Cinemed 2017. Intime et féminin

Kindil de Damien Ounouri Programme Algérie Cherchez la femme  Photo dr

Cinemed
La 39e édition du festival est marquée par l’énergie des réalisatrices et des comédiennes du monde méditerranéen toujours traversé par l’âpreté des conflits  autours de la libre expression féminine.

Lors de la cérémonie d’ouverture du Cinemed, Aurélie Filippetti, la présidence du festival, n’a pas manqué d’évoquer son attachement à l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle évoquait l’actrice de Razzia Maryam qui cosigne le scénario du film et incarne à l’écran une femme entière, très attachée à sa liberté d’expression. « Au Maghreb, il ne faut pas s’attendre à ce que les hommes s’engagent dans ce combat. Parce que les lois qui génèrent les injustices sont faites pour eux », souligne le réalisateur franco marocain Nabil Ayouch.

Regard à vif

La voix des femmes est omniprésente dans la programmation de cette 39 édition comme si le cinéma méditerranéen s’attachait plus aujourd’hui qu’hier à ne pas traiter les femmes en surface. Ce souffle de liberté provoquant, puissant s’orchestre dans une foule de registres thématiques. A travers les questions de la liberté, de la transmission, des traditions et de la conquête des droits, y compris celui d’aimer la personne de son choix, de la reconnaissance, et du mépris…

Le regard des réalisatrices est à vif. A l’instar du court métrage Tata Milouda de Nadja Harak  qui évoque le sort d’une femme de 67 ans contrainte par son mari violent  à faire des ménages à Paris pour payer leur maison au Maroc. On peut aussi citer Dans le bleu de la réalisatrice croate Antoneta Alamat Kusijanovic dont le cour métrage nous invite à suivre une mère et sa fille fuyant la violence du foyer familial, ou Bolbol de la jeune réalisatrice tunisienne Khedja Lemkecher. Tous les hommes n’en sortent pas grandis, mais les femmes non plus, à commencer par les mères qui mettent le doigt dans l’engrenage d’une situation qui place leur mari à la merci de leur silence.

Programmation sensible
Dans le panorama concocté pour faire découvrir la jeune garde du cinéma algérien, le Cinemed a regroupé trois courts-métrages sous le titre Cherchez la femme qui donne un aperçu de la conscience criante du problème sociétal en Algérie . Mais l’édition dans sa globalité essaime à travers toute sa programmation.  Sans doute parce que les films restent à l’échelle humaine, qu’ils pénètrent les foyers,  évoquent les solitudes, l’ennui et les rêves ou leur fin comme dans le documentaire Imma du réalisateur italien Pasquale Marino. Ce cinéma-là se saisit des sentiments intimes des personnages tels qu’ils sont, sans volonté de formatage.

C’est un des mérites de Cinemed de nous faire découvrir d’autres cultures mais aussi de nous permettre de se reconnaître dans l’étranger. A la fin d’un film, on se surprend souvent à changer notre regard. Cette confrontation nous rapproche poussant notre musique intérieure à explorer de nouvelles sonorités. La place donnée aux réalisatrices confirme que les femmes ne cillent pas derrière la caméra comme le démontre l’oeuvre sociale de Dominique Cabrera ou le très beau film de la géorgienne Mariam Kharchvani Dede.

Un peu comme si la crise globale de la démocratie qui a pour corollaire le renforcement des pouvoirs religieux et politiques et la réduction des libertés individuelles poussait les femmes dans un engagement salvateur…

 JMDH

Source. La Marseillaise

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Raymond Depardon : « Leur présence est forte, on ne les voit jamais cligner des yeux »

Raymond Depardon Photo dr

Raymond Depardon Photo dr

Entretien
Depuis la loi du 27 septembre 2013, les patients hospitalisés sans consentement dans les hôpitaux psychiatriques doivent être présentés à un juge des libertés et de la détention avant 12 jours. Le photographe et réalisateur Raymond Depardon et Claudine Nougaret sont les  premiers à filmer la mise en application de cette loi.

