La culture et le sport, leviers d’action sociale

Une ?uvre qui attire les regards.Politique culturelle. L’association départementale Culture et Sport solidaire 34 débat avec les travailleurs sociaux pour favoriser l’accès des publics empêchés.

 A gauche comme à droite, lorsqu’on a en charge une politique culturelle, il est de bon ton de revendiquer la volonté de concerner tous les publics. A la vérité, le vieux serpent de mer de la démocratisation culturelle cher à Vitez trouve toujours une place dans les discours convenus mais l’ambition n’a pas franchi les années 80 et moins encore passé la barre du XXIe siècle où la culture se résume dans les institutions à des colonnes de chiffres. En ces temps de crise, on entend de plus en plus, que les lieux d’art et de culture devraient être des lieux « populaires », c’est-à-dire se réduire à une succession de produits culturels consensuels.

C’est dans ce contexte incertain que l’association Culture et Sport Solidaires 34 – ayant pour objet de  lutter contre l’exclusion sociale en favorisant l’accès à la culture et au sport de familles et de personnes isolées – organisait hier à la Cité des savoirs et du sport Pierresvives une rencontre avec les travailleurs sociaux de l’Hérault.

Occasion pour son président Patrick Germain-Géraud de réaffirmer les objectifs de l’association qui inscrit depuis onze ans, son action dans la logique de lutte contre les exclusions définie par la loi d’orientation de juillet 1998 qui évoque, parmi les droits fondamentaux, le principe d’un égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture.

« La culture et le sport sont un outil à part entière du travail social. C’est un levier d’insertion dans le parcours de vie susceptible de débloquer des situations, de rompre l’isolement, de donner confiance en soi et de raviver la citoyenneté et l’autonomie » a indiqué le président en saluant le rôle de relais tenu par les travailleurs sociaux auprès des publics empêchés. Culture et Sport Solidaires 34 sollicite les entreprises culturelles et sportives qui mettent à disposition des invitations à l’attention de publics exclus.

Théâtres, festivals, musées, salles de concert et de danse cinémas, cirque, stades enrichissent la base de solidarité et s’engagent dans la lutte contre l’exclusion sociale tout en accueillant un nouveau public. L’action de Culture et Sport Solidaires 34 qui concerne de 8 000 à 10 000 personnes par an a été plébiscitée par André Vézinhet. Le président du conseil général de l’Hérault a pour sa part affirmé l’importance de la culture dans la lutte contre l’exclusion.

La situant comme un engagement premier des responsabilités politiques. « Quand bien même les lois de décentralisation voudraient nous l’arracher, un établissement comme Pierresvives portera longtemps sa mission de diffusion du savoir. Rien ne m’est plus précieux que de voir une femme de La Paillade échapper à ses tâches ménagères une demi-heure pour entrer ici et se saisir d’un livre en gardant son foulard. Pour moi c’est une citoyenne à part entière. » Avant d’échanger avec la salle, le chef Jérôme Pillement, directeur des Folies d’O, a insisté sur la nécessité de renouveler le public en s’adressant aux jeunes mais aussi de « donner des clés pour que les gens répondent ». Il propose d’ouvrir les ateliers à des pratiques amateurs.

Des idées pour échapper à l’élitisme sans tomber dans le populisme.

JMDH

Source L’Hérault du Jour 10/12/2014

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Susan George : « La ratification du Tafta serait un coup d’État… »

«?Les usurpateurs pénètrent souvent sur invitation dans les institutions.?» Photo Astrid di Crollalanza -

Invitée dans le cadre des grands débats à Montpellier, Susan George évoque dans son dernier livre « Les Usurpateurs » (Seuil) la prise de pouvoir des transnationales.

Franco-américaine, présidente d’honneur d’Attac-France, et présidente du conseil du Transnational Institute (Amsterdam), Susan George s’est engagée depuis longtemps dans les combats internationaux contre les effets dévastateurs de la mondialisation capitaliste.

Votre ouvrage pose ouvertement la question du pouvoir illégitime des entreprises qui mine les fondements de notre démocratie représentative. Sur quels constats?

