L’ancien
L’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso n’a pas violé les règles « d’intégrité et de réserve » de l’Union européenne en acceptant un poste à la banque d’affaires Goldman Sachs. Voilà ce qu’estime le « comité d’éthique » de l’UE dans un avis publié le 31 octobre. Sa conclusion, est en effet on ne peut plus favorable au pantouflard :
Sur la base des informations fournies par M. Barroso dans une lettre adressée au président Juncker, et considérant le Code de conduite pour les commissaires, il n’y a pas d’éléments suffisants pour établir une violation du devoir d’intégrité et de réserve.
Tout est légal confirme donc en substance ce comité, saisi mi-septembre par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, à la demande de la médiatrice européenne Emily O’Reilly.
Ledit comité refuse de se prononcer sur l’avidité et l’affairisme de l’ex-président de la commission européenne parti conseiller la pieuvre Goldman Sachs inquiète des conséquences du Brexit, une institution vilipendée pour son rôle dans le déclenchement de la crise des subprimes et celle de la dette grecque. Tout juste estime-t-il que José-Manuel Barroso « n’a pas fait preuve du bon jugement que l’on pourrait attendre de quelqu’un qui a occupé un poste à haute responsabilité pendant de si longues années ». Quel scoop ! L’unique reproche adressé par le comité d’éthique à l’ancien président de la Commission est bien mince :
M. Barroso aurait dû être conscient et informé qu’en agissant ainsi, il déclencherait des critiques et risquerait de nuire à la réputation de la Commission, et de l’Union en général.
Il ne propose aucune sanction, et note même dans ses conclusions que la tempête médiatique qui a suivi l’annonce de cette embauche est « certainement une indication pertinente, mais pas suffisante en elle-même » pour conclure que les règles éthiques ont été violées. D’ailleurs, poursuit le comité dans son rapport, Goldman Sachs opère dans le respect des lois.
Un bras d’honneur à l’opinion publique
Pour l’opinion publique européenne scandalisée par cette reconversion de celui qui a incarné l’Union européenne durant dix ans (2004-2014), cet avis est un insupportable bras d’honneur. Il balaie d’un revers de main, les protestations du Parlement européen ainsi que les pétitions lancées aussi bien par des ONG que par « un collectif spontané d’employés des institutions européennes », lequel avait engrangé un peu plus de 150.000 signatures.
Ce blanchiment de José-Manuel Barroso n’a rien de surprenant. « Il semble que cette recommandation a été rédigée sans même interroger M. Barroso, et le comité d’éthique a simplement accepté sa déclaration assurant qu’il ne fera pas du lobbying pour Goldman Sachs , sans même sonder ce que l’on entend par « lobbying » », déplore Corporate Europe Observatory (CEO) dans un communiqué. Pour cette ONG, la combinaison de « règles imparfaites » – un code de déontologie des commissaires bien faible – et « un processus défectueux » ne pouvait aboutir qu’à cette « recommandation viciée ».
Plusieurs eurodéputés avaient également souligné, l’absence d’indépendance du comité d’éthique lors d’un débat organisé le 4 octobre, au sein du parlement européen, sur les moyens d’éviter les conflits d’intérêts des membres, anciens ou actuels, de la Commission. Ils avaient notamment soulevé les points suivants :
- Le code de conduite sur lequel s’engage les commissaires et sur lequel les membres du comité d’éthique ont fondé leur avis est rédigé par les commissaires eux-mêmes. Et c’est d’ailleurs la Commission Barroso qui, en 2011, s’était chargée de la révision du code de conduite en vigueur actuellement. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas très sévère.
- La période dite de calling off durant laquelle les anciens commissaires ne peuvent rejoindre le secteur privé sans en demander l’autorisation au comité d’éthique est beaucoup trop courte. Actuellement, elle est de dix-huit mois. « Les textes législatifs pour lesquels les commissaires peuvent subir l’influence des groupes de pression ont une vie beaucoup plus longue, beaucoup plus dure : trois ans, cinq ans et même parfois, comme dans le cas du PNR, une bonne dizaine d’années », avait fait remarquer l’eurodéputé Jean-Marie Cavada.
