Dossier. Théâtre en péril, fin d’un modèle à Montpellier et dans l’Hérault ?

""Les choses paraissent fragiles mais, en fait, c'est toute la vie qui est fragile" Patrick Neu

«  »Les choses paraissent fragiles mais, en fait, c’est toute la vie qui est fragile » Patrick Neu

Déjà sous pression budgétaire, la vie théâtrale héraultaise et montpelliéraine subit les affres du redécoupage territorial et de la méconnaissance des politiques. Attention fragile !

Dossier Réalisé Par JMDH Source La Marseillaise 12/10/2016

 

 

 

 

Beziers : sortieOuest dissolution imminente de  l’association     

4602945_3_42fb_le-chapiteau-theatre-sur-le-domaine-de_8a80da1b9d2301c1d82328f8476cb8deLe lieu culturel populaire et parfaitement compatible avec les questionnements contemporains est menacé. Le Conseil départemental programme la fin de l’association, les spectateurs se mobilisent jeudi à 16h, jour du Conseil d’Administration.

 

Montpellier. Départ de Rodrigo Garcia

Le président de la Métropole Philippe Saurel botte en touche.

201504281637-full«  Il a porté à ma connaissance par courrier qu’il ne souhaitait pas renouveler son mandat. J’entretiens d’excellentes relations avec le directeur du CDN de Montpellier, Rodrigo Garcia. J’ai négocié avec beaucoup de doigté. Nous avons déjeuné ensemble. Il propose une programmation de qualité. C’est vrai que c’est un théâtre peut-être pas à la portée de tous les publics. Je l’ai soutenu. Dans les moments de crise, j’ai pris le parti de dire que le homard n’est pas un animal de compagnie. »

Nomination. Aurelie Filippetti s’adapte.
aurelie-filippetti-ministre-aux-ordres,M93849L’ancienne ministre de la culture qui avait nommé Rodrigo Garcia à la tête du CDN assure aujourd’hui la présidence du festival montpelliérain CINEMED. « Pour les artistes c’est toujours délicat. On a souvent le cas de personnes qui ne veulent jamais lâcher leur mandat , cette fois c’est le contraire. C’est lui qui annonce son départ

 

 

 

 

VIE ARTISTIQUE

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Déjà sous pression budgétaire,  la vie théâtrale héraultaise et montpelliéraine subit les affres du redécoupage territorial et de la méconnaissance des politiques. Attention fragile !

Depuis toujours, le théâtre se passionne pour le quotidien ordinaire des hommes et des femmes. Face à la crise planétaire que traverse l’humanité, il doit faire face aujourd’hui à la barbarie d’une radicalisation religieuse, politique, sociale et économique qui se présente sous les traits d’une violence aux multiples facettes. A Montpellier, dans la Région et au-delà, cette violence quotidienne questionne les artistes et les acteurs culturels de façon aiguë. Comment l’éducation à la consommation qui va de concert avec la paupérisation des connaissances et la montée de la violence pourrait-elle ne pas peser de tout son poids sur les politiques culturelles et plus particulièrement le théâtre ?

Le théâtre est un art politique, non par son contenu idéologique, mais à travers la progression régulière de l’action qui fonde l’intensité dramatique, politique aussi, à travers la contestation des valeurs données comme intangibles. Certains artistes, c’est le cas de Rodrigo Garcia, annonçant vendredi qu’il ne briguera pas un second contrat à la direction du CDN de Montpellier, ont fait du consumérisme le tremplin d’une mutation des formes dramatiques et scéniques. Ils proposent un travail artistique affirmé plein d’ambivalence. Et le désordre s’empare du plateau, parce que le quotidien qui se présente résiste à toute forme de sens. La scène devient le lieu où se renouvelle l’espace.

Le public jeune perçoit l’expression d’une rupture 

« Mes choix artistiques peuvent paraître radicaux si on les compare aux autres. Moi, je n’ai pas ce sentiment. La majorité de ce qui est programmé dans les CDN est radicalement conservateur, dans ce contexte, ma propre radicalité ouvre une fenêtre pour l’expression plurielle », formulait ily a peu, le directeur d’hTh.

Le public cultivé traditionnel ne voit pas dans «l’insignifiance» enchanteresse un moyen de relever le défi. Il peut éprouver dans cette transgression le sentiment d’un espace qu’on lui retire. A l’inverse, le public nouveau, plus jeune, perçoit  dans cette inquiétante étrangeté l’expression d’une rupture liée à la violence de l’histoire contemporaine. Une alternative aussi à la culture high-tech que lui propose la société de consommation.

Le CDN hTh occupé en avril 2016

Le CDN hTh occupé en avril 2016

Le projet hTh se caractérise par un esprit d’ouverture sans frou-frou. Le hall du théâtre est devenu lieu de création et d’échanges tous azimuts.  Rodrigo Garcia n’a jamais revendiqué le statut d’artiste engagé politiquement. Il a eu maille à partir avec le conflit des intermittents du spectacle. En 2014, il annule les représentations de Golgota Picnic au Printemps des Comédiens. S’il affirme à l’époque son soutien aux intermittents et précaires en lutte,  il se fend d’une lettre où il fait référence aux artistes étrangers victimes de la grève. «Les intermittents français défendent leurs droits avec un égoïsme prononcé et ne se préoccupent pas de ce qui se passe autour d’eux.»  En avril dernier, alors que le CDN est occupé il déclare «Je partage le point de vue des travailleurs. Perdre des droits correspond à un retour en arrière.» Cette fois, les spectacles se poursuivent et le combat trouvera une issue favorable.

