Un mea culpa très rare de la part du PDG d’Altice.
Il a fallu que Patrick Drahi perde 11 milliards en bourse pour comprendre ce que les abonnés SFR savent déjà
TELECOM – L’humilité est rarement la marque de fabrique des grands de ce monde, et Patrick Drahi, président du groupe Altice, ne fait pas exception. Pourtant, sous la pression d’une débâcle boursière d’anthologie, il a fini par faire son mea culpa du bout des lèvres le 15 novembre, face aux analystes réunis à Barcelone.
« Il n’y a pas de raison (objective) pour expliquer le départ des clients, la seule raison, c’est que nous ne les traitons pas comme il faudrait », a-t-il déclaré en vantant par ailleurs la qualité du réseau.
En effet, la bourse s’inquiète de plus en plus des difficultés réelles de l’opérateur SFR, qui représente encore la moitié des revenus du groupe. L’action du groupe Altice, dont Patrick Drahi possède 60% à titre personnel, a ainsi perdu 42% en deux semaines, soit 11 milliards de capitalisation boursière envolée.
A mots choisis, Patrick Drahi a donc enfin admis ce que les forums de clients SFR et les enquêtes conso démontrent à chaque fois: la qualité de service client est très inférieure à celle de ses concurrents.
« Nous devons nous concentrer sur tous les petits détails opérationnels importants. (…) Nous devons faire en sorte que les clients soient heureux d’être chez nous », a noté le responsable.
Il a reconnu que SFR avait également mal géré ses augmentations de tarifs pendant l’été, créant un mécontentement, et n’avait pas vendu ses contenus de façon optimale.
Dès octobre 2016, « 60 millions de consommateur » a jeté une lumière crue sur le mécontentement des clients SFR. « 38 % des abonnés de l’opérateur au carré rouge sont insatisfaits, expliquait le magazine. C’est un taux très élevé pour une enquête de ce type. Chez les opérateurs concurrents, la proportion de clients se déclarant peu ou pas du tout satisfaits est inférieure de 20 à 30 points! ».
Ce 16 novembre, l’auto critique de Patrick Drahi ne semblait pas porter ses fruits. L’action d’Altice était en repli de 2,12% en début d’après-midi.
Le milliardaire français Patrick Drahi va créer une marque unique, Altice, pour tous ses actifs dont l’opérateur télécoms français SFR pour mieux poursuivre sa politique d’acquisitions et de chasse aux coûts.
Seuls les médias (BFM, RMC, Libération, L’Express, i24 news …) et les marques Red en France, Mocho, Uzo et Sapo au Portugal et Next TV en Israël vont garder leurs noms lors de cette transformation devant être opérée d’ici fin juin 2018, a annoncé mardi à New York l’entreprise.
Ce changement est censé refléter la présence mondiale de l’entreprise et lui donner une meilleure visibilité à l’international au moment où elle prépare l’introduction à Wall Street de ses activités américaines, appelées à générer à moyen terme la moitié des revenus.
« Altice entre aujourd’hui dans une nouvelle ère suivant notre transformation en un leader mondial des télécoms, des contenus et de la publicité », a déclaré le directeur général, Michel Combes.
SFR (société française de radiotéléphone), créée en 1987 par la Compagnie générale des eaux rebaptisée depuis Vivendi et rachetée en 2014 par Patrick Drahi, va devenir Altice. Son célèbre carré rouge sera remplacé par un « a » représentant un chemin, nouveau logo du groupe Altice.
Ce changement de nom permettrait de faire oublier les critiques liées à la qualité du réseau de SFR: selon l’association française des utilisateurs de télécoms, plus de la moitié des plaintes déposées contre un opérateur en 2016 ciblaient SFR.
La holding financière Altice va se fondre dans le nouveau groupe, tandis que Teads, jeune pousse en compétition avec Facebook et Google dans la pub vidéo en ligne, va maintenir son identité propre.L’impact sur les clients devrait être limité au départ mais Altice prévoit d’améliorer, simplifier et étoffer ses offres commerciales.
« Nous allons fournir réseaux, médias, informations, sport, divertissement (…) services et plateformes pour aider nos clients à transformer leurs rêves en réalité », a déclaré Patrick Drahi dans un discours prononcé à Bethpage, à l’est de Manhattan.
En mettant ses actifs sous une bannière unique, le dirigeant espère faire d’importantes économies d’échelle, en réduisant les coûts marketing et de création. Le nombre des agences pub va passer de dix à une.
Emplois pas affectés
Altice assure que cette transformation ne devrait pas avoir d’impact sur l’emploi.
Créée à Luxembourg en 2001, la société s’est développée à grande vitesse à partir de 2002, principalement grâce à des prises de participations dans des entreprises et des acquisitions (Numericable, SFR, Cablevision, Suddenlink, Portugal Telecom, Hot) dans différents secteurs allant du câble à la production de contenus en passant par les télécoms, les médias, la publicité vidéo en ligne et l’analyse des mégadonnées.
Le groupe, présent dans sept pays (France, Israël, Etats-Unis, Portugal, Suisse, Luxembourg et République dominicaine), dans les Caraïbes (Guyane, Martinique, Guadeloupe) et à La Réunion, a également acquis d’importants droits sportifs tels que la diffusion exclusive de la prestigieuse Ligue des champions de football de 2018 à 2021 en France.< L’an dernier, Altice, dont la colossale dette de 50 milliards d’euros soulève des questions sur la solidité de son modèle basé sur l’endettement, a réalisé un chiffre d’affaires de 23,52 milliards d’euros.
Le changement de nom s’inscrit dans la stratégie de convergence entre les réseaux, les télécoms, les médias et les contenus voulue par Patrick Drahi. Altice entend proposer des produits similaires sur tous ses marchés et envisage ainsi de lancer prochainement aux Etats-Unis une « Box », produit inexistant sur ce marché.
Il devrait s’accompagner de la modification des adresses internet des salariés et aura des conséquences cosmétiques sur l’organigramme.
L’ex-banquier d’affaires Dexter Goei conserve la présidence du conseil d’administration et la direction des activités américaines. Michel Combes reste le directeur général du groupe, tandis que le patron de SFR devient le dirigeant d’Altice France, idem pour les responsables des activités par pays. Alain Weil va, lui, devenir le patron d’Altice Médias.
Le chantier apparaît colossal au vu des multiples cultures et métiers qui coexistent au sein du groupe, même si Altice envisage d’encourager les passerelles. Il avait fallu près de dix ans à France Télécom par exemple pour finalement réunir en 2013 toutes ses activités sous la bannière Orange.