Tout le monde est conscient de l’action des entreprises auprès de tous ceux qui font les lois pour défendre leurs intérêts. Mon livre donne des détails sur ces lobbys et lobbyistes « classiques » mais s’intéresse bien plus à leur capacité à se regrouper par branche – agro-alimentaire, chimie, pharmaceutique etc. – dans des institutions aux noms bien anodins comme les conseils, fondations ou instituts. Ces organisations sont beaucoup plus subtiles dans leurs techniques de communication et de persuasion. Elles parviennent à biaiser la législation dans la santé publique, l’environnement ou la consommation. Je consacre une grande partie du livre à ces usurpateurs qui pénètrent, souvent sur invitation, dans les institutions nationales et supranationales comme les Nations-Unies.

Comment évaluer l’ampleur actuelle du lobbying ?

Le Congrès des USA dispose d’un registre assez complet et plutôt contraignant. Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, vient d’annoncer que l’enregistrement sera aussi obligatoire auprès des institutions de l’UE. C’est tout à son crédit et déjà les plus grandes banques internationales comme Goldman Sachs ou HSBC s’enregistrent. On trouve aussi de bons outils d’information sur Internet. Mon livre en donne un résumé aussi complet que possible. Il s’adresse au lecteur dit généraliste, ce pourquoi j’ai souhaité privilégier l’urgence et non pas faire quelque chose d’universel. Je donne des pistes pour continuer ce travail de dévoilement.

Où situez-vous l’urgence ?

Le plus urgent c’est le Traité entre les Etats-unis et l’UE dit TAFTA ou TTIP. Ce traité est actuellement négocié à huis-clos. Si nous n’arrivons pas à l’arrêter avant qu’il soit ratifié, ce sera un véritable coup d’État contre la démocratie et contre les citoyens qui sera perpétré. C’est la raison pour laquelle je traite le sujet sur le plan international. Actuellement les entreprises des deux cotés de l’Atlantique s’unissent pour obtenir gain de cause.

De quels moyens dispose la justice face à des personnes qui gouvernent sans gouvernement ?

Si le TAFTA passe, la justice aura de moins en moins de moyens.  Avec le système de règlement des différends dit « de l’investisseur à Etat », l’entreprise pourra porter plainte contre un gouvernement dont une mesure quelconque aura entamé ses profits actuels ou même futurs. Le texte prévoit le jugement par un tribunal privé composé de trois arbitres issus des très grands cabinets d’avocats d’affaires internationaux, sans appel et à huis-clos.

Pourquoi le noyautage des institutions politiques internationales, nationales, régionales ne provoque-t-il pas une réaction de la sphère politique légitime ?

Excellente question ! La réponse est : « Je ne sais pas ». Comment se fait-il que nos gouvernements à tous les niveaux soient si ouverts, si complaisants à l’égard des Transnationales ? Ce ne sont même pas elles qui fournissent les emplois. Les gouvernements prétendent chercher « l’emploi » à tous les coins de rue mais les vrais leviers en Europe sont les PME qui produisent environ 85% des emplois. Celles-ci sont négligées, laissées à la portion congrue. Les banques refusent de leur faire crédit et les États continuent à faire les yeux doux aux entreprises géantes qui réduisent leur personnel chaque fois qu’elles le peuvent pour satisfaire leurs actionnaires.

Sur quels fondements philosophiques et éthiques les citoyens dont la légitimité est bafouée peuvent-ils asseoir leurs revendications ?

Il faut baser notre éthique du refus et de la revendication sur ce que l’Europe a fait de mieux dans son Histoire plutôt salie par les guerres, la colonisation, la Shoah, j’en passe et des meilleurs… Avec les Etats-unis, elle est le berceau des Lumières, des révolutions contre le pouvoir, de l’invention de la démocratie et de la justice en tant qu’institution. C’est un travail toujours à recommencer et aujourd’hui plus que jamais. Je commence mon livre en rappelant ce qui donne sa légitimité au pouvoir, à commencer par le consentement des gouvernés et l’État de droit. Cela, les transnationales s’en fichent comme d’une guigne.