Au-delà de la représentation esthétique, force est de constater que le communiqué de Rodrigo Garcia ne focalise pas sur le contenu de ses propositions mais sur l’étroitesse financière de son budget artistique, 350 000 euros, que l’on peut mettre en regard avec le budget d’une ZAT  (Zone artistique temporaire), 500 000 euros pour deux jours. Le directeur du CDN hTh pointe notamment le refus de la Métropole de mettre à disposition un bus pour accéder au Domaine de Grammont qui n’est pas desservi par les transports en commun.

Enfin le projet de transfert du CDN au Domaine d’O proposé par le maire de Montpellier et président de la Métropole, Philippe  Saurel, apparaît comme un élément majeur dans la décision de Rodrigo Garcia de ne pas prolonger son mandat. «Pour ce qui nous concerne, nous ne refuserons jamais de grandir. Toute initiative qui viserait à faire du CDN un projet plus important, j’y serai favorable »,  indiquait-il en avril dernier.

Il ne s’est rien passé depuis, qu’une stérile lutte de pouvoir sans l’ombre d’un projet artistique. Jean Varela directeur de sortieOuest et grand défenseur de l’action publique l’a dit d’un autre endroit : « La seule question est de savoir comment les politiques conçoivent un service public de qualité. »

Jean-Marie Dinh

 

PRODUCTION hTh 2016
Markus Ohrn  s’attaque à l’ancien testament

markus-1168x350Rodrigo Garcia l’a souligné, il remplira son contrat. Et qu’on se le dise, la saison hTh 2016/2017 mérite le détour. Elle se compose d’une succession de propositions internationales, mais pas seulement, parfaitement décoiffantes. Le coup d’envoi a été donné avec To Walk the Infernal Field, une création post bourgeoise, de l’artiste visuel suédois Markus Ohrn en collaboration avec le dramaturge Pär Thörn, qui s’inspire librement de l’Ancien Testament relu au gré d’un univers Hard metal.

Un retour à la genèse reposant sous la forme d’une série de 70 épisodes en 10 chapitres. L’aventure, pour le moins risquée, a débuté à Montpellier où les trois premières soirées ont été données du 5 au 7 octobre. L’inventivité débridée et le principe performatif adapté à celui de la série produisent pour beaucoup un effet addictif. Qu’ils se rassurent, le chapitre 2 se tiendra à hTh du 1er au 3 décembre. Pour les suivants, il faudra surveiller les programmations des théâtres et festivals des grandes villes européennes.

To walk the infernal fields donne une interprétation des Livres de Moïse en tant que doctrine d’économie politique, construction d’une identité nationale et des lois terrestres autant que religieuses. « Je trouve pertinent de procéder à un examen de la Bible dans une époque au cours de laquelle tout le monde est obsédé par l’interprétation du Coran », indique Markus Ohrn.

Autre parti pris radical exprimé par l’auteur face au public après l’une de ses représentations « Je ne veux pas créer une performance qui puisse être envisagée comme un produit à vendre ou à acheter. Je veux  que l’expérience soit réellement ressentie comme l’ici et maintenant. C’est pourquoi, il n’y aura pas d’autre opportunité de la voir ensuite, car elle disparaîtra

Dans le public, auquel on a fourni à l’entrée des boules-Quies afin qu’il préserve son audition, une dame interroge le metteur en scène « Moi j’ai 80 ans, et je me demande si vous pensez au public quand vous faites vos spectacles ?                                                   – Oui bien-sûr, répond l’artiste, je considère que c’est un don que je vous fais.»

Cette dame reviendra le jour suivant et répondra à l’invitation faite à l’ensemble de la salle d’investir le plateau…

PROGRAMMATION : CDN hTh

 

 

ECRITURES

La Baignoire : Elément indispensable au paysage artistique

Béla Czuppon capitaine de  La Baignoire , 7 rue Brueys à Montpellier

Béla Czuppon capitaine de La Baignoire , 7 rue Brueys à Montpellier


La Baignoire débute sa saison. Le petit laboratoire montpelliérain  consacré aux écritures contemporaines résiste modestement au tsunami qui ravage la création en Région.

Elle n’est pas insubmersible mais tient son cap, comme une petite bête d’eau qui se propulse sans raison apparente à la surface des eaux pas très claires, dans la bassine du mondillo culturel. Chaque saison, la Baignoire accueille des artistes, des auteurs et des compagnies.

« Chaque année la situation s’empire et les demandes s’accroissent, constate le capitaine Béla Czuppon qui sait de quoi il parle puisqu’il est aussi  comédien et metteur en scène.   Nous participons au glissement général. L’adaptabilité  qui encode les solutions aux problèmes nous fait devenir coproducteurs en proposant des résidences dotées de 2 000 ou 3 000 euros » évoque-t-il avec dépit.

Ce lieu, il le  tient, avec un budget de fortune, par passion, par goût, et aussi nécessité, celle d’offrir un lieu de travail et de découverte. A la Baignoire, les propositions et les formes sont diverses mais toujours qualitatives.

