« Golgota picnic » : Jean-Michel Ribes relaxé

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Une association a perdu jeudi 10 décembre son procès contre le directeur du théâtre du Rond-Point. Jean-Michel Ribes était poursuivi pour provocation à la haine envers les chrétiens pour avoir fait jouer en 2011 la pièce Golgota picnic, du dramaturge argentin Rodrigo Garcia.

Tout comme l’éditrice du texte Solitaires Intempestifs, Jean-Michel Ribes a été relaxé par le tribunal correctionnel de Paris.

L’Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (Agrif) reprochait à la pièce de présenter l’iconographie chrétienne comme une image de la terreur et de la barbarie, qui serait le support pour apprendre aux enfants à faire le mal.

« Dimension humoristique »

Si certains propos « ont pu et peuvent (..) paraître provocants pour certains lecteurs », « ils ne sauraient pour autant être considérés comme incitant au rejet ou à la haine des chrétiens », ont estimé les juges de la chambre de la presse.

Rodrigo Garcia est « connu pour son irrévérence, son goût de la provocation », relèvent-ils, et « la plupart des propos poursuivis » ont « à l’évidence une dimension humoristique ou satirique interdisant de les prendre au pied de la lettre », et ne peuvent « de ce fait induire une quelconque animosité ou sentiment de rejet à l’égard de ceux qui vénèrent le Christ ».

De surcroît, « il n’est nullement exclu que pour l’auteur, les chrétiens, loin d’apparaître comme une cible, doivent bien davantage être considérés comme les dupes ou les victimes » du Christ tel qu’il est dépeint par le dramaturge.

Lors de ses représentations en France (à Toulouse en novembre 2011 et Paris en décembre 2011), la pièce a opposé les catholiques traditionalistes, qui la jugent blasphématoire et « christianophobe », aux défenseurs de la liberté de création.

Source : Le Monde.fr avec AFP | 10.12.2015

NB Les éditions Solitaires Intempestifs vous propose l’intégralité du jugement et de commander le livre pour l’offrir (attention à offrir à une personne qui a de l’humour comme le précise le jugement de la 17ieme chambre correctionnelle) c’est ici

Voir aussi ;  Rubrique Théâtre, rubrique Société, Justice, La Vie d’Adèle » perd son visa d’exploitationReligion,  rubrique Politique, Politique Culturelle,

Jean-Marie Besset donne le change

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La présentation de la prochaine saison du CDN modifie le cap. Le nouveau directeur dramaturge présente son parti pris pour les auteurs français et vivants.

Jean-Marie Besset a pris les rênes du Centre dramatique national cet hiver. La saison 2010/2011, présentée récemment à Grammont, donne donc le la de la nouvelle direction après les années Fall. L’annonce de cette nomination a fait l’objet d’un consensus entre le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand et le Président de Région Georges Frêche. Elle est à l’origine d’une polémique dont le fait majeur concerne la procédure même de nomination, cousue d’indélicatesses monarchiques. A ce propos, Jean-Marie Besset, qui campe sur une posture artistique, évoque une arrivée sous la pluie et souhaite qu’on le juge sur son travail.

La programmation artistique est celle d’un dramaturge auteur d’une vingtaine de pièces. Deux d’entre elles, mises en scène par Gilbert Desveaux, le directeur adjoint, sont à l’affiche. Elles permettront de découvrir son travail. RER, créé en 2006, ouvrira la saison. Une pièce d’aujourd’hui qui aborde la « victimisation » et le mensonge comme vecteur de vérité. Elle s’inspire d’un fait divers. Celui d’une jeune fille d’origine juive dont les déclarations avaient provoqué l’émoi de la classe politique jusqu’au sommet de l’Etat, avant que la victime ne déclare que cette histoire relevait de son imagination. Perthus, créé au Théâtre du Rond point en 2008, s’attache à la relation homosexuelle de deux adolescents, et particulièrement à l’amitié qui se noue entre leurs mères respectives, avec en creux, la problématique des jeunes garçons aux pères tus.

