Jérôme
L’idée émerge en France dans le contexte politique plein de désirs et de rêves qui faisait suite à la conquête de la gauche au pouvoir en 1981. Elle prend forme après les présidentielles de 1988 à l’occasion du sommet franco-allemand de Bonn. En actant politiquement la création d’une chaîne culturelle, le couple Kohl – Mitterrand affirme contre vents et marées l’importance de la culture et de l’audiovisuel pour le développement de l’Europe. Le projet voit le jour avant que le référendum de Maastricht n’envisage la monnaie unique, à quelques encablures de la chute du Mur qui va redessiner les lignes géopolitiques de la planète.
L’imaginaire européen
Durant vingt ans, Jérôme Clément fut l’artisan convaincu de sa mise en œuvre. Son livre est une contribution éclairante aux enjeux sous-tendus par la création et la construction européenne. La chaîne franco-allemande a participé à la construction d’un imaginaire européen commun tout en parvenant à conserver l’expression originale de chaque pays et le respect des artistes. On découvre à travers quelques épisodes croustillants que ce ne fut pas une sinécure. L’ex directeur d’Arte évoque avec humilité les obstacles, culturels, politiques, médiatiques, qu’il a vu se dresser face à ses propres ambitions et les moyens dont il a usé pour les contourner. L’affaire concerne les plus hautes sphères du pouvoir. La position de l’auteur est comparable à celle d’un ethnologue qui porte un regard distancié sur le milieu dans lequel il s’est immergé.
Homme de conviction
Au dîner qui fait suite au Forum Fnac un peu clairsemé qui s’est tenu mardi, Jérôme Clément ne semble pas affligé des ventes du livre qui démarrent doucement. « Cela a mobilisé beaucoup de mon énergie. Ecrire ce livre m’a permis de réfléchir à cette longue aventure et à en tirer les leçons. Il est bien reçu. Beaucoup de gens me remercient. Je crois que c’est un livre qui va s’inscrire dans le temps, non parce que j’en suis l’auteur, mais parce qu’il retrace une époque importante de notre histoire nationale et européenne, notamment sur le couple franco-allemand », analyse l’auteur avec une placidité qui masque une profonde détermination. Au cours du repas, on lui communique la teneur d’un débat contributif au programme du PS. « Je suis atterré par le peu de place qui est fait à la culture et à l’Europe dans le programme socialiste » commentera-t-il. Le 8 décembre dernier devant toute l’équipe d’Arte réunie à Strasbourg à l’occasion de son départ, Jérôme Clément a tenu à rappeler publiquement qu’il ne pouvait y avoir de réussite sans profondes convictions. Les siennes se résument en trois mots : « engagement, audace, utopie. »
Jean-Marie Dinh
Le choix d’Arte, éditions Grasset, 20 euros.
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