Pologne : des manifestants bloquent le Parlement

Wojtek Radwanski, AFP | Des manifestants de l'opposition, à Varsovie.

Wojtek Radwanski, AFP | Des manifestants de l’opposition, à Varsovie.

La police polonaise a dispersé par la force les manifestants réunis autour du Parlement polonais, dont ils ont un temps bloqué toutes les issues, protestant contre le parti au pouvoir que l’opposition accuse d’avoir violé la constitution.

Plusieurs centaines de manifestants d’opposition ont bloqué vendredi 16 décembre les sorties du Parlement polonais à Varsovie empêchant pendant quelques heures des députés de la majorité, la Première ministre Beata Szydlo et le chef du parti conservateur au pouvoir Jaroslaw Kaczynski de quitter le bâtiment.

Cette situation inédite a suivi une manifestation de quelques milliers de personnes dans la soirée devant le Parlement. « Constitution », « médias libres » et encore « vous ne sortirez pas jusqu’à Noël », scandaient les protestataires agitant des drapeaux nationaux rouge et blanc et soufflant dans des cornes de brume. Ils ont été rejoints par des députés d’opposition libérale venus leur apporter leur soutien.

Répondant à l’appel du mouvement de défense de la démocratie KOD, les participants entendaient protester d’abord contre un nouveau règlement limitant l’accès des médias aux députés, et ensuite contre l’adoption du budget de l’Etat pour 2017 dans des conditions inhabituelles. L’opposition accuse le PiS d’avoir violé les dispositions de la constitution polonaise en décidant de déplacer le lieu des débats sur le budget 2017 et empêché la presse d’y assister.

Le président du parti au pouvoir, le Parti du Droit et de laJustice (PiS), Jaroslaw Kaczynski, a finalement pu quitter la Diète après l’intervention des forces de l’ordre qui ont éloigné les protestataires entourant son véhicule. Une partie des manifestants continuaient leur mouvement après, alors que nombre de députés ont décidé de rester à l’intérieur des bâtiments pour la nuit.

Source  AFP et Reuters : 17/12/2016

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique UE, Pologne, rubrique Médias, rubrique Politique, rubrique Société, Citoyenneté,

Suite à la mobilisation des Polonaises, le gouvernement renonce à interdire totalement l’avortement

 Manifestation contre l'interdiction de l'IVG à Varsovie le 3 octobre 2016

La Pologne renonce à l’aberration. Après une journée de mobilisation et de grève générale des femmes polonaises, le gouvernement a annoncé sa décision de renoncer à interdire totalement l’avortement dans le pays. Jaros?aw Gowin, le ministre des Sciences et de l’éducation supérieure a déclaré que cette mobilisation avait amené le gouvernement à réfléchir et lui avait “appris l’humilité”.

Une proposition de loi, poussée par la puissante Église catholique, visait à interdire totalement l’IVG en Pologne. Elle n’y était pourtant autorisée qu’en cas de viol, d’inceste ou de risque grave pour le foetus ou la mère, l’une des des législations les plus restrictives d’Europe en la matière. La Pologne risquait de devenir le premier pays de l’Union européenne à revenir sur le droit à l’avortement (l’Irlande et Malte ne l’ont pas, mais ne l’ont jamais autorisé). Mais, comme l’Espagne en 2014, la Pologne s’est rétractée suite à la mobilisation nationale et internationale.

Lundi, des milliers de femmes ont répondu à l’appel d’organisations féministes. Elles se sont mis en grève et ont manifesté, vêtues de noir, sous la pluie dans les rues de Varsovie.

Ajd, des milliers de femmes font grève en Pologne pour protester contre l’interdiction d’avorter #CzarnyProtest. https://t.co/96UJY5RJFX

— cafebabel.fr (@cafebabel_FR) October 3, 2016

I wish I could abort my government #blackprotest #czarnyprotest #Lebanon pic.twitter.com/onyrtJNdIB

— Abir Ghattas (@AbirGhattas) October 5, 2016

Une mobilisation internationale

Le risque de voir un gouvernement européen revenir sur un droit acquis à la suite d’un long et dur combat en a agacé plus d’une.

