Une série de gros contrats ont été annoncés dans plusieurs secteurs. Les deux pays veulent approfondir leur dialogue politique pour mieux discuter des dossiers chauds au Moyen-Orient.
Hâtons nous mais prudemment. Le patron du Medef, Pierre Gattaz, a invité les entreprises françaises à « se ruer en Iran tout en faisant attention à la question du financement », à l’occasion de la visite en France du président iranien, Hassan Rohani. Certes, c’est un marché de 80 millions d’habitants, deuxième économie du Proche Orient, qui s’ouvre à l’occasion de la levée progressive des sanctions internationales. Mais demeure l ’épée de Damoclès des sanctions résiduelles des Etats-Unis prises pour atteintes au droit de l’Homme qui ont valu une amende de 8,9 milliards de dollars à BNP-Paribas.
De ce point de vue, les choses pourraient rapidement s’améliorer, a indiqué François Hollande. La banque centrale d’Iran a pris langue avec la Banque de France et trois établissements bancaires français pour faciliter les transactions financières entre les deux pays et faire jouer à la Coface sont rôle de garant.
Les Français prudents
Les Français sont prudents mais n’ont pas d’état d’âme pour autant envers un pays qui compte, selon Hassan Rohani, « tourner la page sur les anciennes rancoeurs ». Il a énuméré devant 320 chefs d’entreprise, les secteurs où l’Iran mise sur la coopération des Français : l’énergie, l’agriculture, la santé, les transports, l’aéronautique. Une coopération d’ores et déjà illustrée par la signature d’accords jeudi entre Téhéran et PSA Citroën, Airbus et Total, mais aussi Bouygues Vinci et ADP pour développer trois aéroports.
Le Premier ministre, Manuel Valls, a lui aussi appelé à «?ouvrir un nouveau chapitre? » entre l’Iran et la France, le pays européen qui a «?le plus souffert des sanctions internationales?» selon Pierre Gattaz, puisque les échanges entre Paris et Téhéran sont passés de 3,7 milliards d’euros en 2004 à 500 millions en 2014.
Manifestants à Paris
Si des centaines de manifestants ont défilé, lundi à Paris, pour protester contre le régime des mollahs, le président Rohani a reçu, distinction rare, les honneurs militaires sur la place des Invalides, en présence du chef de la diplomatie française, Laurent Fabius. Ce dernier incarnait la «?vigilance?» envers l’Iran durant les négociations nucléaires conclues le 14 juillet dernier à Genève. La relation est d’ailleurs moins chaleureuse qu’entre Rome et Téhéran , une défiance remontant aux attentats de 1986 à Paris. «?Nous nous connaissons?», a simplement observé Hassan Rohani qui était reçu dans la matinée à l’Institut français des Relations internationales. Il a évoqué, devant Valéry Giscard d’Estaing, les années où l’ayatollah Khomeini avait trouvé refuge à Neuf le Château d’où il avait fomenté la révolution islamique.
Ouverture économique et diplomatique indispensable au président
Cette tournée européenne est plus qu’une ouverture économique et diplomatique. Elle est indispensable au président Rohani lui-même. Les conservateurs sont en train de saboter les élections législatives du 28 février en invalidant les candidats qui lui sont proches. Il doit donc trouver des relais à l’extérieur pour l’aider à contenter une jeunesse et une population qui aspirent à travailler et à consommer des produits occidentaux. Les Iraniens doivent renouveler leur aviation commerciale, et cette commande à Airbus (23 milliards d’euros) a aussi pour objet de titiller Boeing dont le lobbying auprès du gouvernement américain pourra un jour faciliter les affaires avec les Etats-Unis.
Le faible prix du pétrole est alarmant pour l’Iran mais le président iranien est optimiste : « La pression sur les pays producteurs de pétrole se traduira par un retour à l’équilibre à court terme ». Tout cela dans un Moyen-Orient à feu et à sang ou l’Iran tente de renforcer son rôle de puissance régionale. «?Cela va être très difficile de revenir à la stabilité au Moyen-Orient. La reconstruction pourra prendre plusieurs dizaines d’années », a souligné le président iranien. La Syrie, l’Irak, le Yémen et le terrorisme ont été évoqué par les deux chefs d’Etat. Une mission a été confiée aux ministres des Affaires étrangères des deux pays pour approfondir le dialogue politique entre Paris et Téhéran.