Après votre documentaire « San Clemente » une vraie immersion dans l’univers psychiatrique et « Urgence » tourné dans le service psychiatrique de l’Hôtel Dieu, pourquoi réaliser « 12 jours » ?
On avait fait ces deux films sur la psychiatrie, et deux films sur la justice, Délits Flagrants et 10 e chambre. Avec 12 jours, nous arrivons à un parfait dosage entre justice et psychiatrie. A dire vrai, comme beaucoup de Français, j’ignorais l’existence de cette loi avant que le magistrat Marion  Primevert, ne me propose de m’intéresser au sujet. J’ai été très surpris par le dispositif mis en place. Au départ, le député Robillard qui a conduit l’étude sur cette loi partait à tort du principe que les personnes hospitalisées perdaient leurs droits civiques. Ce qui n’est vrai que  dans le cas des incarcérations pénitentiaires.

Vous filmez la mise en application d’une loi mais vous révélez aussi ses effets. Ce qui n’est habituellement pas perceptible, ce qui reste dans le hors-champ social…
En effet, c’est la première fois qu’on voit ce type de conversations. Cela dure un petit quart d’heure, c’est parfois surréaliste. L’idée de rétablir ses droits, de vérifier que l’internement, l’hospitalisation comme on dit aujourd’hui, s’est bien déroulé en présence d’un avocat et parfois de membre de la famille, car les séances sont publiques, cela va dans le sens d’une amélioration de la démocratie sanitaire. Ce qui est d’autant plus nécessaire que l’on compte près de 100 000 mesures d’hospitalisations psychiatriques sans consentement  par an en France, soit 250 personnes par jour.

Tous les patients ou presque, contestent les mesures de contrainte. Et si l’approche des juges diffère, dans votre film, aucun ne s’oppose au diagnostic médical. Le pouvoir de la justice plie-t-il  devant le pouvoir médical ?
Le texte précise que les psychiatres n’assistent pas aux entretiens pour ne pas entraver la liberté d’expression des patients qui peut déjà l’être par les effets des médicaments. Nous avons filmé 72 entretiens pour n’en conserver que  10. Personne n’a été libéré. Selon les chiffres, 5 à 10% le sont. Le dispositif a néanmoins permis de pointer certains dysfonctionnements dans les pratiques comme à Bourg- en-Bresse où l’on abusait de la chambre d’isolement.

Mais dans ce domaine, on part de très loin, du Moyen Âge pour ainsi dire. Dans le passé, beaucoup de gens disparaissaient tout bonnement. Je n’évoquerai pas les placements intéressés avec des médecins complaisants liés à des affaires de successions. Avec cette loi, les médecins ne décident plus seuls. Le diagnostic est généralement collégial et il est consigné par écrit. Les patients ont la possibilité de faire appel de la décision du juge. Statuer en la matière reste très complexe. Si vous arrêtez des gens dans la rue pour leur demander leur avis, certains vous diront qu’ils ne libéreraient personne, d’autres qu’ils feraient sortir tout le monde.

Au montage, j’ai pris soin de respecter tous les protagonistes. Les dossiers médicaux transmis aux juges sont peu épais. On voit au cours des entretiens que les juges cherchent à mieux connaître les personnes qui leur font  face.

A travers les différents témoignages, on retrouve les principaux maux de la société : l’ordre, qui fait que l’on vous interne pour un coup de poing, l’isolement et l’abandon, la volonté de mourir, d’échapper au viol, ou le harcèlement au travail traduit médicalement comme un délire de persécution…
J’ai trouvé les gens très touchants, spontanés, conscients de leur traversée du désert. Les cas sont très différents. Ils reflètent la dureté du monde dans lequel nous vivons. Il y a le témoignage intime de cette femme qui travaille chez Orange et qui évoque ce qu’elle a vécu. J’ aurais souhaité rencontrer plus d’employés victimes de leurs conditions de travail. Il y a aussi des gens qui ont commis des crimes. Dans le film, l’un d’eux demande au juge à quoi il sert. Il n’est pas d’accord avec le point de vue du psychiatre et souhaite aller en prison, sans doute pour rompre son isolement.

J’étais content de tourner à Lyon plutôt qu’à Paris. J’aime filmer les citoyens, l’avantage de Lyon, c’est qu’il y avait des gens du centre-ville mais aussi de  Villeurbanne et de Vaulx-en-Velin.