- Le comité d’éthique ad hoc qu’instaure le code de conduite des commissaires est un organe informel. Il ne peut être saisi que par la Commission, ses avis sont seulement consultatifs et ne peuvent être rendus publics que par la Commission, qui nomme seule ses trois membres.
Tous ces points contreviennent aux critères qui devraient être ceux d’un comité indépendant. Or la composition du comité d’éthique est elle-même révélatrice de la proximité de ses membres avec la Commission pour laquelle certains continuer d’œuvrer.
La plus connue de ses membres, rappelle l’ONG CEO sur son site, Dagmar Roth-Behrendt, est une ex-députée social-démocrate allemande, aujourd’hui conseillère spéciale du commissaire Andriukaitis (Santé et sécurité sanitaire des aliments). Son mari, Horst Reichenbach, « a dirigé plusieurs services de la Commission avant de diriger le groupe de travail de la Commission pour la Grèce 2011-15 » ; directeur de la Banque européenne pour la reconstruction, il est aussi conseiller spécial auprès de Pierre Moscovici, commissaire à l’Économie et aux finances. Le couple figurait, fin août, dans la liste des couples politiques les plus influents à Bruxelles, établie par le site Politico.
Les deux autres membres du comité d’éthique, Heinz Zourek et Christiaan Timmermans, ont aussi exercé au sein de la Commission : le premier comme directeur général (fiscalité et union douanière) jusqu’en décembre 2015 après avoir rejoint les services de la Commission en 1995 ; le second a été juge à la Cour de justice (2000-2010) après avoir exercé au service juridique de la Commission.
Il faut une haute autorité indépendante
Dans leur avis sur M. Barroso, ces trois membres notent prudemment qu’« il ne revient pas au comité de savoir si le Code est suffisamment strict ». Le 4 octobre, de nombreux députés européens ont plaidé pour son renforcement. C’est le cas de Pascal Durand (EELV) :
Il faut une haute autorité indépendante, de façon à arrêter que la Commission se juge elle-même par les pairs, il faut allonger la durée d’interdiction des passerelles public-privé et il faut prévoir des sanctions exemplaires lorsque des commissaires ont menti ou dissimulé au public des intérêts qui sont en contradiction avec les fonctions qu’ils occupent.
Ce n’était pas l’avis de Pierre Moscovici, qui représentait la Commission dans ce débat. Ce n’est certainement pas non plus celui de son président, Jean-Claude Juncker. Cet ardent défenseur des politiques « pro-business » de l’Union européenne ne trouve rien à redire aux nombreux pantouflages des anciens commissaires, « quelque chose de normal aux États-Unis où il y a un mélange entre postes publics et emplois privés ». Il s’est même agacé quand, récemment, la youtubeuse Laetitia Nadji l’a interrogé sur ce sujet :
Si un type quitte une grande entreprise pour devenir ministre, personne ne se pose de questions, comme si celui qui était au service, solidement rémunéré, d’une grande firme ou d’une banque n’emporterait pas dans sa nouvelle fonction tous les réflexes et savoirs qu’il avait pu acquérir en travaillant dans le cercle privé. Mais si un homme politique quitte la sphère publique pour rejoindre la sphère privée, tout le monde se pose des questions.
Avec lui à la tête de la Commission, José-Manuel Barroso n’a pas trop à s’inquiéter pour ses lucratives activités. Et Goldman Sachs continuer à entretenir des liens incestueux avec institutions européennes; ils ne datent pas d’hier. Avant de présider la Commission (1999-2004), Romano Prodi avait été conseiller de Goldman Sachs Italie sur les questions internationales. Mario Monti, commissaire à la concurrence dans sa Commission, a été embauché en 2008 par Goldman Sachs. Mario Draghi, ancien vice-président Europe de Goldman Sachs entre 2002 et 2005, préside la Banque centrale européenne…
Source Politis 01/11/2016
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