Donald Trump devient le 45e président des Etats-Unis

 Donald Trump et sa femme Melania à leur arrivée au Lincoln Memorial pour le concert inaugural de l'investiture du président élu à Washington MANDEL NGAN  /  AFP

Donald Trump et sa femme Melania à leur arrivée au Lincoln Memorial pour le concert inaugural de l’investiture du président élu à Washington MANDEL NGAN / AFP

Donald J. Trump prête serment vendredi sur les marches du Capitole, au coeur de Washington, pour succéder à Barack Obama et devenir le 45e président des Etats-Unis, incroyable épilogue d’une campagne anti-élites qui a pris tout le monde à revers.

A 70 ans, sans la moindre expérience politique, diplomatique ou militaire, le magnat de l’immobilier s’apprête à prendre les rênes de la première puissance mondiale sous le regard inquiet des alliés des Etats-Unis, échaudés par ses déclarations tonitruantes, parfois contradictoires.

Après une nuit à Blair House, résidence réservée aux hôtes de marque située en face de la Maison Blanche, Donald Trump et son épouse Melania devaient partager un thé avec Barack et Michelle Obama avant de se rendre ensemble au Capitole.

Des centaines de milliers d’Américains, partisans enthousiastes et farouches opposants, sont attendus sur les larges pelouses du National Mall qui lui fait face. Trois de ses prédécesseurs – Jimmy Carter, George W. Bush, Bill Clinton – seront présents, ainsi qu’Hillary Clinton, son adversaire malheureuse.

« Je jure solennellement de remplir fidèlement les fonctions de président des Etats-Unis, et, dans toute la mesure de mes moyens, de sauvegarder, protéger et défendre la Constitution des Etats-Unis »: peu avant midi (17h00 GMT), l’homme d’affaires prêtera serment, comme l’ont fait avant lui George Washington, Franklin D. Roosevelt ou encore John F. Kennedy.

Il a choisi pour ce faire deux bibles: la sienne, qui lui a été offerte par sa mère en 1955, et celle d’Abraham Lincoln, sauveur de l’Union, également utilisée par Barack Obama il y a quatre ans.

Après le temps de la campagne (17 mois) et celui de la transition (deux mois et demi), voici venu celui de l’exercice du pouvoir (quatre ans) pour cet ancien animateur d’une émission de téléréalité qui a promis de « rendre sa grandeur à l’Amérique » mais fait face à un pays fracturé, tant son style et ses propos, volontiers provocateurs, divisent.

« Nous allons rassembler notre pays », a-t-il promis jeudi.

Niveau d’impopularité record

Dans une journée chargée en rituels dont l’Amérique est friande, le 45e président de l’histoire américaine prononcera ensuite un discours d’investiture moins en forme de programme que de « vision », assure son entourage.

La cérémonie, qui sera suivie en direct à travers le monde, aura un goût de revanche pour l’homme d’affaires à la coiffure étonnante dont l’annonce de candidature avait été accueillie par des ricanements, chez les républicains comme chez les démocrates.

Son équipe annonce pour le début de la semaine prochaine une série de décrets visant à défaire une partie du bilan de son prédécesseur démocrate (climat, immigration…) et à ébaucher le sien. Il pourrait en signer quelques-uns dès vendredi.

La tâche s’annonce ardue pour l’auteur du best-seller « The Art of the Deal » qui a promis, avec un sens de la formule qui enchante ses partisans et consterne ses détracteurs, d’être « le plus grand créateur d’emplois que Dieu ait jamais créé ».

La constitution de ses équipes a été difficile tant la victoire a pris le camp républicain par surprise. Du fonctionnement quotidien de la Maison Blanche, énorme administration, aux interactions avec les autres agences, les premières semaines pourraient être chaotiques.

Et jamais depuis 40 ans un président américain n’avait pris le pouvoir avec un niveau d’impopularité aussi élevé.

Par ailleurs, selon une étude du Pew Research Center publiée jeudi, 86% des Américains jugent que le pays est plus politiquement divisé que par le passé (ce chiffre était de 46% lorsque Barack Obama est arrivé au pouvoir en 2009).

Obama s’envole pour la Californie

Ceux qui espéraient que la fonction change l’homme ont été déçus.

Grâce à Twitter, le septuagénaire continue de régler quotidiennement ses comptes avec ceux qui ont émis des critiques à son égard, de John Lewis, figure du mouvement des droits civiques, à l’actrice Meryl Streep, accusée d’être le « larbin » d’Hillary Clinton.