Lydie Parisse ouvre la saison avec L’Opposante (voir ci-dessous). La Comédienne et metteur en scène Marion Coutarel prendra le relais  avec Si ce n’est toi, une sortie de chantier du 17 au 19 nov avant une création programmée au Périscope à Nîmes. Une virée poétique d’Andréa d’Urso sera conduite par le collectif marseillais Muerto Coco accueilli le 24 nov en partenariat avec la Cave Poésie à Toulouse. A découvrir aussi l’installation sonore immersive La Claustra de Marc Cals qui fait causer les meubles, et les micro-concerts de l’Oreille Electrique qui rythmeront la saison, ainsi que les lectures-déjeuners proposées par Hélène de Bissy qui feront la part belle aux nouvelles.

La Baignoire reste un lieu essentiel à l’écosystème du travail artistique local, les artistes et le public le savent déjà, il y aurait-il d’autres personnes à convaincre ?
Rens 06 01 71 56 27

PROGRAMMATION : La Baignoire

 

SPECTACLE

Baignoire.  L’opposante mise en scène par Lydie Parisse et Yves Goumelon

Lydie_LightC’est à partir d’une histoire réelle que l’auteure a élaboré le récit de cette femme – morte à 97 ans – qui a enfoui dans le secret de son âme un amour interdit. Elle a aimé un Allemand durant la seconde guerre mondiale avant d’en être séparée, sans jamais l’avoir oublié. Depuis le jour de sa mort elle se met à parler pour un compte à rebours avant de s’enfoncer à jamais dans la brume. Lydie Parisse signe un texte saisissant de liberté, celle d’une femme morte un dimanche, jour où la France entre en guerre au Mali. Rapport de la petite histoire à la grande, rapport à une guerre du silence qui forge le destin de l’opposante. La pièce met en lumière une vie  sous forme de confidences emportées. La simplicité intense et sincère d’Yves Gourmelon porte l’interprétation à un niveau de sensibilité rare. Le texte est touchant, drôle et jubilatoire quand il bouscule les tabous et les simagrées commémoratives. Pour ceux qui restent, la mort est un grand théâtre. La mise en scène présentée à Avignon, accueille le public dans une quasi-obscurité permettant aux spectateurs d’entrer dans un espace d’entre deux mondes où l’acuité s’aiguise. « C’est comme ça et pas autrement. »

                                                                                                                                                                   L’opposante à La Baignoire les 14 et 15 oct

 

 LIEU MENACÉ

sortieOuest dans la tourmente

 

Le poumon culturel du Biterrois en proie aux intrigues  politiciennes  dr

Le poumon culturel du Biterrois en proie aux intrigues politiciennes dr

Créée il y a dix ans par le Conseil départemental et cultivée par son directeur Jean Varela et son équipe, sortieOuest  est devenue  un espace de diffusion pluridisciplinaire, un lieu privilégié d’élaboration de projets culturels pensés en collaboration avec les acteurs locaux. Une réussite totale remise aujourd’hui en question...
Après le quasi-avis de décès du festival la Terrasse et del Catet, c’est au tour des spectateurs-amis de sortieOuest, qui viennent de se monter en association, de manifester une vive inquiétude quant à l’avenir de leur théâtre « attaqué sur ses missions de service public de la culture par sa propre tutelle : le conseil départemental de l’Hérault

Victime des dégâts collatéraux  liés au bras de fer qui oppose  le Conseil départemental de l’Hérault  à la Métropole de Montpellier à propos de la compétence culturelle métropolitaine, le lieu a vu sa présentation de saison repoussée, puis annulée. Aucun programme n’a été édité, ce qui renforce l’inquiétude du public fidélisé autour d’une programmation accessible de grande qualité.

Le directeur artistique Jean Varela, par ailleurs directeur du Printemps des Comédiens garde le silence. Il avait évoqué lors de la présentation à la presse de la saison d’hiver du Domaine D’o « l’impatience du public biterrois» et les répercutions néfastes de la loi NOTRe sur les territoires ruraux : « cette loi pose la question des politiques en milieu rural. Le populisme est partout…»

Depuis la situation n’a pas évolué, des spectacles programmés ont été annulés et rien ne s’éclaircit si ce n’est que l’équipe qui compte dix salariés ne peut plus faire son travail. SortieOuest est en théorie à l’abri du conflit impliquant la Métropole Montpelliéraine mais se retrouve concernée dans un projet alambiqué notamment défendu par le président de la structure Philippe Vidal, qui consisterait à élargir l’Epic du Domaine d’O à d’autre structures dont sortieOuest.

Dans cette perspective, le Conseil départemental a annoncé la dissolution de l’association. Un Conseil d’administration de l’association se tiendra demain à Béziers, précédé d’un rassemblement du public qui s’est approprié la démarche artistique et la convivialité de ce lieu incontournable. Le flou n’est cette fois pas artistique mais bien politique.

PROGRAMMATION : sortieOuest

 

THÉATRE UNIVERSITÉ
Au coeur de la fac La Vignette consolide sa mission

GetAttachmentThumbnailLes problèmes du théâtre seraient-ils inhérents au marasme politique ? La question mérite d’être posée si l’on se réfère à la bonne santé du Théâtre universitaire montpelliérain La Vignette, qui évolue partiellement hors de cette arène.

