Les ministres des Finances de la zone euro ont annulé le 22 mai une réunion consacrée à la taxe sur les transactions financières (TTF). Cette taxe Tobin, qui pourrait rapporter plus de 10 mds d’euros en année pleine à la France, est sur la table de négociation depuis la crise financière de 2008. Alors que les Britanniques bloquaient son adoption, le Brexit éloigne un peu plus son application.
La taxe Tobin, du nom du prix Nobel d’économie qui l’a théorisé dans les années 70, consiste à prélever une commission minime sur chaque échange d’action ou produit financier. Après la grave crise financière de 2008, elle avait pour première fonction de limiter la spéculation. Avec la crise des subprimes, les Etats et les contribuables avaient déboursé des centaines de milliards d’euros pour sauver les banques. Il pouvait donc sembler légitime d’associer les marchés financiers aux lourds coûts des crises.
Réduire la spéculation
Concrètement, il s’agit de prélever une commission de 0,1 % sur chaque échange d’actions ou de produits dérivés, afin de réduire les transactions financières et limiter la spéculation.
Après les premiers blocages, notamment britanniques, une dizaine de pays européens ont lancé en 2013 une «coopération renforcée». Une coopération renforcée ne peut se faire que si au moins un tiers des Etats membres de l’UE (28 actuellement) y participent, soit 9 au minimum.
L’Allemagne, la France, la Belgique, le Portugal, la Slovénie, la Grèce, l’Italie, l’Espagne et la Slovaquie prévoient de taxer les actions et obligations à hauteur de 0,1% et les contrats dérivés à un taux de 0,01%.
Nouvelle donne
Paradoxalement, le Brexit, qui aurait dû faciliter les choses, semble aujourd’hui les compliquer. Depuis l’annonce du départ britannique, la Belgique rechigne à adopter le compromis. Mais pour le Premier ministre belge Charles Michel, son pays n’est pas le seul fautif. «En Allemagne, il existe des craintes depuis le Brexit. En France, Emmanuel Macron a également énoncé des doutes». Chacun est accusé de traîner les pieds face à cette réforme. Populaire dans l’opinion, la taxe Tobin semble de plus en plus dans l’impasse.
Avec le Brexit, des places financières comme Francfort (Allemagne) ou Paris espèrent en effet récupérer une partie des activités de la City de Londres. La mise en place d’une taxe sur les transactions financières serait un mauvais signal pour attirer les institutions financières britanniques (qui risquent de perdre leur passeport européen).
Depuis l’annonce du Brexit Paris, Francfort et Dublin rivalisent pour attirer les banques britanniques et des milliers d’emplois à la clé.
La compétition est vive et les trois capitales européennes sont prêtes à mettre la taxe Tobin sous le boisseau.
Concurrence européenne
Pour Alexandre Naulot, de l’ONG Oxfam, l’argument ne tient pas : «La taxe prévoit d’appliquer le principe de résidence. A partir du moment, où par exemple, une banque britannique fait une transaction avec une banque française, elle paiera la taxe. Or, les établissements financiers de la City ou d’ailleurs ne peuvent pas se couper des pays qui veulent mettre en place cette taxe, car ces Etats représentent 90 % du PIB de la zone euro. Les banques n’abandonneront jamais ce marché.»
Emmanuel Macron, qui veut attirer les activités financières en France, a émis des doutes sur l’adoption de la taxe Tobin. Si la France et la Belgique décidaient de se retirer du groupe de coopération, celui-ci disparaîtrait, car il doit rassembler au moins neuf Etats membres. Sur ce dossier, comme sur d’autres, les pays européens sont en concurrence au lieu de présenter un front uni.
Handelsblatt ne croit pas que Trump deviendra l’artisan de la paix au Proche Orient :
«Le président des Etats-Unis n’apporte pas dans la région une nouvelle stratégie de sortie de crise, il mise sur l’ancienne coalition du statu quo. Tandis qu’Obama voulait aider le printemps arabe à percer, Trump table sur un long hiver politique dans la région. … Son administration mise sur les anciennes alliances – avec d’une part les autocrates d’Arabie saoudite et l’Egypte et de l’autre le bloc de droite du Likoud de Nétanyahou. C’est exactement la coalition du statu quo qui, pendant des années, a empêché une paix durable au Proche-Orient. En se rendant dans la région en crise à un stade précoce de son mandat, Trump voulait envoyer un message. A y regarder de près, c’est un retour vers le passé.»