« Il semble vouloir se battre contre tous les moulins à vent de la terre plutôt que de se concentrer sur le fait d’endosser le poste le plus important au monde », a résumé d’une formule assassine le sénateur républicain John McCain, l’une des rares voix dissidentes au sein du Grand Old Party.

Résultat, l’opposition démocrate fourbit ses armes, et des dizaines d’élus boycotteront la cérémonie. Plusieurs manifestations sont également prévues vendredi et samedi.

Sur la scène internationale, le bouillant promoteur immobilier a déjà décoché ses flèches à l’encontre de la Chine, de l’Otan ou encore de la chancelière allemande Angela Merkel.

Or c’est sur ce front que son mandat à venir suscite les plus grandes interrogations.

Les dirigeants de la planète s’interrogent sur la valeur exacte à accorder à ses déclarations quand les responsables qu’il a nommés – à la tête du département d’Etat ou du Pentagone – prennent des positions apparemment inverses, comme sur la Russie de Vladimir Poutine ou l’accord nucléaire iranien.

Juste après la cérémonie, Barack Obama, 55 ans, s’envolera directement pour la Californie pour ses premières vacances en famille d’ex-président.

Après huit années au pouvoir, le président démocrate qui a surmonté une crise économique et financière qui menaçait de tout emporter sur son passage a indiqué qu’il entendait rester à l’écart de la « mêlée » pour laisser son successeur gouverner.

Mais il a aussi promis, lors de son ultime conférence de presse mercredi, de sortir du bois si « les valeurs fondamentales » de l’Amérique, de l’immigration à la liberté d’expression, étaient menacées.

Source AFP 20/01/2017

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L’Italien Antonio Tajani, proche de Berlusconi, élu président du Parlement européen

L'Italien Antonio Tajani, L'Italien Antonio Tajani, membre du parti de droite PPE, candidat à la présidence du Parlement européen, le 16 janvier 2017 à Strasbourg Photo FREDERICK FLORIN. AFP

L’Italien Antonio Tajani, L’Italien Antonio Tajani, membre du parti de droite PPE, candidat à la présidence du Parlement européen, le 16 janvier 2017 à Strasbourg Photo FREDERICK FLORIN. AFP

Tajani a gagné face à son compatriote Gianni Pittella, candidat des sociaux-démocrates. Proche de Berlusconi dont il a été le porte-parole, Tajani est membre fondateur de Forza Italia et ancien commissaire européen.

  • L’Italien Antonio Tajani, proche de Berlusconi, élu président du Parlement européen

L’Italien Antonio Tajani, représentant de la droite, a été élu président du Parlement européen, a annoncé mardi soir à Strasbourg le chef sortant de cette assemblée, l’Allemand Martin Schulz. Au quatrième et dernier tour de scrutin, Tajani a remporté 351 voix contre 282 à son adversaire de gauche, Gianni Pittella, un autre Italien, a précisé Schulz devant les eurodéputés qui ont applaudi le vainqueur.

L’Italien Antonio Tajani, candidat de la droite, était le grand favori dans la course à la présidence du Parlement européen, après le troisième tour de scrutin mardi soir à Strasbourg. Plus tôt dans la journée, Tajani avait récupéré un soutien de poids à l’issue du troisième tour: le groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR), troisième force du Parlement avec 74 eurodéputés, dont 21 Tories britanniques, avait indiqué sur son compte Twitter qu’il le soutiendrait au 4ème tour. Antonio Sajani est membre fondateur de Forza Italia.

«Triste jour pour le Parlement européen avec l’élection de Tajani, l’homme de Berlusconi, soutenu par les libéraux démocrates et #ECR» a commenté sur Twitter l’eurodéputé et candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot. C’est dans la langue du nouveau président du Parlement européen que celui de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a félicité Tajani sur Twitter, avec qui il compte travailler pour «une Europe meilleure».

Congratulazioni a @Antonio_Tajani per la sua elezione come presidente del PE. Lavoro insieme da domani per un’Europa migliore.

— Jean-Claude Juncker (@JunckerEU) 17 janvier 2017

Polyglotte communicatif

Ancien journaliste de l’audiovisuel italien (RAI) puis du quotidien Il Giornale, membre fondateur du parti Forza Italia de Silvio Berlusconi, il est l’ombre de ce dernier à Bruxelles et au sein du Parti populaire européen (PPE, droite). Homme de contact, il respecte à la lettre les consignes du Cavaliere: costume sobre, cravate discrète et poignée de main ferme.