L’université Paul Valéry a bien compris l’intérêt d’assumer pleinement sa mission culturelle figurant au cahier des charges de toutes les universités françaises. Elle dispose d’un Centre culturel très actif et d’un théâtre qui développe les échanges intra-universitaires et inter-universitaires tout en restant ouvert au public extérieur.

Douze ans après sa création La Vignette est devenue une scène conventionnée pour l’émergence et la diversité. «Cette année, Patrick Gilli, le nouveau président est venu approuver  la place du théâtre en tant que lieu d’échanges et de recherches, se félicite le Directeur Nicolas Dubourg, le théâtre s’est affirmé comme un outil de rayonnement sur le territoire, nous poursuivons maintenant  sur la voie de la professionnalisation en tissant des liens qui favorisent l’insertion des étudiants dans le monde actif.»

Le Théâtre s’inscrit  par ailleurs comme partenaire du nouveau Master Création Spectacle Vivant du département Cinéma&Théâtre en participant à la formation des étudiants en études théâtrales. En tant que représentant régional du Syndeac, Nicolas Dubourg n’est pas insensible à la crise actuelle.

«Les attaques contre la liberté de programmation par les maires  ou par le public via des débats participatifs tronqués se multiplient, il faut que la profession se mobilise. Ici nous ne sommes pas concernés car notre théâtre n’est pas un simple lieu de diffusion. Il y a une  différence entre programmer un spectacle et voir ce qui se passe avant et après, pour nous le spectacle n’est pas un événement mais un parcours où interviennent professionnels, chercheurs, étudiants et public.»

La programmation de cette saison réserve de très bonnes surprises ; elle se décline cette année autour de l’engagement et de l’intention de réaffirmer un théâtre de texte contemporain.

PROGRAMMATION : Théâtre La Vignette

 

 

SORTIR ENCORE

 Théâtre.  Sélection de trois spectacles qui ouvrent les esprits sur le monde

L’offre théâtrale montpelliéraine de cette saison demeure globalement qualitative à l’instar de ces trois spectacles à découvrir prochainement. Les spectateurs citoyens doivent se manifester s’ils ne veulent pas mesurer les répercutions du désastre qui s’annonce dans les années à venir.

 

142-illustration-hearing-amir-reza-koohestani_1-1450362282Hearing texte et mise en scène de l’artiste iranien Amir Reza Koohestani qui conçoit ses récits comme des jeux de miroirs pour évoquer le rapport aux autres et la distance entre les individus. Proposé par le Théâtre La Vignette les 15 et 16  novembre prochain.

portfolio_pleine_hd02marc-ginotPleine Texte et mise en scène de Marion Pellissier par la cie montpelliéraine La Raffinerie. Une femme qui n’accouche pas, une sage-femme et un médecin inquiétants, un foetus qui observe la vie de l’intérieur…Spectacle proposé par le Domaine d’O du 13 au 15 oct.

 

ATMEN-5159 Time’s Journey Through a Room scénario et mise en scène de la japonaise Toshiki Okada reconnue comme une figure majeure des arts de la scène.  Les 18 et 19 oct à hTh.

Voir aussi : Rubrique Théâtre, hTh 2017 Libre saison de bruit et de fureur, SortieOuest archivesBéziers, le débat déconstruit la mystification, Sortieouest. Des spectacles vraiment vivants ! , Un théâtre de toile et d’étoiles reconnu et défendu, rubrique Politique, Politique culturelleDernière saison d’hiver au Domaine d’O ?, Politique Locale, rubrique Danse,  rubrique Montpellier, rubrique Rencontre, Rodrigo Garcia : «Vivre joyeusement dans un monde détestable»,

En état d’urgence, l’Ethiopie accueille Merkel, préoccupée par les flux migratoires

Le 2 octobre, à Bishoftu , lors du festival Irrecha, principale manifestation culturelle annuelle pour les Oromo, une bousculade aurait fait au moins 52 morts. © Tiksa Negeri / Reuters

Le 2 octobre, à Bishoftu , lors du festival Irrecha, principale manifestation culturelle annuelle pour les Oromo, une bousculade aurait fait au moins 52 morts. © Tiksa Negeri / Reuters

La visite ne pouvait tomber plus mal : la tournée d’Angela Merkel en Afrique s’achève ce mardi par Addis Abeba, alors que le pays affronte une contestation inédite et violemment réprimée.

«Du bien être de l’Afrique dépendra la façon dont nous allons vivre en Allemagne», avait martelé vendredi Angela Merkel, à la veille d’une tournée africaine censée lui permettre de s’attaquer aux causes de la crise migratoire. Sur le principe, c’est une évidence : si les Africains sont contents chez eux, ils ne chercheront pas à fuir en masse vers l’Europe. Et la chancelière qui paye politiquement cher d’avoir ouvert les portes aux migrants durant l’été 2015, est désormais prête à investir sur le continent pour freiner les flux migratoires qui nourrissent les pulsions xénophobes en Allemagne comme dans toute l’Europe.

Après le Mali et le Niger, où l’Allemagne apportera une contribution accrue à la lutte contre les jihadistes qui sévissent dans le Sahel, Merkel est donc ce mardi à Addis Abeba, capitale de l’Ethiopie. Une dernière étape, qui risque cependant de révéler un délicat exercice d’équilibriste entre les intérêts des Allemands, et plus globalement des Européens (juguler les flux migratoires tout en éradiquant la menace des groupes terroristes), et le «bien-être» des Ethiopiens.

