Hong Kong: réflexions sur le mouvement des parapluies

02 octobre 2014 |  Par Jean-Philippe Béja

       Un manifestant, le 28 septembre à Hong Kong.
Un manifestant, le 28 septembre à Hong Kong. © Reuters

Une fois de plus, la population de Hong Kong a surpris tous les observateurs. Il est clair que depuis qu’elle a été inventée par Deng Xiaoping en 1980, la formule « Un pays, deux systèmes » est paradoxale, et nombreux sont ceux qui doutent que le dernier grand pays dirigé par un parti communiste puisse accorder une démocratie véritable à ne serait-ce qu’une infime partie de sa population.C’est pourtant ce qu’il a promis noir sur blanc dans la Loi fondamentale, la mini-constitution qui régit la « Région administrative spéciale » (RAS) de Hong Kong depuis le 1er juillet 1997. Certes, en faisant cette promesse, les dirigeants du Parti pensaient bien qu’après dix-sept ans passés dans le giron de la mère-patrie, une nouvelle génération de « patriotes » fiers d’appartenir à ce qui est devenu la deuxième puissance du monde, serait arrivée à maturité, et aurait eu raison de la méfiance d’une population composée de réfugiés et de descendants de réfugiés ayant fui la République populaire.

Qui eut cru qu’en 2012, des jeunes qui n’avaient jamais connu le régime britannique agiteraient le drapeau colonial du Territoire pour protester contre le programme d’ « éducation patriotique » que le gouvernement voulait introduire dans les écoles[1] ? Qu’en 2014, ce seraient ces mêmes jeunes qui entraîneraient une grande partie de la population dans la rue pour dénoncer les promesses non tenues tant par le gouvernement de la RAS que par Pékin dont les restrictions imposées au choix des candidats transforment l’élection au suffrage universel du prochain chef de l’exécutif[2] en une compétition entre candidats favorables au parti communiste (ce qu’on appelle les « patriotes qui aiment Hong Kong ») ?

En effet, sur recommandaton d’un rapport rédigé par le Chef de l’Exécutif de Hong Kong[3], le comité permanent de l’Assemblée nationale populaire a décidé que seuls deux ou trois candidats ayant obtenu la voix de plus de 50% des membres du comité de nomination pourraient se présenter au suffrage populaire. Quand on sait que ce comité « largement représentatif » de la société hongkongaise est surtout composé de personnalités favorables à Pékin, cette décision interdit de fait à toute personnalité du camp démocrate de devenir candidat.

Cette décision particulièrement restrictive a provoqué la colère des étudiants qui exigent que l’élection soit véritablement pluraliste. Rappelons que le 22 juin de cette année, le groupe Occupy Central with love and peace (OCLP) qui a pris la tête d’un mouvment de désobéissance civile destiné à obtenir une véritable élection au suffrage universel, avait organisé un référendum auquel avaient participé 800 000 électeurs (sur un total de cinq millions d’inscrits). Tous s’étaient prononcés pour que les candidats puissent être nommés par les citoyens. Le refus flagrant de prendre en compte leur opinion a été ressenti comme une provocation par un grand nombre de Hongkongais qui ne soutenaient pourtant pas l’occupation du quartier des affaires.

Cela s’ajoute à une accumulation de frustrations qui s’est aggravée depuis l’arrivée au poste de Chef de l’Exécutif de Leung Chun Ying en 2012. Les inégalités sociales se sont emballées, les prix de l’immobilier ont atteint des sommets inimaginables provoquant un enrichissement encore plus impressionnant d’un petit nombre de tycoons souvent liés à Pékin, l’ascenseur social est en panne, et la corruption devient intolérable dans un territoire qui l’avait pratiquement éliminée dans les dernières années du régime colonial.

Le procès de l’ancien secrétaire en chef Raphaël Hui (numéro 2 du gouvernement de la SAR) a révélé que deux tycoons, les frères Kuok, lui avaient versé plus de 10 millions de dollars de Hong Kong (1 million d’euros), pour qu’il les renseigne sur les décisions du gouvernement, et qu’un dirigeant de Pékin lui  avait également versé une grosse somme. Ce mélange de corruption ouverte et de collusion avec le gouvernement central a scandalisé la population.

Hong Kong, le 29 septembre.Hong Kong, le 29 septembre. © (dr)
  • Une organisation parfaite

Sur ce, alors que les étudiants rejoints par des citadins mécontents occupaient pacifiquement les rues situées devant le siège du gouvernement puisque celui-ci leur avaient interdit de continuer à se regrouper dans le parc attenant, la police, généralement extrêmement civilisée, s’est mise à tirer des gaz lacrymogènes dans la foule, qui, au lieu de répliquer par la violence, est restée calme et a poursuivi son occupation. L’attitude de la police qui n’avait pas utilisé de grenades lacrymogènes depuis 1967, à l’égard de jeunes gens pacifiques et sans armes a profondément choqué, et provoqué une rupture entre la population et les forces de l’ordre jusque là considérées comme des protecteurs. L’utilisation intempestive de gaz lacrymogènes a convaincu une grande partie de la population de la nécessité d’apporter son soutien aux étudiants et d’occuper les principaux quartiers de la ville.