La politique menée par les Etats-Unis au Proche-Orient reste tout aussi contradictoire sous l’égide de Donald Trump, analyse l’expert en géostratégie Hadrien Desuin sur le site Causeur :
«Les Saoudiens et les Israéliens s’étaient beaucoup inquiétés des négociations sur le nucléaire iranien. Trump aussi. Il n’a d’ailleurs pas félicité le ‘modéré’ Rohani pour sa réélection à la présidence. Bien au contraire. Il organise sa venue à Riyad au lendemain de sa victoire. La coïncidence a de quoi troubler. Les premiers contacts avec le Prince héritier Ben Salmane et le président avaient été très bons. Ils vont sans doute le rester. Généraux, diplomates et autres faucons du Sénat sont rassurés. Donald Trump poursuit la politique schizophrène des Etats-Unis : prêche des valeurs américaines au Proche-Orient d’un côté et union sacrée militaro-industrielle avec le régime le plus rétrograde de la région de l’autre. Pour exhorter à un islam modéré, un premier voyage à Riyad, la capitale mondiale du salafisme, n’est pas crédible.»
Samedi à Riyad, Trump a participé à une traditionnelle danse du sabre. Si cette image le présente sous un jour sympathique, elle n’occulte pas le goût amer que laisse le contrat d’armes qu’il a conclu, dont le montant atteint 110 milliards de dollars, écrit Karar :
«Qu’adviendra-t-il de ces armes ? Contre quel ennemi les Saoudiens les dirigeront-elles, ces armes, mais aussi les armes et les avions militaires déjà achetés par tonnes ? … Celui-là même qui avait interdit aux ressortissants de certains pays musulmans d’entrer sur le sol américain s’est-il rendu dans le pays qui est le berceau de l’islam pour lever des fonds et brandir le sabre ? … Cette visite n’est pas nette, pas nette du tout. Des armes et des avions militaires qui ont pour unique fonction de maintenir en vie l’industrie de l’armement et dont on sait qu’ils sont voués à rouiller dans quelque entrepôt des pays acheteurs : l’affaire est extrêmement louche.»
Le succès de la coopération forgée à Riyad dépend de plusieurs facteurs, analyse le quotidien public égyptien Al-Ahram :
«D’abord, il faudrait savoir dans quelle mesure on peut se fier aux Américains. Par le passé, on a trop souvent bâti nos attentes sur du sable. … Deuxièmement, l’alliance ou coopération arabo-islamo-américaine devrait définir ses priorités. La lutte antiterroriste passe par la résolution définitive du conflit israélo-palestinien. … Les Etats-Unis sont-ils prêts à faire pression sur Israël et à adopter une position neutre ? De même que les Etats-Unis considèrent l’Iran comme un risque pour la sécurité et la stabilité au Proche-Orient, ils devraient comprendre qu’Israël ne constitue pas une menace moindre. … Troisièmement, il est temps qu’Arabes et musulmans aient recours à des moyens de pression au niveau international. Ils ne sont pas faibles et doivent cesser d’être les simples exécutants des desseins de pays puissants et influents.»
Le milliardaire français Patrick Drahi va créer une marque unique, Altice, pour tous ses actifs dont l’opérateur télécoms français SFR pour mieux poursuivre sa politique d’acquisitions et de chasse aux coûts.
Seuls les médias (BFM, RMC, Libération, L’Express, i24 news …) et les marques Red en France, Mocho, Uzo et Sapo au Portugal et Next TV en Israël vont garder leurs noms lors de cette transformation devant être opérée d’ici fin juin 2018, a annoncé mardi à New York l’entreprise.
Ce changement est censé refléter la présence mondiale de l’entreprise et lui donner une meilleure visibilité à l’international au moment où elle prépare l’introduction à Wall Street de ses activités américaines, appelées à générer à moyen terme la moitié des revenus.
« Altice entre aujourd’hui dans une nouvelle ère suivant notre transformation en un leader mondial des télécoms, des contenus et de la publicité », a déclaré le directeur général, Michel Combes.
