses premiers compagnons, Henri Hubert, Robert Hertz, y sont à juste titre presque aussi célèbres que celui de Mauss ; les liens entre la sociologie des religions et l’ethnographie y sont mieux compris ; sa pleine appartenance à l’école durkheimienne, aussi. L’œuvre de Mauss est un trésor inépuisable pour le dialogue entre disciplines, témoin dans le domaine de l’archéologie et de l’histoire des techniques le travail de Nathan Schlanger dans Techniques, Technology and Civilization (Berghahn 2006). On espère l’équivalent dans le domaine de la psychologie avec une réédition des principaux textes où Mauss dialogue avec les psychologues en montrant l’efficacité physiologique et psychologique des rituels.

Tout se passe comme si les incidents qui ont émaillé la publication et la réception posthumes de l’œuvre de Mauss en France avaient, dès 1950, contribué à opposer Mauss à Durkheim, l’anthropologie à la sociologie, l’anthropologie des sociétés primitives à celle des sociétés contemporaines qui, pour Mauss, s’appelle encore le folklore. Qui prête attention au titre que Mauss a lui-même donné au recueil d’articles de Robert Hertz, mort en 1915, publié chez Alcan en 1928 : Mélanges de sociologie religieuse et folklore ? L’image de Mauss en France est aujourd’hui brouillée par un double anachronisme. On a mis récemment en avant le militant socialiste, l’ami de Jaurès, l’observateur critique du bolchevisme, et les liens entre sociologie durkheimienne et socialisme, alors même qu’il nous est difficile de comprendre aujourd’hui le contexte politique, une partie des socialistes de l’entre-deux-guerres, y compris des proches de Mauss, ayant rejoint dès 1934 les mouvements d’extrême droite puis le gouvernement Pétain. On lui prête la paternité d’un paradigme du don opposé au marché, on l’associe à l’acronyme du Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences sociales (Mauss) – certes respectable, mais dont le lien avec l’œuvre de Mauss est bien lâche.

Source Edition PUF

« Golgota picnic » : Jean-Michel Ribes relaxé

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Une association a perdu jeudi 10 décembre son procès contre le directeur du théâtre du Rond-Point. Jean-Michel Ribes était poursuivi pour provocation à la haine envers les chrétiens pour avoir fait jouer en 2011 la pièce Golgota picnic, du dramaturge argentin Rodrigo Garcia.

Tout comme l’éditrice du texte Solitaires Intempestifs, Jean-Michel Ribes a été relaxé par le tribunal correctionnel de Paris.

L’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (Agrif) reprochait à la pièce de présenter l’iconographie chrétienne comme une image de la terreur et de la barbarie, qui serait le support pour apprendre aux enfants à faire le mal.

« Dimension humoristique »

Si certains propos « ont pu et peuvent (..) paraître provocants pour certains lecteurs », « ils ne sauraient pour autant être considérés comme incitant au rejet ou à la haine des chrétiens », ont estimé les juges de la chambre de la presse.

Rodrigo Garcia est « connu pour son irrévérence, son goût de la provocation », relèvent-ils, et « la plupart des propos poursuivis » ont « à l’évidence une dimension humoristique ou satirique interdisant de les prendre au pied de la lettre », et ne peuvent « de ce fait induire une quelconque animosité ou sentiment de rejet à l’égard de ceux qui vénèrent le Christ ».

De surcroît, « il n’est nullement exclu que pour l’auteur, les chrétiens, loin d’apparaître comme une cible, doivent bien davantage être considérés comme les dupes ou les victimes » du Christ tel qu’il est dépeint par le dramaturge.

Lors de ses représentations en France (à Toulouse en novembre 2011 et Paris en décembre 2011), la pièce a opposé les catholiques traditionalistes, qui la jugent blasphématoire et « christianophobe », aux défenseurs de la liberté de création.

