Grèce : plan d’austérité innefficace et dangereux

dominique-plihonDominique Plihon est président du conseil scientifique d’Attac France. Il était à Athènes ces derniers jours et a pu s’entretenir avec plusieurs interlocuteurs de la situation économique du pays. Il revient sur la crise sociale et économique qui touche la Grèce.

Quel était le mot d’ordre principal dans les défilés mercredi?

Les Grecs sont révoltés par la manière dont le plan d’austérité va les toucher. Ils ont conscience que leur système économique ne fonctionne pas bien, mais ils ont l’impression que le fardeau d’ajustement n’est pas bien partagé, et qu’il va davantage toucher les classes moyennes et populaires.

Pourtant, les premières mesures du gouvernement Papandréou étaient plutôt bien réparties socialement. Il y avait une hausse de la TVA et du prix de l’essence, mais aussi une augmentation des droits de succession et de la progressivité de l’impôt sur le revenu. C’est sous la pression des gouvernements européens que des mesures plus régressives ont été prises. Notamment en réduisant les retraites. Certaines sont désormais inférieures à 600 euros par mois.

Hier, secteur public et privé défilaient ensemble. Les fonctionnaires sont déjà touchés, avec la suppression des treizième et quatorzième mois. Les salariés du privé s’inquiètent quant à eux de futures mesures directes sur leurs salaires, et de mesures induites, comme des licenciements.

Quels blocages peuvent intervenir dans la société grecque?

Le PIB est sous-évalué de 35% car il ne prend pas en compte le secteur informel. Cela représente un manque à gagner de recettes fiscales de 15% pour le pays. Il y a évidemment quelque chose à faire à ce niveau, mais les gouvernements n’ont jamais voulu aller jusqu’au bout car cela touche l’ensemble de la population. Par exemple, les professions libérales -médecins, avocats, architectes- ne déclarent pas leurs revenus.

Hier, outre l’incendie de la banque à l’issue dramatique, un centre des impôts a également brûlé. On m’a dit qu’il traitait des dossiers fiscaux litigieux. Il existe un gros problème d’évasion fiscale en Grèce, et Papandréou avait décidé de combattre ce problème. Il n’est pas impossible que des manipulations aient pu mener à cet incendie.

La population grecque est très sévère avec sa propre classe politique. Comment se positionne-t-elle par rapport à l’Union européenne et au FMI?

Les Grecs étaient plutôt pro-européens. Mais ils sont aujourd’hui déçus car les pays membres de l’Union européenne ont tardé à les aider. Certains économistes sont convaincus que si la commission était intervenue plus tôt pour garantir la dette grecque, on n’aurait pas eu besoin d’un plan d’austérité si rigoureux.

Quant au FMI, certains jugent qu’il est intervenu de manière plus réactive que l’UE. Mais d’autres soulignent aussi que Dominique Strass-Kahn, bien que socialiste, n’a pas modifié la doctrine du FMI sur les politiques d’ajustement structurel. Le peu d’attention porté aux effets redistributifs du plan n’a pas changé.

Le plan d’austérité doit être voté au Parlement ce jeudi. Peut-il améliorer la situation?

J’ai parlé avec plusieurs économistes grecs, et j’ai comme eux la conviction que le plan d’austérité va être inefficace et même dangereux. Il va avoir un effet dépressif sur l’activité ce qui rendra encore plus difficile le rééquilibrage du déficit extérieur. Les rentrées fiscales diminueront aussi.

A court terme, le plan va sûrement satisfaire les marchés. Mais les effets induits à moyen terme, d’ici un à deux ans, ne régleront pas les problèmes de fond.

Quelles mesures alternatives vous sembleraient intéressantes?

Il y a un effort à faire du côté des banques, qui bénéficient d’un circuit financier très pervers. Elles se refinancent auprès des banques centrales et prêtent cet argent à des taux beaucoup plus élevés. Pour mettre fin à ce phénomène de spéculation, on pourrait mettre en place un fonds européen. Celui-ci s’endetterait sur les marchés avec la signature européenne, garantie par des pays comme l’Allemagne et la France. Ces taux d’intérêt, plus bas, bénéficieraient à d’autres pays que la Grèce, comme l’Espagne et le Portugal.