Projet de loi visant à interdire l’avortement en Pologne : tout est dit en une photohttps://t.co/lxUb378yEi pic.twitter.com/sOCGsH8Lqc

— Brain Magazine (@brainmagazine) October 5, 2016

À Paris, une manifestation était également organisée en soutien aux Polonaises. Juliette Binoche s’est également prononcée contre ce projet de loi depuis Cracovie.

#MonCorpsMonChoix Solidarité avec les femmes de #Pologne. #BlackProtest #CzarnyProtest #IVG https://t.co/dJQHVlVHN2

— Cécile Debrand (@CessDeb) October 3, 2016

Against the new archaic law against #abortion.
With Malgorzata Szumowska in Krakow #BlackProtest pic.twitter.com/NqhEeKEJGI

— Juliette Binoche (@JulietteBinoche) October 3, 2016

Selon The Independant, dès lundi, la Première ministre polonaise Beata Szydlo s’était distanciée du projet de loi, assurant que le ministère de la Justice ne travaillait absolument pas sur une modification du droit à l’avortement. Elle tentait de calmer les esprits, alors que dans les rues de Varsovie on hurlait contre une loi “médiévale” et “barbare”.

En parlant de loi médiévale, la République d’Irlande est toujours sous le coup d’une loi datant de 1861 qui punit l’avortement par une peine de prison, pouvant aller jusqu’à la perpétuité. SI elle n’est plus appliquée, la prison avec sursis est toujours de circonstance pour les femmes qui tentent d’avorter. En réponse, comme le relatait Marie Claire en juin dernier, des associations féministes comme Alliance for choice, Rosa Labour Alternative et Women on Waves se sont alliées pour mener des opérations de livraison par drone de pilules abortives. Selon le Planning Familial, 47 000 femmes meurent chaque année des suites d’un avortement clandestin.

Source Les InROCKS 05/10/2016

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Pologne, rubrique Politique, Société civile, rubrique Société, Droit des femmes, Mouvement sociaux, Religion, Santé,

Il y a un an, ils se disaient « Charlie »…

Paris 11 janvier 2015

Certains États dont les représentants ont manifesté le 11 janvier 2015 à Paris, avec François Hollande, sont loin d’être des défenseurs de la liberté d’expression. Petit rappel non exhaustif de leurs pratiques en 2015.

Il y a tout juste un an, ils étaient « Charlie ». Ou tout du moins le proclamaient-ils. Le 11 janvier 2015, une cinquantaine de représentants d’États étrangers a défilé à Paris aux côtés de François Hollande pour défendre la liberté d’expression. Clic, une photo pour la postérité. Et puis ils sont rentrés. « Charlie », certains de ces politiciens ne l’ont été qu’une journée. Un an après, on ne compte plus les atteintes à la liberté d’expression dans de nombreux pays représentés. Petit tour d’horizon, non exhaustif.

Espagne

- Personne présente : Mariano Rajoy, Premier ministre

Déjà il y a un an, la présence de Mariano Rajoy à la grande marche du 11 janvier avait fait grincer des dents. Car, en toute discrétion, le pouvoir conservateur ne se privait pas de rogner la liberté d’expression. Poursuites judiciaires contre le journal satirique El Jueves, ou l’humoriste Facu Diaz… Autant de casseroles que le Premier ministre traînait avec lui à Paris. En 2015, la loi « de sécurité citoyenne », votée un an plus tôt, est entrée en vigueur. Une « loi baillon » punissant de lourdes certaines formes de mobilisation sociales développées en Espagne ces dernières années. Au nombre de ces infractions : la résistance pacifique aux forces de l’ordre pour empêcher une expulsion immobilière ou encore l’acte de « perturber la sécurité citoyenne » devant le parlement.

