Montpellier. Malgré la signature d’un accord favorable, l’occupation se poursuit au Centre dramatique national de Montpellier dans l’attente de la confirmation de sa mise en œuvre.
Les rapports entre la direction du CDN, les personnels et la coordination des Intermittents et précaires (CIP) qui occupent toujours le lieu sont au beau fixe. A l’issue d’une conférence de presse de fin de saison, le directeur d’hTh Rodrigo Garcia est revenu sur l’occupation qu’il a qualifié d’aventure. « L’occupation s’est opérée dans le respect. Je suis heureux que le théâtre puisse être un lieu de travail. » Puis il a courtoisement invité les portes paroles du mouvement à venir s’exprimer sur l’état de la situation.
Ceux si se sont félicités de l’accord trouvé dans la nuit du 27 au 28 avril dernier par les organisations de salariés et d’employeurs du secteur du spectacle, sur l’assurance chômage spécifique aux intermittents. Encouragé par sa base, la CFDT qui restait réservée, a finalement signé lundi à l’issue de son bureau fédéral. Désormais, le texte est paraphé par l’ensemble des syndicats représentatifs du secteur culturel. Ce qui est plutôt de bonne augure pour la suite, car comme le souligne les membres du CIP LR toujours sur le front, la vigilance reste de rigueur. « Cet accord reprend bon nombre de nos revendications construites, de luttes acharnées à décrypter, expliquer, convaincre et d’occupations, d’actions menées depuis 2003. C’est un accord Robin des bois issu de treize ans de lutte.»
Parmi les principaux points actés dans cet accord figurent, l’ouverture des droits à l’indemnisation aussi bien pour les artistes que pour les techniciens, à partir de 507 heures travaillées sur 12 mois. L’accord prévoit aussi un retour à une date anniversaire pour le calcul des droits des intermittents, un système plus avantageux que l’actuel dispositif «glissant», instauré en 2003. Sont aussi prévus «la neutralisation des baisses d’indemnisation après un congé maternité» ou encore « un début de prise en compte des arrêts maladie concernant les affections de longue durée ».
Medef et gouvernement
Tout n’est pas résolu car c’est un accord de branche et il faudra encore qu’il franchisse l’étape interprofessionnelle de l’Unedic. En clair pour la CIP l’accord doit être avalisé tel quel par le Medef qui préconisait dans sa feuille de route de faire 400 M d’euros d’économie par an d’ici 2020. La conscience comme la connaissance du dossier pousse le mouvement unitaire à raffermir la solidarité interprofessionnelle et à se positionner d’or et déjà contre une participation ponctuel de l’Etat. «?Dans ce cas l’accord ne sera plus pérenne, et nous serions tributaires des budgets revus annuellement ainsi que d’une alternance politique.?» Enfin, le triomphe n’est pas de rigueur car la revendication concerne l’ensemble des chômeurs. Les propositions du Medef sur le régime général prévoient des coupes terribles pour les activités réduites et les personnes les plus démunies comme les seniors «Ce que nous défendons nous le défendons pour tous»
Les jeunes de Nuit debout sont venus occuper un parc menacé par des constructions, en soutien aux habitants en lutte. Ce poumon vert est indispensable pour l’harmonie de ce quartier de Montpellier. Les enfants apprécient : ils jouent dans le parc !
Les barrières de chantier ont été écartées pour ouvrir un passage. Un panneau coloré peint par des petites mains sur un grand morceau de carton annonce aux passants : « parc ouvert ». Au-delà, un étroit chemin s’enfonce entre les arbres pour déboucher sur une esplanade enherbée, dominée par une petite colline. De là haut, la vue embrasse les immeubles cernant l’unique espace vert du quartier. « Il faut venir au petit matin, on entend le concert des oiseaux », confie Aida Gradenigo, habitante de l’un des appartements HLM de la résidence Las Rébès à Montpellier, installée au pied de ce parc.