Après une nouvelle baisse mercredi, les Bourses européennes perdent plus de 20 % depuis leur plus haut de 2015. Les marchés font la somme de toutes leurs peurs en attendant la réaction des banquiers centraux.
Cela commence à faire froid dans le dos. Plusieurs grandes Bourses mondiales sont entrées en « bear market », autrement dit, elles enregistrent une chute de plus de 20 % sur leur plus haut annuel. C’est le cas de Paris (-21,7%), Francfort (-24,1%), mais aussi de Madrid, du Japon ou du Canada, qui rejoignent ainsi des Bourses du Brésil et de Chine en pleine déprime. Le rebond entrevu mardi à la faveur d’un chiffre de la croissance chinoise conforme aux attentes, n’aura donc pas tenu. Mercredi, les places mondiales ont encore replongé dans le sillage du baril de pétrole, passé sous les 28 dollars. L’indice CAC40 a chuté de 3,45% et le Stoxx Europe 600 de 3,20%. Il n’y a plus qu’une douzaine de valeurs en hausse sur cet indice européen de référence qui en compte 600.
Sorties de capitaux
Et ce n’est peut-être pas fini. Car les volumes de transaction restent faibles, deux fois moins importants à Paris que lors de la chute du mois d’août, constate Aurel BGC, qui estime qu’il n’y a « toujours pas eu de séance de capitulation qui marque la fin d’un épisode baissier ». C’était aussi le sentiment de Bank of America Merrill Lynch qui jugeait la semaine dernière que les 21 milliards de dollars de sorties des fonds actions mondiaux en deux semaines n’étaient pas encore « suffisamment importantes pour signaler une vraie capitulation du marché ». La semaine du 15 août, elles avaient été plus massives (36 milliards).
La rechute du prix du baril de pétrole mercredi , a de nouveau déprimé des marchés actions de plus en plus corrélés à l’évolution du Brent, perçu comme le baromètre de la croissance mondiale, par son effet potentiellement dévastateur sur la santé des pays producteurs et par le risque de tensions déflationnistes accrues dans les pays développés. Par ailleurs, si mardi, les marchés avaient ignoré la révision en baisse de la croissance mondiale par le FMI , ils se sont rattrapés le jour d’après. Car au fond, les raisons du mal sont connues et profondes, rappellent Philippe Ithurbide et Didier Borowski chez Amundi : « Tous les grands facteurs de risque identifiés se sont matérialisés en 2015, à des degrés divers : une crise européenne, une crise sur les émergents, des craintes sur la croissance mondiale, sur le « hard landing » chinois, des risques spécifiques (Russie, Brésil), une nouvelle baisse des prix des matières premières, de forts réalignement des cours de change, des risques géopolitiques… » N’en jetez plus.
Ces risques sont-ils surestimés ? Pour l’instant, seulement 12 % des investisseurs pensent qu’une récession globale pourrait survenir d’ici à 12 mois selon le sondage mensuel de BofA-ML, signe qu’ils « ne sont plus dans le déni face à ce risque ». Ils font aussi une plus large place au cash dans leurs portefeuilles, à 5,4 %, troisième niveau le plus haut depuis 2009.
L’aversion au risque remonte d’ailleurs en flèche, à l’image de l’indice de la peur, le Vix, qui a presque doublé depuis le 23 décembre. Cela profite aux obligations les plus solides: le Bund allemand est retombé à moins de 0,5 % et le 10 ans américain à moins de 2 %. L’euro et le yen, perçus comme des valeurs refuges, remontent aussi face au dollar.
Pression sur la BCE
Une situation qui devrait accentuer la pression sur les banques centrales. « Comme la Fed tente de normaliser sa politique monétaire et que la BCE peine à convaincre de l’efficacité de son QE pour stimuler l’inflation, les banques centrales ne parviennent plus à « protéger » les marchés », constate Aurel BGC. A moins que. Car la Banque du Japon a déjà rappelé qu’elle pouvait étendre ses interventions « sans hésitation si besoin ». La Banque centrale européenne, qui se réunit ce jeudi est, elle, attendue au tournant. Mario Draghi devra faire valoir tout son talent oratoire pour ramener le calme sur des marchés déboussolés. La Fed enfin semble moins pressée, alors que ses membres continuent d’abreuver les investisseurs de propos rassurants sur la croissance américaine, malgré un quatrième trimestre qui s’annonce plus faible. Même si, dans un entretien à CNBC, le patron de Bridgewater, l’un des plus gros «?hedge fund?» du monde, estimait que le prochain mouvement de la Fed «?penchera plus vers un nouveau QE (rachat d’actifs) que vers un resserrement monétaire ».