Hongrie

- Personne présente : Viktor Orban, Premier ministre

Le chef du gouvernement hongrois a une définition toute particulière de la liberté d’expression. Invoquée en mai 2015 au parlement européen pour justifier ses déclarations sur une réintroduction de la peine de mort dans son pays (« Nous ne devons pas fuir devant la discussion d’un problème […] la Hongrie respecte la liberté d’expression. »), elle est en général une préoccupation secondaire de ce populiste. Régulièrement dénoncé pour des fermetures et censures de médias depuis son arrivée au pouvoir en 2010, le gouvernement de Viktor Orban aurait notamment ordonné à la télévision publique de censurer les images d’enfants dans ses reportages sur les réfugiés. Il ne faudrait pas que les Hongrois soient trop sensibilisés à leur cause… Notons que le parlement européen a voté, mi-décembre, une résolution demandant l’engagement immédiat d’un « processus de surveillance en profondeur concernant la situation de la démocratie, de la primauté du droit et des droits fondamentaux en Hongrie ».

Pologne

- Personne présente : Ewa Kopacz, Première ministre

Depuis le défilé du 11 janvier, la Pologne a changé de gouvernement, troquant la formation de Donald Tusk et Ewa Kopacz, Plateforme civique (centre-droit) pour le parti Droit et Justice, dont les idées conservatrices font écho aux discours de son voisin hongrois, le Fidesz, parti de Viktor Orban. Arrivés au pouvoir en novembre, les conservateurs de Droit et Justice n’ont pas attendu pour remodeler à leur façon la liberté d’expression polonaise. Fin décembre, le parlement a ainsi adopté une loi sur les médias assurant le contrôle de la télévision et de la radio publiques, en accordant au gouvernement le pouvoir de nomination des dirigeants de la télévision et de la radio publiques et assurant ainsi un contrôle de ces médias. Depuis l’automne, en Pologne, l’ambiance n’est pas très « Charlie ». Pour l’anecdote, un prêtre, accompagné de proches de Droit et Justice, a même tenté d’exorciser l’un des principaux journaux du pays, jugé mensonger, en récitant une prière devant le siège du média. La petite manifestation a été accueillie par une pluie de dessins humoristiques et de tracts défendant la liberté d’expression.

Russie

- Personne présente : Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères

L’autoritaire Vladimir Poutine, père d’une multitude de lois répressives portant gravement atteinte à la liberté d’expression, continue d’instaurer une propagande massive et d’exercer de multiples pressions à l’égard de tous ceux qui pourraient propager des discours dissonants. Depuis le retour de M. Poutine à la présidence, RSF déplore une censure organisée et contrôlée par les autorités de surveillance des télécommunications et le blocage de nombreux sites d’informations. Le Kremlin aurait également embauché des centaines de personnes pour inonder la toile de messages pro-Poutine et anti-Obama. Certaines ONG défendant les droits des médias et la liberté d’expression sont désormais considérées comme « agents de l’étranger ». En 2015, au moins deux journalistes ont été emprisonnés pour avoir critiqué les autorités municipales ou régionales. Afin d’échapper à la répression, de nombreux journalistes et activistes sont contraints à l’exil.

Ukraine

- Personne présente : Petro Porochenko, Président de l’État

Face à des violations de la liberté de la presse de plus en plus nombreuses, et de multiples exactions, RSF a choisi de recenser les incidents majeurs en un fil d’information. De nombreuses agressions ont été signalées, mais aussi des expulsions arbitraires, des arrestations abusives ainsi que des emprisonnements. Le 16 décembre, le parti communiste a été interdit par une décision de justice, portant ainsi atteinte à la liberté d’expression et d’association. Des dizaines de journalistes étrangers ne peuvent plus entrer sur le territoire ukrainien.

Turquie

- Personne présente : Premier ministre Ahmet Davutoglu

Le gouvernement turc, défenseur de la liberté d’expression ? Il y a un an, la présence du Premier ministre turc à la manifestation du 11 janvier était déjà dénoncée comme le comble de l’hypocrisie. L’année écoulée n’a fait que le confirmer. Quelques jours à peine après cette grande marche, quatre sites web étaient censurés par un tribunal turc pour avoir publié la Une de Charlie Hebdo, « Tout est pardonné ». « Nous ne pouvons accepter les insultes au prophète », avait commenté M. Davutoglu. Pas question non plus d’accepter qu’on se moque du Président. En mars, deux dessinateurs de presse turcs ont été condamnés à une amende de 7.000 livres (2.500 euros) pour « insulte » au président Erdogan. Perquisitions musclées dans des locaux de médias, censure, emprisonnements de journalistes et multiples condamnations pour « insulte » ou « propagande en faveur d’une organisation terroriste »… On ne compte plus les atteintes à la liberté d’expression en Turquie. Trente journalistes ont passé le dernier réveillon en prison, selon la Fédération européenne des journalistes, nombre d’entre eux pour leur travail sur le conflit qui oppose le gouvernement turc et les rebelles kurdes du PKK. La Turquie a par ailleurs expulsé plusieurs journalistes étrangers qui couvraient ce conflit. À la 149e place du dernier classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, la Turquie se place juste devant la Russie (152e) et derrière la Birmanie (144e).