Conscient de son erreur d’appréciation, le gouvernement a décidé de retirer les policiers anti-émeutes des rues, laissant le champ libre à une occupation qui dure depuis quatre jours et trois nuits et qui ne donne aucun signe de faiblir. Depuis le 28 septembre, des dizaines de milliers de personnes, dont un grand nombre avait exprimé leur scepticisme sur l’occupation de Central, participent à de gigantesques sit-ins.

L’impressionnant mouvement d’occupation des principaux quartiers de Hong Kong, lancée par une grève d’étudiants le 22 septembre, rendue massive par l’usage abusif par la police de grenades lacrymogènes contre une foule totalement pacifique, a montré que loin de s’être « continentalisée », une grande partie de la population affirme clairement son attachement aux valeurs fondamentales qui constituent une part essentielle de leur identité : libertés fondamentales, Etat de droit, et volonté d’être gouvernée par des dirigeants choisis démocratiquement.

L’occupation se déroule de manière tout à fait pacifique, dans une atmosphère festive. L’organisation de la logistique est impressionnante : distribution d’eau, de nourriture, de parapluies, d’imperméables et de masques pour se protéger au cas où la police relancerait des gaz lacrymogènes… la population de Hong Kong déploie son incroyable capacité d’organisation, et son obsession pour l’ordre, puisque les ordures sont immédiatement ramassées et triées par les manifestants. Le tout dans une atmosphère bon enfant.

Aujourd’hui, il s’agit d’un mouvement spontané qui n’est dirigé ni par la Fédération des étudiants de Hong Kong, ni par les dirigeants d’Occupy Central with love and peace, et encore moins par les députés du camp démocrate. Les uns ou les autres communiquent avec les médias au nom du mouvement, mais, comme c’est souvent le cas lorsqu’un mouvement de masse se développe, ils le suivent autant qu’ils le contrôlent. Toutefois, on n’a pas vu véritablement de surenchère dans les revendications qui restent les suivantes : démission du Chef de l’exécutif Leung Cheng Ying, retrait de la décision du comité permanent de l’Assemblée populaire nationale, nomination des candidats par les citoyens. Il y a évidemment peu de chances pour que les manifestants obtiennent satisfaction.

  • Quelle sortie de crise ?

Depuis son arrivée au pouvoir en novembre 2012, Xi Jinping n’a jamais négocié avec ses critiques, même les plus modérés. La condamnation à la prison de Xu Zhiyong[4] et des animateurs du mouvement des nouveaux citoyens, la condamnation à la prison d’Ilham Tohti pour « séparatisme » alors que cet intellectuel ouighour a toujours refusé de demander l’indépendance du Xinjiang montrent que le nouveau dirigeant n’est pas enclin au compromis. Rappelons aussi que le gouvernement de Pékin a toujours refusé de négocier le statut du Tibet avec le Dalaï Lama, alors que celui-ci ne revendique qu’une véritable autonomie pour la région.

Les nombreuses attaques contre « les forces hostiles » accusées de soutenir en sous-main les animateurs du mouvement Occupy Central, la dénonciation des démocrates hongkongais comme liés à des agents de l’étranger (voir la campagne contre Jimmy Lai) et, finalement, l’interprétation par le comité permanent de l’APN de l’article organisant l’élection au suffrage universel du prochain Chef de l’exécutif semblent exclure la possibilité d’un compromis. D’autant que c’est la première fois que les autorités de Pékin invoquent les nécessités de la « sécurité nationale » pour justifier leur refus de laisser ouvertes les candidatures au poste de CE.

Dans un commentaire du 1er octobre[5], le  Quotidien du Peuple a apppelé la grande majorité de la population à se regrouper autour du gouvernement de la RAS pour dénoncer le mouvement Occupy Central qui viole la loi. Or, « la loi est l’une des fondations de Hong Kong, et c’est une valeur centrale de Hong Kong ». Le commentateur réitère le soutien de Pékin au Chef de l’Exécutif et à la décision du comité permanent de l’Assemblée populaire nationale. Il affirme également que la petite minorité que représente OCLP  « défie la loi »  « récoltera ce qu’elle a semé ». Pékin oppose donc une fin de non-recevoir aux revendications du mouvement, et intime au gouvernement de Hong Kong de rétablir l’ordre. On se trouve donc dans une impasse.