SFR (société française de radiotéléphone), créée en 1987 par la Compagnie générale des eaux rebaptisée depuis Vivendi et rachetée en 2014 par Patrick Drahi, va devenir Altice. Son célèbre carré rouge sera remplacé par un « a » représentant un chemin, nouveau logo du groupe Altice.
Ce changement de nom permettrait de faire oublier les critiques liées à la qualité du réseau de SFR: selon l’association française des utilisateurs de télécoms, plus de la moitié des plaintes déposées contre un opérateur en 2016 ciblaient SFR.
La holding financière Altice va se fondre dans le nouveau groupe, tandis que Teads, jeune pousse en compétition avec Facebook et Google dans la pub vidéo en ligne, va maintenir son identité propre.L’impact sur les clients devrait être limité au départ mais Altice prévoit d’améliorer, simplifier et étoffer ses offres commerciales.
« Nous allons fournir réseaux, médias, informations, sport, divertissement (…) services et plateformes pour aider nos clients à transformer leurs rêves en réalité », a déclaré Patrick Drahi dans un discours prononcé à Bethpage, à l’est de Manhattan.
En mettant ses actifs sous une bannière unique, le dirigeant espère faire d’importantes économies d’échelle, en réduisant les coûts marketing et de création. Le nombre des agences pub va passer de dix à une.
Emplois pas affectés
Altice assure que cette transformation ne devrait pas avoir d’impact sur l’emploi.
Créée à Luxembourg en 2001, la société s’est développée à grande vitesse à partir de 2002, principalement grâce à des prises de participations dans des entreprises et des acquisitions (Numericable, SFR, Cablevision, Suddenlink, Portugal Telecom, Hot) dans différents secteurs allant du câble à la production de contenus en passant par les télécoms, les médias, la publicité vidéo en ligne et l’analyse des mégadonnées.
Le groupe, présent dans sept pays (France, Israël, Etats-Unis, Portugal, Suisse, Luxembourg et République dominicaine), dans les Caraïbes (Guyane, Martinique, Guadeloupe) et à La Réunion, a également acquis d’importants droits sportifs tels que la diffusion exclusive de la prestigieuse Ligue des champions de football de 2018 à 2021 en France.< L’an dernier, Altice, dont la colossale dette de 50 milliards d’euros soulève des questions sur la solidité de son modèle basé sur l’endettement, a réalisé un chiffre d’affaires de 23,52 milliards d’euros.
Le changement de nom s’inscrit dans la stratégie de convergence entre les réseaux, les télécoms, les médias et les contenus voulue par Patrick Drahi. Altice entend proposer des produits similaires sur tous ses marchés et envisage ainsi de lancer prochainement aux Etats-Unis une « Box », produit inexistant sur ce marché.
Il devrait s’accompagner de la modification des adresses internet des salariés et aura des conséquences cosmétiques sur l’organigramme.
L’ex-banquier d’affaires Dexter Goei conserve la présidence du conseil d’administration et la direction des activités américaines. Michel Combes reste le directeur général du groupe, tandis que le patron de SFR devient le dirigeant d’Altice France, idem pour les responsables des activités par pays. Alain Weil va, lui, devenir le patron d’Altice Médias.
Le chantier apparaît colossal au vu des multiples cultures et métiers qui coexistent au sein du groupe, même si Altice envisage d’encourager les passerelles. Il avait fallu près de dix ans à France Télécom par exemple pour finalement réunir en 2013 toutes ses activités sous la bannière Orange.
La qualification pour le second tour d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen a mis en exergue la défiance de plus en plus forte des Français vis-à-vis de la politique et des partis traditionnels. Pour éviter l’arrivée au pouvoir de partis populistes, les élites politiques, intellectuelles et médiatiques seraient bien inspirées de se reconnecter avec les classes populaires.
Le premier tour de l’élection Présidentielle a permis à Emmanuel Macron et à Marine Le Pen d’être qualifiés pour le second tour. Sur le temps long, comment juger un tel bouleversement politique ? En quoi la qualification promise de Marine Le Pen dans les sondages a-t-elle pu participer à l’émergence du mouvement en Marche ! ?