Émirats Arabes Unis

- Personne présente : Cheikh Abdallah Ben Zayed Al-Nahyane, membre de la famille régnante

Procès inéquitables, tortures, violences, emprisonnements et arrestations arbitraires… La liberté d’expression n’existe pas aux Émirats arabes unis. Au moins huit personnes seraient actuellement détenus pour avoir brisé la loi du silence. Ce chiffre ne représente pas grand chose dans un pays où les décisions de justice sont abusives et les principes démocratiques inexistants. Selon Human Rights Watch, « l’État empiète systématiquement sur la sphère privée de ses citoyen-ne-s et la communication à travers le web est strictement contrôlée ». Parmi ces huit détenus – militants politiques ou défenseurs des droits de l’homme figure Mohammed al Roken, membre d’Amnesty International.

Arabie Saoudite

- Personne présente : Abdallah Ben Zayed Al-Nahyane, ministre des Affaires étrangères

Lorsque tout est interdit, contrôlé et réprimé, il est difficile de parler d’information. Si le journalisme existe, en théorie, la liberté d’expression n’est pas tolérée. Les associations indépendantes et les manifestations sont interdites en Arabie Saoudite. L’apostasie est passible de la peine de mort. Chez les journalistes, l’auto-censure fait des ravages. Pour les autres : emprisonnements, actes de torture, violences… Au moins deux journalistes et huit net-citoyens seraient actuellement incarcérés. Des prisonniers d’opinions muselés et torturés, comme l’est encore le blogueur Raif Badawi, déjà flagellé publiquement, toujours dans l’attente de nouveaux coups de fouet. Si une présence militante et pacifique existe bien sur la toile, elle est contrôlée de très très près par le régime.

Israël

- Personne présente : Benyamin Netanyahou, Premier ministre

Le 25 septembre 2015, deux journalistes de l’AFP en reportage en Cisjordanie ont été sauvagement agressés par des soldats israéliens. Un cas loin d’être isolé, selon Reporters sans frontières qui dénonce la multiplication en 2015 des exactions de l’armée et de la police israéliennes à l’encontre de journalistes. En 2015, Israël a dégringolé de cinq rangs dans le classement mondial de la liberté de la presse de l’ONG, s’installant à la 101e place (sur 180). Au moins trois stations de radios palestiniennes ont été fermées – accusées de « promouvoir et encourager le terrorisme contre les civils et les forces de sécurité israéliennes ». Un tribunal israélien a confirmé en septembre l’assignation à résidence surveillée à Mordechai Vanunu, lanceur d’alerte sur les questions du nucléaire – bien qu’il ait déjà purgé une peine de 18 ans d’emprisonnement. Par ailleurs, un roman traitant d’une histoire d’amour entre une Israélienne et un Palestinien a été retiré des programmes scolaires par le gouvernement conservateur de Netanyahou. Il ne faudrait pas encourager les couples mixtes…

Égypte

- Personne présente : Sameh Shoukry, ministre des Affaires étrangères

En septembre dernier, le président Abdel Fattah Al-Sissi affirmait sur CNN que l’Égypte jouissait désormais d’une liberté d’expression « sans précédent ». On rit jaune. Pour rappel, l’Égypte plafonnait en 2015 à la 158e place (sur 180) du classement de Reporters sans frontières (RSF). Selon un communiqué du Comité de protection des journalistes, basé à New York, seule la Chine a emprisonné plus de journalistes en 2015 que ce « paradis de la liberté d’expression » autoproclamé. En août, une nouvelle loi est venue entamer un peu plus cette liberté, en imposant une amende particulièrement lourde aux journalistes et médias qui contrediraient les communiqués et bilans officiels en cas d’attentats.