Le gouvernement de Hong Kong, devant l’échec de la politique de répression, sera sans doute tenté de laisser pourrir le mouvement. Cette semaine a été exceptionnelle dans la mesure où le 1er et le 2 octobre étaient fériés. L’occupation pourrait se prolonger jusqu’à dimanche, mais il y a fort à parier qu’à partir de lundi, la participation et le soutien de la population seront beaucoup moins massifs. Une action au petit matin lundi 6 pourrait être entreprise pour évacuer les derniers résistants. Le risque est cependant que, comme le 28 septembre, la population se mobilise à nouveau contre ces arrestations. Laisser pourrir sans négocier est donc relativement risqué.

Le chef de l’exécutif Leung Cheng Ying dont les manifestants demandent la démission.Le chef de l’exécutif Leung Cheng Ying dont les manifestants demandent la démission. © Reuters
  • Alors, comment négocier alors que les manifestants réclament la démission de CY Leung et l’amendement de la décision de l’APN ?

Même si, comme semble le montrer l’éditorial du Quotidien du peuple,  Pékin refuse la démission du Chef de l’exécutif, une possiblité serait de le reléguer en seconde ligne et de confier à d’autres représentants du gouvernement de la RAS la mission de discuter avec les dirigeants du mouvement pour trouver une sortie de crise[6]. Les députés du camp démocrate, les animateurs d’Occupy Central pourraient trouver avec eux, ainsi qu’avec des politiciens pro-Pékin plus modérés, une issue au mouvement. Jusqu’à présent, ceux-ci sont restés silencieux. Hier toutefois, le président de l’Assemblée législative, Tsang Yok-hsing, fondateur du parti pro-Pékin, a déclaré, dans une critique voilée du chef de l’Exécutif : « Certains pourraient préférer une approche dure pour mettre un terme aux manifestations. Il a été prouvé dimanche que cela ne fonctionnait pas. La police devrait-elle tirer ? Cela irriterait un nombre encore plus grand de gens »[7] .

Une discussion est-elle possible ? Comment rendre l’élection de 2017 plus démocratique ? Les deux parties pourraient s’accorder pour informer l’APN que le rapport présenté par CY Leung avait déformé l’opinion de la population de Hong Kong, ou que celle-ci a évolué, et qu’il serait souhaitable d’assouplir les conditions de nomination des candidats. On a déjà vu dans l’histoire, l’Assemblée chinoise accepter des compromis[8] . Sinon, la discussion pourrait porter sur le mode d’élection des membres du comité de nomination, en autorisant l’ensemble du corps électoral à les désigner. Ou elles pourraient porter sur l’élection au suffrage universel direct de tous les députés à l’Assemblée législative en 2020. Reste que même si une telle négociation aboutissait, il faudrait la faire accepter par les manifestants. Or, il n’est pas certain qu’ils acceptent des compromis qui ne satisfont pas les revendications qu’ils ont exprimées.

Une autre solution, évoquée par les animateurs d’OCPL, consisterait à évacuer les rues avant que la population ne se retourne contre eux, et de considérer ce mouvement comme le premier épisode d’une longue lutte de désobéissance civile en faveur de la démocratie. Il leur faudrait pour cela faire preuve d’une grande force de conviction, mais cela n’est pas impossible s’ils obtiennent le soutien de la Fédération des Etudiants de Hong Kong.

Evidemment, une autre solution consisterait pour le gouvernement à recourir à la force : toutefois, on a vu que les grenades lacrymogènes ne suffisent pas à disperser la foule. Une répression armée ? Il faudrait pour cela recourir à l’Armée populaire de libération et cela provoquerait un bain de sang. Le soft power de la Chine en souffrirait énormément. En admettant que, pour sauvegarder son pouvoir, le parti communiste soit prêt à ce sacrifice, les conséquences qu’aurait une telle décision sur l’attitude de Taiwan seraient incalculables. Xi Jinping pourrait alors dire adieu à la « réunification » qui reste au centre de son « rêve chinois ». Le coût d’une telle décision serait prohibitif, et elle entacherait durablement l’image de celui qui veut laisser une image de « grand empereur » à l’histoire.

Comme on le voit, il n’y a pas de solution simple à cette crise qui, quoi qu’il en soit, laissera des traces durables dans la culture politique de Hong Kong, et dans ses relations avec le pouvoir central.