Depuis dix jours, l’élégante dame aux cheveux blancs n’est plus seule à les écouter le matin. Les lieux ont été investis par quelques dizaines de « jeunes » -étudiants, stagiaires, travailleurs -, venus avec leurs tentes et leurs outils au cœur de ce quartier populaire pour y installer une ZAD -comprenez « zone d’activité démocratique ». Ces nouveaux occupants ont répondu à un appel à l’aide des habitants du quartier. Ils sont une trentaine chaque soir à dormir sur place.
« Pour nous c’est un ballon d’oxygène », assure Hachème Amirpour, retraité de 73 ans. La vue depuis chez lui donne sur le parc. Un bâtiment pourrait être construit à dix mètres seulement de ses fenêtres. Cela fait un peu plus d’un an que les habitués de « la colline », comme on l’appelle ici, ont découvert un jour de début février un permis de construire affiché à l’entrée. Ils comprennent que 63 logements sociaux répartis en trois immeubles vont bientôt s’ériger sur cet hectare de verdure. Très vite, des habitants se réunissent et se mobilisent.
Hacheme, Aida, et Jean-Michel
« Depuis que la résidence Las Rébès a été racheté par l’office public HLM de la mairie, en 1999, les logements comme le square sont moins bien entretenus. Il y a déjà 68 % de logements sociaux dans notre résidence. Le quartier est saturé, la mixité sociale est en train de disparaître, ça suffit », estime Hachème. Mais après un an de réunions de voisinage, d’actions dans le parc et autour, de protestations auprès de la mairie ou dans les consultations de quartier, et de recours juridiques, toujours pas de réponse. Un matin, une première pelleteuse est arrivée, quelques habitants l’ont empêché de commencer. Une dizaine d’entre eux se sont retrouvés assignés en justice pour « entrave à la liberté du travail », en même temps que les deux associations qui défendent cet espace boisé. « On a eu 100 euros par personne d’astreinte, plus 100 autres euros à chaque fois que l’on empêchera les travaux, et les frais de justice sont à notre charge, détaille Hachème, qui fait partie des assignés. Cela fait beaucoup, parmi nous certains ne vivent qu’avec 460 euros pas mois. » Pour éviter de nouvelles sanctions financières, son association, Poumon Vert-Las Rébès, s’est dissoute. Les Enfants de la colline, eux, ont lancé une souscription pour payer les frais de justice : 1.000 euros d’huissier plus 4.000 euros d’avocat.
Un parc au milieu des immeubles, menacé par la construction de trois nouveaux immeubles
Certains commençaient à désespérer, quand le mouvement Nuit Debout de Montpellier leur a donné un nouveau souffle. L’un des opposants a eu l’idée d’aller y raconter l’histoire du square menacé lors de l’assemblée générale. Un appel a été lancé à participer à un grand pique-nique le dimanche 17 avril. Le soir, certains plantaient leurs tentes, l’occupation était lancée.
Un centre aéré à ciel ouvert
Moins de deux semaines plus tard, on pourrait croire qu’ils sont là depuis plusieurs mois. Les bâches tendues entre les branches d’un grand peuplier abritent la cuisine. Une yourte fait office de salon-dortoir-lieu de réunion. Les eaux de la douche ruissellent vers le petit jardin en permaculture où les premières pousses pointent déjà. Le bois des arbres coupés laissé sur place a permis de construire des tipis au sol et des cabanes dans les arbres. Un peu à l’écart, un espace bureau pour les nombreux étudiants qui occupent le site a été aménagé. « On envisage aussi d’y faire du soutien scolaire », espère Jules, l’un de ceux qui a planté sa tente sous les arbres. En bordure de l’esplanade, une aire d’herbes hautes est protégée par des barrières, pour ne pas déranger les hérissons. Ils sont réputés nombreux sur la zone. Plusieurs espèces de chauve-souris ont également été repérées.
Salon, dortoir et salle de réunion : la yourte est bien utile
Camille affiche une liste des règles sur la zad. « La règle n°1, c’est l’autogestion ! », explique-t-elle. On compte sur chacun pour participer à la vie collective. Mais l’enjeu, c’est aussi de préserver le lieu -notamment en évitant des déchets – et surtout de ne pas déranger les habitants. L’alcool fort est interdit, musique, bière et vin sont proscrits après 22 heures en semaine, 23 heures le week-end. « Et tous les matins, on essaye de se lever vers sept heures pour que tout le monde soit prêt quand les gens arrivent », ajoute Camille.