Libération 06/05/10

Réflexion

Joseph Stiglitz exhorte les Européens à plus de solidarité

joseph_stiglitzL’économiste américain Joseph E. Stiglitz rejette dans un article pour le quotidien Der Standard deux issues théoriques pour sortir l’UE de la crise économique et financière actuelle : une diminution harmonisée des salaires dans les pays de la zone euro ainsi que la scission de la zone monétaire. Il demande à la place l’introduction de mécanismes de soutien financier pour les pays membres : « Il existe une troisième solution qui est porteuse des plus grands espoirs, comme l’Europe le constatera probablement. Il s’agit de la mise en œuvre des réformes institutionnelles qui auraient dû être conduites au moment de l’introduction de l’euro, et qui auraient dû intégrer son cadre nécessaire de politique fiscale. Il n’est pas encore trop tard pour l’Europe. Elle peut appliquer ces réformes et répondre ainsi aux idéaux qui s’appuient sur la solidarité et qui étaient les fondements sur lesquels reposait l’introduction de l’euro. Toutefois, si l’Europe ne le peut pas, il est peut-être préférable qu’elle reconnaisse son échec et poursuive de manière différente au lieu d’accepter, au nom d’un modèle économique défectueux, le prix fort que cela coûte en chômage et misère humaine. »

Der Standard (Autriche) 07/05/10


L’euro en état de mort clinique

La faiblesse persistante de l’euro dans le sillage de la crise grecque suscite des doutes autour de la monnaie commune. Le journal Weltwoche exprime une critique générale à l’égard de l’intégration européenne : « L’euro était dès le début un acte économique manqué. Les marchés financiers révèlent maintenant sans sentimentalisme ce qui était dès le départ erroné dans cette construction : il ne peut pas y avoir de politique monétaire commune raisonnable pour des économies nationales aussi différentes que la petite principauté du Luxembourg, le géant industriel allemand et les Etats négligents comme le Portugal ou la Grèce. L’euro est un projet politique – et ce projet a échoué. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, ce sont des mesures visant à maintenir en vie une monnaie en état de mort clinique. … L’euro est un symptôme. La maladie qui se cache derrière s’appelle l’intégration européenne. La monnaie commune devrait préfigurer l’Etat uni, de même que le traité de Schengen aurait dû être une étape sur la voie illusoire vers des Etats-Unis d’Europe. »

Die Weltwoche (Suisse ), 6/05/10

Le lobbyiste de l’armement Schreiber a corrompu l’Allemagne

karlheinz-schreiber-sterndeLe lobbyiste allemand de l’armement Karlheinz Schreiber a été condamné mercredi à huit ans de prison pour avoir fraudé le fisc à hauteur de plusieurs millions. Schreiber est le personnage clé de l’une des affaires de corruption les plus spectaculaires et les plus longues de l’après-guerre en Allemagne. Le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung examine « pourquoi la justice allemande a justement fait de lui la figure de proue de la fine fleur de ce cloaque politique de l’ère Strauß et Kohl. Il doit cette réputation douteuse à sa tendance à se considérer – dans sa folie des grandeurs – comme étant quasiment au-dessus des lois, comme le grand marionnettiste qui tire les ficelles du théâtre politique et fait danser les âmes misérables des fonctionnaires suspendues par un fil à chacun de ses doigts. … Schreiber a corrompu la culture politique en Allemagne, il a contribué à faire en sorte qu’une suspicion générale de corruption plane sur la politique et l’économie. Le mal qu’il a fait dépasse de loin le montant des ses fraudes fiscales et aucun tribunal pénal ne peut le faire comparaître pour les dégâts occasionnés. »

Süddeutsche Zeitung (Allemagne06.05.2010)