« 12 jours »  sélection officielle hors compétition  au Festival de Cannes, sur les écrans le 29 novembre .

« 12 jours » sélection officielle hors compétition au Festival de Cannes, sur les écrans
le 29 novembre .

Vous laissez parler les images, comment avez-vous pensé le dispositif de tournage ?
Il y avait trois caméras dans la salle d’audience, l’une pour le patient, l’autre pour le magistrat et une troisième pour un plan général. Je voulais tourner en argentique mais je n’ai pas pu pour des raisons techniques. On a tourné en numérique mais j’ai veillé à ce que l’image soit claire, lucide. La présence des patients était forte, impressionnante, on ne les voit jamais cligner des yeux.

Les entretiens sont entrecoupés de plans tournés dans l’hôpital sans que l’on mesure le traitement moral concédé aux pensionnaires…
Nous avons eu l’autorisation de circuler librement dans tout l’établissement. Cela me convenait bien. En tant que fils de paysan, je suis dans la quintessence française. Je tiens beaucoup à ma liberté. Celle de marcher dans la rue, de faire ce que je veux… Dans les couloirs d’un hôpital psychiatrique, on voit des gens qui se cognent aux murs. Je disposais d’une expérience préalable et je n’avais pas envie de faire ce type d’image. J’ai préféré filmer la déambulation, la solitude, c’est cela qui m’intéressait.

Vous faites référence à Foucault pour qui le fou n’est pas l’autre…
Oui Foucault « Surveiller et punir », plus que Bourdieu que j’ai bien connu, parce qu’avec  la psychiatrie, on n’est pas dans « La misère du monde » mais dans la France qui souffre. Même si l’on observe des changements importants, dans un pays où entre 1,8 à 2 millions de personnes font des navettes en hôpital psychiatrique, on peut se dire aussi que quel que soit le gouvernement, la psychiatrie sera toujours là.

Dans votre film, on a le sentiment que ce ne sont pas les patients qui veulent échapper à la vérité…
Absolument, il y a un décalage perceptible entre le dossier et la confrontation. J’ai l’impression qu’ils ont leurs idées mais ils sont néanmoins affectés. Cela montre l’importance des rapports humains qui ont tendance à reculer dangereusement dans nos villes. Les juges en conviennent, mais là ils ne sont pas dans leur contexte. Dans quelques décennies  nous regarderons peut-être cela comme de la préhistoire, mais aujourd’hui c’est une avancée.

Réalisé par Jean-Marie Dinh

Cette rencontre a eu lieu dans le cadre de la présentation du film en avant-première au Cinéma Diagonal à Montpellier (34).

l« 12 jours »(1h27min), sortie nationale le 29 novembre.

Source La Marseillaise 21/10/2017

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Paris, Le Caire, ventes d’armes et droits de l’homme

afp.com - ANGELA WEISS

La visite en France du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, dénoncé pour son bilan « catastrophique » en matière de droits de l’homme, est considérée par les ONG comme un test crucial pour Emmanuel Macron, sommé de mettre fin à la « scandaleuse tolérance » de Paris envers le Caire.

M. Sissi effectue à partir de lundi une visite officielle de trois jours et rencontrera pour la première fois mardi à l’Elysée M. Macron depuis qu’il a été élu président.

La France, qui entretient d’excellentes relations commerciales et sécuritaires avec l’Egypte, vue comme un « rempart » contre le terrorisme dans une région en constante ébullition, a promis que la situation en matière de droits de l’homme serait abordée dans cet entretien.

Mais plusieurs ONG, dont Human Rights Watch, Amnesty International, la FIDH et Reporters sans frontières, ont souligné que l’Egypte connaît « la pire crise des droits humains depuis des décennies » et réclamé à la France des signes concrets pour mettre fin à son « silence », voire sa « tolérance ».

« Ce sera pour nous un test diplomatique crucial. M. Macron fait des déclarations publiques fortes, des discours vibrants. Maintenant, il est urgent qu’il mette concrètement en actions ses discours », a déclaré la directrice France de HRW, Bénédicte Jeannerod, au cours d’une conférence de presse à Paris lundi. Elle a notamment demandé que le soutien de Paris au gouvernement égyptien soit lié à des améliorations tangibles dans le domaine des droits de l’homme.

