Prolongement des centrales nucléaires : comment se calculent les coûts ?

 En 2015, à la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux lors d’un contrôle décennal. Guillaume Souvant/AFP


En 2015, à la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux lors d’un contrôle décennal. Guillaume Souvant/AFP

Le 19 mars dernier s’est ouvert le débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (la PPE), cette feuille de route qui fixe la politique énergétique de la France jusqu’en 2023.

La PPE doit mettre en œuvre les objectifs de la loi de transition énergétique adoptée en 2015 : réduire les émissions de gaz à effet de serre, réduire la consommation d’énergie, augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique, faire baisser la part du nucléaire dans la production d’électricité.

Évaluer les coûts du nucléaire

Dans ce débat public sur la PPE, il sera notamment question de l’évaluation des coûts du nucléaire. Si ce sujet a été abordé à maintes reprises, le débat de la PPE aborde cette question par une confrontation inédite et directe entre deux modalités de calcul des coûts, ce qui pourrait venir alimenter un des arbitrages importants que devra rendre la PPE : à savoir, le prolongement des centrales nucléaires ou la fermeture de certaines d’entre elles.

Le site Internet de la PPE donne accès à deux évaluations de ces coûts : celles produites par la Cour des comptes en 2014 et 2016 et un document rédigé par la Société française d’énergie nucléaire.

Ce ne sont pas les seules expertises existantes : nous pourrions ajouter le rapport de la Commission d’enquête parlementaire dirigée par François Brottes et Denis Baupin, publié en 2014 ; ainsi que le rapport réalisé la même année par le cabinet WISE pour l’ONG Greenpeace.

L’enjeu de l’objectivation des coûts

Le débat sur l’industrie nucléaire a toujours porté à la fois sur la sécurité et sur la compétitivité par rapport aux autres sources d’énergie. Depuis la fin des années 1990, l’argument de la compétitivité relative du nucléaire est présenté comme la clé de voûte du soutien d’une large partie de l’opinion publique en France.

La diversité dans l’évaluation des coûts provient essentiellement des éléments qui sont pris en compte dans le calcul et de la difficulté d’anticiper des coûts à venir et non de la crédibilité des informations données par les entreprises du secteur.

« L’escalade des engagements »

Les retours d’expériences de plusieurs grands projets nous interpellent sur notre capacité à aborder des décisions « au milieu du gué », quand d’importants investissements passés ont été réalisés et qu’il existe une incertitude sur les investissements et bénéfices futurs.

Tout projet s’inscrivant dans une longue temporalité et qui se trouve soumis à de fortes incertitudes peut ainsi être confronté à un phénomène d’« escalade des engagements », identifié en 1993 par les chercheurs Jerry Ross et Barry Staw à propos de la construction de la centrale nucléaire de Shoreham (près de New York).

Cette construction a connu un dépassement de coût de 5 milliards de dollars sans que jamais elle ne soit mise en exploitation pour des raisons économiques et de sûreté. L’une des explications de cette fuite en avant tient à l’existence d’un processus de décision qui rend les acteurs prisonniers des investissements passés et influence leurs délibérations via des estimations optimistes concernant les dépenses et bénéfices à venir.

En quoi ce concept d’escalade des engagements peut-il nous éclairer sur le prolongement du nucléaire français ? En quoi peut-il nous aider à clarifier le débat sur les coûts de ce prolongement ?

Le calcul de la Cour des comptes

Le calcul des coûts habituellement pris comme référence dans les débats sur l’industrie nucléaire est celui de la Cour des comptes.

Dans son rapport de 2016, celle-ci annonce un coût de production du nucléaire de 62,6 €/MWh, qui pourrait s’accroître jusqu’à 70 €/MWh dans le cas d’un doublement des coûts d’investissement pour le prolongement. Ce coût est parfois pris comme référence dans le débat pour une comparaison avec des sources d’énergies renouvelables : l’éolien terrestre se situe entre 50 et 108 €/MWh selon la localisation et le taux d’actualisation choisi (de 3 % à 8 %), alors que le photovoltaïque varie entre 64 et 167 €/MWh pour les centrales au sol.

D’après cette première comparaison, reprise et complétée par le rapport de WISE pour Greenpeace, les coûts complets des ENR et de l’électricité d’origine nucléaire sont donc tout à fait comparables.