La référence à l’héritage des Lumières n’est-elle pas en partie partagée par les néolibéraux ?

Oui, dans le sens où les néolibéraux ne tiennent pas à gouverner directement. Il y a des subalternes pour ça ! du moment qu’ils peuvent dicter le contenu des politiques, ça leur suffit. Cela nécessite tout de même des lois qui, du point de vue du citoyen – ou de la nature si elle avait les moyens de s’exprimer – sont de très mauvaises lois. Le TAFTA serait un exemple achevé de la manière qu’ont les grandes entreprises de diriger en laissant le sale boulot, les négociations proprement dites, aux fonctionnaires politiques.

Il ne suffit pas de renverser les dictateurs mais d’opposer une résistance constante dites-vous...

Eh oui ! J’espère que mon livre donnera aux citoyens de meilleurs moyens pour résister et exiger de profonds changements. Ceux qui lisent ces lignes peuvent commencer par joindre leur signature* aux centaines de milliers d’autres qui refusent le TAFTA.

Recueilli par jean-Marie Dinh

Pétition TAFTA

Les Usurpateurs Comment les entreprises transnationales prennent le pouvoir. Ed du Seuil 2014 17 euros

Source : La Marseillaise/L’Hérault du Jour 08/12/2014

Voir aussi : Rubrique Rencontre, Jacques Généreux : « Le débat sur la compétitivité est insensé », rubrique UE, Commission la finance aux manettes, rubrique Economie, Aéroport de Toulouse les preuves du mensonge, Rubrique Politique, La France, mauvaise élève du lobbying, Manuel Valls dépose les armes de la gauche devant le Medef, Démocratie, Société civile, Politique économique, Rubrique Société, Le lobby de l’eau, Le lobby nucléaire, Citoyenneté, Justice, rubrique Livre, Susan George de l’évaporation à la régulation,

Les inégalités sociales restent fortes face au suicide

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Selon le premier rapport de l’Observatoire national du suicide, les agriculteurs, employés et ouvriers ont ainsi un risque de décès deux à trois fois plus élevé que celui des cadres.

Le « choix » de mettre fin à ses jours «  ne se présente pas de la même manière en haut et en bas de l’échelle sociale », affirme ce rapport rendu public mardi 2 décembre par le ministère de la santé.

Il existe en France des inégalités sociales très marquées face au suicide. « Les agriculteurs, employés et ouvriers ont ainsi un risque de décéder par suicide deux à trois fois plus élevé que celui des cadres », affirme ainsi le premier rapport de l’Observatoire national du suicide, rendu public mardi décembre par la ministre de la santé.

Plus de 10 000 décès chaque année

C’est en septembre 2013 que Marisol Touraine avait mis en place cet organisme afin de mieux connaître la réalité du suicide en France et pouvoir renforcer la prévention. Dans ce tout premier rapport, l’Observatoire relève qu’en 2011, 11 400 décès par suicide ont été recensés en France métropolitaine. Et chaque année, près de 200 000 personnes sont prises en charge par des urgences hospitalières après avoir tenté de mettre fin à leur jours.

Un tiers des suicides chez les plus de 60 ans

Les morts par suicide restent un phénomène masculin ?: on dénombre ainsi 27,7 décès chez les hommes contre 8,1 décès chez les femmes pour 100 000 habitants. « Le taux de décès par suicide augmente fortement avec l’âge, et un tiers de celles et ceux qui se suicident ont plus de 60 ans », note l’Observatoire.

En revanche, la part du suicide dans la mortalité générale est nettement plus élevée chez les jeunes : entre 15 et 24 ans, le suicide représente 16 % du total des décès et constitue la seconde cause de décès après les accidents de la circulation. A partir de 75 ans, le suicide représente moins de 1 % du total des décès.

De fortes inégalités géographiques

Les chiffres mettent aussi en évidence un certain nombre d’inégalités géographiques. Les taux de décès par suicide sont particulièrement élevés en Bretagne, Basse-Normandie, Nord – Pas-de-Calais et Champagne-Ardenne.