La première régle est l’autogestion
Vers quatorze heures, le jardin s’anime de cris d’enfants. Le square est devenu le lieu de rendez-vous des gamins du coin. Sous la yourte, un cours de percussions s’organise. Vers le tipi des enfants, se tient un atelier peinture. Un match de foot s’installe sur l’esplanade tandis qu’une partie de balle au prisonnier commence en contrebas. Les « zadistes » font office de moniteurs de centre aéré. Pas besoin d’expliquer aux petits pourquoi une journaliste vient les voir. « Je ne veux pas qu’ils construisent parce que j’aime bien venir ici, on s’amuse », lance Bayane. « On est là pour jouer, avoir des nouvelles copines, pour profiter de la nature. C’est trop bien cet endroit, on rencontre des gens qu’on ne connaît pas ! » approuve Cherine.
Les enfants jouent entre les tentes
Certains viennent seuls, d’autres avec leurs mères. Elles, pour la plupart, se tiennent un peu à l’écart, installées sur des chaises de jardin en plastique. La majorité sont voilées. Un groupe d’ados en baskets et jogging tient conseil un peu plus près du campement. Anne, jeune maman voilée, vient avec ses deux enfants et n’hésite pas à se mêler à la bande d’occupants et d’habitants mobilisés qui fait vivre le campement : « Avant, j’avais l’habitude de traverser le parc tous les jours pour emmener les enfants à l’école. Mais on y restait peu. Depuis que c’est occupé, c’est du bonheur, on est dans la nature, les gamins ils se régalent, ils font autre chose que de regarder la télé, ils dorment mieux le soir. Et nous on rencontre des gens, des voisins. On a pris conscience de l’importance de garder ce bout de vert et on n’a plus envie de le laisser au béton. »
Tristan : « On nous rabâche qu’il faut casser les ghettos »
Tristan, la trentaine, rentre du boulot et vient promener son chien qui chahute avec les gamins. « Je viens tous les jours, raconte-t-il. J’habite ici depuis quatre ans et c’est au parc que j’ai rencontré mes voisins. Je ne comprends pas ce projet. Toute l’année, on nous rabâche qu’il faut casser les ghettos, faire de la mixité sociale, et un matin on nous dit qu’on va planter encore plus de logements sociaux dans un quartier où il y en a déjà plus de 500 ! »
Hacheme Aida Jean-michel_
« Dans un quartier avec espace vert, la criminalité baisse de 60 % »
En fin d’après-midi, deux animatrices improvisées ramènent trois petites filles qui habitent quelques centaines de mètres plus loin, dans la cité des Cévennes. Là, les immeubles sont deux fois plus haut qu’à Las Rébès. Au pied de la dizaine d’étages, se succèdent boulangerie, boucherie hallal, épicerie et tabac aux devantures délavées. La mosquée s’est installée dans un ancien supermarché. En face, entre deux barres, une dalle de béton est colonisée par une nuée d’enfants en rollers, surveillés depuis les balcons colorés de linge. On nous fait comprendre qu’il faut ranger l’appareil photo. « Il y a aussi des espaces verts chez nous », lâche une des fillettes en désignant quelques mètres carrés accueillant deux pins qui surmontent quelques buissons. « Mais c’est vrai qu’ici on tourne en rond, alors qu’au parc on fait de nouvelles activités », ajoute-t-elle.