Très communicatif et polyglotte -il parle Français, Anglais et Espagnol- il est cajolé par les journalistes européens. Le problème est qu’il «parle beaucoup, mais ne dit rien», plaisante un communiquant du Parlement européen. «Mais il est habile et sent les choses en politique», fait valoir un porte-parole.

L’Italien n’était pas le postulant préféré du président du groupe PPE, l’Allemand Manfred Weber. «Tajani n’était pas son candidat. Trop controversé à cause de ses liens avec l’industrie, trop marqué Berlusconi», a confié à l’AFP un proche de M. Weber. Tajani a été vivement critiqué à la suite du «Dieselgate», en tant qu’ancien commissaire chargé de la législation aujourd’hui mise en cause sur les mesures des émissions de gaz polluants.

Homme de réseaux

Là est la force d’Antonio Tajani. Il connaît tout le monde au Parlement européen, où il siège depuis 1994, mais aussi au sein de la Commission européenne, dont il a été membre à deux reprises de 2008 à 2014, et au sein du Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement grâce à son mandat de vice-président du PPE depuis 2002. «Il a rendu service à énormément de gens et beaucoup d’élus sont ses obligés», a expliqué à l’AFP un responsable de groupe sous couvert de l’anonymat.

Lorsqu’il était membre de l’exécutif bruxellois, Tajani se vantait d’être le second commissaire de l’Espagne, car le socialiste Joaquin Almunia – alors dans l’équipe Barroso – était un farouche opposant du chef du gouvernement espagnol, le conservateur Mariano Rajoy. «Il n’a pas vraiment d’ennemis. Tajani c’est la politique des réseaux et de l’affabilité», précise un autre responsable.

«L’ironie dans cette affaire, c’est qu’un disciple de Berlusconi va remplacer Martin Schulz, dont la carrière politique a été lancée par Silvio Berlusconi», fait remarquer un vieux routier du Parlement, en faisant allusion à un accrochage entre l’Italien et l’Allemand, resté dans les annales européennes.

L’incident s’est produit en 2003 pendant la présentation du semestre de présidence italienne de l’UE, lorsque, excédé par les critiques de M. Schulz, Berlusconi lui a suggéré de postuler pour un rôle de «Kapo» (un détenu de droit commun qui encadrait les prisonniers dans les camps nazis, ndlr) dans une série télévisée en tournage en Italie. «C’est Tajani qui a calmé le esprits au sein du groupe PPE après cette attaque scandaleuse et il est intervenu auprès de Berlusconi pour qu’il s’excuse auprès de Schulz», rappelle Markus Ferber.

Président du Parlement européen, Antonio Tajani va chercher à se démarquer de son prédécesseur, qui a exercé un pouvoir omnipotent au perchoir. «Nous n’avons pas besoin d’un président du Parlement européen fort. Nous avons besoin d’un Parlement européen fort», a plaidé Tajani. «Je suis un homme de consensus, je veux être le président de tous les députés».

Source Libération avec AFP 17 /01/2017

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Europe dans la tempête : 2016 la domination des démagos

Think of Prospero

Think of Prospero

Revue de presse UE

 

Une révolte contre la concentration du pouvoir

Corriere del Ticino (Suisse) prévoit une vague de contestation d’envergure mondiale :

 

«L’année qui touche à sa fin s’est caractérisée par une révolte de la majorité des électeurs de certains pays contre la mondialisation et la politique économique libérale dominante. Une révolte qui est partie du Royaume-Uni, avec le référendum par lequel les citoyens se sont déclarés favorables à une sortie de l’UE. Une révolte qui a entraîné la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis et se poursuivra sans aucun doute l’an prochain et créera les conditions à un changement de paradigme radical dans l’économie occidentale. Nous nous trouvons dans une phase de transition dans laquelle les groupes qui exercent le pouvoir (le monde des finances, les multinationales et une grande partie des médias) se sentent menacés par un tournant qu’ils essaieront d’empêcher en déployant toutes les armes dont ils disposent.»