[1] Voir Wing-sang Law, « La nostalgie coloniale depuis la rétrocession », in « Hong Kong prend le large », Critique, n°807-808, août-septembre 2914, pp.670-680

[2] « Full text: NPC Standing Committee decision on Hong Kong 2017 election framework », SCMP, 31/08/2014, http://www.scmp.com/print/news/hong-kong/article/1582245/full-text-npc-standing-committee-decision-hong-kong-2017-election

[3] « HK chief reports to NPC on constitutional development », http://www.china.org.cn/china/2014-07/15/content_32960609.htm

[4] Voir Jean-Philippe Béja « L’arrestation de Xu Zhiyong, un signe de faiblesse du pouvoir chinois », http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-philippe-beja/010813/l-arrestation-de-xu-zhiyong-un-signe-de-faiblesse-du-pouvoir-chinois

[5] le commentateur de notre journal, « Chérissons un développement favorable de la situation, protégeons la prospérité et la stabilité de Hong Kong », Quotidien du peuple, 1/10/2014, http://opinion.people.com.cn/n/2014/1001/c1003-25769855.html

[6] Le 1er octobre, un dirigeant du mouvement scholarism a affirmé que les animateurs accepteraient de discuter avec Carrie Lam, secrétaire-en chef du gouvernement de Hong Kong, ou des représentants de Pékin, RTHK, Radio 3, « Hong Kong Today », 2/10/2014

[7] « Occupy’s over-the-top demands and lack of leadership mean deadlock in negotiations: Legco chief », South China Morning Posti, 1er octobre 2014, http://www.scmp.com/news/hong-kong/article/1604953/occupys-over-top-demands-and-lack-leadership-mean-deadlock

[8] Ainsi, en 2010, à la suite de discussions entre les dirigeants du parti démocrate et les représentants du Bureau de liaison du gouvernement chinois à Hong Kong, les élections de 5 membres des circonscriptions socio-professionnelles ont eu lieu au suffrage universel direct.

Source Médiapart 02 10 2014

Voir aussi : Rubrique Actualité Internationale, rubrique Asie, Chine

Pour saluer Pierre Ryckmans dit Simon Leys

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Simon Leys en 1994. photo William West

 

On commettrait une erreur de jugement en ne voyant en Simon Leys qu’un grand sinologue. Ou uniquement l’expert qui a pourfendu les illusions meurtrières des maoïstes occidentaux. Ou le lanceur d’alertes des China watchers. Celui qui vient de disparaître à l’âge de 78 ans des suites d’un cancer était tout cela, bien sûr, mais c’est celui qu’il était en sus et au-delà de ces qualités de spécialiste qui nous manquera. Entendez : un intellectuel d’une remarquable tenue intellectuelle et d’une rare exigence morale. De ceux qui mettent leurs actes en accord avec leurs idées, espèce en voie de disparition. Quelque chose de voltairien en lui dans l’ironie, la causticité, la férocité parfois, la curiosité toujours. Ses prises de position, appuyées sur une connaissance tant des textes que du terrain jamais prise en défaut, étaient gouvernées non par l’idéologie mais par sa conscience d’intellectuel, d’une rectitude parfois métallique.

Elevé au sein d’une grande famille belge, fils d’un sénateur  et échevin,  neveu d’un spécialiste d’épigraphie arabique, orné en droit et en histoire de l’art à l’Université catholique de Louvain, Pierre Ryckmans, son identité à la ville, avait découvert la Chine à 19 ans lors d’un voyage d’étudiants belges en délégation durant un mois. Quelques années après, il se mit à les étudier, langue, littérature, art et civilisation, au cours de longs séjours à Singapour, Taiwan et Hong-Kong. Pour n’être pas blacklisté en Chine, et espérer y retourner aussi souvent que possible afin d’y étudier « sur le motif », il avait, dès son premier essai sur Les habits neufs du président Mao publié en 1971 à l’instigation des situationnistes de Champ libre, adopté le pseudonyme de Simon (comme l’apôtre Pierre à l’origine) Leys (comme le personnage de Victor Segalen, mais aussi en hommage à un peintre anversois, comme le révèle Philippe Paquet dans sa nécrologie de la Libre Belgique, la plus complète qui lui ait été consacrée).

Las ! Il s’en trouva parmi les intellectuels maolâtres (la bande de la revue Tel Quel), dont il avait dénoncé l’aveuglement dans un pamphlet, pour le dénoncer, lui, mais autrement, dans un registre plus policier, en diffusant sa véritable identité. L’intelligentsia, à l’époque largement dominée par une gauche qui avait encore du mal à juger les totalitarismes communistes, ne lui pardonnait pas son entreprise de démythification de la Révolution culturelle, ne pouvant s’empêcher d’y voir la main de la CIA. Aux intellectuels occidentaux qui se laissaient berner par la propagande chinoise, convaincus de sa qualité de révolutionnaire et de culturelle, il martelait qu’en réalité ce n’était qu’ « une lutte pour le pouvoir, menée au sommet entre une poignée d’individus, derrière le rideau de fumée d’un fictif mouvement de masses”. Leur aveuglement le stupéfiait. Ce qui ne fit qu’augmenter l’ire de ses détracteurs. Cela avait plutôt pour effet de dynamiser son esprit iconoclaste, d’autant que, dans ces moments-là, rien ne lui importait comme une certaine idée du primat du politique, puisé dans sa lecture passionnée de l’oeuvre de George Orwell.

