Edgar Morin : « L’une des tragédies de l’Europe, c’est que les nations sont égocentriques »

« Il ne faut pas oublier que c’est dans le pays le plus industrialisé d’Europe, l’Allemagne, qu’Hitler est arrivé légalement au pouvoir en 1933. Je ne veux pas dire que nous sommes condamnés à une troisième guerre mondiale, mais l’aggravation de la crise économique peut avoir des conséquences politiques et sociales extrêmement graves. »

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Dans un  entretien publié le 10 mai dans La Tribune, le sociologue et philosophe français Edgar Morin revient longuement sur la crise grecque et ses conséquences.

La Tribune : l’impuissance à apporter une solution au problème grec n’est-elle pas la démonstration d’une crise des finalités de l’Europe ?

Edgar Morin : La finalité première de l’Europe, c’était d’en finir avec les guerres suicidaires. Face à l’Union soviétique et ses satellites, il fallait créer et sauvegarder un espace de démocratie et de liberté. Donc, l’idée première était fondamentalement politique. Mais la résistance des Etats nationaux à abandonner une parcelle de souveraineté pour créer une entité politique supranationale a bloqué cette évolution. Dans les années 50, les grands courants économiques qui traversaient l’Europe occidentale ont permis de constituer une unité économique qui s’est achevé avec la constitution de l’euro. Mais sans aller au-delà. Nous avons payé cher cette débilité politique, par exemple avec la guerre de Yougoslavie. Et aujourd’hui, dans le cas de la Grèce, on mesure bien l’absence d’une autorité politique légitime. L’Europe est arrivée dans un état d’impuissance. Elle est paralysée par son élargissement et son approfondissement est bloqué par la crise actuelle.

La montée du nationalisme en Europe vous inquiète-t-elle ?

Avant même 2008-2009, il y avait déjà des poussées de nationalisme, certes limités à 10 ou 15% des voix, mais qui représentaient quelque chose de nouveau dans le paysage européen. Là-dessus s’est greffée la crise financière et économique, qui favorise ces tendances xénophobes ou racistes. L’Europe est arrivée à une situation « crisique » puisque pour la première fois, l’hypothèse que l’euro puisse être abandonné par un pays comme la Grèce a été émise, même si cela a été pour la rejeter. L’euro que l’on pensait institué de façon irréversible ne l’est pas. En fait, on ne sait pas très bien vers quoi le monde se dirige. Et, bien qu’il s’agisse d’une situation très différente de celle de 1929 ne serait ce que par le contexte européen, il ne faut pas oublier que c’est dans le pays le plus industrialisé d’Europe, l’Allemagne, qu’Hitler est arrivé légalement au pouvoir en 1933. Je ne veux pas dire que nous sommes condamnés à une troisième guerre mondiale, mais l’aggravation de la crise économique peut avoir des conséquences politiques et sociales extrêmement graves.

Quelle est la nature profonde de la crise que nous traversons ?

Par delà son déclenchement local, aux Etats-Unis, cette crise est liée à l’autonomisation du capitalisme financier, à l’ampleur de la spéculation, au recours de plus en plus important au crédit chez les classes moyennes appauvries, et aux excès d’un crédit incontrôlé. Mais la cause globale est l’absence de régulation du système économique mondial. Le règne du libéralisme économique est fondé sur la croyance que le marché possède en lui des pouvoirs d’autorégulation, et aussi des pouvoirs bénéfiques sur l’ensemble de la vie humaine et sociale. Mais le marché a toujours eu besoin de régulations externes dans le cadre des Etats nationaux. Après la mythologie du communisme salvateur, la mythologie du marché salvateur a produit des ravages, de nature différente, mais tout aussi dangereux.

Une autorité planétaire telle que le G20 apporte-t-elle la réponse ?

Nous sommes dans le paradoxe de la gestation d’une société monde où l’économie et les territoires sont reliés entre eux, mais pour qu’il y ait au-dessus de cela une autorité légitime, il faudrait qu’il y ait le sentiment d’une communauté de destin partagé. Pour des problèmes vitaux comme la biosphère, la prolifération des armes nucléaires ou l’économie, il n’y a pas de véritable régulation mondiale. Ce qui se passe dans l’économie est à l’image des autres débordements, des autres crises du monde. La crise économique n’est pas un phénomène isolé. Elle éclate au moment où nous vivons une crise écologique.

C’est une crise de civilisation ?

C’est une crise des civilisation traditionnelles, mais aussi de la civilisation occidentale. Les civilisations traditionnelles sont attaquées par le développement, la mondialisation et l’occidentalisation, qui sont les trois faces d’une même réalité : le développement détruit leurs solidarités, leurs structures politiques, produit une nouvelle classe moyenne qui s’occidentalise, mais aussi en même temps un gigantesque accroissement de la misère. Le développement à l’occidentale est un standard qui ne tient pas compte des singularités culturelles. Le paradoxe c’est que nous donnons comme modèle aux autres ce qui est en crise chez nous. Partout où règne le bien être matériel, la civilisation apporte un mal être psychologique et moral dont témoignent l’usage des tranquillisants.