 

 

Personne ne s’oppose au poison populiste

Les populistes d’extrême droite en Europe continuent à répandre leur fiel en toute impunité, déplore le chroniqueur Paul Goossens dans De Standaard (Belgique) :

 

 

«Le projet de rupture fonctionne. L’Europe vacille, et de nouvelles lézardes apparaissent dans l’édifice à chaque nouveau conflit. Le populisme d’extrême droite ne rencontre pas de résistance suffisante. … On nous rabâche que ‘l’élite culturelle’ devrait se garder de toute forme d’arrogance. … Voilà pourquoi on n’ose plus dire haut et fort que les méthodes de l’extrême droite sont aussi absurdes que dangereuses. Désireux de ne pas sous-estimer les ‘perdants’ et de ne pas nourrir le ressentiment, on omet de fustiger l’insondable stupidité et l’inéluctable échec des obsessions de leurs leaders – la volonté par exemple de retrancher l’Etat souverain derrière des barrières hermétiques ou l’arrêt total de l’immigration. Comment l’Europe – l’unique alternative à l’égoïsme des nations – peut-elle continuer à exister si personne ne combat la reviviscence nationaliste ?»

 

L’écart ne cesse de se creuser

Les disparités au niveau des répartitions des richesses ont atteint des dimensions intolérables, met en garde L’Obs (France) :

 

«L’année 2016 l’a encore montré à plusieurs reprises : le fossé des inégalités n’est plus vécu comme une fatalité. Il est tout simplement devenu insupportable à vivre. Il n’y a plus aujourd’hui de fracture sociale, mais bel et bien une fracture sociétale. Les niveaux de rémunération des uns confrontés au niveau de dénuement des autres ne permettent plus de s’imaginer une communauté de destin. La majorité des citoyens, condamnés à se vivre comme des variables d’ajustement de la mondialisation libérale, demandent aujourd’hui qu’on les protège. Et qu’on ne leur parle pas de repli sur soi quand il s’agit pour beaucoup d’un simple réflexe de survie !»

 

 

Le ‘populisme’, un mot à la mode

Dienas (Lettonie) tente d’expliquer pourquoi le terme populisme est omniprésent actuellement :

 

«Tous ceux qui sont en désaccord avec la position dominante sont taxés de populisme. C’est facile et très à la mode. De nombreux politiques aiment à parler du danger du populisme même s’ils ne sont eux-mêmes pas exempts de reproche sur la question. … Le populisme est aussi devenu un terme dissuasif, employé dans le but de marginaliser l’opposition ou de nouvelles forces politiques. Un petit jeu dangereux, car le citoyen lambada ne pense rien de bon des politiques dominants. … C’est une bonne chose que les victoires du populisme ne signifient pas encore la fin du monde aujourd’hui. On peut remercier la démocratie pour cela, et saluer le fait que les soit disant populistes ne sont pas de véritables psychopathes.»

 

SourceEuro/topics du 15 au 25 dec 2016

L’allégement de la dette grecque suspendu après l’annonce de mesures sociales

 Le premier ministre grec Alexis Tsipras, au Parlement, le 10 décembre. Le premier ministre grec Alexis Tsipras, au Parlement, le 10 décembre. ANGELOS TZORTZINIS / AFP

Nouvelle illustration de l’abus de pouvoir de la Troïka qui règne en maître sur tous les pays de l’UE. Le tort de Tsipras (qui tente de regagner de la popularité avec des mesurettes sociales) est d’avoir pris ces décisions sans consulter au préalable les créanciers.

« Il est impératif que les mesures ne soient pas décidées de façon unilatéral… » rappelle le puissant ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble.

Une bonne occasion pour Le commissaire européen à l’économie Pierre Moscovici de nous rappeler qu’il est à gauche et au Monde de le souligner avec insistance…

 

Une bonne occasion pour Le commissaire européen à l’économie Pierre Moscovici de nous rappeler qu’il est à gauche et au Monde de le souligner avec insistance…

Aurait-on trop vite tourné la page de la crise grecque ? Le Mécanisme européen de stabilité (MES, principal détenteur de la dette publique grecque) a décidé, mercredi 14 décembre, de suspendre l’application des mesures d’allégement de la dette hellène, pourtant validées lors d’une réunion des ministres des finances de la zone euro, le 5 décembre.