« Nous comptons sur vous pour rappeler que la France ne cautionne pas les pratiques répressives de l’Egypte et estime que des réformes significatives en faveur des droits humains, de la démocratie et de la société civile doivent être engagées », ont souligné de leur côté dans une lettre conjointe à Emmanuel Macron les ONG EuroMed Droits, Coordination Sud, FIDH, l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme et RSF.

– ONG ‘criminalisées’ –

Elles appellent M. Macron à demander au président égyptien « de mettre un terme à la campagne de criminalisation des défenseurs (des droits humains) ».

Depuis 2015, l’Egypte a conclu des contrats d’armement avec la France pour plus de six milliards d’euros, comprenant notamment 24 avions de combat Rafale, une frégate, deux porte-hélicoptères Mistral et des missiles.

M. Sissi doit rencontrer des entrepreneurs à l’occasion de sa visite. Il verra aussi des ministres, dont son « ami » Jean-Yves Le Drian, l’actuel chef de la diplomatie, qui a piloté ces ventes d’armes majeures avec le Caire lorsqu’il était ministre de la Défense sous l’ex-président François Hollande.

Dans une interview accordée lundi soir à la chaîne France-24, M. Sissi a affirmé qu' »il n y a pas de détenus politiques en Egypte », assurant que tous les détenus sont interrogés et déférés devant les tribunaux selon les procédures judiciaires normales.

Il a également confirmé qu’une « coordination existait » avec la France pour favoriser une solution politique en Libye, pays vers lequel les jihadistes vaincus en Syrie et en Irak « vont bouger », selon lui, de même que vers l’Égypte, le Sinaï et l’Afrique de l’ouest.

– ‘Difficile équation’ –

« L’Égypte souhaite atteindre l’équilibre nécessaire entre les droits et les devoirs des citoyens d’une part, et les défis sécuritaires de la lutte contre le terrorisme d’autre part », a encore déclaré le président égyptien dans une interview au quotidien Le Figaro, reconnaissant que « c’est une équation parfois difficile lorsque votre responsabilité est de sécuriser cent millions de citoyens. »

A propos de l’islam, M. Sissi entend « corriger les interprétations erronées des préceptes religieux érigés en prétextes idéologiques pour justifier la violence et le terrorisme ».

Pour la France, l’Égypte est « l’élément central de la stabilité régionale » et Paris travaille avec « dans un esprit de confiance et d’efficacité », selon un responsable gouvernemental, qui se défend de mettre la question des droits de l’homme sous le boisseau.

La rencontre entre MM. Macron et Sissi « permettra d’évoquer les sujets d’intérêt commun comme les crises régionales et la lutte contre le terrorisme, mais également la situation des droits de l’homme », indiquait la semaine dernière l’Elysée.

– Paris ‘têtu mais discret’ –

Toutefois, Paris revendique aussi la discrétion en la matière: « Si on arrive en leur disant ce n’est pas bien ce que vous faites, ce n’est pas efficace. Ce qui peut marcher, c’est d’évoquer des cas précis. Il faut être têtu mais discret », selon une source diplomatique.

« Il faut en parler publiquement », réplique Hussein Baoumi, responsable de campagne sur l’Egypte pour Amnesty International, pour qui « le silence des gouvernements étrangers » encourage la répression.

Mais pour Mohamed Zarea, vice-président de la FIDH, « la question n’est pas de critiquer, d’émettre des réserves, mais d’agir ».

Abdel Fatah al-Sissi est arrivé au pouvoir en 2013, après avoir destitué le président islamiste démocratiquement élu Mohamed Morsi. La répression s’est abattue en priorité sur les Frères musulmans, mais a touché peu à peu toute l’opposition, les médias, les ONG et la société civile.

« Il n’y a plus aucun espace pour la contestation, de quelque ordre qu’elle soit, en Egypte. Une seule opinion est permise, c’est l’opinion d’Etat », a dénoncé Hussein Baoumi.