Source : Le Monde.fr avec AFP | 10.12.2015

NB Les éditions Solitaires Intempestifs vous propose l’intégralité du jugement et de commander le livre pour l’offrir (attention à offrir à une personne qui a de l’humour comme le précise le jugement de la 17ieme chambre correctionnelle) c’est ici

Voir aussi ;  Rubrique Théâtre, rubrique Société, Justice, La Vie d’Adèle » perd son visa d’exploitationReligion,  rubrique Politique, Politique Culturelle,

Dans le procès Vatileaks, l’Etat italien muré dans son silence

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Les deux journalistes italiens, Gianluigi Nuzzi (à droite) and Emiliano Fittipaldi (à gauche) sont jugés depuis le 24 novembre, avec trois autres personnes, pour « vol et divulgation d’informations confidentielles » devant le tribunal du Vatican. ALESSANDRO BIANCHI / REUTERS

Cela commence à s’entendre. Alors que deux journalistes, ressortissants italiens, sont jugés depuis le 24 novembre pour « vol et divulgation d’informations confidentielles » devant le tribunal du Vatican – dont la législation ne contient aucun article sur la liberté de la presse –, ni le premier ministre, Matteo Renzi, ni le Président de la république, Sergio Mattarella, ni aucun ministre n’ont émis à cette heure la plus petite protestation.

Les deux journalistes, Gianluigi Nuzzi et Emiliano Fittipaldi sont poursuivis pour avoir révélé, dans deux livres sortis le même jour (Chemin de croix, éd. Flammarion, et Avarizia, éd. Feltrinelli), les dessous pas très nets des finances en « quasi-faillite » du plus petit Etat du monde. Des informations obtenues par des sources internes au Saint-Siège, et non démenties.

Mercredi matin, au lendemain de la première audience, Gianluigi Nuzzi a envoyé un SMS ainsi rédigé au chef du gouvernement : « Président, le silence de tout le gouvernement sur un procès attenté à deux journalistes italiens dans un Etat étranger est surprenant ». « J’ai peut-être été arrogant, explique-t-il au Monde, mais j’ai senti que je devais le faire ». Aucune réponse ne lui était parvenue mercredi. « Ici, ce n’est pas comme en France, nous avait-il expliqué lors d’un précédent entretien. L’Etat n’est pas véritablement laïque. Nous avons le Vatican dans notre ADN. »

Dans un article publié par le quotidien La Stampa, Luigi La Spina trace un parallèle, « douteux » précise-t-il, avec la situation de deux fusiliers marins retenus depuis 2012 en Inde pour meurtre, et pour lesquels tous les gouvernements se sont démenés afin d’obtenir leur libération. « Pourtant, écrit-il, le sort de deux journalistes devrait alerter le gouvernement. » Cet appel aussi est resté vain, comme si personne au sein des institutions de la République italienne n’avait le courage de demander ne serait-ce qu’une explication pour ne pas froisser le Saint-Siège.

À ce jour, seuls les associations de journalistes, ou les directeurs de grands médias ont affiché leur solidarité avec leurs confrères poursuivis comme s’il ne s’agissait que d’une affaire interne à la profession. Mais à leur protestation s’ajoutent désormais celles des avocats italiens. En effet, Gianluigi Nuzzi et Emiliano Fittipaldi n’ont pu se faire assister par leurs défenseurs de confiance. Ils ont été contraints d’en choisir un parmi la petite liste des avocats autorisés à plaider devant les juridictions ecclésiastiques. Précision : ces derniers doivent être rigoureusement catholiques et de bonne réputation. Pour autant, ils n’ont pu avoir accès au dossier de leurs clients qu’à la veille de la première audience. « Nous avons épluché les pièces jusqu’à deux heures du matin », écrit Emiliano Fittipaldi dans le quotidien La Repubblica, où il tient la chronique de son procès.