De son côté, EDF a réalisé dès 2008 son propre calcul des coûts du prolongement des centrales existantes. Il s’agissait alors de choisir entre le prolongement des centrales existantes ou leur remplacement par des EPR. Dans une récente intervention donnée dans le cadre du débat public sur la PPE, le représentant d’EDF, Olivier Lamarre, annonçait un coût de 32 €/MWh pour l’électricité nucléaire provenant d’une centrale en prolongement.

D’où vient une telle différence avec le calcul de la Cour des comptes ?

Le calcul d’EDF

Le calcul d’EDF consiste à ne prendre en considération que le coût « restant à engager » pour produire de l’électricité nucléaire, à savoir 17 €/MWh d’exploitation des centrales, 10 €/MWh d’investissement de prolongement et de maintenance, 5 €/Mwh de combustible (y compris retraitement et provision pour le stockage des déchets). Dans son document, la SFEN propose un calcul similaire.

La décomposition des coûts est donc bien différente de la valeur de la Cour des comptes qui raisonne en « coût complet économique », c’est-à-dire un coût qui neutralise les effets de la temporalité des investissements. Ce coût prend ainsi en considération un « loyer économique » équivalent à 20 €/Mwh environ. Il s’agit d’estimer la valeur de l’utilisation de l’investissement, calculé à partir de la valeur de remplacement et de déconstruction des centrales existantes.

Le débat entre Olivier Lamarre (EDF) et Yves Marignac (WISE) souligne cette différence : le premier propose d’aborder le calcul dans le contexte actuel français en prenant en considération le fait que l’outil de production nucléaire existe et qu’il est préférable d’en tirer bénéfice.

Le second défend, au contraire, le raisonnement en « coût complet économique », considérant que le choix entre le nucléaire et les énergies renouvelables doit s’inscrire dans une logique de long terme. Pour lui, le raisonnement en termes de « coûts restant à engager » revient à se soumettre aux choix passés et conduit à renoncer à investir dans des solutions alternatives en accentuant une « dépendance au chemin emprunté » déjà bien établie.

Le coût de la sûreté après Fukushima

Même si l’on suit le raisonnement d’EDF, il existe plusieurs incertitudes quant au calcul des coûts d’investissement pour le prolongement ainsi que la durée des amortissements.

Les coûts évoqués par EDF s’appuient en effet sur la mise en œuvre d’un référentiel de sûreté qui intègre le retour d’expériences post-Fukushima, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ayant toutefois rappelé – au sujet des visites de contrôle des réacteurs de 900 MW – que les études de réévaluation doivent être conduites au regard des objectifs de sûreté applicables aux nouveaux réacteurs.

Il n’existe aujourd’hui aucune estimation rendue publique des conséquences économiques d’une augmentation de ces exigences de sûreté.

Dans son intervention, Yves Marignac identifie aussi des incertitudes économiques liées à la combinaison entre l’accroissement des exigences de sécurité et le vieillissement des centrales, qui pourront se combiner pour donner lieu à une hausse des coûts d’exploitation ou une réduction de la durée de vie des centrales.

La question de la temporalité des investissements

Outre les estimations des coûts, se pose également la question de la temporalité de ces investissements et de leur articulation avec les décisions de prolongement.

On observe que les principaux investissements de modernisation sont engagés bien avant l’échéance des 40 ans, qui correspond à la durée de vie des centrales autorisée jusqu’à présent par l’ASN. Par exemple, les changements des générateurs de vapeur, qui sont les équipements les plus importants et les plus coûteux à remplacer, ont été déjà en partie réalisés autour des 27 ans de fonctionnement.

Cela signifie que la décision de prolongement se trouve contrainte par le fait que les investissements les plus coûteux ont déjà été réalisés. Cette situation peut laisser craindre un mécanisme d’escalade des engagements, la décision publique de prolongement risquant d’être influencée par des investissements réalisés quelques années plus tôt.

Si un gouvernement décide donc de fermer une centrale nucléaire alors que l’exploitation de celle-ci est autorisée par l’ASN, il devra indemniser EDF pour le « manque à gagner ». Et celui-ci sera d’autant plus élevé que les investissements de prolongement auront été réalisés.

