Par Jean-Marie Dinh
Sept festivals incontournables se succéderont au Domaine départemental d’O du 7 mai au 27 août 2016.
Les rapports à la culture se déplacent mais l’espace départemental dédié à la culture du Domaine d’O conserve son attractivité. Le président du Conseil départemental Kléber Mesquida entouré du président de l’Epic du Domaine, Michael Delafosse, et des directeurs artistiques des festivals d’été Elysé Lopez, président des Folies d’O, Habib Dechraoui pour Arabesques, Sabine Maillard pour les Nuits d’O, Jean Varela pour le Printemps des comédiens et Isabelle Grison pour Saperlipopette, Mélanie Villenet-Hamel pour la direction du pôle artistique ainsi que Jean Pierre Rousseau pour la longue escale du Festival de Radio France ont présenté succinctement l’offre culturelle du Domaine d’O jusqu’à la fin de l’été.
Qualité diversité accessibilité
L’offre est pléthorique et la qualité se dispute avec la diversité dans un souci d’accessibilité qui a toujours guidé la politique culturelle du département de l’Hérault. « Parce qu’elle émancipe et rassemble, la culture doit être ouverte à tous plus que jamais, le Département s’engage pour le savoir, les artistes et le spectacle vivant », résume le vice-président à l’Education et à la Culture Renaud Calvat.
La fête commencera les 7 et 8 mai avec Saperlipopette, festival dédié aux plaisirs des enfants et des parents qui répond cette année à la thématique « Il était une fois… Aujourd’hui ». Occasion d’aborder la dimension contemporaine des textes et des spectacles destinés au jeune public, souligne Isabelle Grison. Après le week-end d’ouverture à Montpellier le festival rayonnera dans pas moins de 18 communes du département jusqu’au 29 mai.
Du 11 au 22 mai le festival Arabesques, grand rendez-vous des arts du monde arabe, prendra le relais. Pour sa 11e édition, sans se départir de ses épices festives et éclectiques, l’expression artistique donnera de l’air à la confusion politique, aux idéologies pernicieuses et aux libertés confisquées sur le thème de L’Orient Merveilleux de Damas à Grenade. Les recettes de ce festival qui concerne un public peu présent dans la sphère culturelle habituelle, s’avéreront savoureuses en termes de partage.
30e Printemps des Comédiens
En trente ans, combien de représentations ? combien d’artistes ? combien d’éclats de rire ? combien d’orages ? d’éblouissements ? de bonheurs de théâtre ? Le second festival de théâtre français après Avignon se tiendra du 3 juin au 10 juillet au Domaine d’O avec une nouvelle programmation, signée Jean Varela, d’un équilibre exceptionnel. Le public fidèle s’y rend désormais les yeux fermés. Un signe de confiance, dans un monde qui en manque, mais Jean-Claude Carrière, qui préside le festival et garde toujours les yeux ouverts, nous invite par ce geste à affirmer que nous sommes vivants. « Cette année nous avons une raison de plus d’aller au théâtre. Car il y a quelques mois, à Paris, un théâtre a été mitraillé, acteurs et spectateurs. »
Pour sa 10e édition, Folies d’O qui propose une programmation d’opérettes et comédies musicales en plein air présentera Orphée au Enfers les 2, 3 et 5 juillet dans l’amphithéâtre d’O. Oeuvre parodique de libération pour Offenbach mis en scène par Ted Huffman sous la direction musicale de Jérôme Pillement. Le Festival de Radio France poursuivra la fête du 11 au 26 juillet avec son volet Jazz concocté par Pascal Rozat et un Carmina Burana dans la version pour deux pianos. Les Nuits d’O musique et cinéma clôtureront l’été du 18 au 26 août avec six fiévreuses soirées à déguster sous les étoiles.
Transfert de compétence
La bataille politique engagée pour la gouvernance du Domaine d’O servira-t-elle la culture ?
La présentation de l’offre culturelle départementale s’inscrit dans un âpre débat sur le transfert de compétence entre le département de l’Hérault et la Métropole de Montpellier présidée par Philippe Saurel. Celui-ci dispute la compétence culturelle au département qui tente de conserver la vitrine d’une politique culturelle ambitieuse.
Alors que la carte des nouvelles compétences des 13 Métropoles est presque achevée, ce combat fait de la Métropole montpelliéraine un cas d’école. A l’exception de la Métropole Rouen-Normandie qui a acquis par convention la gestion de trois musées, aucune des conventions de transferts signées à ce jour ne concerne la culture. L’enjeu semble avant tout politique pour Philippe Saurel, dont l’exclusion assumée du PS et le faible score aux Régionales, le pousse à asseoir son assise sur le territoire métropolitain.
La question de ce transfert se pose aussi en termes économiques. Le budget culturel global du Conseil départemental de l’Hérault avoisine les 12M d’euros dont 3M à 4M d’euros devraient être compensés par la Métropole en cas de transfert, si celle-ci conserve la qualité de l’offre actuelle.
Une troisième réunion sur le sujet est prévue prochainement entre les représentants des deux institutions. Dans le cas où les deux parties ne parviendraient pas à un accord, un ensemble beaucoup plus vaste de compétences serait transféré de plein droit à la métropole pour un budget estimé à 31M d’euros.
Pour l’heure, ce dossier n’a pas été débattu au Conseil de la Métropole. Dans l’hypothèse d’un transfert du Domaine d’O, Philippe Saurel s’est déjà prononcé pour y installer le CDN. Ce projet qui nécessite l’avis de l’Etat, avait naguère été évoqué par le Conseil général mais aujourd’hui, d’un côté comme de l’autre, personne ne se soucie de projet artistique et les directeurs qui jouissent d’une liberté de programmation n’ont pas voix au chapitre…
L’évolution des festivals
Faute de pouvoir présenter la programmation artistique de chaque festival et d’en mesurer la pertinence dans les équilibres, la présentation mutualisée a été nourrie par le regard d’ Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS en Science politique dont les travaux confrontent les politiques culturelles à l’épreuve des pratiques.
Auteur de plusieurs études sur les festivals, l’expert a évoqué le phénomène de la festivalisation en soulignant plusieurs grandes tendances. Ainsi à quelques exceptions près concernant une poignée de grands festivals en Europe, l’inflation des festivals consolide leur ancrage territorial. Les festivals deviennent des opérateurs culturels et développent des actions tout au long de l’année. 50% des manifestations étudiées «?génèrent?» ainsi une activité à l’année. 70% du public des festivals est local. Sociologiquement ont assiste à une féminisation du public ainsi qu’à son vieillissement, accompagné d’une fragmentation des goûts artistiques.
Si on compare les coûts de fonctionnement d’un théâtre ou d’une salle de concert, les festivals permettent de faire des économies notamment grâce au recours au bénévolat. Mais ils bénéficient moins des politiques publiques en matière de pédagogie et de démocratisation artistiques.
Voir aussi : Actualité Locale Rubrique Politique culturelle, Vers un Domaine d’O multipolaire, Crise : l’effet domino, rubrique Festival, Théâtre, rubrique Musique,,