Diagonal. L’instrumentalisation de l’art et de la culture au service des promoteurs.
A l’invitation des Amis du Monde Diplomatique et du cinéma Diagonal le réalisateur marseillais Nicolas Burlaud est venu présenter à Montpellier son film La fête est finie. Ce documentaire réalisé avec très peu de moyens, se saisit de l’exemple marseillais pour évoquer l’angle aveugle du développement urbain.
Vendu par les édiles locales de tous bords comme créateur d’emplois, vecteur de progrès et de croissance économique, partout dans le monde, les plans de rénovation urbaine relèguent aux oubliettes la notion même du rôle politique dans la cité. A savoir, les actions possibles, anticipées, par les individus et les groupes sociaux, situés les uns à l’égard des autres en réciprocité de perspectives dans un environnement partagé.
Le film traite de la destruction du Marseille populaire et de l’entrée féroce des promoteurs avec comme cheval de Troie « Marseille Capitale Européenne de la Culture » mise en place par CCI, la ville de Marseille et les fonds d’investissements du grand capital.
Usant des moyens de voyous qu’Audiard décrit dans De battre mon coeur s’est arrêté, les promoteurs déplacent les pauvres de leurs lieux de vie pour développer des zones sous hautes surveillance réservées aux marchands.
L’intérêt du film est aussi d’interroger l’instrumentalisation de la culture et de ses acteurs. Nicolas Burlaud filme sa ville avec amour et nous invite à résister en prenant conscience des liens qui nous unissent.
Marseille est en passe de devenir une ville comme les autres. Sous les assauts répétés des politiques d’aménagement, elle se lisse, s’embourgeoise, s’uniformise. Cette transformation se fait au prix d’une exclusion des classes populaires, repoussées toujours plus au Nord. Son élection en 2013 au titre de «Capitale européenne de la culture» a permis une accélération spectaculaire de cette mutation. Là où brutalité et pelleteuses avaient pu cristalliser inquiétude, résistance et analyses, les festivités nous ont plongés dans un état de stupeur. Elles n’ont laissé d’autre choix que de participer ou de se taire…
Contact : lafeteestfinie@primitivi.org ou 06 62 46 14 06
Le patrimoine cumulé des 1 % les plus riches du monde a dépassé l’an dernier celui des 99 % restants, selon une étude de l’ONG britannique Oxfam réalisée à l’approche du forum économique mondial de Davos (Suisse), et publiée lundi 18 janvier.
« L’écart entre la frange la plus riche et le reste de la population s’est creusé de façon spectaculaire au cours des douze derniers mois », constate l’ONG dans son étude :
« L’an dernier, Oxfam avait prédit que les 1 % posséderaient plus que le reste du monde en 2016. Cette prédiction s’est en fait réalisée dès 2015 : un an plus tôt. »
Illustration du creusement spectaculaire des inégalités ces dernières années, l’ONG a calculé que « 62 personnes possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale », alors que « ce chiffre était de 388 il y a cinq ans ».
Mettre fin aux paradis fiscaux
Selon l’ONG, « depuis le début du XXIe siècle, la moitié la plus pauvre de l’humanité a bénéficié de moins de 1 % de l’augmentation totale des richesses mondiales, alors que les 1 % les plus riches se sont partagé la moitié de cette hausse ».
Pour faire face à cette croissance des inégalités, Oxfam appelle notamment à mettre un terme à « l’ère des paradis fiscaux ». « Nous devons interpeller les gouvernements, entreprises et élites économiques présents à Davos pour qu’ils s’engagent à mettre fin à l’ère des paradis fiscaux qui alimentent les inégalités mondiales et empêchent des centaines de millions de personnes de sortir de la pauvreté », explique Winnie Byanyima, la directrice générale d’Oxfam International, qui sera présente à Davos.
L’an dernier, plusieurs économistes avaient contesté la méthodologie utilisée par Oxfam. L’ONG avait défendu l’instrument de mesure utilisé dans cette étude : le patrimoine net, c’est-à-dire les actifs détenus moins les dettes.