Depuis un an en effet, un vent de contestation, sans précédent depuis 2005, s’est levé en Ethiopie : des manifestations quasi quotidiennes, violemment réprimées, auraient fait plus de 400 morts ces douze derniers mois. En réponse, les autorités éthiopiennes se refusent à tout dialogue et pointent du doigt l’étranger : soit l’Erythrée voisine, soit l’Egypte accusée lundi de soutenir, elle aussi en sous-main, le Front de libération Oromo, un mouvement régionaliste exilé à Asmara, la capitale de l’Erythrée.

Pouvoir monopolisé depuis vingt ans

Le week-end dernier, à la veille de l’arrivée de Merkel, les autorités éthiopiennes ont franchi un pas de plus en décrétant l’état d’urgence pour six mois, pour la première fois de puis vingt-cinq ans.

Les causes de la colère des Ethiopiens sont multiples. La révolte a semblé un temps circonscrite à la région Oromo, un territoire situé à proximité d’Addis Abeba, grand comme la France et qui regroupe prés de 30 millions d’habitants, soit un tiers de la population éthiopienne. Protestant contre un projet d’agrandissement de la capitale qui empiéterait sur leurs terres ancestrales, les Oromo sont descendus dans la rue dès novembre 2015.

Mais le ras-le-bol est en réalité plus profond face à un pouvoir monopolisé depuis vingt ans par la minorité tigréenne et par un quasi parti unique, le Front démocratique révolutionnaire (EPRDF), qui détient 100% des sièges du Parlement éthiopien.

Cet été, la contestation s’est étendue à la communauté amhara qui se sent, elle aussi, marginalisée. Oromo et Amhara, deux ethnies longtemps antagonistes, représentent ensemble 60% de la population de cet Etat fédéral où le pouvoir reste pourtant très centralisé. En août, les manifestations des uns comme des autres ont été brutalement réprimées, notamment dans la capitale, Addis Abeba.

Peu après, le marathonien Feyisa Lilesa qui représentait l’Ethiopie aux Jeux olympiques de Rio, franchissait la ligne d’arrivée les deux bras croisés au-dessus de la tête, en signe de révolte contre un pouvoir jugé totalitaire, avant de s’enfuir et de demander l’asile aux Etats Unis.

Politique audacieuse d’industrialisation

Depuis, aucun signe d’accalmie ne semble se dessiner. Le 2 octobre, à Bishoftu à une cinquantaine de kilomètres d’Addis Abeba, lors du festival Irrecha, principale manifestation culturelle annuelle pour les Oromo, la foule a protesté contre la présence de dirigeants oromo proches du pouvoir et considérés comme des traîtres. Lorsque les manifestants ont tenté de prendre d’assaut la tribune officielle, la police a riposté avec des tirs de gaz lacrymogène provoquant une bousculade qui aurait fait au moins 52 morts.

Même le pouvoir semble avoir été dépassé par l’ampleur des pertes, et avait décrété dès le lendemain un deuil national de trois jours. Sans arrêter les manifestations qui se sont poursuivies jusqu’à la mise en place de l’état d’urgence.

C’est donc dans un pays très tendu qu’arrive Angela Merkel. Le paradoxe, c’est que les Occidentaux aiment bien l’Ethiopie. Avec 10,8 % de croissance annuelle et une politique audacieuse d’industrialisation qui attire même les investisseurs chinois, l’Ethiopie autrefois connue pour ses famines et ses appels aux dons, offre un bel exemple d’essor économique. Même si ce décollage se fait au prix d’expropriations sans compensation qui ont concerné 150 000 fermiers au cours de la décennie écoulée.

Les silences génèrent des frustrations

L’Ethiopie joue aussi un rôle stratégique pour la sécurité dans cette région volatile de la Corne de l’Afrique. Avec la présence d’un contingent de 4 000 soldats éthiopiens au sein de l’Amisom, la force de l’Union africaine qui lutte contre les shebabs en Somalie. Ce qui permet à Addis Abeba de recevoir une aide des Etats-Unis de 3,3 milliards de dollars par an. Et de faire taire les critiques. Celles des Occidentaux comme celle des pairs africains réunis au sein de l’Union africaine dont le siège se trouve justement à Addis Abeba. Merkel y est d’ailleurs attendue ce mardi pour l’inauguration d’un nouveau bâtiment consacré à la «paix et la sécurité» et baptisé du nom de Julius Nerere, en l’honneur de l’ancien président tanzanien.

Au-delà des fleurs et des vœux pieux, personne ne s’attend réellement à ce qu’on évoque les troubles qui déchirent le pays hôte.

Mais les silences génèrent aussi des frustrations qui peuvent conduire à de nouvelles formes de violences. Au lendemain de la bousculade fatale de Bishoftu, une ferme fruitière néerlandaise, deux usines de textile turques et une cimenterie nigériane ont été mises à sac par des manifestants qui ciblent de plus en plus les intérêts étrangers.