Tunisie

- Personne présente : Mehdi Jomâa, ancien chef du gouvernement provisoire

Empêchés de couvrir certains événements, des dizaines de journalistes ont, cette année encore, été agressés par les forces de police. Frappés, insultés et menacés ils sont aussi la cible de procès abusifs, souvent poursuivis sur la base du code pénal, au lieu du code de la presse. De multiples interpellations et jugements ont également été prononcés à l’encontre de blogueurs, d’acteurs de l’information ou de militants. Les organisations dénoncent aussi des ingérences de l’exécutif dans le secteur médiatique.

Togo

- Personne présente : Faure Gnassingbé, président de la République

Le très contesté Faure Gnassingbé ne fait pas de la liberté d’expression une priorité, malgré sa présence à la marche républicaine du 11 janvier 2015. Cette année encore, des sites d’information indépendants ont été suspendus par le gouvernement, bloquant les activités de l’opposition et la parole des contestataires remettant en question les dernières élections présidentielles. Le journaliste Bonéro Lawson-Betum a également été arrêté en mai dernier, son matériel saisi et son domicile perquisitionné.

Sénégal

- Personne présente : Macky Sall, président de la République

Alors que le Sénégal était l’un des pays de la région où la liberté de la presse était la mieux établie selon RSF, le contexte sécuritaire et la menace terroriste servirait de prétexte à un contrôle accru sur le secteur. Les organisations de défense des médias ont également dénoncé dans l’année l’utilisation « récurrente du délit d’offense au Chef de l’État, la criminalisation des expressions critiques et l’emprisonnement systématique d’opposants politiques ».

Gabon

- Personne présente : Ali Bongo Ondimba, président de la République

« Depuis l’arrivée au pouvoir du président Ali Bongo Ondimba en 2009, la liberté d’expression et la liberté de la presse n’ont jamais été aussi importantes au Gabon », clame le site Stop Kongossa, lancé en juillet 2015 par l’équipe du président pour contrer les rumeurs et « rétablir la réalité des faits ». Alors certes, le Gabon, 95e sur 180 au classement 2015 de Reporters sans frontières, respecte la liberté d’expression bien plus que son voisin camerounais (133e), mais y a-t-il vraiment de quoi se rengorger ? En 2015, un journaliste a fui le pays, affirmant être victime de menaces de mort, un autre a été détenu par la police militaire et le ministre de la communication a été critiqué pour des velléités d’ingérences médiatiques.

Niger

- Personne présente : Mahamadou Issoufou, président de la République

Si la Constitution donne le droit aux citoyens d’user de leur liberté d’expression et que les délits de presse ont été dépénalisés, cette liberté reste soumise à conditions. La société civile et les journalistes dénoncent des arrestations arbitraires et l’utilisation de nombreuses mesures d’intimidation visant à faire taire les voix qui s’élèvent. Tour à tour accusés de « démoraliser les troupes », ou assimilés à des terroristes, les membres d’organisations citoyennes peuvent être inculpés grâce à une loi liberticide sous couvert d’anti-terrorisme. Moussa Tchangari, secrétaire général d’une l’ONG, a été arrêté, accusé « d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », libéré, puis inculpé pour « atteinte à la défense nationale ». Ces procédures ont été engagées après que le militant ait dénoncé les conditions d’évacuation des réfugiés du lac Tchad, zone infiltrée par Boko Haram, où de nombreuses personnes ont trouvé la mort. Les médias sont eux aussi la cible de violences. Au moins cinq journalistes ont été emprisonnés tandis que d’autres ont été inculpés et empêchés de couvrir des événements.