Trois articles sur une affaire révélatrice de la justice de classe.
Quelques remarques. La dimension factuelle reste anecdotique. Elle reflète surtout l’ état d’esprit du grand patronat français qui règne de manière coloniale sur les salariés.
Le temps de la justice n’est visiblement pas le même pour les patrons voyous. On laisse toujours aux puissants le temps de s’organiser même quand l’Etat est impliqué.
Lorsqu’il s’agit de mesure restrictives et sécuritaires, la justice ou les législations sont rendues et votées dans l’urgence. Dans le cas des délits économiques, on laisse retomber l’émotion.
La nature des peines sont incomparables. La logique du droit rendu justifie économiquement toutes les malversations, fraudes, crimes, délits et abus de bien sociaux…
Des dirigeants d’un magasin Leclerc sont jugés pour la séquestration de salariés et travail dissimulé
Les patrons sont parfois séquestrés, les salariés, très rarement. C’est pourtant un tel fait qui a mené des dirigeants du supermarché Leclerc de Montbéliard (Doubs) devant le tribunal correctionnel de la ville, jeudi 14 novembre. Ils sont accusés d’avoir séquestré, en 2006, une cinquantaine de salariés durant environ une heure dans une réserve afin de les soustraire au contrôle inopiné de l’inspection du travail. La CGT s’est portée partie civile. Une vingtaine de salariés ont demandé le paiement d’heures supplémentaires ainsi que des dommages et intérêts pour leur enfermement dans la réserve.
L’audience a duré treize heures, le temps d’essayer d’éclaircir de nombreux points de cette affaire exceptionnelle. Le 30 juin 2006, vers 21 h 45, le magasin est en plein inventaire quand arrivent des agents de l’inspection du travail, de l’Urssaf et des policiers. L’inspection enquête sur une comptabilisation suspecte des heures supplémentaires depuis plusieurs mois après des plaintes de salariés. Une partie de ces heures n’étaient ni comptabilisées ni payées. Une ancienne employée a confié, dans L’Est Républicain du 17 novembre 2011, qu’elle avait établi de faux relevés d’heures, mentionnant 37,5 heures par semaine alors que des salariés en faisaient 50 à 60.
A la vue des inspecteurs, le directeur du magasin Leclerc ordonne à une chef de département de cacher une cinquantaine de salariés. Ceux-ci sont conduits dans une réserve. Ils se retrouvent dans le noir, avec interdiction de parler, sans savoir pourquoi ils sont là. « Quand j’ai vu les enquêteurs et la police sur le parking, j’ai paniqué, je savais qu’on ne respectait pas les amplitudes horaires » légales, a reconnu le directeur à la barre. « J’aurais dû réagir mais je ne l’ai pas fait, a admis, de son côté, la chef de département. J’ai suivi [les ordres] sans comprendre les enjeux. »
DIFFÉRENTES VERSIONS POUR UNE « FRAUDE MASSIVE »
Comment s’est passé la séquestration ? L’enfermement aurait duré de 20 à 60 minutes. Certains salariés ont affirmé que le local avait été fermé à clé, la chef de département disant, elle, qu’elle a maintenu la porte avec son pied. « C’était comme si on nous faisait passer pour des travailleurs clandestins », a souligné une salariée dans L’Est Républicain du 17 novembre 2011, ajoutant avoir été « suivie par une psychologue » ensuite.
Pour Sébastien Bender, avocat du directeur du magasin et de la directrice des ressources humaines (DRH), qui a plaidé leur relaxe, on ne peut pas vraiment parler de séquestration. « Le directeur n’a pas donné l’ordre d’enfermer les salariés mais de les cacher. Et personne ne s’est opposé à aller dans le local », affirme-t-il. Mais peut-on s’opposer aux ordres de son patron ? M. Bender a une autre explication : « Certains salariés ont dit qu’ils avaient pensé qu’ils allaient faire l’inventaire de la réserve, d’autres qu’il y avait le feu. Même dans la réserve, personne n’a demandé à en sortir. »
Des salariés ont pourtant indiqué s’être sentis « oppressés » dans le local. Mais M. Bender a un doute. « Une personne a déclaré avoir joué au foot dans la réserve. Il n’y a pas deux versions identiques. » De même, il y a plusieurs versions de la libération des salariés. Etait-ce après le départ des inspecteurs ? Ou bien, comme le dit M. Bender, « au bout d’un quart d’heure, quand le directeur a donné l’ordre de remettre les salariés dans les rayons par petits groupes », après avoir réalisé qu’il avait « fait une bêtise » ? Le tribunal devra trancher.