« Le quartier s’est paupérisé ces cinq dernières années, la résidence des Cévennes est en voie de ghettoïsation et de paupérisation », affirme Jean-Michel Vidal. Ce fonctionnaire vit à Las Rébès depuis dix-sept ans. « On vient d’être classé Zone urbaine sensible. Derrière la préservation du parc il y a aussi un enjeu social. Pourquoi des gens plus démunis n’auraient-ils pas droit à un espace vert ? Ce sont justement ceux qui n’ont ni jardin, ni résidence secondaire ! Il y a une étude qui dit que dans un quartier avec des espaces verts, la criminalité baisse de 60 %. Les jeunes ont besoin d’un endroit où se détendre, où jouer au ballon, courir, au lieu d’être en bas de l’immeuble. Toute personne sensée sait ça ! »
En face, le porteur du projet de construction est ACM Habitat, l’office public de l’habitat de la métropole de Montpellier. Son président n’est autre que le maire de la ville, le divers gauche Philippe Saurel, qui rappelle que l’office a reçu 16.000 demandes de logements sociaux en 2015… Il explique également ne pouvoir arrêter un projet déjà bien avancé. Son adjointe à l’urbanisme, Stéphanie Jannin, a reçu les habitants et leur a indiqué qu’il resterait environ 7.000 mètres carrés de parc autour des futurs immeubles, à aménager en concertation.
« Mais ces espaces seront dédiés à de la voirie », craint Hachème. « Et pourquoi ne va-t-on pas mettre des logements sociaux dans les quartiers du sud-est, où ils construisent des appartements de luxe de deux cent mètres carrés ? », interroge Jean-Michel.
« Avec l’association Anticor, nous avons donc porté plainte contre X auprès du procureur de la République pour prise illégale d’intérêt. Stéphanie Jannin aurait dû se désinvestir du dossier, or elle a reçu les habitants en concertation et a fait de nombreuses prises de parole sur le sujet », explique Sébastien Lenoir, président des Enfants de la Colline. Autre espoir du côté de la voie juridique, l’association entame un recours contre le permis de construire, car le bâtiment 11 du quartier Las Rébès, juste en bordure du parc, est déjà fragilisé. La crainte est que les nouvelles constructions précipitent son effondrement.
Afin de débloquer l’affaire, les membres du conseil citoyen du quartier des Cévennes (qui contient Las Rébès et la cité des Cévennes) appelle la mairie à la concertation. Pour les occupants, cette journée de lundi risque d’être décisive : les vacances scolaires finies, les enfants seront moins présents et la police pourrait ne plus hésiter à intervenir. « Avec l’état d’urgence j’ai peur que ça se finisse en matraque et gazage », avoue Tristan. « Mais on est préparés, répond Jules. On a des listes de personnes à appeler en cas d’intervention, on peut ramener du monde. Et on a la vigie », lâche-t-il en désignant une cabane en haut du grand peuplier. Les policiers mettraient alors du temps à en déloger les occupants, suffisamment pour faire venir du renfort. Cet arbre, le seul que le projet de construction a prévu de garder, serait alors le meilleur allié des défenseurs du square.
« Nous ne refuserons jamais de grandir » Photo Pascal Guyot. AFP
Le directeur du centre dramatique national de Montpellier Rodrigo Garcia, livre son point de vue sur l’occupation du CDN et sur l’avenir incertain du lieu où campent toujours les intermittents et précaires.
Comment réagissez-vous face à l’action menée par les intermittents et précaires qui occupent le CDN depuis mardi soir ?
C’est une occupation très relative parce qu’habituellement lorsqu’on parle d’occupation on fait référence à une action violente qui ne s’est pas produite. Ils ont attendu la fin de la première du spectacle d’Ana Borralho et Joao Galante et sont montés sur scène d’une façon certes surprenante, mais de manière tout à fait respectueuse. Lorsqu’ils nous ont exprimé les raisons de leur intervention, personne n’a rien eu à redire. Leur action leur permet pour l’instant de profiter des locaux du CDN.
Que pensez-vous de leurs revendications ?
Je partage le point de vue des travailleurs. Perdre des droits correspond à un retour en arrière. Certaines préoccupations exprimées concernent aussi le futur de ce CDN qui font jour dans le débat sur la compétence culturelle qui se tient actuellement entre le Conseil départemental et la Métropole de Montpellier. La déclaration du président de la Métropole qui a évoqué le transfert possible du CDN au Domaine D’O, a généré beaucoup d’incertitudes pour les artistes, le public et auprès des différents personnels concernés.