Tchad

- Personne présente : Idriss Deby Itno, président de la République

Lorsque la famille présidentielle est visée par les médias, elle prend des mesures. La présidence tchadienne est ainsi accusée par RSF d’instrumentaliser la justice afin de censurer les journalistes. Certaines décisions vont jusqu’à la fermeture de l’organe de presse concerné, comme ce fut le cas de l’hebdomadaire Abba Garde. Les journalistes sont également harcelés à titre personnel, poursuivis pour diffamation, ou mis en garde à vue – bien que les restrictions de liberté ne soient pas légales en cas de délit de presse. Pour avoir critiqué le gouvernement, le directeur de la publication du Haut Parleur a plusieurs fois été poursuivi par la famille Déby, notamment Salay, le frère du président qui occupe le poste de directeur général des douanes. Le journaliste Stéphane Mbaïrabé Ouaye a lui été tabassé dans un commissariat en octobre afin qu’il révèle ses sources.

Actualisation à 18h02 :

« Et la France ? » Cette question revenant dans les commentaires et sur les réseaux sociaux, nous ajoutons ce lien, résumant la situation française :

Retrouvez les articles de Rue 89 sur les libertés publiques en France

Chloé Dubois, Lena Bjurström

Source Politis 11/01/2016

La déflation dans la zone euro devient une menace de plus en plus réelle

Source Eurostat

L’inflation s’est établie à 0,4?% en octobre 2014. Elle était de 0,7?% en octobre 2013 et de 2,5?% en octobre 2012. Jusqu’ici les réponses au risque de baisse généralisée des prix sont très timides et risquent de ne pas suffire.

L’inflation dans la zone euro aurait-elle touché son point bas?? Aucun économiste n’ose en faire le pari. Après être descendus jusqu’à 0,3?% en septembre, les prix à la consommation ont enregistré une très légère remontée à 0,4?% en octobre, selon la première estimation d’Eurostat. Mais ce répit semble davantage lié au ralentissement de la baisse des prix de l’énergie qu’au rebond de l’activité. Hors énergie, l’inflation a d’ailleurs continué à se contracter à 0,7?% après 0,8?% en septembre, son niveau le plus bas depuis que cet indicateur existe. En Allemagne la hausse des prix a été très faible (0,7?%) le mois dernier et en Espagne les prix ont reculé de 0,2?%, pour le quatrième mois de suite. La déflation n’est plus un spectre lointain mais un risque réel qui menace les économies de la zone euro. Les prix sont désormais proches de zéro et la promesse de la BCE de maintenir les prix «?à un niveau proche de 2?% à moyen terme?» n’est plus qu’un lointain souvenir.

Certes, pour l’instant, «?nous n’y sommes pas et nous ne prévoyons pas de déflation, c’est-à-dire une baisse du niveau général des prix l’an prochain?», assure Christophe Blot, directeur adjoint des prévisions à l’OFCE. Pour au moins une bonne raison?: la baisse de l’euro vis-à-vis du dollar, qui devrait freiner le phénomène de baisse des prix. En effet, une monnaie faible génère de l’inflation importée. L’inflation pourrait donc ainsi reculer un peu moins vite même si, dans le même temps, l’énergie est moins chère. «?Mais au-delà, tous les ingrédients sont réunis pour que l’économie s’installe dans une spirale déflationniste?: peu ou pas de croissance, un chômage élevé, et une exacerbation des politiques de compétitivité.?» Jacques Cailloux, économiste Europe chez Nomura, surveille de près l’évolution des salaires. Ils sont pour lui l’indicateur le plus pertinent pour mesurer les risques de déflation. Le chômage élevé – il atteint 11,5?% dans la zone euro et sévit particulièrement en Grèce (26,4?%), en Espagne (24?% et au Portugal (13,6?%) – favorise la dénonciation des conventions collective et la pression à la baisse sur les salaires à l’embauche. En Allemagne, le seul pays où les salaires augmentent encore significativement, «?on note depuis la fin de l’été un ralentissement des hausses dans les accords négociés?», s’inquiète Jacques Cailloux.