Piqué au vif, il poursuivit dans la même veine avec Ombres chinoises (1974) et Images brisées (1976), n’hésitant pas à croiser le fer aussi souvent que nécessaire. Traîné dans la boue par une certaine presse de gauche, notamment par Le Monde, il fut soutenu dès le début par des intellectuels tels que Etiemble et Jean-François Revel, lequel préfaça par la suite la réédition d’un volume de ses grands essais chez Bouquins/ Laffont. Le grand public découvrit la vigueur de son esprit critique lors d’un « Apostrophes » d’anthologie au cours duquel, faits, dates, noms, chiffres, arguments à l’appui, mais sans cuistrerie, il étrilla calmement mais implacablement la communiste italienne Maria-Antonietta Macciocchi dont le livre De la Chine s’écroula dès le lendemain en librairie, et dont la réputation ne se remit jamais de cette exécution en direct :

« De la Chine, c’est … ce qu’on peut dire de plus charitable, c’est que c’est d’une stupidité totale, parce que si on ne l’accusait pas d’être stupide, il faudrait dire que c’est une escroquerie

Puis il revint à ses chères études, toutes d’érudition, sur la poésie chinoise notamment qu’il connaissait de l’intérieur pour la pratiquer. Il y a deux ans toutefois, dans le Studio de l’inutilité, le pamphlétaire se souvint de ce phénomène dont il ne se lassait pas de s’étonner, à savoir la cécité des Sartre, Foucault, Barthes, Kristeva, Sollers, alors qu’une partie d’entre eux avaient séjourné en délégation d’intellectuels invités en Chine en 1974 tandis qu’une purge sanglante s’y déroulait. « Une erreur de jeunesse » commentera Sollers plus tard en espérant n’avoir plus à y revenir.

 

Simon Leys en 1994? photo William West

Simon Leys en 1994 photo William West

Il enseignait la pensée chinoise dans des universités australiennes depuis les années 70 sans se limiter à la production de pamphlets politiques ; son œuvre de traducteur, non professionnel mais assidu, témoigne d’une authentique vocation de passeur avec ce que cela suppose de générosité ; Les Propos sur la peinture du moine Citrouille-amère de Shitao, penseur du pinceau et disciple de la grande pureté, lettré du XVIIème siècle auquel il consacra sa thèse, que Pierre Bérès avait tenu à publier chez Hermann en 1984, demeurent un souvenir puissant dans la mémoire de ses lecteurs d’alors. Mais sa curiosité dépassait son univers de prédilection, sa passion de la mer lui ayant permis par exemple d’exhumer, tout aussi inoubliable quoique de portée plus modeste, Deux années sur le gaillard d’avant (1990) de Richard Henry Dana. Grand lecteur tous azimuts, critique littéraire sans concession d’autant qu’il vivait loin de tous les milieux littéraires possibles, il assurait n’avoir jamais aussi bien lu qu’en Australie, même s’il enseignait à l’université, car là-bas, disait-il, il avait le temps. Quand il s’emparait d’un classique, comme il le fit du Quichotte, c’était pour le revisiter de fond en comble et lui consacrer cinquante pages dans l’espoir d’enrichir notre intelligence de l’oeuvre. Cette mise à distance encourageait également un humour et une ironie qui lui faisaient souvent tourner en dérision non le sérieux mais l’esprit de sérieux.

Un jour, il y a longtemps, de passage à Paris, il avait demandé à un ami commun à me rencontrer. J’en étais flatté en me demandant bien ce que je pouvais lui apporter. Peut-être par rapport à la biographie de tel marchand de tableaux car je savais qu’il avait rêvé d’être peintre et qu’il refoula cette vocation. Dès le début du dîner, nous évoquâmes son compatriote Simenon, sur qui je n’avais encore rien écrit, et à l’œuvre duquel il vouait une admiration sévère et critique, comme en témoignera son discours devant l’Académie royale de Belgique lorsqu’il fut élu au fauteuil du romancier. Mais tel n’était pas son objet.

Il avait écouté toute une semaine sur France-Culture un « A voix nue » que j’avais fait avec Antoine Blondin et voulait partager sa passion pour cette prose lumineuse et généreuse, ses éclairs de joie enivrée et ses mélancolies les plus sombres. Il était ravi de trouver quelqu’un avec qui s’enchantait toute une soirée de Monsieur Jadis et de Un singe en hiver, romans dont il pouvait réciter des pages avec un rare bonheur dans le regard et une passion intacte pour la langue française dès lors que sa littérature faisait chanter la poésie en elle. Alors Simon Leys redevenait Pierre Ryckmans sans que jamais l’un n’ait porté ombrage à l’autre.