La raison, selon plusieurs sources bruxelloises ? Le puissant ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, aurait mis son veto à cette décision du MES devant se prendre à l’unanimité. Il réagirait à l’annonce faite par le premier ministre grec, Alexis Tsipras, le 8 décembre, de rétablir pour les plus petites pensions de retraite un 13e versement annuel et de reporter la hausse de la TVA sur les îles de l’est égéen, où s’entassent plus de 16 000 migrants et réfugiés, « tant que dure la crise des réfugiés ».

Son tort est d’avoir pris ces décisions sans consulter au préalable les créanciers. « Il est impératif que les mesures ne soient pas décidées de façon unilatérale ou annulées sans préavis », a déclaré M. Schäuble, mercredi. « Les institutions [les représentants des créanciers] ont conclu que les actions du gouvernement grec semblent ne pas être en ligne avec nos accords », a réagi Michel Reijns, le porte-parole du président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. « Quelques Etats membres le voient aussi de cette façon et [il n’y a] donc pas d’unanimité désormais pour mettre en place les mesures » d’allégement de la dette, ajoute-t-il.

Pierre Moscovici contre cette suspension

Ce contretemps n’est pas du tout du goût du commissaire européen à l’économie, Pierre Moscovici, qui refuse que la Commission endosse la responsabilité du veto. « On ne peut pas dire que cette décision [de suspension] a été prise sur le fondement d’une évaluation de la Commission [sur les mesures décidées par Tsipras], puisque cette évaluation n’est pas achevée, affirme l’ex-ministre des finances du gouvernement Ayrault au Monde. Ceux qui souhaitent la suspension des mesures de court terme doivent endosser leurs responsabilités. »

Pour M. Moscovici, les mesures sur la dette ne doivent pas être remises en cause. Leur principe avait été agréé par les dix-neuf ministres des finances de l’eurozone, fin mai. « Cet accord sur la dette grecque reste robuste, puisque les engagements sur les mesures de court terme reposaient sur la clôture de la première revue du plan d’aide [cette clôture a eu lieu cet automne] », explique le commissaire.

Même si elles n’avaient rien de radical, les mesures sur la dette visent pourtant à alléger de manière substantielle l’énorme fardeau grec (180 % du produit intérieur brut). Il est vrai qu’elles avaient été acceptées du bout des lèvres par M. Schäuble, qui a souvent répété qu’elles n’étaient pas nécessaires.

« Une application des règles sans indulgence »

Depuis que le troisième plan d’assistance financière à la Grèce a été validé (86 milliards d’euros, à l’été 2015), Alexis Tsipras a pourtant fait passer la plupart des nouvelles mesures d’austérité exigées par les créanciers, dont une énième révision à la baisse des retraites grecques, au printemps. Et de nombreuses hausses de TVA.

« De façon pas toujours spontanée mais constante, les Grecs ont respecté le programme d’aide, et les efforts qu’ils ont fournis sont considérables. Alors quand ils remplissent leur part du contrat, les autres doivent aussi remplir la leur », martèle M. Moscovici. « La Commission plaide pour une application des règles sans indulgence, mais qui permette un progrès partagé. On ne peut pas opposer l’allégement de la dette grecque à la justice et la cohésion sociale, que le peuple grec attend », ajoute le socialiste.

La délégation socialiste française au Parlement européen a très vivement réagi à la suspension des mesures sur la dette, mercredi. « Trop c’est trop, nous disons basta à M. Schäuble. Faites preuve d’un minimum de sens politique, et d’humanité, tout simplement, ont-ils fait savoir dans un communiqué. La Grèce renoue avec la croissance depuis deux trimestres, il est légitime qu’un chef de gouvernement redistribue là où il y a urgence sociale. L’Union européenne doit envoyer un signal social positif. Ne laissons pas la Grèce s’épuiser et le peuple grec sans espoir. »

Cette suspension semble avoir renforcé la détermination de M. Tsipras. Mercredi, il a dit qu’il allait proposer ses mesures sociales dès jeudi devant son Parlement. « Nous allons respecter intégralement notre accord avec les créanciers, mais nous allons aussi défendre de toutes nos forces la cohésion sociale », avait-il affirmé le 8 décembre. Les tensions, qui, entre Grecs et créanciers, s’étaient si fortement apaisées ces derniers temps, sont-elles reparties pour durer ?

