Le directeur du centre dramatique national de Montpellier Rodrigo Garcia, livre son point de vue sur l’occupation du CDN et sur l’avenir incertain du lieu où campent toujours les intermittents et précaires.
Comment réagissez-vous face à l’action menée par les intermittents et précaires qui occupent le CDN depuis mardi soir ?
C’est une occupation très relative parce qu’habituellement lorsqu’on parle d’occupation on fait référence à une action violente qui ne s’est pas produite. Ils ont attendu la fin de la première du spectacle d’Ana Borralho et Joao Galante et sont montés sur scène d’une façon certes surprenante, mais de manière tout à fait respectueuse. Lorsqu’ils nous ont exprimé les raisons de leur intervention, personne n’a rien eu à redire. Leur action leur permet pour l’instant de profiter des locaux du CDN.
Que pensez-vous de leurs revendications ?
Je partage le point de vue des travailleurs. Perdre des droits correspond à un retour en arrière. Certaines préoccupations exprimées concernent aussi le futur de ce CDN qui font jour dans le débat sur la compétence culturelle qui se tient actuellement entre le Conseil départemental et la Métropole de Montpellier. La déclaration du président de la Métropole qui a évoqué le transfert possible du CDN au Domaine D’O, a généré beaucoup d’incertitudes pour les artistes, le public et auprès des différents personnels concernés.
Quelle est votre position face à cet éventuel déménagement ?
Pour ce qui nous concerne, nous ne refuserons jamais de grandir. Toute initiative qui viserait à faire du CDN un projet plus important, j’y serais favorable.
Pour l’heure, les tractations semblent de natures purement politiques mais personne n’évoque de projet artistique…
C’est une des choses que j’ai dite au Président Philippe Saurel.
Êtes-vous entré en contact avec vos tutelles depuis l’occupation ?
Oui, j’ai contacté l’ensemble des tutelles afin de les informer de la situation et je les ai invitées à venir. Je pense que des représentants du ministère de la Culture ont assisté à une partie des débats.
Avez-vous obtenu des réponses de leur part ?
Pas pour l’instant. J’ai le sentiment que ce qui est débattu actuellement va bientôt tourner en rond parce que nous débattons face à une chaise vide.
Si l’on se réfère au mouvement de 2014, l’occupation pourrait se prolonger dans le temps. Comment envisagez-vous l’avenir ?
Je participe à presque toutes les AG et je leur ai dit que cette occupation me paraissait sensée si elle pouvait produire des résultats. Pour moi l’objectif est de faire venir les politiques, de s’asseoir et de discuter. Mais cela relève peut-être d’une vision naïve. Moi c’est comme ça que je vois les choses… C’est aux personnes qui sont mobilisées de décider. Une AG a lieu cet après-midi…
Recueilli par JMDH
AU CDN DE MONTPELLIER LE MOUVEMENT UNITAIRE MAINTIENT LE CAMPS ET OUVRE LE DEBAT
« On occupe parce qu’on fait partie du monde et que le monde bouge. » Depuis mardi, une AG ouverte se tient chaque jour au CDN de Montpellier qui reste occupé par les membres de la coordination des intermittents et précaires et ceux de la CGT Spectacle. Mercredi après la représentation, une nouvelle intervention a eu lieu en direction du public dont les applaudissements soulignent la solidarité.
Dans la foulée l’AG a accueilli des lycéens et citoyens participants aux Nuits debout dont les manifestations font gronder la ville. La réflexion s’oriente sur la convergence des luttes. L’esprit consiste à changer de paradigme pour passer de la vision économique, schéma ultra-violent qui guide aujourd’hui la politique – dont les acteurs culturels mesurent tous les jours les effets mortifères -, à un modèle social, reposant sur le bien vivre ensemble.
Rien ou presque n’a filtré des négociations sur les annexes 8 et 10 qui se tiennent le jour même. Comme si le climat social qui règne dans le pays mettait ce débat en sourdine. Le patron du Medef qui vient de qualifier par SMS, la présidente de la CFE-CGC, de « cégétiste » menacerait de quitter la table sous le prétexte qu’il ne veut pas dialoguer « avec des gens partisans de la lutte des classes ». C’est tellement démodé.
Pour Stéphanie Marc de la CIP « Il ne s’agit pas s’inscrire dans une quelconque continuité du mouvement de 2014, mais d’inventer de nouvelles formes. Notre action a démarré de manière sage. C’est absolument normal que cela soit ainsi au début. Nous avons décidé de ne pas bloquer les spectacles et de respecter les outils de travail. Cela c’est notre position aujourd’hui… »
Il apparaît clairement que le choix du CDN concerne en premier lieu l’Etat que l’on souhaite rappeler à sa raison d’être. Un comédien revient sur certains fondamentaux : « Oui, le chômage, la maladie, la retraite, coûte de l’argent. On n’a pas à s’excuser d’être au chômage, d’être malade ou à la retraite. Dans une République , personne ne doit nous faire croire que nous sommes responsables de cela. La prise en charge de ces coûts, c’est républicain. Et nous sommes citoyens de cette République, à moins qu’on nous dise le contraire. »
Dans le hall où les occupants se relayent pour passer les nuits, on trompe la fatigue dans la bonne humeur : « Panama on y va ! » On réfléchit aussi sur le mode « qu’est ce qu’on fait demain ?» Personne ne tient à se tirer une balle dans le pied. Alors on cherche à fonder des alliances, et à trouver de nouvelles cibles.
Source : La Marseillaise culture 15/04/2016
Voir aussi : Actualité Locale, Rubrique Société, Travail, Mouvements sociaux, Intermittents retour au front, Négociations explosives, Lettre de Rodrigo Garcia en 2014, rubrique Politique, Politique Economique, rubrique Montpellier,