Spectre de nouveaux tsunamis migratoires

Plus inquiétant encore : il y a tout juste une semaine, le 4 octobre, Sharon Gray une jeune biologiste américaine de 31 ans qui circulait par hasard à la périphérie d’Addis Abeba, non loin d’une manifestation, a été tuée après avoir été frappée par un jet de pierres. La mort de cette femme n’est-elle que le prélude d’une hostilité accrue face aux étrangers dont les pays d’origine sont perçus comme les soutiens d’un un régime autoritaire ? Ou bien la répression sous état d’urgence, dans un pays où la police a déjà beaucoup de pouvoirs provoquera-t-elle une accélération des flux migratoires en dehors du pays ?

Voilà bien un cas d’école pour Angela Merkel, comme pour tous les dirigeants européens hantés par le spectre de nouveaux tsunamis migratoires. Car en Ethiopie, l’espoir d’un «bien-être» sur place en échange d’un frein à l’exode semble assez illusoire. En rentrant à Berlin, la chancelière accueillera également cette semaine le président tchadien Idriss Déby, autre grand démocrate qui tient son pays d’une main de fer depuis 1990 et qui reste par ailleurs l’allié incontournable de Paris dans la lutte contre les jihadistes du Sahel.

Face à l’Afrique, les Européens restent bien sur la même ligne. Reste à savoir si elle ne mène pas droit dans le mur.

 

Maria Malagardis

Source : Libération 11/10/2016
Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Afrique, Ethiopie, rubrique Europe, Allemagne, rubrique Politique, Société civile, Politique de l’immigration, rubrique Société, Mouvement sociaux, Citoyenneté,

Suite à la mobilisation des Polonaises, le gouvernement renonce à interdire totalement l’avortement

 Manifestation contre l'interdiction de l'IVG à Varsovie le 3 octobre 2016

La Pologne renonce à l’aberration. Après une journée de mobilisation et de grève générale des femmes polonaises, le gouvernement a annoncé sa décision de renoncer à interdire totalement l’avortement dans le pays. Jaros?aw Gowin, le ministre des Sciences et de l’éducation supérieure a déclaré que cette mobilisation avait amené le gouvernement à réfléchir et lui avait “appris l’humilité”.

Une proposition de loi, poussée par la puissante Église catholique, visait à interdire totalement l’IVG en Pologne. Elle n’y était pourtant autorisée qu’en cas de viol, d’inceste ou de risque grave pour le foetus ou la mère, l’une des des législations les plus restrictives d’Europe en la matière. La Pologne risquait de devenir le premier pays de l’Union européenne à revenir sur le droit à l’avortement (l’Irlande et Malte ne l’ont pas, mais ne l’ont jamais autorisé). Mais, comme l’Espagne en 2014, la Pologne s’est rétractée suite à la mobilisation nationale et internationale.

Lundi, des milliers de femmes ont répondu à l’appel d’organisations féministes. Elles se sont mis en grève et ont manifesté, vêtues de noir, sous la pluie dans les rues de Varsovie.

Ajd, des milliers de femmes font grève en Pologne pour protester contre l’interdiction d’avorter #CzarnyProtest. https://t.co/96UJY5RJFX

— cafebabel.fr (@cafebabel_FR) October 3, 2016

I wish I could abort my government #blackprotest #czarnyprotest #Lebanon pic.twitter.com/onyrtJNdIB

— Abir Ghattas (@AbirGhattas) October 5, 2016

Une mobilisation internationale

Le risque de voir un gouvernement européen revenir sur un droit acquis à la suite d’un long et dur combat en a agacé plus d’une.

Projet de loi visant à interdire l’avortement en Pologne : tout est dit en une photohttps://t.co/lxUb378yEi pic.twitter.com/sOCGsH8Lqc

— Brain Magazine (@brainmagazine) October 5, 2016

À Paris, une manifestation était également organisée en soutien aux Polonaises. Juliette Binoche s’est également prononcée contre ce projet de loi depuis Cracovie.

#MonCorpsMonChoix Solidarité avec les femmes de #Pologne. #BlackProtest #CzarnyProtest #IVG https://t.co/dJQHVlVHN2

— Cécile Debrand (@CessDeb) October 3, 2016

Against the new archaic law against #abortion.
With Malgorzata Szumowska in Krakow #BlackProtest pic.twitter.com/NqhEeKEJGI

— Juliette Binoche (@JulietteBinoche) October 3, 2016

Selon The Independant, dès lundi, la Première ministre polonaise Beata Szydlo s’était distanciée du projet de loi, assurant que le ministère de la Justice ne travaillait absolument pas sur une modification du droit à l’avortement. Elle tentait de calmer les esprits, alors que dans les rues de Varsovie on hurlait contre une loi “médiévale” et “barbare”.

En parlant de loi médiévale, la République d’Irlande est toujours sous le coup d’une loi datant de 1861 qui punit l’avortement par une peine de prison, pouvant aller jusqu’à la perpétuité. SI elle n’est plus appliquée, la prison avec sursis est toujours de circonstance pour les femmes qui tentent d’avorter. En réponse, comme le relatait Marie Claire en juin dernier, des associations féministes comme Alliance for choice, Rosa Labour Alternative et Women on Waves se sont alliées pour mener des opérations de livraison par drone de pilules abortives. Selon le Planning Familial, 47 000 femmes meurent chaque année des suites d’un avortement clandestin.