Cécile Feuillatre

Source AFP 24/10/2017

 

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A Malte, la blogueuse anticorruption Daphne Caruana Galizia assassinée

A Malte, la blogueuse anticorruption Daphne Caruana Galizia assassinée

La voiture de Daphne Caruana Galizia après son explosion, à Bidnija, à Malte, le 16 octobre. Photo Darrin Zammit Lupi. Reuters

La blogueuse et journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, à l’origine d’accusations de corruption qui avaient provoqué des élections anticipées en juin, a été tuée lundi par une bombe placée sous sa voiture.

 

Daphne Caruana Galizia est à l'origine d'accusations de corruption contre l'entourage du Premier ministre, Joseph Muscat. Ce dernier a évoqué "une journée noire pour notre démocratie", après le drame.

Daphne Caruana Galizia est à l’origine d’accusations de corruption contre l’entourage du Premier ministre, Joseph Muscat. Ce dernier a évoqué « une journée noire pour notre démocratie », après le drame.

«Cet escroc de Schembri était au tribunal aujourd’hui, plaidant qu’il n’est pas un escroc» : le titre du dernier billet publié ce lundi à 14h35 par Daphne Caruana Galizia (photo AFP) sur son «carnet» en ligne, Running Commentary, résume assez bien son style offensif. Une demi-heure plus tard, la journaliste et blogueuse de 53 ans a été tuée par une bombe placée sous sa voiture, alors qu’elle conduisait près de son village de Bidnija, dans le nord de Malte. En décembre, la version européenne du magazine Politico la faisait figurer dans son classement des «28 qui font bouger l’Europe». Et la décrivait comme «un WikiLeaks à elle toute seule, en croisade contre l’opacité et la corruption à Malte».

L’an dernier, en plein scandale des Panama Papers, Caruana Galizia avait été en première ligne des révélations sur les sociétés offshore détenues par Keith Schembri, le chef de cabinet du Premier ministre travailliste, Joseph Muscat, et par le ministre de l’Energie, Konrad Mizzi. Cette année, au mois d’avril, elle avait cette fois accusé la femme de Muscat d’être la bénéficiaire d’une société-écran domiciliée au Panama, sur les comptes de laquelle un million de dollars auraient été versés par la fille du président azerbaïdjanais Ilham Aliyev. Le couple Muscat avait nié, accusant la journaliste d’avoir été manipulée par une lanceuse d’alerte russe. La justice n’en avait pas moins ouvert une enquête, et le gouvernement maltais avait convoqué des législatives anticipées – remportées en juin par les travaillistes.

Jusqu’à 400 000 lecteurs

Entre-temps, Daphne Caruana Galizia avait également dénoncé le lobbying de l’industrie du tabac en révélant que le vice-gouverneur de la Banque centrale de Malte, Alfred Mifsud, avait été rémunéré pendant plusieurs mois par Philip Morris au début des années 2010. En février, son compte bancaire avait été gelé sur demande du ministre de l’Economie, Christian Cardona ; un mois plus tôt, elle avait accusé ce dernier d’avoir visité une maison close alors qu’il était en voyage d’affaires en Allemagne. Et celle qui se définissait auprès du Monde comme une «journaliste d’opinion», et assumait ouvertement sa proximité avec le Parti nationaliste (conservateur), s’était aussi fait des ennemis à droite après avoir accusé Adrian Delia, le nouveau leader de l’opposition, d’avoir un compte offshore à Jersey, alimenté, écrivait-elle, par l’argent d’un réseau de prostitution.

Dans un pays que Reporters sans frontières place 47e dans son classement mondial de la liberté de la presse, où les poursuites judiciaires à l’encontre des médias sont courantes, Caruana Galizia pouvait attirer certains jours, selon Politico, jusqu’à 400 000 lecteurs – presque autant que la population totale de l’île. Lors d’une conférence de presse, ce lundi, Joseph Muscat a dénoncé un acte «barbare», «une journée noire pour notre démocratie et notre liberté d’expression».

Amaelle Guiton

Source Libération 16 octobre 2017

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On Line, « Un WikiLeaks entier en une seule femme », La journaliste considérée comme une des rares sources d’information indépendante, publie scoop sur scoop,

Les carnets en ligne de Daphne Caruana Galizia : Running Commentary