Ce qui est intéressant, c’est que les deux candidats sont ceux qui se positionnent en dehors du clivage gauche-droite. Ceux qui ont été identifiés à droite et à gauche, issus des primaires, ne sont pas au second tour. La structure n’est plus le clivage gauche / droite. Le clivage qui émerge est lié complètement au temps long, c’est-à-dire à l’adaptation de l’économie française à l’économie monde. Dès 1992, avec Maastricht, ce clivage était apparu, avec la contestation d’un modèle mondialisé. Si on veut remonter plus loin, les causes sont à chercher dans le virage libéral, qui est le basculement des sociétés occidentales dans le néolibéralisme.
C’est une logique ou les sociétés vont se désindustrialiser au profit de la Chine ou de l’Inde par exemple. Cela est aussi vrai avec Donald Trump ou le Brexit, qui nait de la financiarisation de l’économie américaine sous Clinton et du thatchérisme.
Ce sont des dynamiques de temps long qui vont avoir un impact d’abord sur les catégories qui sont concernées par ce grand plan social de l’histoire : celui des classes moyennes. Tout cela se fait au rythme de la sortie de la classe moyenne. Logiquement, ce sont d’abord les ouvriers, qui subissent ce processus de désaffiliation politique et culturelle, qui sont les premiers à grossir le nombre des abstentionnistes et à rejoindre les mouvements populistes. Puis, ce sont les employés, les agriculteurs, qui suivent ce mouvement. La désaffiliation aux appartenances s’accentue. Les ouvriers qui votaient à gauche se retrouvent dans l’abstention ou dans le vote Front national, c’est également le cas aujourd’hui du monde rural qui votait à droite.
Ce que l’on constate, c’est que l’effet majeur de la disparition des classes moyennes est de mettre hors-jeu les partis traditionnels. Parce que le Parti socialiste ou Les Républicains ont été conçus pour et par la classe moyenne. Or, ces partis continuent de s’adresser à une classe moyenne qui n’existe plus, qui est mythique. Il ne reste plus que les retraités, cela a d’ailleurs été le problème de François Fillon, qui a perdu par son incapacité à capter le vote de la France périphérique, ces gens qui sont au front de la mondialisation. Il ne capte que ceux qui sont protégés de la mondialisation ; les retraités. C’est le même constat à gauche, dont le socle électoral reste la fonction publique, qui est aussi plus ou moins protégée de la mondialisation. Nous parlons d’électorats qui se réduisent d’année en année, ce n’est donc pas un hasard que les partis qui s’adressent à eux ne parviennent plus à franchir le premier tour.
C’est aussi ce qui passe en Europe, ou aux États Unis. Les territoires populistes sont toujours les mêmes, l’Amérique périphérique, l’Europe périphérique. Ce sont toujours ces territoires où l’on créé le moins d’emplois qui produisent ces résultats : les petites villes, les villes moyennes désindustrialisées et les zones rurales
La difficulté est intellectuelle pour ce monde d’en haut ; les politiques, les journalistes, les universitaires etc… Il faut penser deux choses à la fois. Objectivement, nous avons une économie qui créée de la richesse, mais ce modèle fonctionne sur un marché de l’emploi très polarisé, et qui intègre de moins en moins et créé toujours plus d’inégalités sociales et territoriales C’est ce qui a fait exploser ce clivage droite gauche qui était parfait, aussi longtemps que 2 Français sur 3 faisaient partie de la classe moyenne. Si on n’intègre pas les gens économiquement, ils se désaffilient politiquement.
Dès lors, peut-on parler de système « réflexif » ? Entre un Front national qui a pu émerger dans les années 80, aussi bien sur la base du « surgissement » du chômage de masse que sur les questions migratoires, jusqu’à la présence de Jean Marie Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002, et l’émergence d’un mouvement cherchant à dépasser le clivage droite gauche au travers d’Emmanuel Macron ?
C’est son modèle inversé. Emmanuel Macron comme Marine Le Pen ont fait le constat que cela ne se jouait plus autour du clivage gauche / droite. Ils ont pris en compte la polarisation de l’économie, entre un haut et un bas, et sans classes moyennes. Dans ce sens-là, l’un est la réponse de l’autre.