Justice Française : « La passion familiale et amicale »

pasqua19 avril 2010, l’audience de la Cour de justice, chargée d’examiner la responsabilité de Charles Pasqua dans trois dossiers de corruption et d’abus de biens sociaux lorsqu’il était ministre de l’Intérieur entre 1993 et 1995, va commencer. Marchant lentement, les mains dans le dos, légèrement incliné. L’homme se dirige vers la salle d’audience, comme un buffle qui n’a d’autre choix que d’avancer. Regardant à droite et à gauche. Ailleurs. A sa sortie, la même question lui est posée. «Qu’est-ce que ça vous fait d’être jugé par vos pairs ?»«Ça me fait… Ça me fait ni chaud ni froid ! répond-il. Moi je suis un vieux combattant. J’en ai vu d’autres…»

Voir : Je m’appelle Pasqua, Charles, je suis né le 18 avril 1927

Affaires Pasqua : Extraits des réquisitions de l’avocat général Yves Charpenel audience du 22/04/10.

“Ces trois dossiers, c’est mon sentiment après ce long parcours judiciaire, ne montrent aucune âpreté personnelle au gain, aucune volonté d’enrichissement crapuleux qu’une forme d’ivresse du pouvoir aurait pu déclencher. J’y vois essentiellement deux faiblesses qui ont fini par devenir des fautes:

– Celle de la passion politique qui, à un moment clé où le désir une mener une action politique sous sa seule maîtrise, lui a fait perdre de vue les limites pourtant évidentes de la probité publique, que ne pouvait ni ignorer ni sous estimer un homme de cette stature et de cette expérience.

– Celle de la passion familiale et amicale qui va le conduire à mettre au service de son fils unique et d’un ami politique fidèle les circuits illicites nés au coeur même du ministère qu’il dirigeait et connaissait mieux que personne.

Il est vrai que si vous pouvez croire que Charles Pasqua, ministre de l’intérieur pour la seconde fois, entouré de collaborateurs fidèles et éprouvés, a pu à ce point ignorer ce qui se passait dans son ministère et ce que faisaient, en son nom, ses proches, alors naturellement vous pourrez vous convaincre que le seul délit commis est celui de la naïveté ou de l’incompétence et vous le relaxerez. Telle n’est pas ma conviction. Et vous retiendrez la mise en place entre 1993 et 1995, entre des personnes se connaissant par coeur et connaissant par coeur le ministère de l’intérieur, d’un système atterrant mais bien réel d’utilisation à des fins personnelles de certaines fonctions attachées aux misions mêmes de ce grand ministère.

Au fond, et avec le recul de ces quinze années d’enquête, voici que se dessine cette période où tout paraissait possible, où les repères s’estompent, où un ministre puissant, un grand ministre, n’a pas su résister aux opportunités que ses fonctions lui offraient de favoriser ceux qui lui étaient chers, à titre familial ou politique.  Personne ne peut raisonnablement croire à l’extrême naïveté de cet homme face à la cupidité de ses proches, à son extrême indifférence aux devenir de son fils et de ses amis, à son extrême éloignement du fonctionnement de son propre cabinet, des services de son ministère, enfin à l’extrême incapacité de Charles Pasqua à s’intéresser au financement de ses activités politiques. Rappelant les peines encourues, dix ans d’emprisonnement, l’avocat général Yves Charpenel a poursuivi: “Il s’agit autant de punir, que de signifier à tous que cette violation de la loi n’est pas restée sans réponse. Je vous demande de prononcer une peine d’emprisonnement dont la portée symbolique forte et l’exemplarité doivent marquer l’importance de cette violation et qui tienne compte de la personnalité complexe du prévenu. Parce que, au-delà du destin personnel de Charles Pasqua, l’arrêt de la cour sera à la mesure de l’importance du tort qui a été fait à la République.