«? La déflation, mieux vaut la prévenir que la guérir car, une fois ancrée dans la psychologie des agents économiques, c’est très difficile d’en sortir, comme le montre le précédent japonais?», avertit Isabelle Job-Bazille, directrice des études économiques au Crédit Agricole. Mais alors qu’ils sont au bord de cette trappe déflationniste, les gouvernements sont comme paralysés. La Banque centrale européenne est aussi embarrassée qu’elle est divisée sur la réponse à apporter à cette nouvelle menace. Son président, Mario Draghi, a alerté les Etats cet été que la Banque centrale ne pourrait à elle seule relancer la demande et que les Etats membres devaient y contribuer, y compris sur le plan budgétaire. Mais jusqu’ici, les réactions sont timides. «?Les politiques budgétaires restent relativement contraignantes, même si elles ne sont plus aussi restrictives que ces dernières années, ajoute l’économiste de Nomura. Les outils ne sont clairement pas adaptés à la situation. Ni la BCE ni les gouvernements de la zone euro ne prennent assez d’assurance pour enrayer le risque déflationniste?». Et de rappeler que la Réserve fédérale américaine a acquis par sa politique non conventionnelle d’achats de titres un montant équivalent à 23?% du PIB. A comparer à 2?% pour la BCE… A ce rythme, et même si elle ne sombre pas dans une franche déflation, la zone euro se condamne, selon Isabelle Job-Bazille, à «?une décennie de croissance faible et d’inflation basse?».

Catherine Chatignoux

Source : Les Echos 02/11/2014
Rubrique Actualité Internationale, Actualité France, rubrique Economie, rubrique UE, rubrique Politique, Politique économique,

Henri Peña-Ruiz : « L’intégrisme religieux n’est pas seulement islamiste »

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« La religion n’engage et ne doit engager que les croyants. »
photo dr

Henri Peña-Ruiz. Le philosophe spécialiste de la laïcité est attendu ce soir aux Chapiteaux du livre à Sortie-Ouest à 21h. Le militant progressiste pour la tolérance rappelle quelques fondamentaux de la République.

Henri Peña-Ruiz est docteur en philosophie et agrégé de l’Université, maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris, ancien membre de la commission Stasi sur l’application du principe de laïcité dans la République. Il est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages sur le sujet et vient de signer le Dictionnaire amoureux de la laïcité chez Plon.

Sans en dévoiler le contenu, pouvez-vous précisez les grands axes de votre intervention dont l’intitulé « Culture et laïcité, des principes d’émancipation » recouvre un vaste champ de réflexion…

Dans ce titre, culture et laïcité sont des termes essentiels  sur lesquels je reviendrai pour évoquer le lien entre la culture et la laïcité. Qu’est-ce que la culture ? On peut l’envisager telle qu’elle se définit aux contacts des ethnologues, sociologues, anthropologues, soucieux de la cohérence des entreprises humaines. Il s’agit dans ce cas d’un ensemble d’usages et coutumes d’un groupe humain à un moment de son histoire. Ce sens est statique. Si on approche la culture de manière dynamique, on peut constater par exemple, que la domination des femmes par l’homme en 2005 a reculé par rapport au siècle dernier. En 1905, la coupe transversale de la société à cette époque correspond à un ensemble systématisé de traditions et cent ans plus tard on constate qu’un certain nombre de choses ont changé. Cela fait émerger une autre notion de culture. La culture  comme un processus par lequel l’homme transforme la nature et se transforme lui-même pour s’adapter à son environnement.

Quelle approche entendez-vous souligner de la laïcité ?

L’idée que je veux développer de la laïcité n’est pas contre la religion. Elle est favorable à la séparation de la religion et de la loi pour tous.

La religion n’engage et ne doit engager que les croyants mais dans un Etat qui doit faire vivre agnostiques, athées, et croyants la loi ne peut être la loi de toutes ses personnes si elle n’est pas indépendante de toute loi religieuse. Il n’y a là aucune hostilité à la religion. Les principes de la laïcité ne sont du reste pas seulement promues par des athées. Victor Hugo qui était chrétien et laïque disait : « Je veux l’Etat chez lui et l’église chez elle.» Je n’évoquerai pas la liberté de religion mais la liberté de conviction puisque la moitié de la société française déclare ne pas être adepte d’une religion et doit pouvoir jouir des mêmes droits. Marianne n’est ni croyante ni athée, elle n’a pas à dicter ce qui est la bonne spiritualité.