L’individualisme n’a pas apporté seulement des autonomies individuelles et un sens de la responsabilité, mais aussi des égoïsmes. La famille traditionnelle, les solidarités de travail, de quartier se désintègrent et la compartimentation de chacun dans son petit cercle lui fait perdre de vue l’ensemble dont il fait partie. Il y a les stress de la vie urbaine, la désertification des campagnes, toutes les dégradation écologiques, la crise de l’agriculture industrialisée. C’est pour cela que j’ai écrit un livre qui s’appelle « politique de civilisation », pour exprimer l’urgence et l’importance des problèmes que les politiques ne traitent pas.

Nicolas Sarkozy a semblé un temps s’en inspirer …

Il a complètement abandonné cette idée. Quand il l’a lancé aux vœux du nouvel an 2008, beaucoup de médias ont dit qu’il reprenait mon expression. J’ai été interrogé, j’ai rencontré le président mais on a vite vu que l’on parlait de deux choses différentes. Il pensait à l’identité, aux valeurs, à la Nation, moi à une politique de correction des dégâts du développement économique.

L’Allemagne a pris une position très dure sur la Grèce. Est-elle tentée de faire éclater l’Europe actuelle ?

L’une des tragédies de l’Europe, c’est que les nations sont égocentriques. L’Allemagne a une politique germanocentrique et forte de son poids elle essaie de l’imposer aux autres. La décomposition de l’Europe pourrait être une des conséquences de la crise. Mais pour le moment, ce n’est pas l’hypothèse la plus probable. La relation entre la France et l’Allemagne est toujours solide. Il faudrait arriver à une nouvelle phase de la crise avec une montée des nationalismes.. Les partis néo-nationalistes sont à peu près au même stade que le parti hitlérien avant la crise de 1929 mais cela ne veut pas dire qu’ils ne pourraient pas représenter 30% dans des circonstances catastrophiques. Nous avons vécu dans l’illusion que le progrès était une loi de l’histoire. On se rend compte désormais que l’avenir est surtout incertain et dangereux. Cela crée une angoisse qui pousse les gens à se réfugier dans le passé et à se plonger dans les racines. C’est d’ailleurs un phénomène mondial, pas seulement européen parce que la crise du progrès a frappé toute la planète avec dans de nombreux pays l’idée que l’occidentalisation des mœurs allait leur faire perdre leur identité. Nous vivons une situation planétaire régressive. Le test, c’est qu’est arrivé au pouvoir aux Etats-Unis un homme aux qualités intellectuelles exceptionnelles, un américain qui a une vraie expérience de la planète, un politique qui a montré une maturité extraordinaire – le discours sur le racisme, le discours du Caire -, et voilà que cet homme est aussitôt paralysé comme Gulliver. La seule chose qu’Obama a réussi en partie après un gigantesque effort est la réforme de la sécurité sociale. Mais bien qu’il ait conscience que le conflit israélo-palestinien est un cancer qui ronge la planète, il n’a pas réussi à faire plier Netanyaou. L’Amérique est toujours enlisée en Irak, prisonnière d’une guerre en Afghanistan, le Pakistan est une poudrière. Obama est arrivé au pouvoir trop tard dans un monde qui a mal évolué.

La Chine devient une puissance de plus en plus autonome. Quel rôle lui voyez-vous jouer à l’avenir ?

La Chine est une formidable civilisation, a une énorme population, beaucoup d’intelligence, une possibilité d’avenir exceptionnelle. Mais son développement actuel se fonde sur la sur-exploitation des travailleurs, avec tous les vices conjugués du totalitarisme et du capitalisme. Son taux de croissance fabuleux permet certes l’émergence d’une classe moyenne et d’une classe aisée, mais il ne favorise pas l’ensemble de la population. Il y a une énorme corruption et de puissants déséquilibres potentiellement dangereux pour la stabilité du pays. Le parti communiste chinois n’assoit plus son pouvoir sur un socialisme fantôme, il s’appuie sur le nationalisme. On le voit avec Taiwan, le Tibet. C’est un pays qui a absorbé le maximum de la technique occidentale et qui maintenant réalise d’énormes investissements en Afrique et ailleurs pour assurer ses approvisionnements en pétrole et en matières premières. C’est un pays qui est devenu le premier émetteur de CO2 du monde. Il faudrait trois planètes pour permettre le développement de la Chine au rythme actuel. Cela reste un point d’interrogation pour l’avenir.

Vous venez de ressortir des textes sur Marx. Pourquoi aujourd’hui ?

Je ne suis plus marxiste. J’ai été marxien, meta-maxiste. Marx est une étoile dans une constellation qui compte bien d’autres penseurs. Même quand j’ai été marxiste, j’ai intégré comme dans « L’homme et la mort », Freud et Ferenczi , beaucoup d’auteurs qui étaient maudits par les orthodoxes marxisants. J’ai toujours pensé qu’il fallait unir les différentes sciences, unir science, politique et philosophie. Il faut un savoir non pas complet mais complexe sur les réalités humaines et sociales. Toute ma culture universitaire a été faite dans ce sens là, dans ce que j’appellerai une anthropologie complexe, réunissant les acquis de toutes les connaissances qui permettent de penser l’homme et d’appréhender la réalité humaine. Jamais on n’a su autant de choses sur l’homme et pourtant jamais on n’a aussi peu su ce que signifiait être humain, a dit Heidegger, parce que toutes ces connaissances sont compartimentées et dispersées. Mon esprit transdisciplinaire doit donc quelque chose à Marx.