Quelle est votre position face à cet éventuel déménagement ?
Pour ce qui nous concerne, nous ne refuserons jamais de grandir. Toute initiative qui viserait à faire du CDN un projet plus important, j’y serais favorable.
Pour l’heure, les tractations semblent de natures purement politiques mais personne n’évoque de projet artistique…
C’est une des choses que j’ai dite au Président Philippe Saurel.
Êtes-vous entré en contact avec vos tutelles depuis l’occupation ?
Oui, j’ai contacté l’ensemble des tutelles afin de les informer de la situation et je les ai invitées à venir. Je pense que des représentants du ministère de la Culture ont assisté à une partie des débats.
Avez-vous obtenu des réponses de leur part ?
Pas pour l’instant. J’ai le sentiment que ce qui est débattu actuellement va bientôt tourner en rond parce que nous débattons face à une chaise vide.
Si l’on se réfère au mouvement de 2014, l’occupation pourrait se prolonger dans le temps. Comment envisagez-vous l’avenir ?
Je participe à presque toutes les AG et je leur ai dit que cette occupation me paraissait sensée si elle pouvait produire des résultats. Pour moi l’objectif est de faire venir les politiques, de s’asseoir et de discuter. Mais cela relève peut-être d’une vision naïve. Moi c’est comme ça que je vois les choses… C’est aux personnes qui sont mobilisées de décider. Une AG a lieu cet après-midi…
Recueilli par JMDH
AU CDN DE MONTPELLIER LE MOUVEMENT UNITAIRE MAINTIENT LE CAMPS ET OUVRE LE DEBAT
« On occupe parce qu’on fait partie du monde et que le monde bouge. » Depuis mardi, une AG ouverte se tient chaque jour au CDN de Montpellier qui reste occupé par les membres de la coordination des intermittents et précaires et ceux de la CGT Spectacle. Mercredi après la représentation, une nouvelle intervention a eu lieu en direction du public dont les applaudissements soulignent la solidarité.
Dans la foulée l’AG a accueilli des lycéens et citoyens participants aux Nuits debout dont les manifestations font gronder la ville. La réflexion s’oriente sur la convergence des luttes. L’esprit consiste à changer de paradigme pour passer de la vision économique, schéma ultra-violent qui guide aujourd’hui la politique – dont les acteurs culturels mesurent tous les jours les effets mortifères -, à un modèle social, reposant sur le bien vivre ensemble.
Rien ou presque n’a filtré des négociations sur les annexes 8 et 10 qui se tiennent le jour même. Comme si le climat social qui règne dans le pays mettait ce débat en sourdine. Le patron du Medef qui vient de qualifier par SMS, la présidente de la CFE-CGC, de « cégétiste » menacerait de quitter la table sous le prétexte qu’il ne veut pas dialoguer « avec des gens partisans de la lutte des classes ». C’est tellement démodé.
Pour Stéphanie Marc de la CIP « Il ne s’agit pas s’inscrire dans une quelconque continuité du mouvement de 2014, mais d’inventer de nouvelles formes. Notre action a démarré de manière sage. C’est absolument normal que cela soit ainsi au début. Nous avons décidé de ne pas bloquer les spectacles et de respecter les outils de travail. Cela c’est notre position aujourd’hui… »
Il apparaît clairement que le choix du CDN concerne en premier lieu l’Etat que l’on souhaite rappeler à sa raison d’être. Un comédien revient sur certains fondamentaux : « Oui, le chômage, la maladie, la retraite, coûte de l’argent. On n’a pas à s’excuser d’être au chômage, d’être malade ou à la retraite. Dans une République , personne ne doit nous faire croire que nous sommes responsables de cela. La prise en charge de ces coûts, c’est républicain. Et nous sommes citoyens de cette République, à moins qu’on nous dise le contraire. »
Dans le hall où les occupants se relayent pour passer les nuits, on trompe la fatigue dans la bonne humeur : « Panama on y va ! » On réfléchit aussi sur le mode « qu’est ce qu’on fait demain ?» Personne ne tient à se tirer une balle dans le pied. Alors on cherche à fonder des alliances, et à trouver de nouvelles cibles.