Il cite une phrase de Benjamin Constant, qui avait été évoquée dans les débats au moment de la création de la Cour de justice de la République: “les ministres sont souvent dénoncés, accusés quelques fois, condamnés rarement, punis presque jamais”. En reconnaissant Charles Pasqua coupable des faits qui lui sont reprochés et en le condamnant, dit-il aux juges de la Cour, “vous montrerez que l’application de la loi seule doit et peut répondre efficacement à ceux qui ne l’ont pas respectée, ceux qui ont usé de leurs hautes responsabilités pour servir d’autres intérêts que ceux de la République”.

France : un peu de piété

France : un peu de piété

Un enfant du bon Dieu se pourvoit en cassation

Charles Pasqua a été condamné en octobre dernier à un an de prison ferme dans le dossier de l’Angolagate. Il a formé un appel suspensif. Sa condamnation du mois dernier dans le volet non ministériel de l’affaire du casino d’Annemasse semblait en revanche définitive. L’ancien ministre avait écopé de dix-huit mois avec sursis pour financement illégal de sa campagne électorale des européennes de 1999.

L’ancien ministre de l’Intérieur et le parquet général se pourvoient tous les deux en cassation a-ton appris le  6 mai dans le Figaro. Charles Pasqua aurait pu en rester là après l’arrêt de la Cour de justice de la République qui, vendredi dernier, a clairement fait s’éloigner de lui la menace de la prison ou de la déchéance parlementaire. Mais être blanchi aux deux-tiers par la CJR ne lui suffit pas : vendredi dernier, les trois juges et douze parlementaires qui le jugeaient l’ont certes déclaré coupable dans un seul des trois dossiers (Sofremi) mais ils lui ont épargné la prison ferme en raison, selon les termes des juges, de son «âge» et de «son passé au service de la France». En le condamnant à un an avec sursis et en reconnaissant son innocence dans deux dossiers (Gec-Althsom et Annemasse), ils sont allés bien en-deçà des réquisitions de l’avocat général qui, réclamait quatre ans de prison dont deux ferme. Le recours porte sur la forme et non sur le fond.

Voir : Petites chroniques de la corruption ordinaire Rubrique cinéma Les tontons flingueurs , Main basses sur la ville, Les salauds dorment en paix,

Athènes s’enlise toujours plus dans la crise

grece-flic-banqueL’heure est grave. Mais peut-être pas encore désespérée. Quoi qu’il en soit, la décision rendue publique vendredi par l’agence de notation financière Fitch risque d’aggraver un peu plus l’état de santé de la Grèce, déjà au bord de l’infarctus financier. Fitch, troisième et dernier larron des agences de notations, a annoncé qu’elle abaissait de deux crans la note de la dette à long terme de la Grèce, la faisant ainsi glisser de BBB+ à BBB-. Ses raisons ? L’accroissement des déficits budgétaires auxquels le gouvernement grec doit faire face. Début décembre, Fitch avait été la première des agences de notation financière à rétrograder la note de la Grèce, donnant ainsi le signal du départ d’une crise financière dans laquelle Athènes n’a pas cessé de se débattre.

«L’annonce de Fitch est soit totalement stupide, soit totalement irrationnelle, soit irresponsable…» s’emporte Sylvain Broyer, économiste chez Natixis. Avant d’ajouter : «Elle est les trois à la fois.» L’attitude de l’agence ressemble à celle d’un pompier pyromane. Cette nouvelle dégradation pourrait conduire les investisseurs à exiger des taux d’intérêt sur les obligations d’Etat émises par Athènes encore plus élevés. «La Grèce doit déjà verser près de 7,3% d’intérêt sur les nouvelles obligations émises sur les marchés financiers. Ce qui était déjà insupportable comparé aux 3% d’intérêt versés sur les obligations allemandes», note un économiste. Plusieurs questions restaient sans réponses vendredi.