Mais dans ce livre aussi, je montre toutes les énormes carences qu’il y a dans la pensée de Marx qui ignore la subjectivité, l’intériorité humaine. L’essentiel de l’humain n’est pas d’être un producteur matériel. Il y a aussi toute cette part de mythe, de religion, qui existe même dans la société la plus technique comme les Etats-Unis. Ma vision tente donc de dépasser Marx. Mais ce qui le rend important aujourd’hui, c’est que c’était le penseur de la mondialisation. Celle-ci est une étape de l’ère planétaire qui commence avec la conquête des Amériques et qui se déchaîne au 19ème siècle au moment où écrit Marx. Marx a très bien compris le marché mondial qui conduirait à une culture mondiale. Marx était très ambivalent. Par exemple, il voyait que le capitalisme détruisait les relations de personne à personne.

Il avait vu la montée de l’individualisme anonyme qui déferle aujourd’hui sur nous. Ce que je retiens, c’est Marx, le penseur de l’ère planétaire. Sa grande erreur, prophétique, était de penser que le capitalisme était son propre fossoyeur. Selon lui, en créant un gigantesque prolétariat, il détruirait les classes moyennes et provoquerait la révolution qui mettrait fin à l’exploitation de l’homme par l’homme. Prophétie totalement erronée car les classes moyennes, loin de disparaître, ont tenu comme l’a vu Bernstein. Mais aujourd’hui, Marx reste un bon guide des dérives du capitalisme financier. Ce que n’avait pas prévu Marx, c’était la capacité de métamorphose du capitalisme qui renaît de ses cendres.

Recueillis par Robert Jules et Philippe Mabille

(La Tribune)

 

Voir aussi : rubrique Rencontres, Jean-Claude Milner, Michela Marzano: de la peur, Daniel Bensaïd, Bernard Noël, Dominique Shnapper,

Bientôt le grand Krach automatique…

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Ces machines qui spéculent à la vitesse de la lumière

Les journaux  qui ne publient pas les cours de la Bourse font exception. Le Canard enchaîné est de cela, il consacre cette semaine  un instructif article aux supers ordinateurs des salles de marché.  On y apprend que le dévissage  de 9% de la bourse de NY le 6 mai dernier pourrait être dû à un bug informatique.  » Une répétition  de ce qui menace la finance mondiale, pronostique un courtier. Un krach entièrement automatique est aujourd’hui possible. Ce sont les ordinateurs qui ont la main... »

Dans l’univers du toujours plus vite pour gagner plus, les machines remplacent peu à peu les traders. « Au terme d’une série de projections, calculs et traitement des informations, les pros du High Fréquency Trading pondent des stratégies ultra-sophistiquées. Le tout reposant sur des programmes informatiques et des algorithmes qui font appel aux dernières techniques de l’intelligence artificielle. » En jouant sur des écarts infimes de la cote de certaines valeurs d’une place financière à l’autre, il est ainsi possible de gagner beaucoup d’argent en regardant simplement travailler un ordinateur.

Seuls des ordinateurs peuvent rivaliser avec d’autres ordinateurs. C’est sans doute pour cela que les systèmes de contrôle sont eux-mêmes automatisés. Ce pourrait être le prochain scénario de Terminator, quand  les machines s’élancèrent des cendres du feu financier, mais cela semble trop proche de la réalité pour nous faire rêver. Lors du bug New-Yorkais  du 6 mai 2010, les ordis chargés de la bonne marche des échanges ont « disjoncté » et ont, à l’inverse de leur fonction contribué à aggraver la dégringolade. La SEC, l’autorité de contrôle des marché financiers outre-atlantique, s’inquiète désormais de ces pratiques. « Mais comme les montants en jeu sont énormes, le gendarmes de la Bourse américaine se hâte lentement« , précise l’hebdomadaire du mercredi. Selon une récente étude du cabinet Aite Group, le volume traité en High Fréquency Trading atteind 73% du volume total des actions échangées, en 2009, sur les marchés américains. Et constitue la moitié des échanges de produits dérivés.

Les programmes réagissent bien plus vite que les hommes; bonne nouvelle  pour les traders qui ne pourront bientôt plus servir de fusible au système!

Le Vent se lève

Voir aussi : rubrique médias, L’ère des robots-journalistes, rubrique finance L’erreur informatique fait plonger les bourses japonaises, la City zen, Sous pression L’UE, répond aux marchés,


Nouveau coup de froid sur les Bourses européennes

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Un nouveau vent de panique soufflait vendredi 14 mai sur les marchés financiers, touchant en particulier les Bourses et la monnaie unique européennes, les inquiétudes persistantes autour de la zone euro ayant eu raison de l’apaisement apporté par le mégaplan européen adopté dimanche. Cette défiance persistante des marchés, en dépit des efforts déployés toute la semaine par les Européens, a été encore été renforcée par des déclarations et des informations de presse qui ont semé le trouble. Des propos très négatifs envers l’euro de Paul Volcker, le conseiller économique du président américain Barack Obama, allant jusqu’à évoquer sa «désintégration», ont contribué à la chute de la monnaie européenne, selon des analystes. Celle-ci a franchi vendredi la barre des 1,24 dollar, soit son niveau le plus bas depuis octobre 2008, peu après la chute de la banque Lehman Brothers. «De toute évidence, je pense que l’on peut dire que l’euro a échoué et est tombé dans un piège qui était manifeste depuis le début», du fait de l’absence de politique budgétaire commune, a déclaré M. Volcker, ancien président de la Réserve fédérale, la banque centrale américaine.