En tout cas, « c’est la première fois qu’on arrive à prouver une fraude massive, a souligné la direction du travail dans Libération du 20 octobre 2006. Mais à côté de ça, il y a quantité d’affaires qui n’aboutissent pas faute de preuves et parce que les gens qui viennent se plaindre d’heures sup non payées veulent rester anonymes. Les heures sup, c’est la grande plaie du secteur de la grande distribution (…). Il y a une chape de silence. »
« LE NERF DE CE DOSSIER, C’EST L’ARGENT »
Après cet épisode, le PDG de la société SAS Montdis, qui gère le magasin, « s’est excusé auprès des salariés, indique M. Bender. Une prime a été versée aux 92 qui avaient été présents ce soir-là, dont les 40 qui étaient dans la réserve ». La chef de département, qui est la fille du PDG, et la DRH n’ont pas été sanctionnées. Le directeur a reçu une mise à pied de dix jours et est toujours à la tête du magasin. Depuis cet incident, une pointeuse a été installée.
« Le nerf de ce dossier, c’est l’argent », a lancé le procureur lors du procès. La séquestration, a-t-il ajouté, « c’est l’aboutissement d’une gestion uniquement tournée vers le profit financier, jamais vers l’humain. » Une vision que conteste M. Bender : « Le magasin gagne autant d’argent, voire plus, maintenant, alors qu’il y a la pointeuse et que 50 salariés ont été embauchés depuis. »
Le procureur a requis 200 000 euros d’amende à l’encontre de la SAS Montdis pour travail dissimulée ; 15 000 à l’encontre le PDG pour travail dissimulé, obstacle à la mission de l’inspection du travail et paiement de salaires inférieurs au minimum conventionnel ; 2 500 euros d’amende à l’encontre la DRH et 6 000 euros à l’encontre le directeur du magasin ; ainsi qu’un mois de prison avec sursis assorti d’une amende de 2 500 euros pour la chef de département pour séquestration et obstacle à la mission de l’inspection. La décision du tribunal sera rendue par le tribunal le 23 janvier 2014.
Francine Aizicovici
Le Monde 16/11/2013
Leclerc/séquestration : procès annulé
Le procès de deux responsables d’un supermarché Leclerc de Montbéliard (Doubs), jugés aujourd’hui devant le tribunal correctionnel pour avoir séquestré en 2006 une cinquantaine de salariés afin de les soustraire à un contrôle de l’Inspection du travail, a été annulé pour vice de procédure. Le président du tribunal a prononcé l’irrégularité de l’arrêt de renvoi, suivant la demande de l’avocat de la défense, Me François de Castro, qui avait soulevé un vice de procédure à l’ouverture des débats.
Le dossier doit désormais retourner chez le procureur de Montbéliard, qui devra à nouveau saisir un juge d’instruction. Le directeur du magasin Leclerc et une chef de département comparaissaient pour « séquestration » et « entrave aux missions de l’Inspection du travail », et encouraient cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende. Le PDG de la SAS Montdis, gérante du magasin, est également poursuivi pour « entrave » et « travail dissimulé ». La CGT et 19 salariés s’étaient portés partie civile.
Le 30 juin 2006, des agents de l’Inspection du travail et de l’Urssaf avaient effectué un contrôle surprise dans le supermarché en plein inventaire, car ils enquêtaient sur une comptabilité suspecte des heures supplémentaires. Une partie de ces heures n’était en effet ni comptabilisée, ni payée. Les responsables du magasin avaient rassemblé à la hâte une cinquantaine de salariés pour les enfermer pendant 45 minutes dans une réserve, dans l’obscurité, leur interdisant de parler afin de cacher leur présence. D’après les salariés, la porte était fermée à clé. Ils avaient été libérés après le départ des inspecteurs. Mais ces derniers, restés autour du supermarché, avaient vu les salariés sortir par petits groupes.
Françoise Roy, une des salariés concernée, a expliqué avoir « très mal vécu » la séquestration. « On nous a emmenés dans une réserve textile où seules les lumières de secours étaient allumées, on était pratiquement dans le noir, assis sur du béton. On nous a dit de couper les portables et de pas faire de bruit. On ne nous a rien expliqué du tout », a-t-elle dit lors de la suspension de séance.