Les régions Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes et Alsace enregistrent au contraire les plus bas taux. Chez les hommes, une surmortalité relative significative est constatée dans les secteurs de l’agriculture, sylviculture et pêche, des industries agricoles et alimentaires et des industries des biens intermédiaires.

« Chez les femmes, le secteur de l’industrie et des biens d’équipement présente une surmortalité significative, le secteur de l’agriculture, sylviculture et pêche arrivant en deuxième position », indique le rapport.

Un risque multiplié par trois en cas de recherche d’emploi

Autre constat ?: si le travail joue un « rôle important » dans la production des inégalités face au suicide, le fait d’exercer une activité professionnelle à un effet protecteur vis-à-vis du suicide ou des tentatives de suicide.

L’Observatoire note ainsi que plusieurs études ont montré « qu’être en recherche d’emploi multipliait par trois le risque de mortalité par suicide par rapport aux individus en activité professionnelle ».

Sur le lien entre crise économique, le rapport reste toutefois prudent. Il relève que de nombreuses études portant sur plusieurs pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Italie, Espagne) mettent en évidence une hausse des décès par suicide en 2009 consécutivement à la crise de 2008. Mais ces études présentent « plusieurs limites » définitives selon l’Observatoire.

Les enjeux éthiques face à la prévention du suicide

Le rapport enfin soulève la question des enjeux éthiques associés à la prévention du suicide. « En médecine, l’ensemble des actions de prévention soulèvent d’importantes questions éthiques, et nécessitent de tracer une frontière entre sollicitude et ingérence. Elles peuvent en effet entrer en tension avec le principe d’Hippocrate consistant à ne pas nuire au patient, et en particulier avec le respect de son libre-arbitre », souligne le rapport.

Il relève ainsi que la question de la liberté est « cruciale » dans le cas du suicide qui pourrait être considéré,?par la personne concernée, «  comme un acte mûrement réfléchi, qu’il serait illégitime de tenter d’empêcher ».

Un « choix par défaut »

Mais dans la foulée, l’Observatoire prend une position très claire. «  La plupart des personnes qui attentent à leur vie le font non parce que la vie en général ne leur semble pas valoir la peine d’être vécue, mais parce qu’ils ne trouvent pas d’autre issue dans leur vie en particulier. Le suicide constitue un choix par défaut, lorsque les autres moyens de soulager la souffrance semblent inaccessibles », indique le rapport.

« Les fortes inégalités sociales de mortalité par suicide montrent que cet espace des choix ne se présente pas de la même manière en haut et en bas de l’échelle sociale.

La société contribue à façonner l’horizon des possibles des existences individuelles, la façon dont ils sont perçus, et la reconnaissance dont peuvent bénéficier ses membres », indique l’Observatoire convaincu que « la société se doit de proposer à ses membres d’autres options que celle qui consiste à mettre fin à ses jours ».

Pierre Bienvault 

Source La Croix 03/12/2014

Voir aussi : Actualité France, Rubrique Société,

Mouvement sociaux en Irlande. La taxe de trop

irlandeLa population irlandaise est en révolte ouverte contre le gouvernement et les structures politiques actuelles et appelle à un changement radical.

Un sondage national réalisé par le Sunday Independent et Millward Brown révèle qu’aux prochaines élections, le Fianna Fail (centre) et le Fine Gael (centre-droit) qui se partagent le pouvoir depuis l’indépendance en 1919, pourraient devoir former une coalition avec le Sinn Fein (social-démocrate), qui pour la première fois, dépasserait le Fine Gael pour devenir le premier parti du pays, lors des prochaines élections.

Les résultats de ce sondage sont parus ce weekend en pleine crise politique, alors que l’Irlande est secouée par deux scandales : la nouvelle facturation de l’utilisation de l’eau domestique et le viol de Mairia Cahill.