«Les investisseurs doutent»

A cela est venu s’ajouter une information d’El Pais, démentie conjointement par Madrid, Paris et Berlin, selon laquelle le président Nicolas Sarkozy aurait menacé de retirer la France de la zone euro pour forcer Angela Merkel à accepter le plan de sauvetage de la Grèce. L’article du premier quotidien espagnol, basé sur des confidences supposées du chef du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero, dont le pays assure actuellement la présidence tournante de l’UE, a fait le tour des sites web, renforçant encore d’un cran la tension sur les marchés.

Les Bourses européennes ont fini sur de fortes baisses: -6,64% à Madrid, -4,59% à Paris, -5,26% à Milan, -3,12% à Francfort, -3,14% à Londres. Baisse aussi à Wall Street où à la mi-séance le Dow Jones creusait ses pertes à -1,84%.

«Les investisseurs doutent de plus en plus des capacités de croissance de certains pays de l’Europe alors que des politiques de rigueur budgétaire se mettent en place qui vont réduire les capacités de consommer», a expliqué un vendeur d’actions parisien. Les marchés s’étaient pourtant montrés euphoriques lundi au lendemain du plan de sauvetage massif décidé par les Européens. La monnaie unique était montée lundi à 1,30 dollar, tandis que les Bourses s’envolaient.

L’or, valeur refuge

Les analystes de BNP Paribas s’étaient dit «prudemment optimistes sur le retour à un début de stabilité sur les marchés en Europe» vendredi matin, tout en soulignant que «de vives inquiétudes» demeuraient et que les marchés avaient encore besoin d’être convaincus «de la volonté des gouvernements à réduire leurs déficits». Et elle sera nécessaire si l’on en croit le Fonds monétaire international (FMI) qui a publié vendredi de sombres prévisions. «Les risques budgétaires se sont accrus, en particulier dans les économies développées», a affirmé le FMI dans la troisième édition de son «Rapport de surveillance budgétaire multinational». Le FMI a, à deux reprises cette année, relevé ses prévisions de croissance mondiale. Mais pour lui, malgré cette amélioration des perspectives économiques, le redressement des finances publiques est insuffisant et la tendance reste mal orientée.

Le Portugal a pourtant promis jeudi de dures mesures d’austérité, dont une hausse de la TVA et une surtaxe extraordinaire, de 1% ou 1,5% selon le niveau de revenu. L’Espagne avait annoncé dès mercredi des mesures semblables, notamment une baisse des salaires des fonctionnaires. Athènes a lancé la création d’un comité de crise pour faire face aux annulations massives dans le secteur du tourisme, vital pour l’économie du pays. L’Italie réfléchit de son côté à de nouvelles mesures d’austérité.

Signe de cette tension, l’or, valeur refuge traditionnelle, a inscrit vendredi un nouveau record historique à près de 1.250 dollars l’once.

AFP


Voir aussi : Rubrique Finance , Sous pression L’UE, répond aux marchés, Traders en fête, Barnier rassure les fonds spéculatifs, Les banquiers reprennent leurs mauvaises habitudes, Rubrique Crise entretien avec Frédéric Lordon,

Impact de la crise sur la politique monnétaire chinoise

monnaie-yuan-inquieteLe plan de sauvetage d’un montant de près de 1 000 milliards de Dollars US mis en place pour empêcher que la crise du crédit grecque ne s’étende en Europe aura des conséquences sur divers aspects de l’économie chinoise, d’après les analystes.

L’accord trouvé lundi a dégagé 670 milliards de Dollars en prêts et garanties de prêts à destination de tout pays de la zone Euro ayant besoin de fonds, plus quelque 322 milliards de Dollars provenant du Fonds Monétaire International. L’objectif est d’éviter que l’euro n’explose et que la reprise économique mondiale ne déraille.

Les marchés ont très favorablement accueilli la nouvelle, les bourses du monde ayant gagné près de 3%. Les bourses du monde, mesurées par le MSCI (indice boursier mesurant la performance des marchés boursiers de pays économiquement développés) étaient en effet en hausse de 2,8%, dont une augmentation de plus de 3% pour la seule partie concernant les marchés émergents. De son côté, l’Euro a gagné près de 2% face au Dollar. En Chine, le point de référence de l’indice composite de la Bourse de Shanghai a gagné 10,38 points, soit 0,4%, tandis qu’à Hong Kong, l’indice Hang Seng a pris 506,35 points, soit 2,54%, pour finir à 20 426,64 points.

Et en Europe, les prix du pétrole ont rebondi après la baisse de la semaine dernière de 14%, remontant à 78 Dollars US le baril. Mais d’après les analystes chinois, la zone euro fait face à des incertitudes au sujet de ses avoirs financiers à l’étranger, de ses exportations, de sa politique monétaire et de la fin de son plan de relance économique.

D’après Zhang Xiaoji, économiste au Centre de Recherche sur le Développement du Conseil des Affaires d’Etat, « Le plan de sauvetage aidera les marchés à reprendre confiance et à éviter la panique, non seulement s’agissant de l’économie grecque, mais aussi des autres économies européennes ». « Cet accord favorisera la création d’un environnement économique stable et permettra de réduire les inquiétudes des gens au sujet d’une possible récession à double creux en Europe », a dit Stephen Joske, directeur du Service de prévision Chine chez Economist Intelligence Unit.