La charpente générale de la saison repose sur des auteurs vivants de langue française (Philippe Minyana, Pierre Notte, Florian Parra, Rayhana…). Côté répertoire, on attend La coupe et les lèvres de Musset, Le Platonov de l’Héraultais Nicolas Oton et Nicomède & Suréna de Corneille. Sous le titre de l’édito du directeur, intitulé Tintin en Amérique, se distingue un goût certain pour l’écriture contemporaine anglo-saxonne qui s’exprimera avec Harper Regan, du jeune dramaturge britannique Simon Stephens, Parlez-moi d’amour mise en scène par Jacques Lasalle d’après Raymond Carver et Break your Leg de Marc Lainé, qui s’attaque aux figures de la culture populaire US. A l’instar de cette histoire qui commence, Il faut je ne veux pas, création unissant les mots de Musset et ceux de Besset autour de l’union au sein du couple, devrait nous éclairer sur la nature du mariage. De cœur ou de raison ?

Jean-Marie Besset : « Moi c’est l’art qui m’intéresse »

Revenons sur les conditions difficiles de votre arrivée. Comment en analysez-vous les aspects ?


« Je l’ai dit, je l’ai mal vécu. Car pour moi le théâtre a toujours été un lieu de liberté, un refuge contre ma famille, la société… De voir une corporation de metteurs en scène se retourner contre moi m’a profondément touché. Je crois que cela est d’abord lié à une méconnaissance. Ces gens n’ont jamais vu mon travail. Ils fondent leur jugement sur des ouï-dire. Au-delà de la dimension artistique, je suis diplômé de L’ESSEC, l’administration d’un CDN ne me pose aucune difficulté. Enfin, je pense qu’il y a une part d’homophobie. Au moment de ma nomination nous étions en pleine polémique sur l’affaire Polanski. On avait extrait du contexte des textes de Frédéric Mitterrand, qui prenait sa défense, pour le faire passer pour un pédophile. C’est devenu l’affaire Mitterrand et dans la foulée on m’a fait le procès d’être un pédé de droite. C’est tout bonnement infâme.

Reste la question politique : le ministre de la Culture n’a pas pris la défense de Marie NDiaye face à la sortie de Raoult sur le devoir de réserve des écrivains…

Je considère Marie NDiaye comme un grand auteur mais quand elle parle de France monstrueuse de Sarkozy, c’est un peu excessif.

Quelle image vous faites-vous de la composition du public des Treize Vents ? Souhaitez-vous l’élargir ?

Nous venons de vendre 4 000 places en six heures de temps. Cela représente à peu près 10% de notre jauge annuelle. C’est plutôt un bon début. Je crois que l’essentiel du public se compose d’enseignants et d’enseignés. Je souhaite aller vers davantage de mixité et toucher des publics qui ne se déplacent plus : les pharmaciens, les médecins, et aussi les gens qui travaillent dans les administrations.

Dans le triptyque auteurs, metteurs en scène, acteurs, vous misez sur le texte. Comment défendre le sens et l’imaginaire face au phénomène pesant de l’industrialisation culturelle ?

Je mets le triptyque à égalité sur ses trois pieds. Trop souvent la table est bancale. Le metteur en scène est apparu à la fin du XIXe. En cent ans, il a pris tout le pouvoir dans le théâtre de la République. C’est paradoxalement au moment où s’est développé le cinéma d’auteur que l’auteur de théâtre disparaît au profit de textes non théâtraux ou de recherche sur les classiques. En misant sur les auteurs, je compte infléchir cette tendance à partir de Montpellier. Cela se fait ailleurs comme au Théâtre du Rond-Point, mais demeure très marginal.

Votre engagement en faveur des auteurs français vous conduira-t-il à organiser un match Corneille / Shakespeare ?

J’observe un certain mépris du théâtre français chez beaucoup de programmateurs qui s’enthousiasment pour le moindre auteur étranger. Hormis Yasmina Reiza, très peu de pièces françaises contemporaines sont données à l’étranger. Cela passe aussi par le soin apporté à la traduction. La langue de Corneille comme celle de Shakespeare en Angleterre, sont des textes qui sont restés dans leur jus et restent assez peu faciles d’accès.

Que vous inspire la phrase de Godard : La culture c’est la norme, l’art c’est l’exception ?

Moi c’est l’art qui m’intéresse, ce n’est pas la culture. Je suis très heureux de faire du théâtre. Je n’ai pas écrit depuis six mois et ça commence à me manquer. »

Recueilli par Jean-Marie Dinh

Voir aussi : rubrique politique culturelle , CDN Montpellier: “Le fait du prince”, Besset frondeur insoumis,