Milena Argus son roman Mal de pierres sera porté au cinéma par N. Garcia. dr
La 31e Comédie du Livre se déroulera du 27 au 29 mai 2016. L’événement se classe dans le top 5 des manifestations littéraires françaises . Plus de 100 000 visiteurs sont attendus.
Après la littérature Ibérique en 2015, la manifestation confirme l’ancrage méditerranéen de la Métropole en mettant cette année à l’honneur la littérature italienne. Le plateau d’auteurs invités compte pas moins de 35 écrivains italiens. La disparition de géants mondiaux comme Antonio Tabucci en 2012, ou plus récemment Umberto Ecco démontre la fertilité de la péninsule italienne en matière de monstres de la littérature. C’est-à-dire la capacité de l’Italie à produire des écrivains dont les oeuvres structurent notre imaginaire et notre rapport au monde.
Parmi ceux qui seront présents à Montpellier Claudio Magris héritier de la La Mitteleuropa qui connaît un grand succès public et critique, ou encore Erri De Luca dont les écrits lumineux frappent l’imaginaire autant que ses textes plus engagés. Luviana Castellina ex députée européenne, incarnera l’une des grandes consciences politiques en l’Italie tandis que Milena Agus représentera la nouvelle vague littéraire sarde.
Les maisons d’édition réputées pour leur catalogue italien débarquent avec leurs auteurs : Francesca Melandri, Giorgio Vasta, Andréa Bajani, et Ronerto Innocenti pour Gallimard, Stefano Benni, Giorgio Pressburger Valerio Magrelli et Antonella Cilento, pour Actes Sud, ou encore Paolo Giordano, Marcello Fois, pour les éditions du Seuil. Michela Murgia les Antonio Moresco, Walter Siti et l’historien Giacomo Todeschini pour Verdier. A noter que l’éditeur invité cette année viendra aussi accompagné de talentueux auteurs français tels que Patrick Boucheron, Pierre Bergounioux et David Bosc.
Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle révèle déjà le vaste panorama littéraire italien qui sera offert à travers la vitalité de ses écrivains, y compris dans le domaine du Roman noir et policier où les auteurs mettent souvent au centre de leurs intrigues les mensonges et les secrets de l’histoire officielle représenté par Maurizio De Giovanni et Luca Poldelmengo (Rivages) ou Giancarlo De Cataldo, l’auteur de Romanzo criminale qui est à la fois écrivain, scénariste et magistrat accompagné de Carlo Bonini (Métailié) et Paola Barbato (Denoël).
Le grand dessinateur Lorenzo Mattoti (Casterman) qui signe l’affiche de cette édition viendra illustrer l’élégance et la pureté du trait très présentes dans la bande dessinée italienne. Pour conclure, on doit se préparer à tout et prendre un peu d’avance sur les lectures.
JMDH
Les préfaces en médiathèques : L’Italie à l’heure des bilans
Massimo Tramonte
Le réseau des médiathèques de la Métropole propose un avant goût de la 31e Comédie du livre jusqu’au 26 mai 2016. Aujourd’hui à 18h30, au Grand auditorium de la Médiathèque Emile Zola à Montpellier, le maître de conférence Massimo Tramonte donnera une conférence sur le thème : L’Italie à l’heure des bilans.
L’universitaire entend dresser un bilan réaliste et sans concession. « L’Italie est l’un des pays fondateurs de l’Union européenne et de la zone euro. Malgré cela l’Italie vit depuis de nombreuses années une crise économique, politique et morale dont on ne voit pas l’issue.
Des écrivains comme Roberto Saviano et Giancarlo De Cataldo, entre autres, ont bien décrit dans des ouvrages de fictions construites comme des enquêtes journalistiques, les dérives de l’Italie actuelle.