Pierre Assouline

Source : La République des livres 12/08/2014

Voir aussi : Rubrique Livres, Littérature, Essais, de l’art d’omettre, rubrique Chine,

29e Rencontres de Pétrarque. La difficile réinvention du progrès en débat

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Thomas Piketty animera la séance inaugurale ce soir au rectorat. Photo DR

Festival de Radio France. L’hypothèse joyeuse combat le discours de la déploration aux 29e Rencontres de Pétrarque qui débutent ce soir au Rectorat et se poursuivront jusqu’au 18 juillet.

Dans le cadre du festival Radio France, les 29e Rencontres de Pétrarque* débutent aujourd’hui à Montpellier. Elles se tiendront jusqu’au 18 juillet sur le thème  « De beaux Lendemains ? Ensemble, repensons le progrès ».

Lundi, Thomas Piketty ouvrira le bal des neurones au rectorat avec une attendue leçon inaugurale. L’économiste est cette année le lauréat du Prix Pétrarque de l’Essai France Culture Le Monde pour son livre Le Capital au XXIème siècle paru au Seuil. Un ouvrage  qui porte sur le retour en force des inégalités dans lequel Thomas Piketty émet l’idée que supprimer la catégorie des rentiers, peu active économiquement, mais dominant pourtant la hiérarchie, permettrait de dynamiser la croissance économique.

Ces rencontres interrogeront la notion de progrès sous l’angle du politique. La soirée du mardi 15 juillet a pour thème « La politique peut-elle se passer de l’idée de progrès » ou en d’autres termes l’idée répandue d’un peuple de gauche progressiste dans l’âme et d’un peuple de droite conservateur par nature ayant vécu, comment mobiliser l’imaginaire collectif ?

Elle réunira Cécile Duflot et la philosophe Blandine Kriegel, ex députée communiste devenue conseillère de Jacques Chirac et ex membre du Comité consultatif national d’éthique. Les lumières du physicien Etienne Klein spécialiste de la physique quantique seront peut être utiles à ce débat.

Mercredi les Rencontres se proposent de répondre à la question
« La révolution technologique nous promet-elle un monde meilleur ? »

Jeudi, il s’agira du déclin de l’occident et de la ré-émergence du progrès en provenance d’autres latitudes, l’Inde, la Chine, l’Afrique. Mais il sera vraisemblablement difficile de contourner l’ethnocentrisme vu que trois des quatre invités sont des intellectuels français reconnus.

Retour à la finance vendredi 18 avec un débat sur le thème : « Peut-on remettre l’économie au service du progrès ? » où l’on guettera l’intervention de l’économiste Gérard Dumenil, auteur de La Grande bifurcation (La Découverte) dans lequel il défend l’idée d’une structure de classes tripolaire comprenant capitalistes, cadres et classes populaires, et conçoit la réouverture des voies du progrès dans de nouvelles coalitions.

Jean-Marie Dinh

* Du 14 au 18 juillet de 17h30 à 19h30 Rectorat, rue de l’université à Montpellier.

 

 

Entretien avec Sandrine Treiner, directrice adjointe de France Culture en charge de l’éditorial.

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Sandrine Treiner. Photo France Culture

« De beaux Lendemains ? » « Ensemble, repensons le progrès ». Comment décrypter cette thématique à tiroir ?

Depuis plusieurs années nous nous étions positionnés sur des thématiques un peu pessimistes comme La crise démocratique ou Guerre et Paix l’année dernière, quand nous avions été rattrapés par l’actu. En préparant cette édition, nous nous sommes dit que nous nous laissions un peu porter par l’état d’esprit de la France et qu’il serait temps de proposer à nos invités de faire l’effort d’envisager l’avenir de manière positive et dynamique.

La notion de progrès porte interrogation. Elle nous renvoie une dimension idéologique qui est aujourd’hui totalement bouleversée…

Le terme progrès est en effet porteur d’une idéologie qui semble en panne. Sur ce point la question se pose à droite comme à gauche. Nous allons tenter de travailler ce que veut dire l’idée de progrès aujourd’hui en déclinant notre sujet à partir de grands thèmes qui remettent en cause l’idée de l’avenir comme la révolution technologique, le déclin de l’occident, l’orientation des politiques économiques…

Comment se porte France Culture ?

Très bien, je pense que les gens sont de plus en plus demandeurs de sens et que nous répondons à notre mission qui est à la fois de réinventer et d’éclairer le monde sur une base d’ouverture et de connaissances. En quatre ans notre audience a évolué de 22% passant de 1,6 à 2,1%. Nous avons passé la barre d’un million d’auditeurs/jour. En conservant notre public d’aficionados et en élargissant notre audience à des personnes qui ne pensaient pas que France Culture pouvait s’adresser à elles.