En Chine, le Premier Ministre Wen Jiabao a déclaré lundi au Premier Ministre espagnol Jose Luis Zapatero que la Chine soutenait les initiatives prises pour aider la Grèce à surmonter sa crise de la dette. L’Espagne détient à l’heure actuelle la présidence tournante de l’Union Européenne. Lors d’une conversation téléphonique avec M. Zapatero, M. Wen a demandé avec insistance que les pays coordonnent leurs politiques économiques, réforment la structure de la gouvernance financière internationale, maintiennent la stabilité des monnaies et luttent contre le protectionnisme.

Mais d’après Yu Yongding, directeur de la Société chinoise d’Economie Mondiale, il est encore trop tôt pour dire que la situation européenne s’est stabilisée. « La crise grecque a démontré clairement la faiblesse de la reprise économique mondiale », a dit M. Yu, ancien membre du Comité de politique monétaire de la Banque Centrale. « Il est difficile de prédire ce qui va arriver ensuite ». L’Euro va probablement rester faible, alors que le Dollar devrait se renforcer, a-t-il ajouté. « Cela posera un défi aux décideurs chinois, qui souhaitent diversifier les avoirs financiers du pays à l’étranger », a-t-il dit.

La Chine a dépensé une bonne partie de ses réserves en devises étrangères en actifs libellés en dollars, comme des bons du Trésor américain. Elle a aussi songé à diversifier la structure de ses investissements.« Mais à présent, il est clair que l’Euro, c’est risqué », a dit M. Yu. « Cela compliquerait la prise de décisions politiques de la Chine ». Les exportations chinoises devraient souffrir, a-t-il ajouté, car cette crise va être un frein à la croissance de l’Europe, qui est le plus gros partenaire commercial de la Chine. « Pour les pays touchés par la crise, la croisssance n’est désormais plus la priorité No 1 ; ils doivent d’abord rembourser leurs dettes et convaincre les investisseurs qu’ils sont capables de le faire ».

Cependant, d’après M. Zhang, du Centre de Recherche sur le Développement du Conseil des Affaires d’Etat, l’impact sur les exportations de la Chine pourrait être limité. « Un Euro affaibli aura des conséquences sur le commerce fait en Euros, mais la majorité du commerce de la Chine avec les pays européens est fait en Dollars », a-t-il précisé, ajoutant que les objectifs de la Chine précédemment annoncés, en croissance de 10% d’une année sur l’autre, ne devraient pas nécessairement être modifiés.

Un autre résultat de la crise européenne est que la Chine fait désormais face à moins de pression pour la réévaluation du Yuan, puisque le Dollar remonte. Mais cette hausse du Dollar pourrait également porter préjudice aux exportations américaines, que le Président Obama souhaite voir doubler en cinq ans. « Par conséquent, les Etats-Unis pourraient faire davantage pression pour une réévaluation du Yuan, pour le bénéfice de leur secteur des exportations », a dit M. Yu.

La Chine « améliorera le mécanisme de formation du taux de change », mais le Yuan devrait demeurer « globalement stable », a annoncé la Banque Populaire de Chine dans son rapport trimestriel publié lundi. D’après M. Yu, la politique monétaire chinoise actuelle, plus stricte, ne devrait pas changer, malgré les incertitudes extérieures apportées par la crise européenne. « Nous ne devrions pas nous précipiter pour la changer, étant donné la croissance excessive de l’argent disponible et du prix élevé des actifs ».

Faisant ainsi, dit-il, le taux de croissance économique de la Chine devrait ralentir cette année. La China International Capital Corporation a d’ailleurs réduit ses prévisions de croissance de la Chine d’une année sur l’autre de 10,5% à 9,5% dans son rapport publié lundi, citant les mesures plus strictes prises par le pays et les incertitudes extérieures causées par la crise grecque.

le Quotidien du Peuple

Sous pression l’Europe répond aux marchés

euro-clashLes Européens et la communauté internationale espèrent avoir enfin trouvé la parade pour stabiliser la zone euro. Les ministres des finances des Vingt-Sept ont annoncé, lundi 10 mai, au petit matin, la mise en place d’un plan de sauvetage de l’ordre de 750 milliards d’euros afin d’éviter que la crise grecque ne s’étende à l’Espagne, au Portugal, voire à l’Italie.

Le dispositif est la pierre angulaire d’une série de mesures annoncées dans la foulée par la Banque centrale européenne (BCE), le Fonds monétaire international (FMI), et les principales banques centrales de la planète. « Ce sont des mesures fortes qui contribueront à la stabilité économique et financière globale », a dit le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Le plan va « renforcer et protéger l’euro », a indiqué Angela Merkel lundi matin.

D’un montant sans précédent, le dispositif a été négocié au forceps, juste avant l’ouverture des marchés asiatiques. La réunion avait débuté sur un coup de théâtre: en raison d’un malaise, le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, a dû être hospitalisé d’urgence à sa descente d’avion.

Après son forfait, les grands argentiers ont attendu pendant deux heures son remplaçant, l’ancien bras droit d’Angela Merkel à la chancellerie, Thomas de Maizière. Réunis à Bruxelles, les ministres des finances se sont surtout déchirés au sujet des modalités du fonds d’assistance esquissé l’avant-veille par les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro.