Clarifier les incertitudes économiques

Le débat autour de la PPE constitue une belle opportunité pour clarifier quelques-unes de ces incertitudes économiques, et tout particulièrement celles associées au nouveau référentiel de sûreté. Ce débat pourra aussi être l’occasion de s’interroger sur le décalage en matière de décision publique entre les décisions d’investissements de maintenance (prises avant 40 ans) et les décisions de prolongement.

Si le coût du nucléaire comprend encore des incertitudes, rappelons que c’est aussi le cas des énergies renouvelables, dont on ignore l’impact économique du caractère intermittent.

Il faudra enfin prendre en considération les incertitudes quant aux prix de marché de l’électricité qui, en Europe comme aux États-Unis, affectent la rentabilité des exploitants des centrales nucléaires, pouvant parfois entraîner des fermetures pour raison économique.

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Source  Conversation 10/04/2018

Greenpeace condamnée pour une intrusion à la centrale de Cattenom

STRASBOURG (Reuters) – Greenpeace France et neuf de ses militants ont été condamnés, mardi, pour s’être introduits le 12 octobre dernier dans l’enceinte de la centrale nucléaire de Cattenom (Moselle), dont ils voulaient démontrer la vulnérabilité, a-t-on appris auprès de l’organisation écologiste et sur le site internet du Républicain lorrain.

Les activistes avaient franchi deux grillages pour s’approcher d’un bâtiment et avaient tiré des fusées d’artifice avant d’être interpellés par les gendarmes.

Deux d’entre eux, déjà impliqués par le passé dans des actions similaires, ont été condamnés à deux mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Thionville.

« C’est une première dans l’histoire de Greenpeace France », s’est insurgé l’organisation sur son compte Twitter.

Les sept autres, dont Yannick Rousselet, chargé de campagne chez Greenpeace, qui n’avait pas pénétré sur le site mais qui était présent à l’extérieur et se voyait poursuivi pour complicité, sont condamnés à cinq mois de prison avec sursis.

Greenpeace France devra en outre verser 20.000 euros d’amende et 50.000 euros à EDF en réparation du préjudice moral.

Le tribunal a ordonné une expertise pour le préjudice matériel.

Les militants encouraient cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende pour « intrusion en réunion et avec dégradation dans l’enceinte d’une installation civile abritant des matières nucléaires ».

Le directeur de Greenpeace France, Jean-François Julliard, qui représentait l’organisation à l’audience, a annoncé son intention de faire appel.

« Ces lourdes sanctions ne sont pas acceptables pour l’organisation, qui a joué son rôle de lanceur d »alerte », affirme-t-il dans un communiqué en dénonçant « l’irresponsabilité d’EDF en matière de sécurité nucléaire ».

Source Reuter 28/02/2018

La France Boude la cérémonie du prix Nobel de la Paix !

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Depuis le 7 Juillet 2017, la France exprime son profond désaccord avec l’adoption à l’ONU du Traité d’interdiction des armes nucléaires, le TIAN. C’est un choix de vision diplomatique. Mais refuser d’envoyer un ambassadeur de premier rang à la cérémonie du prix Nobel de la Paix, c’est une erreur sans nom !

Le 10 décembre, le Comité Nobel norvégien va attribuer le prix Nobel de la paix à la campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN). Ce collectif d’associations recevra ce prix pour son travail de sensibilisation sur les conséquences humanitaires catastrophiques de toute utilisation d’armes nucléaires ainsi que pour son initiative inédite visant à obtenir l’interdiction de ces armes au moyen d’un traité.

Il est de coutume que la France, (comme les britanniques et les Etats-Unis) envoie un ambassadeur de haut rang, pour représenter le président de la république. Or cette année, Paris (avec Washington et Londres) a officiellement annoncé que cela ne sera pas le cas, un « simple » chargé d’affaire sera présent.