Bulletin. D’abord, les deux autres agences de notation, Moody’s et Standard & Poor’s vont-elles emboîter le pas à Fitch ? Pour l’instant, le bulletin scolaire de la Grèce rédigé par Moody’s affiche un A2, quand celui de Standard & Poor’s est à BBB+. Pas de quoi imaginer le pire des scénarios. En clair, il faudrait que ces deux agences descendent encore de trois niveaux leur note sur la dette souveraine de la Grèce pour asphyxier totalement Athènes.

Car une fois atteinte la limite d’une note BB par les trois agences, la Banque centrale européenne (BCE) ne prendrait alors plus «en pension» les obligations grecques détenues par les banques et les assurances, essentiellement allemandes et françaises. Un établissement financier détenant des obligations d’un Etat ne peut pas se délester de ses titres auprès de la BCE, mais juste de lui déposer «en pension». En échange, la BCE verse aux banques la valeur de cette obligation moins une commission, avec l’obligation pour elles de reprendre leur dû plus tard. Une manière pour les banques de se financer à 1% et d’octroyer ensuite des crédits à 3 ou 4%. Tout bénéf. Mais si la note la Grèce est effectivement dégradée à BB par les trois agences, alors cette belle mécanique s’arrête.

Et les choses se compliquent sérieusement. «Dans ce cas, les consignes sont claires, confie un gestionnaire de fonds. Nous avons ordre de liquider nos positions sur la Grèce.» De quoi déclencher une grosse panique. En Grèce d’abord. En Europe ensuite. Cette contagion finirait par se répandre comme une traînée de poudre sur tout le reste du système financier européen, notamment via les fonds qui se sont gavés de titres de la dette grecque.

«À tout moment». C’est justement pour éviter le pire que l’UE s’est dit prête, dès vendredi, à aider si nécessaire la Grèce. «Nous serons prêts à intervenir si les Grecs le demandent», a déclaré le président de l’UE, Herman Van Rompuy. Quelques instants plus tard, c’était au tour de Nicolas Sarkozy de déclarer : «L’Union européenne est prête à activer son plan de soutien financier à la Grèce à tout moment.» Présent à ses côtés, l’Italien Silvio Berlusconi a abondé dans son sens, allant jusqu’à déclarer : «Nous avons intérêt à apporter tout notre soutien, sinon il y aura des conséquences très négatives sur notre monnaie.» Les dirigeants européens se sont mis d’accord le 25 mars sur un mécanisme, associant des prêts de pays de la zone euro et du Fonds monétaire international (FMI), pour aider Athènes. Selon plusieurs rumeurs, un plan sonnant et trébuchant pourrait même être annoncé dès lundi. Sur les 35 milliards d’euros dont la Grèce a besoin d’ici la fin de l’année, les pays de la zone euro pourraient financer Athènes à des taux allant de 1,5% à 3,5% et à hauteur de 25 milliards. Le reste serait apporté par le FMI.

Mais pour activer un tel plan, il faudra la bénédiction de Berlin. Pas gagné. Le gouvernement allemand est resté vendredi très prudent sur le sujet. Il a assuré par la voix d’un porte-parole du ministère des Finances que le plan d’aide «peut être mis en œuvre rapidement». Mais, a-t-il ajouté, «nous croyons que la Grèce peut arriver à atteindre ses objectifs par ses propres moyens».

Vittorio De Filippis  Libération

Voir aussi : Rubrique Finance La spéculation attaque l’Europe par le Sud, crise entretien avec Frédéric Lordon, Les banquiers reprennent leurs mauvaises habitudes, Grèce grève contre les mesures d’austérité,

La réévaluation du yuan en question

Une réévaluation de la monnaie chinoise, le yuan, comme l’ont récemment demandé les Etats-Unis, ne résolvera pas le déséquilibre du commerce mondial et pourrait même menacer l’économie mondiale, ont déclaré des experts ainsi qu’une agence de l’ONU.