Source Les InROCKS 05/10/2016

Voir aussi : Actualité Internationale, Rubrique Pologne, rubrique Politique, Société civile, rubrique Société, Droit des femmes, Mouvement sociaux, Religion, Santé,

Brexit : Londres compte enclencher la procédure de divorce avec l’UE début 2017

Le ministre des Affaires étrangères britannique Boris Johnson, lors d'un Conseil de sécurité de l'ONU consacré à la Syrie, à New York (Etats-Unis), le 21 septembre 2016. (TIMOTHY A. CLARY / AFP)

Le ministre des Affaires étrangères britannique Boris Johnson, lors d’un Conseil de sécurité de l’ONU consacré à la Syrie, à New York (Etats-Unis), le 21 septembre 2016. (TIMOTHY A. CLARY / AFP)

Le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson estime que le Royaume-Uni n’aura pas « nécessairement besoin de deux années » pour quitter l’Union européenne.

Le gouvernement britannique compte activer l’article 50, qui enclenchera formellement le divorce avec l’Union européenne, au début 2017. « Nous discutons avec nos amis et partenaires européens dans l’objectif d’envoyer la lettre de l’article 50 au début de l’année prochaine », a déclaré le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson, le 22 septembre 2015, à la chaîne Sky News (en anglais) depuis New York, où il assistait à l’assemblée générale de l’Onu.

La Première ministre britannique Theresa May avait déclaré jusqu’ici que son pays ne déclencherait pas l’article 50 avant la fin de l’année. Le déclenchement de cet article est un préalable au démarrage des discussions entre Londres et l’UE sur les conditions de sortie du Royaume-Uni de l’UE et sa future relation avec les 27 Etats restants, censées durer deux ans.

L’UE pousse le Royaume-Uni vers la porte

Mais Boris Johnson, qui a été l’un des hérauts du Brexit, estime que deux années ne seront pas forcément nécessaires. « Dans notre lettre, nous exposerons certains paramètres sur la manière dont nous voulons avancer », a-t-il dit, ajoutant : « Je ne pense pas que nous aurons nécessairement besoin de deux année pleines, mais attendons de voir comme cela se passe ».

A Londres, la Première ministre britannique a reçu en fin d’après-midi le président du parlement européen Martin Schulz qui l’appelée à enclencher cet article le plus rapidement possible. « Cette période de préparation est précieuse pour toutes les parties concernées et si nous allons quitter l’Union européenne, nous ne quittons pas l’Europe », a déclaré Theresa May en accueillant Martin Schulz à Downing Street.

De son côté Martin Schulz a également souligné « que les quatre liberté du marché unique (européen) – biens, capitaux, services et personnes – sont d’égale importance ». Mais Boris Johnson a rejeté l’idée que le Royaume-Uni devra continuer à respecter la liberté de circulation des travailleurs européens s’il veut continuer à avoir accès au marché unique. « Ce sont des bobards », a-t-il affirmé. « Les deux choses n’ont rien à voir. Nous devons obtenir un accord de libre échange tout en reprenant le contrôle de notre politique d’immigration », a-t-il ajouté.

Source AFP 22/09/2016

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« Bahamas Leaks » : la société offshore cachée de l’ex-commissaire européenne à la concurrence

Confiance aux marchés et à la libre concurrence  pour la régulation de l'économie

Confiance aux marchés et à la libre concurrence pour la régulation de l’économie

Neelie Kroes a été directrice, entre 2000 et 2009, d’une société enregistrée aux Bahamas, dont l’existence n’a jamais été révélée aux autorités bruxelloises, selon nos informations.

Le Monde et les médias partenaires du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) ont eu accès à de nouveaux documents confidentiels, les « Bahamas Leaks », portant sur l’équivalent d’un « registre du commerce » bahamien. Parmi les plus de 175 000 structures offshore enregistrées dans ce paradis fiscal depuis 1990, certaines sont liées à des personnalités politiques de premier plan.

  • Neelie Kroes, ancienne commissaire européenne à la concurrence, détentrice d’une société offshore non déclarée

Classée cinq années de suite parmi les femmes les plus puissantes du monde par le magazine Forbes, Neelie Kroes, ex-commissaire européenne à la concurrence (2004-2009) de la Commission Barroso, a été directrice, entre 2000 et 2009, de Mint Holdings Limited, une société enregistrée aux Bahamas.

Selon nos informations, l’existence de cette société offshore n’a jamais été révélée aux autorités bruxelloises comme elle aurait pourtant dû l’être dans les déclarations d’intérêt remplies par Mme Kroes à son entrée en poste. Elle y affirmait pourtant avoir abandonné tous ses mandats avant son entrée à la Commission.

Enregistrée au mois de juillet 2000 auprès des autorités bahamiennes, Mint Holdings aurait dû servir à une grosse opération financière qui consistait à racheter plus de 6 milliards de dollars d’actifs à la branche internationale énergie d’Enron, dans le cadre de l’opération « Project Summer ».

Cette opération devait être financée principalement par des investisseurs proches de la famille royale des Emirats arabes unis ainsi que par des hommes d’affaires saoudiens. L’état bancal des comptes de la société américaine Enron ainsi que des problèmes de santé du principal investisseur du projet – l’ancien président des Emirats arabes unis, Zayed Al-Nayane, mort en 2004 – ont eu raison du rachat.