C’est une faute grave et démontre chez les acteurs de la politique étrangère de ces 3 Etats à quel point ils sont dans un aveuglement complet :

  • Une faute à l’égard du Comité Nobel et vis-à-vis de tous les récipiendaires de ce prix ; Ce comité qui, il ya tout juste 100 ans attribuait cette récompense au Comité Internationale de la Croix Rouge.
  • Une faute de rang et d’honneur. La France qui se dit promouvoir le multilatéralisme (discours du président Macron à l’ONU), protectrice des Droits de l’homme, respectueuse de la démocratie remet tous simplement en cause ses fondements.
  • Une faute dans le cadre de la crise nord-coréenne. Car, que signifie ce message. Il faut avoir et conserver des armes nucléaires ? Face cela, il est facile d’imaginer la réaction nord-coréenne dans une future réunion de l’ONU…
  • Une faute vis-à-vis de ses propres engagements réalisés à de multiples reprises en faveur du désarmement nucléaire à travers des traités internationaux et des résolutions du Conseil de sécurité. En effet, cet acte est bien une protestation contre une ONG qui travaille pour promouvoir le désarmement nucléaire.
  • Une faute vis-à-vis des 122 Etats à travers la planète qui ont adopté en juillet le Traité d’interdiction des armes nucléaires. Comment ces Etats vont-ils pouvoir croire les diplomates français qu’ils sont en faveur du désarmement, si ils boudent la cérémonie du prix Nobel !

La France joue depuis 2013 le jeu de la chaise vide. Après avoir été absente des trois conférences (2013 et 2014) intergouvernementales sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires ; des Groupes de travail de l’ONU sur le désarmement nucléaires (2013 et 2016) ; de la négociation du traité d’interdiction (mars, juin, juillet 2017) ; Elle ne sera donc pas (vraiment) présente ce 10 décembre.

A ceux qui s’interrogent pourquoi la France perd de son influence dans le monde, la réponse se trouve dans ces absences, le non respect de ces engagements et ce message d’un autre âge que le Président Macron et son ministre des affaires étrangères Le Drian viennent d’envoyer ….

Jean-Marie Collin

Source : Blog Defense et Géopolitique 03/12/2017

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Ecologie, rubrique DéfenseUn traité d’interdiction des armes nucléaires adopté à l’ONU, rubrique PolitiqueEdouard Philippe, un chef de gouvernement pas très « vert », Société civileUn accident nucléaire, c’est la fin de la démocratie, rubrique Economie, rubrique Rencontre, Entretien avec le Général Françis Lenne,

Prix Nobel Pour l’abolition de l’arme nucléaire

Un buste du chimiste suédois Alfred Nobel, le 10 décembre 2016 à Stockholm / © AFP/Archives/Soren Andersson

Un buste du chimiste suédois Alfred Nobel, le 10 décembre 2016 à Stockholm / © AFP/Archives/Soren Andersson

 

Le Nobel de la paix a été annoncé vendredi 6 octobre dans les murs de l’Institut Nobel, à Oslo, qui explique avoir reçu 318 candidatures cette année. Après le président colombien Juan Manuel Santos, récompensé l’an dernier pour ses efforts visant à ramener la paix dans son pays, c’est la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) qui a été consacrée.

Cette coalition mondiale d’ONG a poussé à l’adoption en juillet d’un traité historique d’interdiction de l’arme atomique, cependant affaibli par l’absence des neuf puissances nucléaires.

Le prix Nobel de la paix décerné à la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), coalition de centaines d’ONG de dizaines de pays, met en évidence l’irresponsabilité des États, dont la France, qui s’arc-boutent sur la dissuasion par la terreur. Loin de garantir la paix, elle dissémine le risque d’une catastrophe monstrueuse, comme le montre la crise coréenne.

Un combat d’actualité

Le traité d’interdiction totale des armes nucléaires a été ouvert à la ratification, le 20 septembre, lors de l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) à New York, au lendemain des propos incendiaires du président américain, Donald Trump, menaçant d’« anéantir la Corée du Nord ».

Approuvé en juillet par 122 Etats membres de l’ONU sur 192, ce texte est le résultat d’une longue bataille commencée en 2007 par l’International Campaign to Abolish Nuclear Weapons (ICAN), une coalition de près de 500 organisations non gouvernementales agissant dans 95 pays et saluée, vendredi 6 octobre, par le prix Nobel de la paix.

Le traité entrera en vigueur quand il aura été ratifié par cinquante Etats. Il ne s’appliquera qu’à ceux qui l’auront signé et ratifié. Ce texte de dix pages vise à une mise hors-la-loi internationale des armes nucléaires, comme le sont déjà les armes biologiques depuis 1972 et les armes chimiques depuis 1993.

Source AFP 06/10/2017

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