Cécile Ducourtieux

Source Le Monde 14/12/2016

Voir aussi : Actualité internationale, Rubrique Finance, rubrique UE, Grèce,La logique des créanciers, jusqu’au bout de l’absurde2015 le révélateur grec, Varoufakis déplore l’impuissance de la France en EuropeDu traité constitutionnel à Syriza : l’Europe contre les peuples, Rubrique Economie, rubrique Société, Travail,   rubrique Politique, Politique Economique,

Alep & Mossoul le même désespoir

Des civils fuyant les combats arrivent dans le quartier de Hal-Samah, à l'est de Mossoul. (Sebastian Backhaus pour le JDD)

Des civils fuyant les combats arrivent dans le quartier de Hal-Samah, à l’est de Mossoul. (Sebastian Backhaus pour le JDD)

Relire le contexte

Réunis à Londres en octobre dernier, les ministres des affaires étrangères français, britannique et allemand ont rencontré leur homologue  John Kerry au lendemain d’une réunion russo-américaine à Lausanne. Pour condamner l’escalade des bombardements à Alep au nord de la Syrie.

Au sortir de cette rencontre l’objectif était de rétablir un rapport de force avec Moscou sur la crise syrienne. « Il est vital de maintenir la pression et nous proposons de nouvelles mesures, de nouvelles sanctions contre le régime syrien et ses partisans« , avait déclaré Boris Johson le chef de la diplomatie britannique.

La « solution »  devait passer par une courageuse offensive sur Mossoul en envoyant les forces kurdes, les volontaires et les milices, l’armée et la police fédéral irakienne appuyé par les force de la mobilisation populaire  en première ligne comme naguère les vaillant tirailleurs sénégalais de l’armée coloniale . Tandis que les avions de la coalition internationale entamaient leurs frappes. Une ville de deux millions d’habitants les force de l’EI étant estimé par les militaires à 3 000 hommes dans la ville et ses alentours annonçaient un massacre nous y sommes…

L’oeil des masses médias des alliés occidentaux se tourne sur Alep en tordant souvent la réalité ( point sur la situation militaire) particulièrement dans les médias français. Après un départ en guerre en fanfare  sur le thème  » la bataille de Mossoul  » c’est maintenant silence radio ou presque sur ce conflit en Irak…  Le reportage du JDD ci-dessous donne une mesure de la situation. Tout laisse à penser que nous (les occidentaux) sommes très mal placés pour donner des leçons.

« la production des idées, des représentations et de la conscience, est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes : elle est le langage de la vie réelle » disait Marx

Ce qui compte avant tout pour ceux qui nous gouvernent, après l’émotion liée aux massacres et à la destruction, c’est que la reconstruction va nécessiter beaucoup de sacs de ciments

Irak : la bataille de Mossoul fait rage et frappe durement les civils

REPORTAGE – Après sept semaines de combats, les forces irakiennes et kurdes ont perdu plus de 3.500 hommes dans la bataille contre Daech. Les civils affrontent une situation humanitaire catastrophique. 

Une dernière fois, Hadj Amjed a voulu prendre entre ses mains puissantes le visage déjà cadavérique de son enfant. Puis l’infirmier militaire est venu et, dans une infinie douceur, a refermé les yeux de l’adolescent. Le père, drapé dans un long manteau crème, s’effondre, au pied de la civière, inconsolable. Le quinquagénaire avait pourtant cru que son fils s’en sortirait quand, à l’aube ce jeudi matin, il l’avait juché à l’avant du Humvee de l’armée irakienne. Il respirait encore quand le blindé a foncé à travers les ruelles du quartier d’Aden. Mais arrivé à l’hôpital de campagne de Gogjali, dans les faubourgs est de Mossoul, il était trop tard. Comment aurait-il pu survivre à cet obus de mortier qui l’avait déchiqueté?

Des civils enfermés dans une souricière

Un ciel gris et bas, le froid glacial du petit matin, cette boue gluante apparue avec les premières pluies de l’hiver. Sept semaines déjà que l’armée irakienne a lancé son opération pour libérer Mossoul des griffes de Daech. Sept semaines que les djihadistes défendent leur fief avec acharnement. Certes les militaires avancent, mais lentement, maison par maison. Et le mauvais temps qui s’installe n’est pas fait pour les avantager. « Nous contrôlons 22 quartiers, plus de 50 % de la rive gauche du Tigre, et nous avons éliminé au moins 1.100 terroristes, assure néanmoins le général Abou Omar Sabah, porte-parole de la CTS (Counter terrorism Service), ces troupes d’élite qui sont pour l’instant les seules à se battre à l’intérieur de la deuxième ville d’Irak. On a appris à connaître leur stratégie et eux s’épuisent. Le nombre d’attaques à la voiture suicide a d’ailleurs fortement diminué ces derniers jours. » Reste que le prix à payer est exorbitant. En novembre, 1.959 soldats seraient tombés en Irak, selon les Nations unies. Combien à Mossoul? Le commandement militaire refuse de le préciser. Mais depuis le 17 octobre, jour du lancement de l’offensive, le nombre de morts au combat a grimpé en flèche. Côté Kurde, une source officielle confirme au JDD le chiffre de 1.600 peshmergas tués, et un taux global de pertes (morts et blessés) dans les forces anti-Daech de 25 % !