Contactée, Neelie Kroes a d’abord démenti avant de finalement confirmer avoir été nommée « directrice non exécutive » de Mint Holdings. Par l’entremise de ses avocats, elle soutient que sa société n’a « jamais été opérationnelle », et qu’elle n’en a reçu aucun avantage financier.

Si elle admet que sa non-déclaration à la Commission était un oubli, Mme Kroes précise néanmoins que le fait qu’elle soit mentionnée, dans les documents que Le Monde a pu consulter, en tant qu’administratrice de la société jusqu’en 2009 « était une erreur administrative » : sa présence en tant que directrice aurait dû, selon elle, être supprimée dès 2002.

L’ex-commissaire se dit « prête à assumer l’entière responsabilité » de cette omission et en a informé l’actuel président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Un porte-parole de la Commission a déclaré qu’ils « allaient examiner les faits avant de faire un commentaire ».

Les fonctions de Mme Kroes l’ont en effet conduite à l’époque à œuvrer en faveur de la libéralisation du marché de l’énergie, justement celui dans lequel évoluait Enron et au sein duquel les Emirats arabes unis occupent une place prépondérante, avec des réserves gazières parmi les plus importantes du monde.

En 2005, la société Mint Holdings, qui avait perdu son objet initial, a été réactivée pour mener des opérations biens réelles. Ni la nature de ces nouvelles activités ni celle des flux financiers qui ont circulé sur les comptes de Mint Holdings ne sont connues, mais elles restent hautement problématiques pour l’ex-commissaire, qui était encore en place à l’époque. Ce n’est que moins de deux mois avant son changement de portefeuille – elle devient, en 2009, commissaire à la société numérique – que Neelie Kroes démissionne de ses fonctions d’administratrice de Mint Holdings.

Les « pantouflards » de la Commission Barroso

Photo. Thieery Charlier / AFP

Photo. Thieery Charlier / AFP

Les révélations sur l’ancienne commissaire européenne risquent de ternir encore plus l’image d’une institution déjà régulièrement accusée d’être plus sensible au business des lobbys qu’à l’intérêt des citoyens européens.

L’arrivée de l’ancien président de la Commission européenne – entre 2004 et 2014 –, José Manuel Barroso, chez Goldman Sachs avait déjà provoqué une vague d’indignation, y compris au sein des personnels des institutions européennes, d’ordinaire discrets.

Si la Commission se défend en soulignant que le code de conduite des commissaires européens avait été respecté à la lettre par M. Barroso, la médiatrice européenne a relancé la polémique au début du mois, en poussant M. Juncker à soumettre le « cas » Barroso au comité d’éthique.

Le code de conduite a été réformé en 2011 mais il ne prévoit aucune sanction spécifique et présente de nombreuses faiblesses : selon un rapport paru en 2015, un tiers des commissaires qui ont quitté Bruxelles après la fin de la Commission Barroso 2 sont allés travailler pour des multinationales. Parmi eux… Neelie Kroes, qui a été débauchée par Bank of America Merrill Lynch et Uber.

Les documents obtenus par la Süddeutsche Zeitung et partagés avec l’ICIJ portent sur 175 480 structures offshore enregistrées dans ce paradis fiscal des Caraïbes entre 1990 et 2016. Si certaines de ces informations sont déjà publiques – moyennant une dizaine de dollars par document – en se rendant physiquement au registre du commerce des Bahamas ou à travers sa version en ligne, les informations disponibles dans ces registres officiels sont parfois incomplètes, voire même contredites par des documents issus des « Bahamas Leaks ».

Les « Bahamas Leaks » permettent aussi de retrouver la trace de plusieurs dirigeants mondiaux en tant que directeurs de structures offshore, comme le ministre des finances canadien Bill Morneau, le vice-président angolais Manuel Vicente, l’ancien émir du Qatar Hamad ben Khalifa Al-Thani (1995-2013), l’ancien premier ministre de Mongolie Sükhbaataryn Batbold (2009-2012) ou encore l’ancien ministre colombien des mines Carlos Caballero Argaez.

Le consortium ICIJ, qui a coordonné cette nouvelle publication, a décidé de rendre publique une grande partie de ces informations (noms des sociétés, dates de création et de dissolution, identité des administrateurs et des intermédiaires, etc.) pour venir enrichir sa base de données en ligne de l’offshore.

Ces dernières années, les Bahamas avaient joué le jeu de la coopération fiscale, en acceptant de lever le secret bancaire et d’échanger « à la demande » des informations sur des ressortissants étrangers possédant des actifs sur les îles. Les Bahamas ont, à ce titre, été notés « globalement conformes » en matière de coopération par l’Organisation de coopération et de développement économiques, instance chargée par le G20 de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.

Mais depuis quelques semaines la donne a changé : le passage à un système mondial d’échange automatique d’informations fiscales entre les pays doit se substituer au mode d’échange à la demande. Or, après s’être engagé à utiliser ce nouveau système d’ici à 2018, Nassau semble se rétracter afin de protéger son secteur financier et éviter une fuite de capitaux. Et pour cause, celui-ci pèse pour 20 % du produit intérieur brut du pays.

Maxime Vaudano, Jérémie Baruch et Anne Michel

Source Le Monde 21/09/2016

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L’ancienne commissaire européenne Neelie Kroes rattrapée par sa société offshore