Prêts Bilatéraux

L’Allemagne a insisté pour imposer ses conditions : pas de garantie d’Etat à un emprunt communautaire géré par la Commission, intervention du FMI en cas de besoin, et plafonnement de l’enveloppe « européenne ». Les grands argentiers se sont donc entendus sur un dispositif hybride, c’est-à-dire de nature à la fois communautaire et intergouvernementale. Dans un premier temps, la Commission européenne a été autorisée à emprunter 60 milliards d’euros pour abonder la facilité qui lui permet, avec la garantie du budget communautaire, de prêter de l’argent aux Etats non membres de la zone euro en difficulté: il a été convenu d’ouvrir ce fonds aux pays de l’Union monétaire menacés par des « événements exceptionnels échappant à [leur] contrôle » (article 122 du traité).

L’Allemagne aurait aimé en rester là. Mais selon la plupart des capitales européennes, ainsi que pour la BCE, cette seule enveloppe n’était pas de nature à enrayer les risques de contagion de la crise grecque. La Commission avait demandé un peu plus tôt dans la journée de disposer de la garantie des Etats de l’Union monétaire afin de muscler le dispositif.

Inacceptable pour l’Allemagne et les Pays-Bas. Avant un coup de fil entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel en fin d’après-midi, Berlin espérait encore dupliquer le schéma mis en place en faveur de la Grèce, en privilégiant les prêts bilatéraux, couplé à l’assistance du FMI. Comme lors du sommet de la zone euro, vendredi, ses partenaires ont exigé la création d’un dispositif « ambitieux », moins compliqué à actionner en cas de besoin.

Fonds de stabilisation

En complément, les Etats de la zone euro ont donc décidé de mettre en place une sorte de fonds de stabilisation intergouvernemental, dont ils garantiront l’activité à hauteur de 440 milliards d’euros. L’idée a été proposée par les Français et les Italiens afin de débloquer les négociations. L’instrument sera susceptible de lever des dizaines de milliards d’euros sur les marchés de capitaux pour financer des prêts, en échange d’une conditionnalité très stricte, calquée sur celle du FMI.

Deux Etats non membres de la zone euro, la Pologne et la Suède, ont promis d’offrir leurs garanties au dispositif. D’autres, comme le Royaume-Uni, ont catégoriquement exclu de le faire. La contribution de la France à ce fonds censé expirer dans trois ans devrait avoisiner les 85 milliards d’euros.

Enfin, il a été convenu avec le FMI que ce dernier abonderait les prêts européens, « au moins » à hauteur de 50 % – soit quelque 250 milliards d’euro. En échange de la création de cet instrument inédit, Espagne et Portugal se sont engagés à amplifier leurs efforts de réduction des déficits d’ici au 18 mai. Ce mécanisme va être complété par une décision spectaculaire de la BCE. Après avoir traîné les pieds, celle-ci a annoncé son intention d’acheter aux banques les obligations qu’elles détiennent d’Etats fragilisés. Pour enrayer la chute de l’euro, plusieurs banques centrales, dont la Fed américaine et la BCE, ont, enfin, engagé une action concertée en mettant en place des accords d’échanges de devises.

Philippe Ricard (Le Monde)

Repères

Le plan de secours

Création d’un «mécanisme de stabilisation européen», se composant de deux éléments

– Des prêts de la Commission européenne pouvant aller jusqu’à 60 milliards d’euros pour les pays de la zone euro en difficulté, en échange de conditions sévères. Pour cela, la Commission empruntera sur les marchés, avec une garantie apportée par le budget communautaire. Cet instrument se basera sur un article du traité européen qui prévoit que l’UE peut accorder une aide financière à un Etat en raison «d’événements exceptionnels». Un tel mécanisme existait jusqu’ici pour les pays de l’UE hors zone euro mais pas pour ceux de la zone euro.

– Un système de prêts et de garanties pouvant aller jusqu’à 440 milliards d’euros. Les Etats membres de la zone euro créeront une société spéciale pour emprunter sur les marchés (« Special Purpose Mechanism », Mécanisme dédié), avec une garantie apportée par les Etats de la zone euro proportionnellement à leur participation das le capital de la BCE.

«Nous avons décidé de créer une société qui pourra emprunter pour un total de 440 milliards d’euros», et qui «sera garantie par les Etats zone euro», a expliqué le ministre luxembourgeois des Finances Luc Frieden. La ministre des Finances française Christine Lagarde a indiqué que des garanties pourraient aussi être offertes par «des Etats volontaires hors zone euro», dont la Suède et la Pologne.

– Le FMI pourrait apporter une participation supplémentaire de 250 milliards d’euros «Le FMI devrait fournir au moins la moitié de la contribution de l’UE», soit 250 milliards d’euros, et ce «à travers ses lignes de crédit habituelles», selon le communiqué final des ministres

Mesures exceptionnelles de la BCE

L’institut monétaire a annoncé «des interventions sur le marché obligataire privé et public de la zone euro», sans préciser immédiatement leur forme. Une action concertée de la BCE et des banques centrales des Etats-Unis, du Canada, d’Angleterre et de Suisse, a été mise sur pied pour faciliter l’approvisionnement en dollars des banques de la zone euro.

Accélération de la réduction des déficits, nouvelles mesures d’économies en Espagne et au Portugal

Les ministres des Finances «sont d’accord pour dire que les projets de consolidation budgétaire et de réforme fiscale seront accélérés là où cela est justifié», indique le communiqué. Lisbonne et Madrid ont promis des mesures d’économies supplémentaires pour réduire leurs déficits en 2010 et en 2011 et présenteront le détail de ces mesures lors de la prochaine réunion des ministres européens des Finances, le 18 mai.