L’Italie est un pays en déclin avec des inégalités toujours plus importantes où 5% des familles les plus riches détiennent 35% de la richesse du pays et où 20% des plus pauvres s’acheminent vers une pauvreté absolue. Un pays où un jeune de 27 ans, qui a la chance de travailler, gagne en moyenne 26% de moins qu’un jeune de 27 ans en 1993 (données officielles).
Un pays où la distance entre la politique et la réalité du pays est toujours plus grande. A l’heure des bilans, il faudrait, pour « sauver » l’Italie, comme le disait il y a quelques années l’historien Paul Ginsborg : faire confiance à des éléments fragiles mais toujours présents dans le passé de l’Italie : l’expérience des autonomies locales, l’européisme, les aspirations égalitaires et l’idéal de la paix, toutes choses inscrites dans cette Constitution qu’on voudrait changer en profondeur. »
Le 8 avril Dominique Fernandez présentera son dictionnaire amoureux de l’Italie.
Après l’époustouflant Jaguar, Marlène Monteiros Freitas nous accompagne au Paradis ce vendredi 08 mars à hTh.
Même si vous n’êtes pas très en forme, ce qui peut se comprendre par les temps qui courent, lâchez vos antalgiques pour allez voir Marlène Monteiros Freitas. On vous le prescrit sans ordonnance. Révélation de la scène chorégraphique actuelle, la chorégraphe finit son escale montpelliéraine ce soir. Elle vous libérera de tous vos encombrements et autres tracasseries morales ou économiques. Née au Cap-Vert, Marlène Monteiros Freitas vit à Lisbonne. Son parcours s’appuie sur les figures du grotesque et de la transgression derrière lesquelles perce une sensibilité qui transperce les murs.
En début de semaine, elle a présenté son dernier opus, Jaguar, au Théâtre La Vignette. Un duo de choc avec Andreas Merk de près de deux heures, vertigineux et bouleversant. « Jaguar est une scène de chasse hantée » indique la chorégraphe.
Dans la pièce, les corps des danseurs se font marionnettes et se laissent emporter par le rythme entraînant du carnaval capverdien. « J’aime la contradiction du laid et du beau que l’on trouve dans le carnaval. Je me souviens des cortèges funèbres qui passaient dans l’île. De cette coexistence entre les choses tristes et joyeuses, funèbres et érotiques ». Jaguar doit aussi beaucoup à l’oeuvre du Suisse Adolf Wölfli un héros fou et criminel emprisonné en hôpital psychiatrique à la fin du XIXe. «Je l’ai découvert en tombant sur un de ses dessins complètement saturé. Wölfli s’est réinventé une nouvelle vie. Il a aussi produit des peintures qui donnent le vertige.» Avec des serviettes éponge pour seuls outils, les deux danseurs enchaînent une séries de métamorphoses qui nous font changer de monde. « L’idée de la métamorphose traduit toujours un désir d’échange avec les autres, explique Marlène Monteiros Freitas. Elle permet d’instaurer une autre relation parce qu’un déplacement s’opère y compris chez celui qui regarde. La transformation se situe à un niveau collectif. Je travaille pour trouver des hybrides soit hétérogènes soit contradictoires, une énergie de la contradiction ».
Le paradis selon Marlène
Pour Paradis collection privée la seconde pièce présentée vendredi 8 mars au CDN, la chorégraphe s’inspire des Jardins d’Eden de Bosh ou de Cranach et des mosaïques de Santa Maria Assunta de l’île de Torcello. Ces mondes inquiétants et fantasmés, ambivalents, qui rendent poreuse la frontière entre le bien et le mal. « Mon envie de paradis se rapporte à une fiction, à un imaginaire totalement libre et pas à une idée au service de la morale. Le paradis est une idée inventée et réinventée dans l’histoire qui offre d’immenses possibilités artistiques. Le paradis est une porte possible qui s’ouvre sur un lieu où tout est permis. Chacun peut se faire son idée de ce lieu, ce qui est un danger, mais personne ne sait ce que c’est.»
Le travail de Marlène Monteiros Freitas pose un climat émotionnel, une forme d’engagement au détriment du sens qui mobilise l’ énergie première des souffrances et délices de l’enfance.