Géographiquement, et sociologiquement, en quoi le mouvement En Marche ! se définit il en miroir du Front National ?
Géographiquement, c’est l’opposition entre la France des métropoles et la France périphérique qui structure le match Emmanuel Macron/ Marine Le Pen. On a déjà pu voir quelques cartes sur l’opposition est ouest, mais ce clivage est ancien, hérité, il ne dit rien des dynamiques en cours. Lorsque j’étais étudiant ces cartes est ouest existaient déjà, elles expriment l’héritage de l’industrie, et donc de la désindustrialisation. C’est là où il y a le plus de chômage, de pauvreté, d’ouvriers, et le plus de gens qui votent FN. Ce qui est intéressant, c’est de voir les dynamiques. C’est en zoomant à partir des territoires qui créent le plus d’emplois et ceux qui en créent le moins. Par exemple, en Bretagne, ou Marine Le Pen fait 6% à Rennes, et 20% dans les zones rurales. C’est toujours un distinguo entre les dynamiques économiques. Aujourd’hui les classes populaires ne vivent plus aux endroits où se créent les emplois et la richesse.
Le marché de l’immobilier s’est chargé, non pas dans une logique de complot, évidemment, mais dans une simple logique de marché, de chasser les catégories dont le marché de l’emploi n’avait pas besoin. Ces gens se trouvent déportés vers les territoires où il ne se passe rien. Or, les élites n’ont de cesse de parier sur la métropolisation, il est donc nécessaire que s’opère une révolution intellectuelle. Il serait peut-être temps de penser aux gens qui ne bénéficient pas de ces dynamiques, si on ne veut pas finir avec un parti populiste en 2022.
En perdant une partie de leurs bases, la gauche avec les ouvriers, la droite avec les agriculteurs, les partis de gouvernement semblent s’être détournés des classes populaires. Quelles sont les conditions permettant une « normalisation » de la situation, dont l’objectif serait de récréer des partis de masse ?
Tout le bas ne peut pas être représenté que par le Front national. Il faut que les partis aillent sur ces thématiques. Il y a toujours eu un haut et un bas, et des inégalités, la question est qu’il faut que le haut soit exemplaire pour le bas, et qu’il puisse se connecter avec le bas. Il faut que le « haut » intègre les problématiques du « bas » de façon sincère. C’est exactement ce qui s’était passé avec le parti communiste, qui était composé d’une base ouvrière, mais aussi avec des intellectuels, des gens qui parlaient « au nom de ». Aujourd’hui c’est la grande différence, il n’y a pas de haut qui est exemplaire pour le bas. La conséquence se lit dans le processus de désaffiliation et de défiance des milieux populaires dans la France périphérique mais aussi en banlieues.
Plus personne n’y croit et c’est cela l’immense problème de la classe politique, des journalistes etc. et plus généralement de la France d’en haut. Ces gens-là considèrent que le diagnostic des gens d’en bas n’est pas légitime. Ce qui est appelé « populisme ». Et cela est hyper fort dans les milieux académiques, et cela pèse énormément. On ne prend pas au sérieux ce que disent les gens. Et là, toute la machinerie se met en place. Parce que l’aveuglement face aux revendications des classes populaires se double d’une volonté de se protéger en ostracisant ces mêmes classes populaires. La posture de supériorité morale de la France d’en haut permet en réalité de disqualifier tout diagnostic social. La nouvelle bourgeoisie protège ainsi efficacement son modèle grâce à la posture antifasciste et antiraciste. L’antifascisme est devenu une arme de classe, car elle permet de dire que ce racontent les gens n’est de toute façon pas légitime puisque fasciste, puisque raciste. La bien-pensance est vraiment devenue une arme de classe. Notons à ce titre que dans les milieux populaires, dans la vie réelle les gens, quels que soient leurs origines ne se parlent pas de fascisme ou d’antifascistes, ça, ce n’est qu’un truc de la bourgeoisie. Dans la vie, les gens savent que tout est compliqué, et les gens sont en réalité d’une hyper subtilité et cherchent depuis des décennies à préserver leur capital social et culturel sans recourir à la violence. Le niveau de violence raciste en France reste très bas par rapport à la situation aux États Unis ou au Royaume Uni.