CHINA CURRENCYLe poids du rééquilibrage de l’économie mondiale ne doit pas reposer sur un seul pays et sur sa monnaie, a déclaré mardi la Conéfrence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). « Attendre de la Chine qu’elle livre son taux de change à la merci de marchés hautement incertains et qu’elle prenne le risque de s’embourber dans une crise à la japonaise suite à l’appréciation de sa devise c’est ignorer l’importance du yuan pour la stabilté intérieure chinoise ainsi que pour la stabilité régionale et mondiale », souligne un document d’orientation émis par l’agence onusienne. Une perte de compétitivité de la Chine aurait des conséquences dangereuses pour le monde, précise le document.

Soumis à la pression des échéances électrorales et du taux de chômage élevé, cinq sénateurs américains ont présenté mardi un projet de loi comportant des sanctions sévères à l’encontre de la Chine au cas où elle ne réévaluerait pas sa monnaie. Ce projet est l’une des diverses propositions présentées par les membres du Congrès américain contre ce qu’ils appellent un yuan délibérément sous-évalué. Lundi, 130 membres du Congrès ont écrit au gouvernement, demandant à l’administration Obama de prendre des mesures pour tenter de réévaluer le yuan par rapport au dollar.

Cepandant, la CNUCED a noté qu’un système de taux de change complètement fixe/lié ou à l’inverse entièrement flexible/flottant nest pas efficace. L’expérience montre que ces « fausses solutions » contribuent à la volatilité et aggravent les déséquilibres mondiaux. Selon l’agence onusienne, la Chine est l’économie émergente qui a le plus oeuvré pour stimuler la demande intérieure pour lutter contre la crise mondiale. Ainsi, le volume de ses importations s’est considérablement accru. La consommation privée chinoise a augmenté à l' »allure folle » de 9% en 2009 en chiffres absolus, dépassant de loin les tentatives des autres grandes économies de relancer leur marché intérieur, a précisé la CNUCED.

Les tensions autour du yuan chinois ont commencé à émerger un mois avant que le département du Trésor américain ne décide ou non de qualifier dans son rapport semestriel au Congrès la Chine comme un pays manipulateur de devise. Le président Barack Obama a demandé jeudi dernier à la Chine d’adopter un taux de change davantage orienté vers le marché, ou de permettre le renforcement du yuan.La pression du président américain sur la Chine concernant le taux de change de sa monnaie est une manifestation de l’hypocrisie des pays occidentaux et ne fonctionnera pas, a déclaré un économiste britannique. » Le président joue avec le feu (…) Obama doit vraiment faire preuve de prudence. Les Etats-Unis courent le risque de déclencher ce qui pourrait devenir une guerre commerciale acharnée », a écrit dans le Sunday Telegraph Liam Halligan, économiste en chef chez Prosperity Capital Management. Même si les exportations chinoises se sont accrues de 46% au cours des deux premiers mois de 2010 en glissement annuel, il faut relativiser cette augmentation qui part d’un niveau bas dans la mesure où le mois de février 2009 se trouvait au milieu de la tempête des subprimes qui avait pris naissance aux Etats-Unis, a-t-il noté.

Il a également souligné le fait que l’excédent commercial de la Chine a chuté de 51% au cours de la même période, ce qui signifie que le fruit des exportations de la Chine a été inférieur à la hausse des importations. « Cela n’appuie pas l’hypothèse de M. Geithner (secrétaire américain au Trésor) selon laquelle le yuan est bien trop bas », a martelé M. Halligan. Evoquant l’appel lancé par M. Obama à la Chine pour qu’elle adopte un « taux de change plus orienté vers le marché », M. Halligan a indiqué que Washington est en fait le plus grand manipulateur de devise au monde.

« La réalité est que la politique du dollar faible des Etats-Unis – pratiquée depuis longtemps pour permettre à la dépréciation de leur monnaie afin de réduire la valeur de leur dette étrangère – est la plus grande manipulation de devise de toute l’histoire de l’humanité », a indiqué M. Halligan.