(Source AFP)

Plan d’austérité général

Sous la pression des marchés, la majorité des pays membres de la zone euro ont taillé leurs dépenses publiques pour contrôler leurs déficits et éviter le scénario de la crise grecque.

Grèce. A la demande de l’Union européenne et du Fonds monétaire international, le gouvernement grec, confronté à une crise de dette sans précédent, a adopté un plan de rigueur, qui prévoit 30 milliards d’euros d’économies sur quatre ans (11% du PIB), afin de ramener le déficit de 14% à 3% en 2014. Ce plan prévoit une réduction des dépenses de 11,1 milliards d’ici en 2012 (baisse des investissements, suppression de salaires des fonctionnaires et des pensions), et un relèvement des taxes. Athènes envisage aussi de repousser l’âge légal à 65 ans, et la durée des cotisations de 37 à 40 ans d’ici 2015.

Espagne. Le Premier ministre espagnol José Luis Zapatero s’est engagé à économiser 50 milliards d’euros entre 2010 et 2013 (5,7% du PIB). Un fonctionaire sur dix sera remplacé, ce qui signifie en moyenne 13.000 départs par an. Madrid mise sur la hausse d’impôts directs et indirects pour récolter 11 milliards d’euros supplémentaires. Et l’âge légal de la retraite devrait passer de 65 à 67 ans.

Portugal. Le Premier ministre portugal José Socrates a déjà déclaré que son pays serait l’un des pays qui devrait le plus réduire son déficit en 2010. Son plan présenté début mars au Parlement vise à ramener le déficit de 9,3% du PIB en 2009 à 2,8% en 2013. Il prévoit un vaste programme de privatisations, qui doivent ramener 6 milliards d’euros dans les caisses de l’Etat, dont 1,2 milliard sur 2010, et une hausse de la pression fiscale. Le gouvernement de José Socrates a annoncé des coupes drastiques dans les investissements (de 4,9% du PIB en 2009 à 2,9% en 2013), le gel des salaires des fonctionnaires jusqu’en 2013 et le remplacement d’un retraité sur deux.

France. Le gouvernement français vise à ramener son déficit de 8% du PIB en 2010, à 6% en 2011, 4,6% en 2012, et 3% en 2013, soit 95 milliards d’euros d’économies en trois ans. Le Premier ministre français François Fillon a annoncé un gel en valeur des dépenses de l’Etat sur trois ans, une baisse de 10% des dépenses de fonctionnement (entre 800 et 900 millions d’euros) et 5 milliards d’économies sur les niches fiscales.

Irlande. Le gouvernement irlandais a été l’un des premiers à réagir dès février 2009 par une hausse des impôts et un prélèvement supplémentaire de 7,5% sur les salaires des fonctionnaires. Dans le cadre du budget 2010, Dublin a procédé à une baisse des salaires des fonctionnaires de 5% à 20%, et des prestations sociales, sans compter des coupes dans les dépenses courantes et les investissements.

L’Italie se prépare à faire 26 milliards d’euros d’économies budgétaires en deux ans. Le ministre de l’Economie, Giulio Tremonti, a confirmé le maintien des objectifs de réduction du déficit public, qui devra passer de 5% cette année à moins de 3% en 2012. L’effort réalisé en 2011 sera de l’ordre de 0,8% du PIB, soit 12,8 milliards d’euros. Une manoeuvre d’égale ampleur est prévue pour 2012. Les coupes budgétaires concerneront en priorité les ministères dépensiers, notamment la santé. En revanche, la baisse des impôts reste à l’ordre du jour. « La pression fiscale sera ramenée cette année à 42,8% du PIB, son niveau en 2008 », a affirmé le ministre italien.

Le Danemark, les Pays-Bas, le Luxembourg ont aussi pensé à serrer leur budget et à contrôler les dépenses publiques, tandis que l’Allemagne n’a pas annoncé de mesures d’austérité, mais tend à revenir sur la décision de réduire les impôts.

Xinhua (Chine)

Analyses

Agissons ensemble pour une initiative politique européenne

par Patrick Le Hyaric

Chaque heure qui passe montre que les promoteurs de cette Europe ultralibérale ont enfanté avec leurs traités et leurs directives, d’un monstre dont ils n’ont même plus la maîtrise. Il n’y a pas d’Europe politique. Les tenants de la haute finance internationale narguent les responsables européens parce que ceux-ci leur ont lâché la bride dès lors qu’ils ont décidé la liberté totale de circulation des capitaux. Voilà la cause essentielle de la spéculation internationale contre les budgets de plusieurs Etats européens. Les lettres communes de Mme Merkel et de M Sarkozy n’y changent rien ! Les réunions du Conseil européen non plus ! Ce ne sont que des opérations de façade couvrant les pieuvres de la finance. Il faut maintenant cesser ces comédies dont les seules victimes sont les peuples.

Ajoutons qu’au mépris de tout principe démocratique, de toute démocratie sociale, le gouvernement grec a décrété aujourd’hui par oukase les mesures antisociales dictées par le FMI et quelques politiciens européens (mesures que nous avons révélées hier dans nos colonnes). Cela constitue un véritable coup de force contre le peuple et la démocratie grecs, on impose contre la souveraineté populaire des mesures dramatiques qui font peser de graves menaces sur la démocratie et l’avenir même de la société grecque.