Cette posture antifasciste, à la fin, c’est un assèchement complet de la pensée. Plus personne ne pense la question sociale, la question des flux migratoires, la question de l’insécurité culturelle, celle du modèle économique et territorial. Mais le haut ne pourra se régénérer et survivre que s’il parvient à parler et à se connecter avec le bas. Ce que j’espère, c’est que ce clivage Macron Le Pen, plutôt que de se régler par la violence, se règle par la politique. Cela implique que les partis intègrent toutes ces questions ; mondialisation, protectionnisme, identité, migrations etc… On ne peut pas traiter ces questions derrière le masque du fascisme ou de l’antifascisme.
Christophe Guilluy est géographe. Il est l’auteur, avec Christophe Noyé, de « L’Atlas des nouvelles fractures sociales en France » (Autrement, 2004) et d’un essai remarqué, « Fractures françaises » (Champs-Flammarion, 2013). Il a publié en 2014 « La France périphérique » aux éditions Flammarion.
Le 16 mai 2017, la chaîne publique japonaise NHK a annoncé la prochaine union de la Princesse Mako, petite-fille de l’empereur du Japon avec un roturier. Ce mariage entraînerait l’éviction de la princesse de sa famille. Une nouvelle qui fait polémique au sein de la famille impériale vieille de 28 siècles. Et ramène sur le devant de la scène les questions de succession au pays du Soleil levant.
Inégalités devant la loi
Ils ont tous les deux 25 ans et ont tous les deux fait leurs études à l’Université chrétienne internationale. Mais elle est la petite-fille de l’empereur du Japon et lui est un garçon «ordinaire».
Ainsi, après cette union prévue en 2018, la Princesse Mako devrait être exclue de sa famille, en vertu d’une loi controversée de 1947. A cette époque, la famille impériale comptait de moins en moins de membres et il devenait impossible pour eux de se marier uniquement entre eux. Il a donc été décidé de mettre dans la nouvelle Constitution un article pour que les hommes de la famille puissent épouser des roturières. Et ainsi perpétuer la lignée.
Le mariage du prince Akihito avec Michiko Shoda le 1er janvier 1958.
Akihito, l’empereur actuel et ses deux fils ont profité de cette loi: leurs épouses respectives font ainsi partie de la famille impériale. Pour une raison inconnue, cette loi ne s’étend pas aux femmes qui, si elles se marient à un roturier, sont évincées. La princesse Mako deviendrait alors tout simplement Mako et son potentiel fils ne pourrait succéder à l’empereur.
Une succession complexe
La succession du «trône de chrysanthème» n’en est que plus vacillante. En 2016, l’empereur Akihito avait demandé à abdiquer, car il s’inquiétait «de la difficulté à remplir [ses] fonctions en tant que symbole de l’Etat». Agé de 84 ans, il vient d’être autorisé à quitter son trône fin 2018. Une première en plus de deux siècles.
Il aura trois successeurs potentiels: Naruhito et Fumihito, les deux fils de l’empereur puis Hisahito, son petit-fils, fils de Fumihito et frère de la fameuse princesse Mako. Mais si Hisahito n’a pas de fils, alors la lignée de vingt-huit siècles de descendance, la plus longue au monde, s’arrêterait.
Un pouvoir masculin
Cette lignée est désormais exclusivement masculine car la Constitution actuelle empêche le pouvoir impérial féminin.
Pourtant, jusqu’au 18ème siècle, huit femmes ont été impératrices (contre quand même 125 empereurs). Lorsqu’aucun héritier mâle ne pouvait être trouvé, l’Empire était confié à l’une des filles de l’empereur. L’impératrice devait alors être vierge ou veuve car si elle avait un mari, ce dernier lui aurait été supérieur. Ce que la loi interdisait.
Toujours dans la Constitution de 1947, un article impose un homme à la tête de l’Empire. Cette loi devait être modifiée au début des années 2000 car les deux fils de l’Empereur n’avait fait que des filles. Mais en 2006, Hisahito est né et la modification de la loi a été enterrée.
Avec l’Espagne, le Japon est la dernière monarchie d’un pays constitutionnel à privilégier un héritage du trône de père en fils.