Xinhua

Voir aussi : Rubrique finance , La Chine resserre ses taux hypotécaires, Si Pékin cessait d’acheter la dette américaine,

Sarkozy vante le nucléaire civil comme « ciment d’une nouvelle solidarité internationale »

carte_nuage_nucleaire_japonNicolas Sarkozy a résolument plaidé pour le développement du nucléaire civil dans le monde, souhaitant qu’il devienne « le ciment d’une nouvelle solidarité internationale » et que la France y joue un rôle moteur, lors de la conférence internationale organisée lundi à l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, à Paris.

« La France veut coopérer avec tous les pays qui souhaitent le nucléaire civil », a déclaré le chef de l’Etat, inaugurant la conférence. « La population mondiale croît et s’enrichit. Nous aurons besoin de 40% d’énergie en plus d’ici 2030 », a-t-il expliqué. « La solution n’est pas dans les idéologies de la décroissance ou du repli« , a argumenté M. Sarkozy, montrant du doigt « des idéologies égoïstes qui veulent maintenir les pauvres dans la pauvreté ».

La priorité va à la « lutte contre le réchauffement climatique », a assuré le président. « Il faut le nucléaire civil et il faut les énergie renouvelables, il faut les deux », a-t-il estimé, rappelant que « 80% de la croissance de la consommation électrique d’ici 2030 viendra de pays non membres de l’OCDE: il faut donc que le nucléaire s’implante dans de nouveaux pays« . Dans ce contexte, a-t-il dit, « le nucléaire civil peut être aux yeux de la France le ciment d’une nouvelle solidarité internationale ». Dressant la liste des « points essentiels » à ses yeux, M. Sarkozy a d’abord évoqué le financement du nucléaire civil dans le monde: « je ne comprends pas et je n’accepte pas l’ostracisme du nucléaire dans les financements internationaux », a-t-il affirmé, y voyant « matière à scandale ». Les institutions financières internationales -notamment la Banque mondiale- doivent à son avis s’engager « résolument » dans le financement de l’énergie nucléaire civile.

Toutefois, a-t-il souligné, « il ne peut pas y avoir de développement du nucléaire civil sans engagement de la transparence ». En matière de « sûreté nucléaire », le président a donc souhaité « qu’un organe indépendant sous l’égide de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique, dépendant de l’ONU) établisse sur des bases scientifiques et techniques incontestables une grille d’analyse internationale », ainsi que la mise en place d’un classement des réacteurs proposés sur le marché « selon le critère de la sûreté ».

Nicolas Sarkozy a insisté sur le « respect de la non-prolifération » de l’armement nucléaire, mettant en exergue « la décision volontaire prise en 2003 par la Libye » dans ce domaine -laquelle Libye n’a pas répondu à l’invitation à la conférence de lundi. « Je propose donc que nous suspendions notre coopération nucléaire avec les pays qui ne respectent pas leurs obligations », a-t-il déclaré. « La France sera intraitable à l’encontre de ceux qui violent les règles de sécurité collectives« , a averti le président français.

Le chef de l’Etat a annoncé la création d’un « Institut international de l’énergie nucléaire » à Saclay (Essonne) et Cadarache (Bouches-du-Rhône), dans le cadre « d’un réseau international de centres d’excellence spécialisés en cours de constitution ». Il a aussi évoqué le thème de la « sécurité de l’approvisionnement en combustibles », en proposant la « création d’une banque du combustible à l’AIEA ».

Enfin, en ce qui concerne la « gestion des combustibles usés et des déchets ultimes », M. Sarkozy a prôné « le recyclage », sur le modèle de la France. « Il me semble que c’est la voie la plus prometteuse pour l’avenir », a-t-il estimé. « C’est pourquoi la France veut continuer à coopérer avec de nombreux pays en mettant ses installations de retraitement et de recyclage au service de tous ceux qui n’en ont pas. » Dans la foulée du président français, le président de la commission européenne José Manuel Barroso a mis en exergue le cas de pays comme l’Iran ou la Corée du Nord, « dont les activités nucléaires présentent des risques de sécurité pour la communauté mondiale ».

