L’inflation s’est établie à 0,4?% en octobre 2014. Elle était de 0,7?% en octobre 2013 et de 2,5?% en octobre 2012. Jusqu’ici les réponses au risque de baisse généralisée des prix sont très timides et risquent de ne pas suffire.
L’inflation dans la zone euro aurait-elle touché son point bas?? Aucun économiste n’ose en faire le pari. Après être descendus jusqu’à 0,3?% en septembre, les prix à la consommation ont enregistré une très légère remontée à 0,4?% en octobre, selon la première estimation d’Eurostat. Mais ce répit semble davantage lié au ralentissement de la baisse des prix de l’énergie qu’au rebond de l’activité. Hors énergie, l’inflation a d’ailleurs continué à se contracter à 0,7?% après 0,8?% en septembre, son niveau le plus bas depuis que cet indicateur existe. En Allemagne la hausse des prix a été très faible (0,7?%) le mois dernier et en Espagne les prix ont reculé de 0,2?%, pour le quatrième mois de suite. La déflation n’est plus un spectre lointain mais un risque réel qui menace les économies de la zone euro. Les prix sont désormais proches de zéro et la promesse de la BCE de maintenir les prix «?à un niveau proche de 2?% à moyen terme?» n’est plus qu’un lointain souvenir.
Certes, pour l’instant, «?nous n’y sommes pas et nous ne prévoyons pas de déflation, c’est-à-dire une baisse du niveau général des prix l’an prochain?», assure Christophe Blot, directeur adjoint des prévisions à l’OFCE. Pour au moins une bonne raison?: la baisse de l’euro vis-à-vis du dollar, qui devrait freiner le phénomène de baisse des prix. En effet, une monnaie faible génère de l’inflation importée. L’inflation pourrait donc ainsi reculer un peu moins vite même si, dans le même temps, l’énergie est moins chère. «?Mais au-delà, tous les ingrédients sont réunis pour que l’économie s’installe dans une spirale déflationniste?: peu ou pas de croissance, un chômage élevé, et une exacerbation des politiques de compétitivité.?» Jacques Cailloux, économiste Europe chez Nomura, surveille de près l’évolution des salaires. Ils sont pour lui l’indicateur le plus pertinent pour mesurer les risques de déflation. Le chômage élevé – il atteint 11,5?% dans la zone euro et sévit particulièrement en Grèce (26,4?%), en Espagne (24?% et au Portugal (13,6?%) – favorise la dénonciation des conventions collective et la pression à la baisse sur les salaires à l’embauche. En Allemagne, le seul pays où les salaires augmentent encore significativement, «?on note depuis la fin de l’été un ralentissement des hausses dans les accords négociés?», s’inquiète Jacques Cailloux.
«? La déflation, mieux vaut la prévenir que la guérir car, une fois ancrée dans la psychologie des agents économiques, c’est très difficile d’en sortir, comme le montre le précédent japonais?», avertit Isabelle Job-Bazille, directrice des études économiques au Crédit Agricole. Mais alors qu’ils sont au bord de cette trappe déflationniste, les gouvernements sont comme paralysés. La Banque centrale européenne est aussi embarrassée qu’elle est divisée sur la réponse à apporter à cette nouvelle menace. Son président, Mario Draghi, a alerté les Etats cet été que la Banque centrale ne pourrait à elle seule relancer la demande et que les Etats membres devaient y contribuer, y compris sur le plan budgétaire. Mais jusqu’ici, les réactions sont timides. «?Les politiques budgétaires restent relativement contraignantes, même si elles ne sont plus aussi restrictives que ces dernières années, ajoute l’économiste de Nomura. Les outils ne sont clairement pas adaptés à la situation. Ni la BCE ni les gouvernements de la zone euro ne prennent assez d’assurance pour enrayer le risque déflationniste?». Et de rappeler que la Réserve fédérale américaine a acquis par sa politique non conventionnelle d’achats de titres un montant équivalent à 23?% du PIB. A comparer à 2?% pour la BCE… A ce rythme, et même si elle ne sombre pas dans une franche déflation, la zone euro se condamne, selon Isabelle Job-Bazille, à «?une décennie de croissance faible et d’inflation basse?».