Irish Water dans la tempête

Comme nous l’évoquions hier (voir ici), samedi dernier, 120.000 personnes selon RTE sont descendues dans les rues en Irlande pour protester contre la taxe sur l’eau, dans environ une centaine de manifestations à travers le pays. Cette mobilisation est sans précédent. Comme certains analystes le pensent, il pourrait s’agir de la taxe de trop !

La rupture semble consommée entre le gouvernement et la population irlandaise sur ce sujet : le gouvernement désapprouve les manifestations ‘anti-water charges’ et confirme sa volonté de ne pas céder, mais de ‘clarifier’. En conséquence, le parti dominant au gouvernement, le Fine Gael perdrait 45 sièges aux prochaines élections législatives (en mars 2016) selon le sondage. La popularité du Taoiseach (prononcez ‘Tea-Shock’, le chef du gouvernement), Enda Kenny (également chef du parti Fine Gael) a également baissé avec 2/3 des sondés insatisfaits de son action.

Seulement 2 sondés sur 5 déclarent qu’ils paieront leur facture d’eau. Mais également plus de la moitié est outrée par la demande de l’Irish Water (la société semi-publique en charge de la mise en place de la réforme et de la gestion du service) de devoir renseigner la compagnie sur leur PPS number (Personal Public Service Number ou numéro personnel pour le service public). Il y a en effet des doutes, même au sein du gouvernement, sur la légalité de cette démarche, et sur les dangers qu’une telle collecte par une entreprise semi-privée pourrait représenter. Beaucoup d’Irlandais ont du mal à faire confiance à cette société, qui enchainent les bourdes de communication et dont la légitimité d’action est de plus en plus remise en question. Ils craignent également qu’elle soit entièrement privatisée dans le futur.

Le Sinn Fein légèrement avantagé

La deuxième grande affaire qui met à mal la relation entre le peuple irlandais et sa classe dirigeante est l’affaire Maria Cahill.

Mais malgré ce scandale qui éclabousse le Sinn Fein, le principal parti de l’opposition, clairement contre la réforme sur l’eau, celui-ci a gagné 4 points dans les sondages : il pourrait devenir le parti dominant après les élections. Mais les sondés réagissent au scandale Maria Cahill en punissant le leader du Sinn Fein, Gerry Adams, qui est de plus en plus désapprouvé. Certains indicateurs du sondage révèlent que même si le Sinn Fein sort vainqueur de cette séquence politique, les citoyens irlandais semblent perdent patience envers leur partis traditionnels, La moitié de l’électorat demandant la formation d’un nouveau parti politique.

De manière plus générale, seulement 29% des sondés déclarent avoir confiance envers le système politique actuel. Et seulement 8% disent ressentir les effets bénéfiques de la fin de l’austérité budgétaire tant vantée par le gouvernement. (Voir ici)

 

(www.lepetitjournal.com/dublin) mardi 4 novembre)

Voir aussi ; Rubrique Mouvement sociaux,  rubrique Actualité internationaleUE, Irlande On line : Manifestation

La question de l’assurance-chômage « doit être reposée », selon Valls

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Et si la France socialiste de François Hollande avait des choses à apprendre du Royaume-Uni conservateur de David Cameron ? Certes, le credo que le premier ministre de la France a livré, lundi 6 octobre à Londres — « Mon gouvernement aime les entreprises » — avait déjà été entendu à Berlin voici quinze jours. Mais Manuel Valls y a ajouté une British touch : la France avec sa croissance en berne et son chômage de masse ne peut pas ignorer le dynamisme de son voisin d’outre-Manche. « Ce que vous avez fait en quelques années, nous pouvons aussi le faire », a-t-il lancé devant les représentants des milieux d’affaires venus poliment l’écouter sous les voûtes gothiques de Guildhall, cœur historique de la City.