En se référant à une approche dynamique de la culture, on se dit que les principes de laïcité étaient plus prégnants dans l’esprit des hommes politiques de la IIIe République que dans ceux d’aujourd’hui…

A cette époque, la conquête était plus fraîche. Elle irriguait tous les esprits après les réformes successives ayant fait passer l’enseignement des mains des catholiques à la responsabilité de l’Etat et la loi de 1905. Ces principes souffrent aujourd’hui du clientélisme électoral et de l’ignorance. Beaucoup d’élus se réclament abstraitement de la laïcité sans en appliquer les principes.

N’existe-t-il pas une carence en matière d’éducation et de formation des enseignants ?

Avec un bac plus quatre ou cinq je suppose qu’ils le sont suffisamment. Il faudrait que la déontologie laïque leur soit rappelée mais comment voulez-vous que les choses se passent lorsqu’on viole la neutralité républicaine au plus haut niveau de l’Etat ?

Nicolas Sarkozy et Manuel Valls vous ont tous deux fait sortir de vos gonds…

Lors de son discours de Latran Nicolas Sarkozy bafoue la loi avec sa réflexion profondément régressive « l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ». Manuel Valls fait de même lorsqu’il assiste officiellement au Vatican à la canonisation de deux papes. C’est scandaleux. Prétexter,  comme il l’a fait, que le Vatican est un Etat et qu’il agissait dans le cadre de relations diplomatiques est une plaisanterie. Le Vatican n’est pas un Etat comme les autres et l’événement auquel il a assisté était purement religieux. Il aurait bien sûr pu le faire librement à titre strictement privé. Il est par ailleurs très inconséquent vis à vis de G. Clémenceau qu’il dit admirer et qui prit une décision laïque exemplaire en 1918, alors qu’il était président du Conseil en refusant d’assister au Te Deum prévu en hommage à tous les morts de la guerre. Clemenceau dissuade le président Poincaré, de s’y rendre, et répond par un communiqué officiel qui fait date et devrait faire jurisprudence?: « Suite à la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le gouvernement n’assistera pas au Te Deum donné à Notre-Dame. »

Qu’en est-il lorsque que le maire de Béziers Robert Ménard invite le peuple biterrois à ouvrir la Feria par une messe au sein des arènes privées ?

Même si les arènes sont privées, agissant en tant qu’élu, M. Ménard viole la laïcité. Ce qui montre que lorsque les gens du FN ou apparentés brandissent les principes de la laïcité pour donner du poids à leur idéologie, ils ne défendent pas la laïcité. Parce que sous ce titre, ils visent une certaine partie de la population. C’est une discrimination drapée dans le principe de l’égalité républicaine. De la même façon, la volonté des personnes souhaitant que l’on continue à privilégier le mariage hétérosexuel n’est pas universelle. Elles ont le droit de le pratiquer dans leur vie mais pas de l’imposer à tous. Cette confusion est aussi le fait des colons israéliens qui brandissent en Palestine la Bible comme un titre de propriété d’ordre divin. L’intégrisme religieux n’est pas seulement le fait de l’islamisme. Il est présent dans les trois religions monothéistes.

Le terme de laïcité n’est jamais utilisé par l’Union européenne au sein de laquelle de nombreux Etats ne le considèrent pas comme un principe fondateur. Certains pays ont milité en revanche pour intégrer les racines chrétiennes au sein de la Constitution…

Certains pays de l’Union européenne accordent des privilèges publics aux religions, comme les Britanniques ou les Polonais, et tous les pays n’entendent pas séparer l’Etat et l’église. La Suède a prononcé la séparation, l’Espagne a modifié l’article 16 de sa Constitution dans ce sens. Les mentalités évoluent sur cette question. La France a refusé que l’on intègre la notion de racines chrétiennes aux prétexte que ce n’est pas la seule mais une des racines qui pouvait être prise en compte. Si on écrit l’Histoire on ne peut pas mettre en avant un seul chapitre. Nous pourrions aussi évoquer la civilisation romaine sur laquelle se fonde notre justice, où la pensée libre et critique de Socrate et des philosophes grecs.

Quels effets bénéfiques nous apporte l’émancipation laïque ?

Le principe de paix entre les religions et entre les religions et l’athéisme. L’égalité des droits, le choix d’éthique de vie, de liberté sexuelle, elle permet de sortir de certains systèmes de dépendance.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

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