Quelle seront les innovations de la grille de rentrée ?

La grille sera assez stable dans l’ensemble. Il n’y aura pas de grand changement dans les fondamentaux, parce que ça marche bien et que nous avons déjà opéré beaucoup  de modifications depuis quatre ans. Denis Podalydès, sera une nouvelle voix quotidienne pour la littérature.

Quels ont été les grands axes du changement depuis l’arrivée d’Olivier Poivre d’Arvor ?

Le changement le plus important n’est pas forcément visible. Il a consisté à rendre la grille lisible. Nous avions beaucoup d’émissions thématiques éparpillées. Nous avons reclassé un peu comme on reclasse sa bibliothèque. Nous avons aussi rajeuni et féminisé l’équipe. Enfin on a réchauffé l’actu en proposant beaucoup plus de directs.

Craignez-vous des réductions budgétaires ?

Nous en avons déjà connu l’an dernier et sommes parvenus à faire des économies en évitant d’impacter les productions. Pour cette année notre budget ne sera pas en augmentation mais rien ne dit qu’il sera une nouvelle fois revu à la baisse.

Recueilli par JMDH

 Voir aussi :  Rubrique Festival, Festival de Radio France, rubrique Médias, rubrique Politique Politique culturelle, rubrique Rencontre, Jérome Clément, rubrique Livre, Essai, Thomas Piketty : Un capital moderne,

Une visite du dalaï lama plonge la Norvège dans l’embarras

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Photo AP

Une prochaine visite du dalaï-lama embarrasse la Norvège, tiraillée entre sa volonté de réchauffer des relations déjà glaciales avec la Chine et la pression de l’opinion publique critique face à la «lâcheté» de ses dirigeants.

Le rencontrer ou l’ignorer? Dérouler le tapis rouge ou le faire passer par une porte de service? Les autorités norvégiennes tergiversent avant la venue du chef spirituel tibétain attendu le 7 mai à Oslo pour marquer le 25e anniversaire de son prix Nobel de la paix.

Déjà à l’époque, cette récompense avait ulcéré Pékin, mais l’orage était passé. L’attribution en 2010 d’un autre Nobel au dissident chinois Liu Xiaobo a cependant précipité les relations bilatérales à un niveau plus bas, les Chinois ayant gelé tout contact de haut niveau avec les Norvégiens.

Les tentatives d’Oslo de normaliser les relations avec la deuxième puissance économique mondiale ont échoué depuis, Pékin ayant visiblement décidé de statuer pour l’exemple.

Mercredi, la Chine a adressé une nouvelle mise en garde. «Nous sommes fermement opposés à ce que des pays fournissent une plateforme aux activités du dalaï-lama qui visent à diviser la Chine, et nous nous opposons à ce que des dirigeants étrangers le rencontrent», a déclaré le porte-parole de la diplomatie chinoise, Qin Gang.

Pour ne pas jeter d’huile sur le feu, le président du Parlement norvégien, deuxième derrière le roi dans le rang protocolaire, a annoncé qu’il ne rencontrerait pas le religieux tibétain, reçu le mois dernier à la Maison-Blanche par Barack Obama.

«Nos possibilités d’oeuvrer en faveur de nos valeurs (…) n’ont rien à gagner de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons actuellement», a déclaré Olemic Thommessen sur la chaîne de télévision publique NRK.

Le chef de la diplomatie Boerge Brende a précisé qu’aucune décision n’avait encore été prise sur une éventuelle rencontre entre un membre du gouvernement et le dalaï-lama au cours de sa visite qui, insiste-t-on au ministère, est «d’ordre privé».

«Nous devons être conscients du fait que, si les autorités norvégiennes reçoivent le dalaï-lama, ce sera plus compliqué de normaliser nos relations», a-t-il déclaré devant le Parlement.

«Des mots vides»

Cette gêne est d’autant plus patente que MM. Brende et Thommessen ont tous deux dirigé dans le passé le comité parlementaire pour le Tibet, le second jusqu’à l’an dernier.

Alors que la Norvège s’apprête à célébrer le bicentenaire de sa Constitution le 17 mai, nombre de commentateurs accusent ses dirigeants de renier ses valeurs et de laisser la Chine dicter leur politique.

«Le contraste est énorme avec tous les jolis mots que le président du Parlement et d’autres emploient en cette année de jubilé», notait mardi Harald Stanghelle, rédacteur en chef politique du journal de référence Aftenposten.