Et puis, il y a les civils, enfermés dans cette souricière qu’est devenue cette cité tentaculaire, trois fois plus grande que Paris mais dont tous les axes majeurs d’approvisionnement ont été coupés. Le mois dernier, 332 civils auraient péri dans la plaine de Ninive, dont Mossoul est la capitale. Mais le vrai bilan est sans doute plus lourd. « Quand l’armée cherche à progresser, cela provoque plus de morts, note Marek Adamyk, un aide-soignant d’une ONG slovaque, qui officie dans l’hôpital de campagne. Pareil quand Daech lance des contre-­offensives ou se défend avec plus de vigueur, généralement le vendredi. » Ces jours-là, au centre de santé d’urgence, se déverse du cœur de la ville le flot de blessés. Comme ce quadragénaire hurlant de douleur au milieu du petit patio qui sert de première salle d’intervention. Son tibia est en miettes. « Un tir de sniper », se désole le capitaine Khali, médecin du CTS. À l’intérieur du petit bâtiment, un enfant gémit à son tour : Amer Mudher, 7 ans, a déjà été soigné la semaine dernière mais la plaie énorme à une jambe causée par les éclats d’un obus de mortier prend une mauvaise tournure. « Il faut faire quelque chose, implore son père. Je n’ai plus que lui. Sa mère est morte dans l’attaque. Nous avons dû l’enterrer dans le jardin. »

Pénétrer dans la ville équivaut à entrer dans le chaudron du diable. Certes, dans les premiers quartiers périphériques du nord-est, comme Al-Samah, l’un des premiers à avoir été libérés début novembre, un semblant de vie est revenu. Des vendeurs ambulants y proposent un choix restreint de légumes. Des petites filles saluent le passage de convois militaires. Quelques dindes, libérées de leur enclos, se dandinent sur le chemin cahoteux qui sert de route. Mais très vite surgit un paysage de chaos absolu. Aux abords du quartier de Nimrush, les imposantes avenues ne sont plus que des mers de gravats. Les rues plus étroites, elles, sont pour beaucoup inaccessibles, fermées par des barricades de terre surmontées de carcasses de voitures. Dans celles encore ouvertes, pourrissent des montagnes de détritus. Au milieu de ce décor crépusculaire, quelques habitants se tiennent sur le pas des maisons relativement épargnées, ils semblent perdus mais souriants. Il vaut mieux faire bon accueil aux convois militaires qui passent dans le coin même si l’armée se fait plutôt rare ici. Les forces du CTS ne sont pas assez nombreuses pour combattre sur la ligne de front et tenir les territoires conquis. Et les renforts se font attendre. Ces derniers jours, un bataillon de la 11e division est enfin arrivé de Bagdad pour sécuriser les zones libérées.

En s’enfonçant un peu plus vers le sud, même ambiance lugubre. Sur l’un des grands axes, une famille avance, traînant derrière elle des valises. Où vont-ils? Ils ne le savent pas vraiment. « Peut-être dans le quartier Tahrir, dit la mère. On nous a dit qu’il y avait des maisons vides là-bas. » Un peu plus loin, deux hommes poussent péniblement une charrette à bras. Y repose, allongé, un vieillard impotent.

Depuis une semaine, 500.000 habitants sans eau

Puis vient le quartier d’El-Bakr que l’état-major irakien assure avoir fini de nettoyer ces derniers jours. Dans l’air, flotte néanmoins une odeur de poudre qui dit que les combats n’ont pas tout à fait cessé. D’ailleurs aux tirs de mitrailleuses des soldats irakiens répondent les claquements des kalachnikovs de djihadistes postés quelques centaines de mètres plus loin. Ces combats, les rares résidents qui s’aventurent à l’extérieur, n’y prêtent même plus garde. Pas plus qu’ils ne font attention à ce cadavre putréfié qui gît à même le trottoir. C’est celui d’un combattant de l’EI, 15 ans à peine, dont la tête repose à un bon mètre du corps.