« C’était comme si on nous faisait passer pour des travailleurs clandestins », a-t-elle souligné, précisant avoir « été suivie par un psychologue ».
Amanda Thomassin, l’inspectrice qui a participé au contrôle, a expliqué qu’au sortir du magasin « ces salariés étaient en état de stress et affirmaient tous, dans un discours bien cadré, ne pas faire d’heures supplémentaires ». Réinterrogés plus tard, ils avaient alors reconnu avoir fait de fausses déclarations sur ordre de leur direction.
« Certains salariés faisaient plus de 60 heures par semaine et la direction savait qu’elle était en infraction concernant les heures supplémentaires », a souligné la fonctionnaire, citée comme témoin.
Emilie Guichard, une ancienne salariée, a raconté avoir établi de faux relevés d’heures, mentionnant 36,75 heures (conformément au contrat de base), alors que des salariés faisaient 50 à 60 heures. « C’était pratique courante, tous les chefs de rayon dépassaient leur quota d’heures. Pour le patron, il fallait faire des heures supplémentaires si on voulait se faire bien voir ».
Source Le Figaro 17/11/2011
Fortes amendes contre un Leclerc de Montbéliard pour travail dissimulé
Un supermarché Leclerc de Montbéliard (Doubs) et son patron ont été condamnés jeudi par le tribunal correctionnel de la ville à respectivement 75.000 et 15.000 euros d’amende pour avoir mis en place un système de « travail dissimulé », c’est-à-dire d’heures supplémentaires non déclarées.Deux cadres du magasin, poursuivis pour avoir retenu une cinquantaine de salariés en 2006 afin de les soustraire à un contrôle inopiné de l’Inspection du travail, ont par ailleurs été condamnés à 4.000 et 8.000 euros d’amendes pour « entrave aux missions » des inspecteurs. Mais ils ont été relaxés du chef de « séquestration » pour ces faits.Dans la soirée du 30 juin 2006, des agents de l’Inspection du travail et de l’Ursaff, qui enquêtaient sur une comptabilité suspecte des heures supplémentaires, avaient effectué un contrôle surprise dans le supermarché, en plein inventaire.Les responsables du magasin avaient rassemblé à la hâte une cinquantaine de salariés pour les dissimuler pendant 20 à 60 minutes dans une réserve, dans l’obscurité, sans leur dire pour quels motifs et en leur ordonnant de se taire afin de cacher leur présence.D’après une trentaine de salariés, la porte était fermée à clé. Ils avaient été libérés par petits groupes après le départ des inspecteurs.A la barre du tribunal, en novembre dernier, les deux prévenus avaient reconnu les faits, arguant avoir été pris de « panique » lors de l’arrivée des inspecteurs. « Dans les faits, personne n’a été séquestré », a assuré à l’AFP l’avocat d’un des cadres poursuivis, Me Sébastien Bender, qui s’est déclaré « très satisfait » que la justice ait écarté la séquestration. « Il est dommage que l’on ait tenté de ternir l’image du magasin et de son directeur durant toute la période d’enquête et d’instruction qui a duré près de sept ans avec cette qualification », a-t-il ajouté. »Pour moi, c’est une relaxe au bénéfice du doute », a commenté de son côté Me Denis Leroux, défenseur de l’une des salariés concernés. « Certains ont dit qu’ils n’avaient pas été privés de liberté, mais d’autres ont vraiment considéré qu’ils n’avaient pas la possibilité de sortir », a-t-il ajouté.Le directeur avait été mis à pied dix jours, avant de reprendre normalement ses fonctions dans ce supermarché qui emploie environ 300 personnes. »Le nerf de ce dossier, c’est l’argent », avait estimé lors de l’audience le procureur Lionel Pascal. « La séquestration, c’est la partie immergée de l’iceberg, c’est l’aboutissement d’une gestion uniquement tournée vers le profit financier, jamais vers l’humain », avait-il fustigé.L’enquête, déclenchée suite aux révélations d’une ancienne salariée, avait permis d’établir que la direction du magasin ne déclarait pas les heures supplémentaires effectivement travaillées, notamment par les cadres, et qu’elle leur promettait de compenser le manque-à-gagner sous forme de primes annuelles.