« Tout pays a le droit d’accéder au nucléaire civil. Les traités internationaux le précisent bien. Mais pour l’Europe, le respect des normes de sûreté, de sécurité et de non-prolifération les plus strictes n’est pas négociable », a-t-il à son tour insisté. Par ailleurs, M. Barroso a incité le reste du monde à s’aligner sur l’Union européenne, qui depuis juin 2009 a adopté « un cadre communautaire pour la sûreté des installations nucléaires ». Cette décision donne « une force juridique contraignante aux principales normes internationales de sûreté nucléaire, notamment celles de l’AIEA » a-t-il souligné.

AP 09/03/10

Fillon mise sur l’aide de Tokyo pour défendre le nucléaire civil au G8

Le Premier ministre français François Fillon a plaidé , au deuxième jour de sa visite au Japon, pour que les deux pays soutiennent ensemble au G8 la cause du nucléaire civil, seule voie selon lui pour répondre aux besoins d’énergie des pays émergents.

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La France et le Japon doivent être « les porte-parole au niveau mondial d’une utilisation raisonnée de l’énergie nucléaire« , a-t-il lancé en visitant à Rokkasho (nord) un centre de retraitement inspiré de celui de La Hague (ouest de la France). Le ministre de l’Economie japonais, Akira Amari, qui l’accompagnait, a affirmé que cette déclaration était « un message extrêmement important » sur les « défis difficiles » que sont l’énergie et le climat, les deux dossiers-phare du prochain sommet du G8, sur l’île japonaise de Hokkaido.

La réunion aura lieu du 7 au 9 juillet, et M. Fillon a « espéré »  que Paris et Tokyo sauront proposer d’ici là aux autres membres du G8 « une action commune » en faveur du nucléaire civil. Les deux pays multiplient depuis plus de trois décennies les coopérations industrielles dans le domaine nucléaire. Dans une nouvelle déclaration écrite vendredi, ils affirment partager « la même vision du rôle prépondérant qu’aura l’énergie nucléaire pour la prospérité et le développement durable au XXIe siècle ».

Un thème que M. Fillon a développé  à Rokkasho, un site né d’une association entre Japan Nuclear Fuel et le français Areva. Refuser aux pays émergents l’accès au nucléaire civil, a-t-il lancé à la presse, serait « une faute politique » provoquant « l’instabilité à terme du monde« . « Si on n’est pas capable de trouver, grâce à la science, le moyen d’apporter à ces habitants l’énergie dont ils ont besoin pour leur développement, alors nous nous préparons des jours extrêmement sombres« , a-t-il encore prévenu.

La France a signé ces derniers mois des accords de coopération nucléaire civile avec l’Algérie, la Libye et les Emirats arabes unis. Ceux-ci sont vus comme une première étape avant l’étude de centrales nucléaires.  Areva a, pour sa part, conclu un accord avec Mitsubishi Heavy Industries pour développer un réacteur nucléaire adapté aux pays émergents. Le chef du gouvernement français a également insisté au Japon sur l’intérêt du nucléaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. « Si l’on prend en compte la totalité des centrales nucléaires européennes, l’économie de rejet de CO2 dans l’atmosphère, c’est l’équivalent de la totalité du parc automobile européen », a-t-il encore souligné.

M. Fillon est le premier dirigeant français à se rendre officiellement le Japon depuis Jacques Chirac en mars 2005. Il sera suivi en juillet par le président Nicolas Sarkozy, qui fera une brève étape à Tokyo sur la route du G8.Ces deux visites successives, a-t-on confié de source française, sont utiles pour « rassurer » le gouvernement japonais, « inquiet » de l’intérêt croissant porté par la France et les Européens en général à l’éternel rival chinois.

AFP : 12/04./08 –

Voir aussi : Rubrique Economie Nucléair civil:  tour du monde des nouvelles puissances, rubrique Santé Manifeste pour l’indépendance de l’OMS, rubrique Japon L’accident nucléaire,