La guerre et son lot d’atrocités semblent devenues la normalité ici. Il n’est qu’à voir Allah Kamel, 31 ans, sortant de sa maison revêtu d’un sweat couleur moutarde. Le jeune homme parle d’une voix calme tandis que son frère tire avidement sur une cigarette. Il explique que quatre familles se sont réfugiées dans cette imposante demeure à la façade en faux marbre. Il y a quelques jours encore, elle était occupée par des hommes de Daech. « On n’en sort presque pas ou alors pour prendre la nourriture que l’armée nous donne. » Il concède que trouver de l’eau potable est devenu un problème. Selon l’ONU, 500.000 habitants en seraient privés depuis cette semaine. Mais pour le reste, les obus de mortier qui ont encore tué trois personnes à El-Bakr jeudi, Allah Kamel n’en fait pas grand cas.

La villa qui fait face, d’où émerge un généreux oranger, est pourtant une cible de choix. Elle été investie par un groupe des forces antiterroristes que dirige le commandant Arif, un trentenaire originaire de Najaf. Postés sur le toit-terrasse, ses hommes canardent des ennemis invisibles. « Nous avons des camarades plus loin, dans le quartier al-Zohour, explique le chef du groupe, désignant une zone d’où s’échappent des panaches de fumée grisâtre. Ici, il ne reste que quelques snipers. » Pas de quoi convaincre Allah Kamel de partir. « On vient de récupérer notre maison. Donc nous resterons là, comme l’armée le demande. »

Sous Daech, il s’enfermait dans ses toilettes pour fumer

De l’autre côté de la ville, celle encore contrôlée par Daech, la population ne fuit pas davantage. Mais a-t-elle le choix? Les civils servent désormais de boucliers humains à l’organisation djihadiste. Ahmed, sorti du quartier d’Aden, raconte : « La semaine dernière, ils ont demandé à tout le monde de sortir dans la rue alors qu’il y avait des combats. Ce n’est que le lendemain qu’ils nous ont autorisés à rentrer chez nous. » D’autres expliquent que les soldats du califat débarquent et mitraillent les rues sans raison apparente. Certaines histoires sont plus sombres encore. Comme celle de ce bébé, amené la semaine dernière à l’hôpital de campagne de Gogjali par ses parents. Enveloppé dans une couverture, le nourrisson respire difficilement. Depuis plus d’un mois, il avait de la fièvre et ses parents l’ont conduit dans un hôpital contrôlé par l’EI. Mais, parce que le prénom du garçon avait une consonance chiite explique le père, les médecins de Daech lui ont injecté un produit suspect. « Je ne sais pas ce que c’était, explique Marek, l’aide-soignant slovaque. Un truc à base d’essence peut-être… »

Ce genre de situation, Hadi Abdallah Hassan ne veut plus l’endurer. Fuyant Mossoul, ce père de famille de 48 ans, le crâne coiffé d’un keffieh, n’a pas souhaité rejoindre le lot des centaines de déplacés qui arrêtent leur course dès Gogjali et qui attendent chaque jour une hypothétique distribution d’eau et de nourriture de l’armée. Croisé à Bartella, à quelque 10 km de Mossoul, lui veut emmener sa famille dans un camp de réfugiés. Avant cela, il doit se soumettre à un interrogatoire musclé que lui soumet un jeune officier irakien à la recherche de possibles complices de l’EI. Une humiliation de plus pour ce cheikh qui, sous le joug de Daech, s’enfermait dans ses toilettes pour fumer. « Il fallait ne laisser aucune trace, raconte-t-il. Une fois fini, je jetais le mégot dans la cuvette. » Dans son quartier de Saddam, il a vécu bien pire : la mort de son frère, puis celle de quatre petits voisins juste avant son départ, tous tués par des obus de mortier. « Je ne sais pas de quel côté ça venait et je ne veux pas le savoir, soupire-t-il en montant dans son pick-up. De toute façon, les combats vont détruire la ville. Alors, je vais vendre la maison et on essaiera d’aller en Europe. En tout cas pour moi, là-bas, c’est fini. »

 

Source Le Journal du Dimanche 04/12/2016

 

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