L’adaptation de la France à la mondialisation, l’assouplissement du marché du travail figurent au centre du message du premier ministre socialiste aux représentants du business et de la finance. « Pour garder son rang dans le monde, a déclaré Manuel Valls après un entretien avec son homologue, David Cameron, la France doit aussi garder son statut de puissance économique. Le sens de ma politique de soutien aux entreprises, de baisse du coût du travail, des choix que nous devons faire en matière de marché du travail, c’est de garder notre leadership pour faire en sorte que nous ne décrochions pas du mouvement du monde. »

« RÉFORMER LE MARCHÉ DU TRAVAIL »

Le premier ministre, soucieux de combattre le French bashing et les clichés sur la France sclérosée, lourde de contraintes fiscales et sociales, a rappelé que la taxe à 75 % sur les hauts revenus, si mal accueillie par la City, « n’existerait plus le 1er janvier 2015 » ; il a cité Xavier Niel, patron de Free et actionnaire à titre individuel du Monde, selon lequel la France est « un paradis fiscal » pour les créateurs d’entreprises ; il a présenté les « réformes structurelles » engagées, notamment la restructuration des régions et le travail du dimanche. Comme à Londres, a-t-il précisé, les magasins parisiens vont pouvoir rester ouverts le dimanche afin que les Chinois qui visitent Paris « ne partent pas le samedi soir pour faire les boutiques à Londres ».

Mais l’extrême souplesse du marché du travail britannique, présentée par M. Cameron à M. Valls comme l’un des principaux facteurs de la croissance retrouvée, semble avoir hautement intéressé le premier ministre. « Il faudrait aller plus loin » que l’assouplissement des 35 heures, a déclaré le premier ministre français. « En Grande-Bretagne et en Allemagne, le temps partiel a permis de préserver l’emploi et de repartir de manière plus forte quand la croissance est revenue. Nous, en France, avons fait le choix d’un chômage très important et très bien indemnisé. C’est dans le dialogue avec ceux qui recherchent un emploi que l’on peut améliorer la situation. Cela s’appelle réformer le marché du travail. »

« AUCUNE IDÉE DE GAUCHE »

La question de l’assurance-chômage « doit être reposée » tant sur le plan du montant de l’indemnisation que de sa durée, a-t-il confirmé à des journalistes britanniques avec lesquels il a déjeuné, en rappelant les discussions en cours à ce sujet entre les partenaires sociaux. En France, « des dizaines de milliers d’emplois ne sont pas pourvus. On doit inciter davantage au retour à l’emploi », a répété Manuel Valls devant la presse française. Le premier ministre veut être « celui qui fait bouger la gauche française sur le rapport de la France avec la mondialisation ».

Selon nos informations, le gouvernement pourrait profiter de la prochaine renégociation de la convention Unedic en 2016. Et le dossier s’annonce explosif : il y a peu de chances que les syndicats acceptent de baisser montant et durée d’indemnisation. S’il faut durcir drastiquement ces règles, la gestion paritaire de l’assurance-chômage pourrait être remise en cause.

Même si M. Valls n’a pas eu le droit à une ovation debout, l’auditoire a été sensible au volontarisme qu’il a déployé. « M. Valls donne l’impression de n’avoir aucune idée de gauche, mais il a une volonté d’agir qui manquait jusqu’à présent, commente Maurice Fraser, directeur de l’Institut européen de la London School of Economics. Il est trop tôt pour juger de son sérieux, mais il donne l’impression de ne pas vouloir se cacher dans le monde fictif de la rhétorique socialiste. »

Le professeur Fraser voit aussi en M. Valls un partenaire possible de M. Cameron pour promouvoir une réforme de l’Union européenne visant davantage de compétitivité. Le premier ministre britannique, qui a promis un référendum sur la sortie de l’Europe s’il est reconduit aux élections de mai 2015, a besoin de montrer à ses électeurs qu’une telle réforme est possible. Mais David Cameron refuse de dire s’il fera campagne pour ou contre le maintien dans l’Union européenne. Manuel Valls, lui, a déjà donné sa réponse : « L’Union européenne sans la Grande-Bretagne serait une catastrophe. »

Philippe Bernard

Source Le Monde.fr 06/10/2014

Voir aussi  :  Rubrique Actualité France,  rubrique Politique, Politique économique,  rubrique  Société, Emploi,