On peut aussi lire dans son compte rendu ce petit aparté entre l’auteur de Avarizia et un de ses rares confrères accrédités, pendant une interruption d’audience : « Alors que je m’étonnais que, ici, les droits de la défense n’étaient pas respectés, un vaticaniste m’a remis en place : “Tu te trompes Fittipaldi, c’est un procès NORMALISSIMO !” Peut-être, mais je peux lire cependant un peu d’inquiétude sur le visage de mon avocat, habitué à ferrailler avec les juges de la Rote romaine pour faire annuler des mariages et défendre les auteurs de larcins dans le supermarché du Vatican. Cette fois, il s’agit d’une situation inouïe. »

Le procès reprendra lundi au rythme de deux audiences par jour s’il le faut. Tout doit être terminé quand commencera, le 8 décembre, le jubilé de la Miséricorde afin de ne pas brouiller le message du pape François. « Je me dis que si la justice italienne était aussi expéditive, écrit encore Emiliano Fittipaldi, il y aurait moins de procédures enlisées. Mais à tout prendre, je me demande si je ne la préfère pas encore à celle du Vatican. » Gianluigi Nuzzi et Emiliano Fittipaldi encourent une peine de quatre à huit ans de prison.

Philippe Ridet

Source Le Monde.fr

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Vatican, VatiLeaks, rubrique Politique, Affaires, rubrique Médias, Société, Religion, Justice, On LineLe Saint-Siège secoué par un nouveau « VatiLeaks »,   Au Vatican, « le pape lui-même est vu comme un intrus »

« VatiLeaks » : la justice vaticane enquête sur deux journalistes italiens

Le Vatican a annoncé, mercredi 11 novembre, l’ouverture d’une enquête sur la possible complicité de deux journalistes italiens « dans le délit de divulgation de nouvelles et de documents confidentiels ». TONY GENTILE / REUTERS

Le Vatican a annoncé, mercredi 11 novembre, l’ouverture d’une enquête sur la possible complicité de deux journalistes italiens « dans le délit de divulgation de nouvelles et de documents confidentiels ». TONY GENTILE / REUTERS

Nouvelle secousse place Saint-Pierre. Le Vatican a annoncé, mercredi 11 novembre, l’ouverture d’une enquête sur la possible complicité de deux journalistes italiens « dans le délit de divulgation de nouvelles et de documents confidentiels », et examine d’autres complicités éventuelles.

Les deux journalistes, Gianluigi Nuzzi et Emiliano Fittipaldi, ont publié la semaine dernière deux livres, Chemin de croix (Flammarion) et Avarizzia (non traduit), jetant une lumière crue sur l’administration du Saint-Siège. Ils s’appuient sur des fuites de documents à l’intérieur du petit Etat, provenant nécessairement du proche entourage du pape. Les deux auteurs y décrivent également la mauvaise gestion et les dérives financières constatées par les équipes nommées par François.

Dans Chemin de croix, dont Le Monde a publié de larges extraits, Gianluigi Nuzzi, journaliste du Corriere della sera et auteur de Sa Sainteté et Vatican SA, dresse effectivement le tableau d’un Etat à la dérive, agité par un violent affrontement entre le pape, aidé d’une petite équipe d’ecclésiastiques et de laïques, et une administration vaticane jalouse de ses prérogatives, assise sur ses petits secrets et ses grands privilèges.

Le souvenir de 2012

A la fin d’octobre, le Saint-Siège a annoncé l’arrestation par la gendarmerie du Vatican, le 2 novembre, d’un prêtre espagnol, Vallejo Balda, et d’une experte des réseaux sociaux, Francesca Chaouqui, dans le cadre d’une enquête pour soustraction et divulgation d’informations et de documents confidentiels. Mme Chaouqui a été libérée en raison de sa collaboration avec la justice.

A Rome, cette double arrestation a fait resurgir le souvenir des VatiLeaks, tels qu’avaient été appelées, en 2012, les fuites, dans la presse, de documents confidentiels volés dans le bureau du pape par son majordome. Des faits qui avaient assombri les derniers mois du pontificat de Benoît XVI.

Dimanche, le pape François a pris à témoin les fidèles rassemblés place Saint-Pierre, à Rome, pour répondre à cet épisode :

« Je veux vous assurer que ce triste événement ne me détourne certainement pas du travail de réforme que nous effectuons avec mes collaborateurs et avec le soutien de vous tous. »

Source : Le Monde.fr avec AFP 11/11/2015
Lire Les extraits de « Chemin de croix », de Gianluigi Nuzzi

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Vatican, rubrique Politique, Affaires, rubrique Société, Religion, rubrique LivresEst-ce Dieu qui guide cette main ?, Essais,