Et cette tragédie risque de se retourner contre l’idée européenne elle-même. Voilà pourquoi il est indispensable que les populations, les salariés, les organisations sociales et syndicales, les forces progressistes agissent pour obtenir une initiative politique européenne, de grande ampleur. Il est absolument nécessaire d’engager désormais des réformes structurelles progressistes de l’Union européenne.

1/ Un moratoire sur toutes les dettes des pays en difficulté est nécessaire. Durant ce moratoire, il convient de sortir des budgets toutes les dettes toxiques qu’il s’agisse de celles des Etats ou des collectivités territoriales.

2/ Il faut prendre la décision politique de dépasser les règles absurdes des traités pour activer la Banque centrale européenne comme un outil de refinancement des dettes en lien avec les banques nationales à un taux d’intérêt inférieur à 1%.

3/ Il est nécessaire de créer un fonds européen de solidarité et d’entraide entre pays et pour des programmes de relance.

4/ Il est nécessaire d’urgence d’inventer un mécanisme de taxation des transactions financières pour alimenter un tel fonds.

5/ Les plans d’austérité en cours ne sont qu’une fuite en avant qui aggrave encore la crise. Il faut au contraire, à l’échelle de l’Union européenne et pays par pays, élaborer avec les organisations syndicales, avec les collectivités territoriales des plans de relance interne seuls capables de commencer à juguler la crise.

(L’Humanité)

Fragile

par François Sergent

Les Bourses exubérantes ont salué le plan européen, rebondissant après des jours de chute libre. On peut s’en féliciter, on peut aussi douter de la pérennité de ces réactions euphoriques. Bien sûr, le plan accouché difficilement dimanche soir à Bruxelles par les Vingt-Sept est massif, élégamment comparé par l’agence Reuters aux tactiques de l’armée américaine en Irak, shock and awe («choc et effroi»). On espère qu’il réussira mieux que les GI. Pour la première fois, l’Europe a rejeté ses carcans monétaristes et mis en cause la sacro-sainte indépendance de la BCE. Pour la première fois aussi, une coordination économique et un semblant de solidarité s’esquissent entre Bruxelles, Athènes et Berlin. Mais le prix à payer de cette nouvelle politique est élevé. Rigueur et austérité pour tous, y compris pour la France et son gouvernement qui jouent avec les mots. La «discipline budgétaire et fiscale» à l’allemande va de pair avec la solidarité. Au risque bien réel de contracter des économies mal remises de la crise de 2008 et partant d’aggraver leurs fragiles finances. Ce plan monté dans l’urgence d’une crise contagieuse ne s’attaque pas aux réalités fondamentales de la zone euro. La disparité structurelle entre des économies aussi disparates que celles de l’Allemagne et de la Grèce est-elle tenable ? Les Vingt-Sept sont-ils prêts à abdiquer de leur souveraineté pour réguler marchés et banques et pour coordonner leurs politiques budgétaires et fiscales ? Sinon, ce plan sera juste de la morphine, comme l’avoue le FMI.

(Libération)

Voir aussi : Rubrique Finance, Le grand Krach automatique, Traders en fête, Barnier rassure les fonds spéculatifs, Les banquiers reprennent leurs mauvaises habitudes, Rubrique Crise entretien avec Frédéric Lordon,

Plus de passion pour l’Europe

etats-unis-deurope

Europe : l'heure de l'union

Face aux protestations violentes à Athènes contre le programme d’austérité grec, l’Europe doit se serrer les coudes, écrit le quotidien de centre-gauche Der Tagesspiegel : « Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE ont maintenant une importante tâche commune, peut-être la plus importante depuis le début de cette alliance étonnante par laquelle le continent a laissé derrière lui l’horreur de deux guerres mondiales. Certes, en aucun cas ne doit surgir l’impression que la communauté s’écrase devant des meurtriers. Mais l’UE doit interpréter ces troubles comme une césure. A présent il faut une aide sincère. C’est quand il est question d’argent que commence l’amitié. Les crédits peuvent être encadrés par des promesses d’investissement, mais en définitive la communauté a besoin d’une attitude. Ce qui est demandé c’est du pathos, c’est le mot qui en grec signifie passion. … De nombreux citoyens n’ont jamais vraiment porté l’UE dans leur cœur. Mais maintenant, dans cette situation délicate, il s’agit de savoir comment elle se comprend : comme une zone de libre-échange opportuniste ou comme précurseur des Etats-Unis d’Europe. »

Der Tagesspiegel (Allemagne)


Les politiques d’Athènes doivent être justes

Après les violentes protestations à Athènes, les politiques grecs doivent désormais se serrer les coudes et aussi faire payer les riches, estime le journal économique Financial Times : « Il est devenu aujourd’hui très urgent que les forces politiques grecques s’entendent sur une solution. Bien que le Premier ministre Giorgos Papandreou dispose d’une majorité parlementaire, il ne doit pas y avoir d’exception pour l’opposition. … Le gouvernement doit également redoubler d’efforts afin d’expliquer aux gens où les coupes seront effectuées. Et il doit prouver que les nantis et ceux qui disposent de bonnes relations ne seront pas exceptionnellement exemptés de responsabilité, tandis que les individus normaux souffriront des mesures d’austérité. Une dégradation du niveau de vie des individus est inévitable. Mais celle-ci doit être juste et également perçue comme telle. »

Financial Times