«Des mots comme démocratie et indépendance, liberté d’expression et droits de l’homme. La visite annoncée du (responsable) tibétain nous montre que ce ne sont en fait que des mots vides», a-t-il ajouté, en dénonçant la «lâcheté» du pouvoir.

Selon un sondage paru dans le tabloïd Verdens Gang (VG), 60% des Norvégiens estiment que le gouvernement devrait rencontrer le dalaï-lama et 50% jugent qu’il serait «lâche» de ne pas le faire par égard pour Pékin. Seuls 20% soutiennent la position de M. Thommessen.

«Je ne me sens coupable ni d’être lâche ni d’être lamentable», a réagi le président du Parlement. «Il s’agit juste d’assumer ses responsabilités pour (…) précisément améliorer les possibilités d’oeuvrer pour les valeurs, surtout pour les droits de l’homme, qui nous tiennent à coeur», a-t-il insisté.

L’actuel président du comité parlementaire pour le Tibet, Ketil Kjenseth, déplore cette obsession de ne pas heurter Pékin.

«Au Tibet, la situation en matière de droits de l’homme n’a pas changé d’un pouce, mais notre dépendance économique à la Chine est passée par là», a-t-il dit à l’AFP, bien décidé à accueillir le dalaï-lama au Parlement.

Tout étant une affaire de symboles, il n’a pas été autorisé à le faire dans la salle protocolaire de son choix : parmi les solutions proposées par la présidence, une pièce du sous-sol…

Il a aussi été suggéré que le dalaï-lama fasse son entrée dans l’enceinte ailleurs que par la porte principale. L’idée a fait long feu.

Pierre-Henry Deshayes

Source : AFP 23/04/2014

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Quarté dans le désordre du monde au Musée Paul Valéry

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Liu Zhengyong « Looking Ahead », Jean Denant « Mappemonde », Grisor, C Gonzalez « El enjambre ». Photo DR

Musée Paul Valéry. Jean Denant, Curro Gonzalez, Grisor, Liu Zhengyong, « 4 à 4 », un nouveau cycle d’art contemporain.

Un nouveau cycle d’art contemporain s’ouvre au Musée Paul Valéry de Sète avec 4 à 4, première manifestation d’un rendez-vous qui se tiendra tous les deux ans et sera consacré à quatre artistes reconnus sur le plan international. Depuis samedi, on peut découvrir la première exposition issue, cette année, d’une collaboration avec Art Up !, la foire d’art contemporain de Lille qui s’est tenue en février dernier*. Le Musée Paul Valéry était présent au rendez-vous lillois offrant aux visiteurs un aperçu du travail des quatre artistes présentés actuellement en Île singulière.

Si Jean Denant (Sète), Curro Gonzalez (Séville), Dominic Grisor (Lille) et Liu Zhengyong (Pékin), oeuvrent dans le champ de la figuration, la juxtaposition permise à Sète donne une idée de la diversité à laquelle nous avons à faire. Le parcours débute avec Jean Denant qui partage sa conception du territoire. Un monde où se mêlent et s’opposent construction et déconstruction, un monde en chantier, un monde où l’homme qui se pense architecte en chef apparaît fragile. Dans L’Enterrement, l’artiste représente une scène de mise en bière. Le premier plan est occupé par un homme qui creuse à la pelle. Derrière lui en négatif, apparaissent les personnages proches du défunt. L’ensemble réalisé sur un tableau noir à la craie non fixée, dégage une force mystérieuse que l’on imagine disparaître et réapparaître en fonction des regards se portant sur le tableau.

Le Sévillan Curro Gonzalès joue d’une autre façon sur la notion de disparition en interrogeant la modernité. Il nous présente un monde familier teinté d’un « humanisme pessimiste » où se côtoient ironie et violence. Les couleurs sont parfois agressives. Les objets de consommation apparaissent comme des vecteurs de confusion. Dans le grand format El enjambre, l’artiste dissimule des grands hommes comme des cicatrices de l’histoire.

Les toiles de Liu Zhengyong font preuve d’une maîtrise enviable. Empreints d’un expressionnisme qui touche au spirituel, ses sujets, souvent des duos, affirment l’identité humaine à travers le temps tout en intégrant fortement le présent. Le peintre ose des conflits de teintes étonnantes. La matière picturale s’inscrit avec puissance et trouve sa liberté guidée par la lumière.

Fortement inspiré par le graphisme Dominic Grisor revisite les signes et les symboles de la profusion visuelle dans laquelle nous baignons pour inventer de nouvelles lignes. L’artiste fait preuve d’une belle maîtrise de l’espace et de l’épure.

JMDH

4 à 4 au musée Paul Valéry de Sète jusqu’au 11 mai.
Renseignements au 04 99 04 76 16
* voir notre édition du 5 février

Source : La Marseillaise 03/03/2014

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